CRIME DE
LESE-ZAIM
Nous sommes en 1963. Ben Bella parade dans son col mao au
sommet du hit-parade du zaïmisme. La population longtemps orpheline a enfin trouvé le
grand-frère qui la rassurera et la protégera.
Ali El Postier nous est venu de Bordj Ménaiel. C'est lui
qui a remplacé Mme Trident à la poste du village. Mme Trident est repartie en France
juste avant l'indépendance; la poste a été fermée et il fallait bien qu'elle ouvre à
nouveau pour permettre aux émigrés d'envoyer de leurs nouvelles et de leur argent aux
leurs.
Le portrait du Zaim est collé sur tous les endroits où il
peut tenir et le journal ne peut faire une édition sans y mettre une de ses photos.
Ali El Postier et monsieur Spinosi le directeur de l'école
primaire se sont pris d'amitié. Ils n'arrêtent pas de se parler à voix basse en riant
sous cape. Le manège n'a pas échappé aux villageois qui, entièrement acquis aux
soupçons de complotite (le maquis du FFS faisant partie de l'amère réalité de cette
époque) ne pouvaient penser que les deux hommes pouvaient se raconter des histoires tout
simplement... grivoises.
C'est O.T qui s'aperçut du crime commis par Ali El
Postier... Il vint l'annoncer aux écoliers... "Ali El Postier a craché sur le
journal qui contient la photo de Ben Bella devant Spinosi !"...
Les élèves furent pris d'un terrible vent de révolte; les
adultes s'en mêlèrent et le village vécut des scènes dignes du KKK...
Les gendarmes durent intervenir pour évacuer Ali El Postier
et Spinosi et empêcher leur lynchage par la foule surexcitée.
Spinosi revint à son école le lendemain; il était
admissible qu'il ne vouât pas du respect pour notre président car ce n'est pas le
sien... Mais Ali El Postier ne remit plus les pieds au village et on ne sut jamais ce
qu'il était advenu de lui...
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