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1- Le nouveau siège de la commune a été inauguré presque
à la sauvette... L'ancien siège fermé... On a envoyé plein de travailleurs pour
refaire cet ancien siège; on y a même apposé une plaque à l'entrée de ce qui fut le
service de l'état-civil, une plaque sur laquelle on a écrit "ABRD", le sigle
du club local. Aujourd'hui 23 décembre 2001, l'ancien siège qui aurait
pu loger tout le mouvement associatif de la commune a été squatté... Le maire
à qui il reste quelques semaines pour terminer son mandat s'y est installé avec armes et
bagages. Le maire occupait l'appartement du chef de la garde communale qui fut la
première victime des islamistes armés. Il s'est octroyé un logement évolutif qu'il a
laissé tel quel... Le maire a occupé la mairie... qui trouvera à redire... |
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2- L'électricité continue à se faire
désirer. Depuis le 10 novembre, une chute brutale de tension perdure et empêche certains
quartiers de recevoir même l'image de la télévision... Qu'importe puisque les quartiers
des responsables sont eux, dûment éclairés... |
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3- L'eau ne coule plus dans les robinets
depuis belle lurette... Les "citerneurs" s'en donnent à cur-joie. On a
épuisé les prétextes: les pompes qui grillent, les tuyaux qui fuient, la source qui se
tarit... On ne prend même plus la précaution de justifier cette gabegie... pourquoi
justifier, pourquoi se justifier quand personne ne vous demande des comptes: ni les
responsables des administrations de tutelle ni les administrés... les premiers
n'interviennent que quand les seconds barrent les routes et les seconds n'ont même pas de
routes à barrer... |
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La route... le Chemin de wilaya 125 qui
traverse le village n'en finit pas de manger son noir... aujourd'hui le liséré de
macadam ne dépasse pas un mètre sur beaucoup de tronçons et les fossés des bas côtés
se sont creusés littéralement au milieu de la chaussée... Le maire, le sous-préfet, le
wali et même les ministres n'arrêtent pas de sillonner cette route pour les visites
d"'inspection et de travail"... Ils n'ont pas encore entendu les
gémissements des carrosseries sur les galets de cette route devenue piste... C'est vrai
que quand une voiture de l' Etat gémit, un commis de l' Etat qui s'y trouve n'éprouve
pas la même douleur qu'éprouverait un quidam en entendant gémir la carrosserie de sa
propre ferraille... |
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Samedi 5 janvier 2002: Tout le village est enveloppé dans un gros
murmure... il était d'abord question de rapt et les mines se sont faites sinistres et
inquiètes; petit à petit on a compris qu'il s'agissait de fugue et les mines se sont
déridées pour revêtir ce rictus carnassier qui caractérise la cynique satisfaction
devant les malheurs d'autrui... La femme du boulanger de Pagnol venait de faire une jeune
émule... l'histoire avait toutefois beaucoup moins de bonhomie... |
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Jeudi 10 janvier 2002: La mosquée vit une de ses crises cycliques
qui montrent qu'elle reste un lieu propice à la complotite avant que d'être un lieu de
culte. Juste avant le Ramadhan les "fidèles" ont vu venir un jeune homme à
l'apparence très "religieuse"... les villageois avec un air de grand respect se
sont chuchotés " il a le magister !...". Le look de beaucoup de jeunes
a commencé à se transformer et l'affluence à la mosquée n'a jamais été aussi
forte... Passé l' Aïd, le jeune homme a été rappelé par sa tutelle et affecté dans
une grande mosquée de la ville. Cela n'a pas été du goût d'une frange des
"fidèles" infidèles à l'habituel imam... Ils se sont déplacés en groupe ou
individuellement, de jour ou de nuit pour demander à ce que le nouveau venu soit
intronisé à la place de l'ancien qui devrait déjà avoir pris sa retraite comme ils se
sont plus à argumenter... Hélas pour eux ! le Directeur des Affaires religieuses,
intransigeant sur la réglementation n'a pas voulu écouter leurs appels du cur en
chur... Cette histoire a creusé encore plus le ravin entre les trois clans qui
essaient de s'imposer avant les prochaines échéances électorales par l'entremise de la
mosquée et dont chacun est chapeauté par une tendance politique... Les jours à venir
verront monter crescendo cette crise sous les exhortations des gourous qui se sont
toujours servis de ces clivages pour créer la diversion sur leurs turpitudes... Affaire
à suivre ! |
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Vendredi 11 janvier 2002: Encore une crise au village ! Cette fois-ci
ça s'est passé au dernier cercle des joueurs de belote... Mahfoud le professeur et
Rachid le policier ont eu une sérieuse altercation et ni Omar la Coinche qui cuve
toujours son chômage ni Chachou le directeur d'école ni H'mida l'appariteur ni Aissa le
postier n'ont réussi à faire revenir les deux protagonistes à de meilleurs
sentiments... Leur table au café ne va plus retentir des ohhhhhhhhhh ! de dépit, des
ehhhhhhhhh ! de reproches, des ahhhhhhhhh ! de résignation ou des ohé ohé !
d'allégresse... Il faut espérer que l'appel de la raison heu... de la passion fera
revenir nos joyeux amis vers leur table car à chaque fois qu'une table se vide au café,
c'est un degré de "maussaderie" supplémentaire qui tombe sur le village. |
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Lundi 14 janvier 2002: Annoncée depuis quelques semaines, c'est
enfin aujourd'hui qu'elle se déroulera. Ces quelques semaines ont été mises à profit
par la vieille mariée pour se parer de ses plus beaux atours... L'essentiel étant de
subjuguer le visiteur, elle s'est poudrée comme une catin de lupanar et elle a attendu,
le cur battant, les jambes molles. Il est passé et en guise d'hymen, c'est un
liséré rouge qu'il a déchiré car sa virginité, elle l'a perdue depuis longtemps,
n'ayant jamais refusé une faveur à ses pseudo-servants... Le ministre délégué auprès
du Ministre de l'intérieur est enfin passé... les peintures nouvelles qu'on a apposées
sur les trottoirs et les murs de l'itinéraire officiel ainsi que celles qui ont servi à
écrire les banderoles de bienvenue n'ont pas résisté à la pluie qui tombe depuis hier
et qui n'a pas du tout été prévue... Cette pluie a faussé beaucoup de calculs puisque
les rues par lesquelles devait passer notre illustre visiteur et qui avaient été
soigneusement nettoyées sont devenues des bourbiers... Monsieur le Ministre aura compris
que cette situation est indépendante de la volonté de ses hôtes... Des hôtes qui vont
rejoindre leur hibernatorium en attendant la prochaine visite... |
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Mardi 15 janvier 2002: Il pleut depuis hier... une bruine
très fine que les fellahs aiment à voir tomber car elle descend sans brusquer la terre,
en glissant des plus hautes feuilles des oliviers aux plus profondes racines. Oued El
Djemaa a eu seulement le temps de s'aménager une fluette voie de passage pour aller
rejoindre l' Isser... C'est cette ambiance morose qu'a choisie Moho pour tirer sa
révérence. Le dernier voyage vers le cimetière de Sidi Athmane s'est effectué sous
bonne escorte et c'est à la nuit tombée que le cortège funèbre est rentré. Si
Hamid m'a dit dans un regard grave que la terre n'est pas repue car dépassé le
derme de cette terre, son épiderme renvoyait sèchement la pioche de ceux qui creusaient
tout à l'heure la tombe de Moho... Je ne sais si la gravité de l'air de Si Hamid avait
un rapport avec sa tristesse pour la mort de son ami ou avec sa pitié pour la terre
assoiffée... |
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Moho Haroun est mort... On ne
reverra plus ses yeux malicieux, ses moustaches espiègles et son vieux paletot noir...
Moho était un homme à l'ancienne; il accordait un respect sans bornes à ses moustaches;
et les moustaches des anciens, c'est leur parole, leur honneur, leur fierté... Un jour
qu'il fut appelé à régler un différend entre deux beaux pères et qu'il fut agacé par
l'un d'eux qui demandait à chaque fois à en référer à sa femme, il eut, excédé,
cette réponse: "ramène nous ta femme pour qu'on négocie directement avec elle et
vas donc prendre sa place aux fourneaux". Repose en paix, Moho ! |
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Samedi 19 janvier 2001: Il a fait très beau; la terre gorgée de
pluie s'est remise à vivre. Oued Djema a évacué vers l' Isser les saletés qu'il a
accumulées depuis sa dernière crue qui remonte à plus de 8 mois; les mines des
villageois sont un peu plus réjouies et hier j'ai vu Omar Sadaoui très loin près du
pont. Quelqu'un a du lui céder une parcelle de terre et il était sûrement en train de
planter quelques fèves. Les années passées, il n'allait pas si loin; il exploitait les
petites parcelles délaissées du côté du Boutboul mais cette satanée autoroute qu'on
n'arrête pas de réaliser a asphyxié de ses poussières toutes les plantations de cette
région. El H'Midi m'a dit tout à l'heure que les dernières pluies sont très favorables
à une récolte exceptionnelle de fèves quant à la régénération des sources, il m'a
précisé qu'elle dépend des pluies de "hayane" en mars. |
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Dimanche 20 janvier 2001: L'autoroute a encore commis un crime... Said
Adjou possède 11 figuiers à El Maasra... des figuiers d'une rare prodigalité et qui
donnent autant de "bithar" (figues violettes précoces) que de
"bakhsiss" (figues de saison), de taille très modeste mais de saveur exquise.
Il les entretenait presque avec autant d'amour qu'il entretient sa vache. Je sais (et pour
cause !) qu'il fait chaque année chaabet Ouambir, chaab ettolba, z'babedj el metrouk et
bien d'autres ravines des alentours pour trouver des "dhoukkar" (figues de
fertilisation) qu'il accroche en grappes à chaque arbre. Cette pratique de fertilisation,
il est l'un des rares villageois à continuer à la pratiquer. Il a espéré jusqu'au
dernier moment qu'on allait lui laisser ses figuiers; les préposés à l'évaluation des
biens à exproprier n'ont pas pris en compte ses arbres; il leur a écrit pour leur
signaler leur "oubli" en priant qu'une réponse lui soit donnée et qui lui
signifierait qu'il ne s'agissait pas d'un oubli. Aujourd'hui ils ont fait passer leurs
engins et ont déraciné tous les arbres; il était absent... en constatant les
dégâts, ses lèvres se sont mises à trembler, il n'a pas pleuré; mais ces larmes
qu'il a réprimées sont restées comme un très mauvais sang dans son corps fourbu par 78
années de labeur et de privations... |
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Dahmani Rabia est mort. Il
est mort à 22 ans ! C'était un jeune homme d'une grande gentillesse et d'une parfaite
politesse. Il faisait la fierté de l'équipe locale de yoseikan-budo; il était
d'ailleurs champion d'Algérie dans sa catégorie de poids. Il avait décroché son
bac et s'était inscrit à l'université mais un mal sournois l'avait empêché de suivre
et ses études et ses entraînements... Il a commencé à dépérir et, faute de suivi ou
parce que le mal était incurable, il a fini par abdiquer devant la faucheuse. Il sera
enterré demain à Ain Cheriki... Il n'y aura pas foule. Tous les officiels de la wilaya
et d'ailleurs ignorent qu'un champion est mort. L'indigence peut faire d'un champion un
être anodin comme la richesse peut faire d'un être sans envergure une figure notoire. |
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Le gazoduc a encore été saboté
cette nuit. Toute la région qui va de Dra El Mizan à Bezzit et de H'lala à Boulerbah a
vécu une sorte de "nuit américaine" pendant quelques heures. Ce n'est pas la
première fois que ça se passe mais on espère que ce sera la dernière. Ce ne sont pas
autant les dégâts économiques ou l'impact médiatique qui inquiètent. Les gaz qui
brûlent influent très peu sur ces questions puisque d'autres événements plus
tragiques, plus spectaculaires ou plus coûteux ont été commis ici ou ailleurs... ce
sont les dégâts écologiques que tout le monde doit avoir à l'esprit. Au matin, la suie
recouvrait les toits des maisons et des véhicules à des dizaines de kilomètres
alentours, cette pollution ne montrera ses effets que dans quelques temps avec ses pluies
acides et les espèces fragiles qui disparaîtront de nos contrées. Si on se rendait
compte du nombre de créatures qu'on détruit en allumant un feu, on se priverait à coup
sûr de faire un brasero ou même un barbecue en pleine nature pour laisser le feu aux
seuls fourneaux (les petits comme les hauts)... |
PS: Le journal l'Expression, en
donnant cette information, est allé d'un commentaire tendancieux... Le correspondant
local, sans doute pressé de divulguer la nouvelle a prétendu que les localités
environnantes allaient souffrir du manque de gaz de ville... entre autres localités, il a
cité Djebahia. Il faut informer les autorités qui prendraient cette information pour
argent comptant qu'il n'en est rien et que le village attend toujours qu'on daignât
l'alimenter comme les autres chefs lieux de commune d'alentours et certains patelins
perdus d'ailleurs...
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Lundi 21 janvier 2002: A 19 h le courant électrique s'est débiné
sans crier gare. Ca commence très sérieusement à énerver, ces sautes d'humeur aussi
imprévisibles que fréquentes... Après l'eau qui ne coule plus et dont tout le monde
s'accommode de la fatalité de l' absence dans les robinets, après le gaz butane qu'il
faut aller chercher de plus en plus loin ou acheter de plus en plus cher, après la route
qui revient très rapidement à sa situation d'avant Mc Adam, après le téléphone qui
n'a même plus la prestance du télégraphe d'antan, voilà le courant électrique qui
fait la partie belle aux bougies... C'est dur de monter, c'est encore plus dur de chuter,
surtout quand la chute est d'une cruelle brutalité... |
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Mercredi 23 janvier 2002: C'est un jour de plein soleil, un de ces jours
qui vous réconcilient avec la vie... rien d'autre à ajouter question climat... question
politique, c'est beaucoup moins beau... un parti politique ayant décidé
d'organiser une "journée d'étude sur les législatives" à Lakhdaria...
un responsable politico-administratif de premier plan n'a pas trouvé mieux que d'envoyer
des invitations pour rameuter les zélotes... des invitations à en tête de l'institution
publique qu'il préside, sous son sceau et avec son papier, écrites à l'aide de
ses machines et de ses secrétaires et distribuées par ses plantons ... donnant raison à
ceux qui ont accusé son parti d'être un "parti de l'administration"... le
scandale s'arrêtera sûrement là. Qui va en effet avoir le courage de dénoncer ce
superbe pied de nez aux usages administratifs et politiques ?... |
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Dimanche 27 janvier 2002: Les gendarmes sont passés en trombe aux
environs de 19 h; ils se sont dirigés tout droit vers une "salle de jeu"
située au lotissement. Les badauds se sont vite rassemblés autour de cette salle et ont
vu les gendarmes fouiller ses moindres recoins puis revenir avec des jeunes hommes dans
leurs véhicules tous terrains. Ca a crée vite fait de nombreux rassemblements dans tous
les recoins du village et tout le monde est allé de sa spéculation et de ses
hypothèses. On a parlé de drogue, de diffusion de films osés... Tout le monde sait que
ces deux choses là et pire encore se font presque à ciel ouvert dans tous les bouges qui
s'ouvrent à tours de bras, sous les oliviers des bords de route et dans les maisons en
construction du lotissement évolutif. Tout le village connaît les petits barons de la
drogue, les pourvoyeurs en films X mais tout le village laisse faire parce que les
villageois qui sont des Djeha en puissance ne considèrent le fléau comme fléau que
quand il les touche directement dans leurs chairs, dans leurs biens ou dans leurs âmes... |
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Jeudi 01 février 2002:
le soleil continue à
taper sur les nerfs... l'eau se fait de plus en plus rare ailleurs mais chez nous, les
échéances électorales se rapprochant, cette denrée qui a boudé les robinets depuis
des lustres est revenue comme par miracle... Elle coule à flots dans certains quartiers
au point où elle arrive à déferler pour faire des trottoirs ou de ce qui s'y apparente,
des ruisseaux en crue... Dans certains autres quartiers, la citerne municipale sert cette
eau avec le sourire et la profusion, deux facteurs de gestion que nos édiles ont pourtant
semblé avoir exclus de leur lexique. |
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Jeudi 7 février 2002: Il a plu... mais comme la pluie avait peur de
se montrer toute seule après une si longue absence, elle a ramené avec elle ses
gorilles: le vent, le tonnerre et l'éclair et bien encadrée, elle a profité de la nuit
pour s'abattre sur la région... Les gorilles n'ont pas fait de quartier; ils se sont
attaqués mêmes aux pylônes et aux fils qui les relient et à quatre heures du matin,
ils ont eu raison de leur résistance... Nous nous sommes réveillés dans le noir et ce
n'est que dans l'après midi d'aujourd'hui, après que la visiteuse et ses anges gardiens
se soient retirés que l'electricité a pu être rétablie. Les gros nuages continuent à
décorer le ciel et il fait un froid assez vif... les hauteurs de Bouhandjar et de Bezzit
se sont même permis de mettre leurs burnous blanc... Pourvu que ça dure, même au
détriment de la lumière car si l'Isser s'est ébroué, Oued El Djema continue à dormir
du sommeil du juste... |
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Mardi 18 mars 2001. De l'eau a coulé sous le pont de Oued Djemaa... du sang aussi !
... depuis le 7 février, date de notre dernière chronique, il s'est en effet passé des
choses au village. Il y'eut d'abord la pluie, à deux reprises, elle a revigoré les blés
et fait s'ébrouer l'oued Djemaa... puis elle s'est éclipsée et l'inquiétude est
revenue rider les fronts des paysans...Il y'eut aussi l'Aid El Kebir et les moutons qu'on
chérit avant d'égorger dans un rituel immuable... Il y'eut encore des tas de petits
trucs qu'il serait fastidieux d'énumérer... et si j'ai décidé de reprendre ma
chronique aujourd'hui c'est qu'un très gros événement vient de se passer: L'INDUIT
EST MORT...Il a trépassé hier après une dernière rasade... C'est
littéralement un pan du village qui s'est écroulé. On ne reverra donc plus ce petit
bout d'homme qui hantait le village de ses yeux malicieux...L'INDUIT est mort et on
oubliera très difficilement sa sempiternelle casquette et ses réparties...C'est lui qui,
dans les années 70 a ramené d'on ne sait ou cette exclamation succulente que tout le
village lançait et qui continue à ponctuer leurs discussions: "lala yedhlamm
!"...Repose en paix, l'INDUIT... Il y'a sans doute dans l'au-delà une place pour
ceux qui adoraient Bacchus sans prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages
comme nombre de ces faux dévots qui t'ont fait un procès post-mortem... |
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Jeudi 4 Avril 2002: Journée de très grand vent... beaucoup de paraboles n'ont
trouvé d'autres alternatives que de faire les soucoupes volantes et les eucalyptus des
bords de route se sont élagués... Et même un olivier du bord du CW125 n'a pu résister
à la violence des vents. Et bien sûr, il y'eut les effets secondaires inévitables:
téléphone perturbé, courant électrique coupé... C'est aujourd'hui que Si
Hamid a convolé en justes noces... en secondes noces, à 86 ans... Qui
dira ce qu'il adviendra de ses succulentes réparties et de la gouaille qui en a fait
parfois une référence en bons mots du terroir. |
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Vendredi 12 Avril 2002: Le temps est maussade... la pluie est tombée
drue sur l'Algérois, nous, nous avons eu droit à quelques giclées et à beaucoup de
vent; un vent froid et violent. Les perdreaux ont commencé à lancer leurs chants du
Boutboul. Le printemps se fait fort d'imposer sa présence en lançant ses coquelicots à
l'assaut des champs malgré la pauvreté des herbes qu'une sécheresse tenace a rendues
rabougries... Pour le reste, c'est le calme plat... le kiosque de la place et qui était
fermé depuis belle lurette a été réaménagé et a ouvert ses espaces ombragés aux
villageois. Il y fait très bon s'y prélasser, les jeunes qui l'ont pris en location sont
très sympathiques et vous incitent à vous y attarder... |
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Samedi 13 Avril 2002: Il pleut sans discontinuer depuis ce matin.
Cette pluie, selon les connaisseurs est bénéfique pour les pois-chiches ... encore
faudrait-il qu'on ait eu l'idée et surtout qu'on ait concédé l'effort d'en planter...
C'est une pluie fine qui devrait patiemment s'incruster jusqu'au plus profond des racines
des oliviers... mais c'est aussi une pluie qui a fait des rues du village de vrais
bourbiers... Ali M'Birem est mort hier terrassé dit-on par une crise
cardiaque... son enterrement est prévu pour aujourd'hui... |
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Mardi 30 Avril 2002: Les enseignants de l'école primaire sont en
effervescence... Ils viennent de se rendre compte après une dizaine d"années que
des logements de fonction sont occupés par des quidams qui ne font pas partie de la
confrérie des marchands d'alphabet. On parle d'un préavis de grève... Même si de prime
abord ces maîtres d'école semblent avoir raison, on ne peut s'empêcher de sentir des
relents de manipulation dans l'air à la veille des élections...Il y'a fort à parier par
ailleurs que les enseignants montrent du doigt les logements délabrés de l'école mais
ont le regard tourné vers les nouveaux logements sociaux qu'on construit sur les lieux
qu'occupait la cave vinicole et qui vont être livrés incessamment. Le ridicule ne tuant
point, c'est l'édile du village qui va être chargé de trouver le compromis qui
permettra aux enseignants de revenir à leurs classes et les indus occupants de continuer
à occuper les lieux... Quand on sait que le premier "squatter" fut cet édile (voir plus haut), on comprendra
qu'il y'a quelque chose de pourri dans ces histoires... |
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Mardi 30 Avril 2002: Les effets de la sécheresse sont maintenant
dramatiquement apparents. Les asphodèles du cimetière chrétien ont abdiqué et leurs
feuilles parsèment les lieux d'un ocre de parchemin. Le champ de fèves d'en face dresse
des tiges clairsemées et les céréales des environs de Boubekeur, de Mahas et de
Z'babedj El Metrouk se sont fanés à moins de 20 cm du sol. Le spectacle des fenaisons et
des meules qui font le dos rond au soleil, l'odeur si prégnante des exsudations des foins
ne seront pas de la partie cette année... |
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Mardi 7 mai 2002: Hécatombe sur l'évitement de Lakhdaria... un bus venant de
Biskra est allé s'écraser sous un des ponts de l'oued Isser qui s'amuse à slalomer sous
la route... bilan; 21 morts et de nombreux blessés. Comme pour marquer sa colère contre
cette tragédie, le temps s'est couvert et il a fait littéralement nuit à 14 h... Une
pluie enragée est descendue en trombe sur la ville et en un clin d' il les rues
sont devenues des torrents. Le ciel s'est mis à tonner sans interruption semblant gronder
comme une multitude de tigres en colère. Les éléments en furie se sont ensuite
déplacés vers le village où ils ont laissé choir leur trop plein de rancur. |
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Jeudi 30 mai 2002: Élections législatives. Exit le RND, que (re)vive le
FLN... Qui parmi ces "militants" bavant de haine contre les
"militants" de l'autre clan peut se targuer de croire au programme du parti
qu'il défend ? En réalité, chacun a trouvé dans sa formation-secte non pas ce qui
l'arrange mais surtout ce qui dérange l'adversaire devenu ennemi... et on les a vus
piaffant d'enthousiasme pour leurs chapelles ardentes, sans se rendre compte que ceux d'en
haut font tout pour que ceux d'en bas se regardent en chiens de faïence quand eux se
ressemblent comme les dalmatiens de Disney et se rassemblent comme des vautours à la vue
d'une charogne... Ce fut loufoque, cette procession de voitures sonnant la victoire du FLN
en traversant les rues totalement défoncées d'un village devenu épave par la vertu de
l'incurie des uns et des magouilles des autres... Ce fut loufoque, cette triste mine
arborée par des suppôts d'un RND dont la mission a été décrétée terminée alors
qu'ils se croyaient intronisés à vie... Nos villageois déjà prédisposés aux
sournoiseries ont trouvé dans ce multipartisme débridé une aubaine pour donner libre
cours à leur imbécile mentalité paysanne qui veut que le bonheur de l'individu soit
tributaire du malheur du voisin... Un vrai gâchis... et ce sont aujourd'hui les petits
crétins de comploteurs dont certains se recrutent malheureusement parmi mes propres amis
qui ont la côte parce qu'ils ont appris à développer le langage de la haine alors que
nous avons toujours été les chantres de la tolérance et de l'humanisme. C'est triste...
Cette lutte sourde et dont les motivations remontent parfois à des considérations
tribales ou historiques très éloignées dans le temps a été bénéfique à un outsider
que personne n'attendait... le représentant du PT a profité de la dispersion de
l'électorat RND pour se placer... D'aucuns diront que ce jeune homme que rien ne
prédestinait à une carrière de député n'a rien d'un trotskiste... Ils omettront de se
demander ce que les partisans du RND ont à voir avec la philosophie de ce parti (si
philosophie il a !) et les chauds fans du FLN avec le programme de ce dernier (si
programme il a !)... |
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Mardi 18 juin 2002: Pour meubler les soirées du village, on n'a pas
trouvé mieux que de ramener... la loterie ! Elle s'est installée à la place du village
et cette fois-ci on a même ramené des balançoires qui reçoivent des tas de bambins
autour desquels s'agglutine une foule d'adultes frustrés de ne pouvoir eux aussi
"s'en balancer"... C'est aussi ça, la culture dans un village où les édiles
ne connaissent de ce mot que la première syllabe... |
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Samedi 30 juin 2002: Résultats du Bac et du BEF... Si pour le
sésame de l'université ce fut mitigé, pour le BEF c'est une véritable catastrophe !
Une épreuve de maths et une épreuve d'Anglais sadiquement concoctées ont eu raison du
bel entrain des prétendants au lycée... sur 280 candidats, 70 seulement ont été reçus
et il est à craindre que les passages du collège vers le lycée soient sérieusement
compromis pour ceux qui ont eu le malheur d'échouer car les notes du BEF sont
déterminantes et d'après ce qu'on en dit, elles sont inconcevablement basses... Un
zélé marchand d'alphabet, a encore usé de son trop plein de rancur pour frapper
l'innocence des enfants en leur imposant une charge trop lourde pour leurs frêles
épaules au nom de je ne sais quelle philosophie imbécile qui veut qu'un examen soit
considéré d'abord comme une sanction au lieu d'un simple test d'évaluation... Il a bien
raison Prévert qui disait: "il n'y a pas de problèmes !... il y'a des professeurs
!". Que ces vacances gâchées à tous ces jeunes trop imbécilement sanctionnés se
transforment en cauchemars pour ceux qui en sont la cause ! |
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Dimanche 1er Juillet 2002: La faucheuse a encore fait des siennes !
Elle a frappé le mercredi... Le vieux BOUCHAFA en a fait les frais. Il
est parti à jamais après s'être éclipsé graduellement du village pour usure de son
vieux corps trop sollicité par l'effort comme celui de tous nos septuagénaires qui ont
vécu la guerre, l'année du "bon", le typhus, le "khammassa" etc
... Hier samedi, elle est revenue planer sur le village et cette fois ci elle a
choisi une victime dont rien ne montrait la prédisposition au grand départ...
SENOUCI Said - "Tidjou" pour ses amis, enseignant au CFP de Kadiria a
tiré sa révérence. Ce fut d'une brutalité inimaginable. Une crise, une seule a suffi
pour l'emmener à un âge où l'idée de mort est la dernière à vous passer par la
tête... |
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Mardi 31 Juillet 2002: Le mois de juillet s'est passé dans son habituelle
canicule; une canicule accentuée par un sirocco récurrent et une sécheresse
persistante... L'eau a quand même coulé durant deux jours dans les robinets puis ces
derniers sont revenus à leur quiétude habituelle; certains initiés des secrets de
l'EPETO disent que c'est la pompe qui a grillé; d'autres affirment que la nappe s'est
asséchée... et les "citerneurs" ont repris leur sarabande... L'autoroute
continue à se dessiner sous les poussières et les bruits des engins... Juillet a aussi
vu la disparition de la sur de Si Hamoud l'Imam; il y'eut foule à l'enterrement au
cimetière de Braika. Côté politique, l'effervescence monte chaque jour d'un cran. Les
RNDistes ont perdu leur morgue et leur suffisance et racolent très large mais
très subrepticement; les FLNistes osent maintenant s'afficher; ils ont mis leurs pénates
chez "el Hadj" Lamri au lotissement et chaque soir ils se rencontrent au vu et
au su de tout le village pour tirer des plans sur la comète; les autres, Trotskistes,
Islamistes de différentes tendances, berberistes etc... fourbissent leurs armes dans une
plus grande discrétion. La loterie s'est déplacée à Aomar gare et la place du village
a retrouvé son silence. Les logements qui se construisent à la place de la cave
coopérative et au quartiers des eucalyptus sont en voie de finition et tout le monde
attend de pied ferme leur distribution... Les élus en poste les ont déjà promis à ceux
qui leur ont garanti leur voix; les postulants au pouvoir en ont fait de même... certains
électeurs, plus malins que les autres, ont promis aux un et aux autres de leur donner
leurs voix pour s'assurer contre toute mauvaise surprise... La mosquée, sous la férule
d'une association religieuse qui ne lésine sur rien pour faire participer les croyants en
organisant des sortes de "taoussa" à la criée à toutes les occasions, n'en
finit pas de se construire et c'est M'Hamed Alliouat qui a eu l'insigne honneur de lui
ériger un minaret qui devrait, vu sa hauteur, faire rougir de honte et rager d'envie les
associations religieuses des villages environnants... |
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Samedi 03 Août 2002: Une tempête de sable d'une rare violence s'est
acharnée sur le village le 2 à partir de 15 H... Le vent a eu raison d'une des
quatre "danyozettes" qui datent d'avant 1962 et qui ont résisté à tout
sur le bord de la route juste en bas du dernier virage au delà duquel on aborde la ligne
droite qui mène au village. Le corps disloqué du malheureux arbre a été emporté dans
les instants qui ont suivi sa chute pour être indignement incinéré dans quelque
chaumière l'hiver prochain. Le vent a coupé le courant pour toute la nuit et la journée
du 3 août; il n'a été rétabli qu'à 18 h quant au téléphone il reste coupé... Le
téléphone et l'eclairage public sont par ailleurs en train de se faire prendre en
charge... l'heureux entrepreneur qui a bénéficié du dernier marché de la commune a
creusé un long fossé tortueux tout le long de la route, des "nouaders"
jusqu'à "la SAS"; ledit fossé qui doit accueillir les câbles a été parfois
réalisé à même le fossé d'écoulement des eaux pluviales, en face de la
"cité" afin de ne pas empiéter sur les nombreux jardins potagers que les
habitants des lieux se sont permis de faire littéralement sur le talus de la route et
qu'ils ont clôturés à l'aide de tôles, barbelés, planches, roseaux, branchages etc...
ce qui donne à ce tronçon du chemin de wilaya 125 un aspect très peu esthétique... Qui
donc osera arrêter cette gabegie quand tout le monde ne voit dans les coupables
d'infractions que des voix à récolter au prochain scrutin ... qui donc pourra intervenir
pour rectifier le tracé du passage des fils électriques et téléphoniques afin de
réaliser une opération efficace et durable ? Mais il y 'a pire car, à voir la
frénésie des squatters qui s'empressent de prendre possession des parcelles vides à
côté de l'ancien dépôt de l'EMAL, on ne peut s'empêcher de penser à une curée
dûment organisée à des fins bassement électoralistes... |
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Samedi 3 Août 2002: Said Ourabah est mort... c'est encore une figure
emblématique du village qui disparaît. C'est terminé... on ne le verra plus traverser
la place du village en traînant la savate et en lançant de nonchalantes réparties comme
s'il se parlait à lui-même. Il ne reposera ni à Boubekeur ni à Braika, ni à Ben
Haroun ni à Sidi Athmane, il sera inhumé "conformément à ses vux" au
cimetière de sa région d'origine, très loin dans la tribu des Ouled Laaziz, à Si Moh
El Khozzène. |
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Mercredi 7 Août 2002: Après la mort controversée d'un jeune homme
travaillant à Alger au sein de l'institution judiciaire, Ben Haroun enregistre la
disparition d'une bonne dame emblématique... Elle y officiait comme "voyante".
C'est peut-être l'une des dernières représentantes de cette "profession". Son
champ d'action se situait surtout autour des difficultés de croissance des enfants et
elle suppléait psychiquement aux efforts somatiques des médecines modernes pour remettre
des couleurs sur les mines anémiées des mioches. |
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Jeudi 8 Août 2002: Cela fait bien longtemps que le ciel tonne pour
rien... Cette nuit il s'est enfin libéré d'une pluie diarrhéique. Au petit matin, la
terre exhalait de tous ses pores des senteurs de chaume et d'argile mouillés. Une
fraîcheur agréable raffermit l'épiderme des visages distendu par des journées de
grosse chaleur. Les paysans disent que la nature dans la complice intégration de ses
éléments, ordonne au temps de rafraîchir l'atmosphère en ces journées aoûtiennes
pour permettre au figuier de mieux faire mûrir ses fruits. Dans l'après-midi une très
généreuse ondée accompagnée de grosse grêle a pris pour épicentre le village et
s'est étalée sur un rayon de moins de deux kilomètres alentours à vol d'oiseau. Du
pont sur la RN 5 à Ben Haroun, il est tombé des trombes d'eau que la terre pourtant
avide n'a pas pu totalement ingurgiter puisqu'il en est resté des flaques jusqu'à la
nuit. |
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Jeudi 8 Août 2002: Je ne sais s'il y'a un quelconque phénomène de cause
à effet entre la pluie diluvienne qui s'est abattue sur le village et le drame vécu
brutalement par la famille d'Amar Kahlouche. La nouvelle s'est propagée comme une
traînée de poudre: le fils d'Amar Kahlouche est mort électrocuté dans la douche
publique qu'il gérait. La consternation au village est lisible à ciel ouvert... il
suffit de traverser la rue principale pour se rendre compte que quelque chose de très
grave s'est passé. Les villageois se rassemblent par petits groupes, les mines se font
sinistres, la parole se fait basse... en voyant ce rituel catastrophé on comprend vite
qu'un drame a eu lieu et c'est tellement contagieux qu'on perd son enthousiasme sans le
vouloir. |
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Vendredi 9 Août 2002: La journée est entièrement placée sous le signe du
deuil. C'est après la prière qu'un cortège funèbre impressionnant s'ébranla de
Djébahia pour se diriger vers le cimetière de Lalla Braika. Il ne reste malheureusement
que ces rencontres autour des tombes fraîches pour rassembler toute la population
tiraillée par les divergences d'intérêt, les intérêts politiques et la politique de
clans... Le jeune homme inhumé aujourd'hui est réputé d'un grand sérieux et d'une
grande piété; c'est peut être l'un des rares enterrements à avoir connu une verve si
spontanée de la part de toute la population du village dans ses différences d'âge, de
condition sociale et d'appartenance politique. |
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Samedi 10 Août 2002: Depuis la tempête de sable du vendredi 2
Août, le téléphone est coupé pour la plupart des abonnés du village. Selon les PTT,
c'est un camion qui a détruit un gros câble en contrebas, à Aomar. Cette coupure
intervient après celle de la semaine d'avant et qui a duré plus de cinq longues
journées... Ce sont des situations comme celles-ci qui incitent à penser que certains
agréments des temps modernes ne sont pas encore à notre portée et qu'il est peut être
plus intelligent de réduire nos ambitions à ce que nous pouvons au moins entretenir... |
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Dimanche 11 Août 2002: On a enfin rétabli le téléphone...
Espérons qu'aucun arbre ne viendra faire tomber une de ses branches sur les fils, que le
vent saura arracher autre chose que les poteaux téléphoniques, que les amateurs du coup
de feu éviteront de prendre pour cible les hirondelles en conclave et que les revendeurs
de fils de cuivre iront trouver d'autres sources d'approvisionnement afin de pouvoir
disposer au moins pour une quinzaine de jours d'affilée de cet outil. |
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Vendredi 6 Septembre 2002: Les fêtes succèdent aux fêtes. La rentrée
étant déjà là, on se presse pour expédier les mariages et les cortèges nuptiaux tous
klaxons hurlants, n'arrêtent pas de sillonner nos routes avec le caméraman d'usage qui
immortalise... les voitures ! Contrairement ou à cause de l'euphorie festive,
l'effervescence politique est légèrement tombée... Il faut dire que le FLN - donné
favori parce que le vent a tourné, s'est retrouvé embourbé dans de sales affaires de
luttes intestines et de listes qui se font et se défont au gré des clans... Ce n'est pas
fait pour déplaire au RND dont le maître d'orchestre, usant d'un art consommé de
l'intrigue et de la complotite (il a fait bonne école au FLN durant au moins trois
décennies) a réussi à aligner une équipe qui, bien qu'insipide ou grâce à son
insipidité réussit à garder son homogénéité. C'est dire que les jeux ne sont pas du
tout faits... mais le commun du peuple sait que dans un cas comme dans l'autre, c'est
encore la rationalité et la bonne gestion de ses affaires qui sont remises au calendes...
algériennes ! |
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Mardi 1er Octobre 2002: La chronique villageoise s'alimente
goulûment des cancans de la campagne électorale. Le RND conduit par El Bled, et
le FLN conduit contre toute attente par Na'ouri n'arrêtent pas de se faire des bras
d'honneur. Si le RND s'est totalement embourbé dans la malsaine ambition du maire sortant
qui fait de sa réélection une question de vie ou de mort, le FLN lui, dirigé de sous
les oliviers de "la SAS" ou des QG secrets par des revanchards, des affairistes
et une classe aussi arrogante que bornée de nouveaux riches qui ne doivent leur fortune
qu'aux coups de pouce milliardesques de certains fondés de pouvoir, le FLN disais-je
racole large en exploitant les carences dudit RND. Le ballet des cortèges électoraux
klaxonnant et hurlant, offre l'image désolante d'un village qui, au lieu de serrer les
coudes pour panser ses plaies suintantes de toutes parts, s'amuse à s'euthanasier en
faisant le jeu de quelques tireurs de ficelle qui ne regardent que leurs intérêts
bassement matériels ou d'ambitieux qui n'ont d'yeux que pour leurs nombrils. |
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Mercredi 2 Octobre 2002: Rabah Adjou, le fils de Ammi Essaid est mort
aujourd'hui à la fleur de l'âge. Il traînait depuis plusieurs mois une tumeur
cancéreuse qui a fini par avoir raison de ses résistances. Une foule nombreuse l'a
accompagné à sa dernière demeure. Il reposera sûrement en paix car d'une part il
n'avait amassé ni fortunes douteuses comme certains ni occupé des postes
importants comme d'autre; il n'avait donc même pas la possibilité d'accomplir de
mauvaises uvres et puis, il a suffisamment souffert dans ce bas monde pour qu'on
puisse croire que dans l'autre il ne trouvera pas le repos... |
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Lundi 7 Octobre 2002: Fin de la campagne électorale pour les
élections locales. C'est l'occasion pour le RND et le FLN de donner leur show final. Le
FLN a mobilisé ses troupes sur les véhicules habituels de ses soutiens acharnés et de
ses sponsors friqués. Nombre de ces soutiens n'ont en vérité rien à voir avec la
philosophie ou le programme du parti si philosophie et programme il a... Leur
soutien dérive en droite ligne d' intérêt bassement matériel ou d'opportunisme
circonstanciel (le FLN ayant le vent des décideurs en poupe) ou de revanchardisme
sournois... Quant au rival RND, il a mobilisé la cour du maire sortant et l'hétéroclite
amalgame de ses soutiens dont certains ne sont sortis du statut
d'"intouchable" que grâce à lui. Mais la campagne s'est axée principalement
et curieusement sur une guerre sourde entre le maire sortant et certains gros
bénéficiaires de largesses indues gracieusement accordées par certains candidats
du parti adverse. C'est ce qui a fait dire à nombre d'observateurs que les élections
seront fatales à El Bled ou à... Amaragrobis (surnommons le comme ça...) et non à
Rachid qui n'en serait qu'un lieutenant. Un fait qu'il faut signaler aussi et
relatif aux cortèges: ceux du FLN paraissaient plus rutilants et les zélés fans
étaient transportés relativement plus à l'aise sur des fourgons de transport de
voyageurs; les crieurs du RND eux chevauchaient des montures moins fringantes et on
en a même vu des grappes agglutinées sur... deux tracteurs agricoles ! |
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Jeudi 10 Octobre 2002: Après une campagne endiablée où l'irréparable n'a été
évité que grâce à la pleutrerie des uns et des autres qu'on appellera sagesse pour ne
pas choquer, après des journées et des nuits de boucan et d'arrogantes démonstrations
de force, les élections pour les assemblées locales se déroulent enfin aujourd'hui...
Il n'y a qu'à voir le rictus de détermination sadique qu'affichent les électeurs pour
comprendre qu'ils ne vont pas autant voter pour leurs candidats que voter contre les
candidats des autres. Le RND conscient qu'il peut perdre s'est fait tout petit et le FLN
assuré presque de pouvoir vaincre bombe le torse. Mais le clou du spectacle, ce sont les
deux prétendants au fauteuil communal qui le donnent. El Bled, affalé contre la
rampe du drapeau en pleine cour de l'école regarde défiler les électeurs en suppliant
presque du regard pour qu'ils votassent pour lui... N'aouri qui s'est affublé d'un
burnous noir plus grand que lui, n'arrête pas de courir entre les bureaux de vote,
ne sachant s'il faut relever les pans de son burnous ou sermonner les cerbères qu'il a
placés pour surveiller les urnes des manipulations perfides des sbires d'El Bled. |
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Vendredi 11 Octobre 2002: La nuit a été riche en rebondissements...
Les "tahia l'FLN" n'ont pas arrêté d'alterner avec les "Yahia l'RND"
en fonction de l'arrivée des PV des villages. Et à minuit, le FLN sentant la cause
gagnée a donné de la derbouka et fait youyouter ses femmes... C'est au petit
matin que les résultats définitifs ont basculé en faveur du RND qui, se trouvant à
égalité de sièges avec le FLN bénéficie du droit d' aînesse d'El Bled sur Na'ouri...
Et ce fut un terrible retournement de situation... l'euphorie des RNDistes dura jusqu'à
l'aube et le FLN , constatant qu'il avait encore une fois raté l'occasion de défenestrer
El Bled sombra dans la déprime. Dès le lever du jour, les manifestations de joie des
RNDistes éclatèrent par klaxons et slogans interposés. Celui qu'on n'attendait pas, le
mouvement Islah qui n'était venu aux élections qu'en dernière minute et sans conviction
réussit à décrocher le 9eme siège qui aurait pu en faire l'arbitre de la confrontation
entre El Bled-Amaragrobis sans la clause de la loi électorale qui a introduit le droit
d'aînesse. Ne connaissant pas cette clause, les partisans d'Amaragrobis auraient
tenté d'arracher à l'aide de 65 millions de centimes le soutien de l'élu
Islah, ce qu'il aurait accepté... mais la transaction aurait
buté sur l'extrême clarté de ladite clause... (Ceux qui seraient tentés de
nous faire quelque procès en diffamation doivent noter le conditionnel que nous avons
utilisé). Nous ne pouvons clore le sujet sans citer les tendances par villages...
ainsi à Djébahia-ville, à Ain Cheriki et El Hamra, c'est le FLN qui aurait été
majoritaire (on parle même de suspicion de fraude à Ain Cheriki) tandis qu'à Chaabet
Lakhera, Harchaoua et Lahguiya c'est le RND que serait sorti majoritaire. |
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Vendredi 11 Octobre 2002 bis: L'ancienne mairie qui sert de domicile à El
Bled ne désemplit pas depuis ce matin. Les électeurs qui lui ont permis de continuer à
sévir comme maire n'arrêtent pas de le féliciter et la place du village et les ruelles
menant vers la résidence de l'heureux édile sont noires de voitures et de monde. Gageons
que l'occasion sera propice à tous les embusqués pour venir aussi montrer patte blanche
eux qui, derrière l'isoloir ont peut être mis dans l'enveloppe tout sauf celle qui
portait le portrait d'Ouyahia. Les nouvelles des élections continuent à tomber...
la commune d'Aomar a donné ses faveurs à Ali Lachehab après avoir laminé le RND et le
FLN tandis qu'à Kadiria c'est le FLN qui aurait détrôné le RND de Salah Sobaïhi. Les
jours à venir connaîtront d'autres développements... Les élections communales ont
totalement éclipsé celles des Assemblées Populaires de Wilaya dont nous donnerons les
résultats dès leur promulgation. |
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Vendredi 11 Octobre 2002 ter: Pendant que défilent les porteurs de
vux à notre maire d'alors dont tout porte à croire qu'il sera reconduit comme
maire de demain, les zélés fans du FLN, la mine aussi grise que le temps de ce week-end
attendent devant le siège de leur parti un éventuel coup de théâtre qui leur redonnera
les clefs de la mairie pour le prochain quinquennat. Le choc de la désillusion de la nuit
aurait conduit le chef de file de cette formation à l'hôpital et tout le beau monde qui
brave le froid et la pluie attend les résultats officiels de l'élection et espère son
intronisation car c'est le FLN qui aurait remporté le plus de voix et le RND aurait
profité de la clause du droit d'aînesse en exploitant un quiproquo entre nombre de
voix et nombre de sièges. D'aucuns affirment même que les crieurs du FLN pourraient se
transformer en casseurs au cas où leur candidat n'obtiendrait pas gain de cause... Il
reste à savoir ce qui reste à casser dans un village en ruine... |
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Samedi 12 Octobre 2002: Le village continue à vivre sous les
secousses résiduelles du séisme du 10 octobre 2002 qui a crée une faille sociale qui
rendrait jalouse celle de San Andréas ... Devant la maison d'El Bled transformée
littéralement en koubba, les présentateurs de vux continuent à défiler tandis
qu'un peu plus haut, au siège du FLN, les groupes de supporters continuent à attendre le
verdict comme des prévenus attendent leur condamnation ou leur relaxe. Faisant preuve
d'une sagesse détonnant avec la haine incommensurable qui a envahi les tristes acteurs de
cette tragi-comique situation, Essaïd Guerrache se prépare à s'envoler demain pour les
lieux saints afin d'y effectuer son pèlerinage... |
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Lundi 14 Octobre 2002: Une grosse rumeur circule au village... Les
fans du FLN seraient décidés à se venger de leur défaite électorale sur... les
édifices publics (mairie, écoles car c'est presque tout ce que le village compte comme
édifices publics). Devant le siège du FLN transformé littéralement en QG d'une armée
en guerre, des groupuscules se forment et se déforment pour se reformer plus loin alors
que la sarabande continue devant l'ancienne mairie qui sert de résidence à El Bled. La
nuit a porté sûrement conseil aux va-t-en guerre qui piaffaient d'impatience d'en
découdre avec les... vitres car aucune pierre n'a été lancée contre les fenêtres... |
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Mardi 15 Octobre 2002: La nuit a sûrement porté conseil aux
quelques militants-miliciens du vieux parti... On ne sait comment fut répercuté le mot
d'ordre mais à dix heures les premiers pneus commencèrent à brûler à El Maasra puis
ce sont les écoles qui reçurent des visiteurs décidés qui sommèrent les
responsables de libérer les élèves, ce que ces derniers firent d'ailleurs de très bon
cur parfois... La route entre le village et El Maasra a été totalement coupée à
la circulation à l'aide de troncs d'arbres et de pierres et le siège de la commune
cadenassé à l'aide d'une grosse chaîne. Les "manifestants" encadrés par des
élus de premiers rangs se conduisirent quand même en gens très civilisés puisque
aucune brutalité contre quiconque ne fut signalée. Les sbires du maire pour leur part,
firent preuve d'une retenue inimaginable quand on connaît leur capacité de nuisance. La
manifestation avait ce caractère pathétique des vaines batailles et ce sont les pauvres
arbustes des bords de rues qui souffrirent bien plus que tout le reste car ils furent
délestés des grillages protecteurs qui servirent à barrer la route. Le caractère
loufoque de cette contestation réside en réalité non pas dans les actions entreprises
mais dans son principe même... Les contestataires ont sûrement oublié qu'ils devaient
s'inscrire avant tout dans une logique de parti et laisser faire les états-majors de leur
parti au lieu de laisser libre cours à l'interprétation qui les arrange et qui peut
très sérieusement déranger la stratégie du Parti. C'est ce qui renforce la conviction
de nombre d'observateurs selon laquelle le pauvre FLN ne sert - dans le cas de notre
village - , à son corps défendant que de tremplin à des visées qui n'ont rien de
politique... C'est d'ailleurs la même chose aussi bien pour l'inénarrable RND,
pour l'ineffable PT que pour le MRN dont tout le monde s'accorde à reconnaître le
caractère artificiel de la liste concoctée en un temps trois mouvements pour les besoins
de la cause... du FLN ! |
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Mercredi 16 Octobre 2002: Le village continue à vivre les péripéties
de la fronde de l'équipe FLN aux communales... La route d'El Maasra a été dégagée et
les grosses pierres sur les talus témoignent encore de ce qu'ont subi les passagers comme
désagréments. L'enthousiasme des protestataires s'est émoussé et le siège du FLN
était clos à 18 H... Quelques rares badauds continuent à espérer quelques sensations
fortes mais, à l'évidence, la protesta s'est essoufflée pour ne pas dire qu'elle s'est
littéralement éteinte. L'équipe qui l'a initiée devrait maintenant comptabiliser ses
pertes et elles sont considérables. Le capital sympathie que le FLN en tant que parti
sage, pondéré, légaliste et réaliste avait engrangé a été dilapidé par cette
action qui se situe aux antipodes des pratiques du vieux parti. les hommes aussi bien que
les organisations sociales, culturelles ou politiques normalement constituées sont
anarchistes à l'adolescence, modérés à la maturité et conservateurs au 3eme âge...
Cette poussée anarchisante d'un FLN qui a largement entamé sa phase de sénescence
ressemble à l' escapade polissonne d'un vieillard... Les meneurs acharnés de cette
protesta ont perdu beaucoup de leur crédibilité et il est certain que nombre d'entre eux
se sont faits politiquement hara-kiri; comme quoi la politique est un jeu d' adulte qu'il
ne faut jamais confier à des adolescents en la matière. |
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Jeudi 17 Octobre 2002: C'est un jour de marché habituel sauf que le
poissonnier de Lakhdaria n'est pas venu occuper sa place à côté de la fontaine
publique. Ayant certainement pris connaissance des nouvelles du front (de libération
nationale), amplifiées à la démesure par les journaux et radio-trottoir, il a
dû se dire que le village vivait sous les barricades et les gaz lacrymogènes... Pour le
reste, on va graduellement assister à la normalisation... El H'midi va reprendre ses
rapiéçages bénévoles du macadam après avoir joué pour une fois dans sa vie au
contestataire... il aura fort à faire pour dégager la route de tout ce qui a été
utilisé pour l'obstruer. |
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Vendredi 18 Octobre 2002: La routine a repris ses droits et une chaleur
inhabituelle pour pareille période ajoute une note de monotonie au village. Les
soubresauts politiques se sont totalement estompés et la normalisation est déjà en
phase très avancée. C'est demain que sera officiellement intronisé le maire lors d'une
séance où la solennité le disputera à l'emphase. Il était temps que la commune
reprenne du service au moins pour débarrasser le village de ordures ménagères. |
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Samedi 19 Octobre 2002: El Bled fête son intronisation par une zorna
du bon vieux temps. La troupe folklorique a commencé à aguicher les villageois dès 19 h
en s'exhibant dans la place publique. Les jeux ne sont pourtant pas entièrement faits
puisque le chef de Daira (sous-préfet) à qui est revenu le rôle ingrat de présider la
cérémonie d'investiture aurait refusé de le faire en l'absence des élus du FLN qui,
après avoir lamentablement raté leur protesta, boycottent maintenant l'assemblée comme
le feraient des élus FFS... Le chef de daira, ex-maire FLN est stipendié à tout bout de
discours par les RNDistes pour son penchant trop marqué en faveur de son parti et c'est
l'histoire qui se répète... l'ex chef de Daira fut, tout le monde s'en souvient, accusé
par les FLNistes d'être un suppôt du RND quand ce parti avait le vent en poupe... Les
militants des deux formations n'ont pas compris que les sous-préfets, là où ils
existent, font leur, raison d'état oblige, cette citation d'Edgar Faure qui dit:
"ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent" ... A signaler que le
ramassage des ordures a été effectué aujourd'hui... |
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Dimanche 20 Octobre 2002: Notre sous-préfet qui n'a rien du héros
d'Alphonse Daudet ne s'est pas assoupi, affecté par le syndrome de la page blanche après
avoir écrit: "mes chers administrés"... Notre sous-préfet ne sait pas faire
de discours ni interpréter les lois... n'ayant pu installer officiellement notre maire,
il a promis d'en référer au Wali et de revenir pour prendre la bonne décision et il a
tenu parole ! C'est donc fort des instructions du préfet qu'il a dû, peut-être la mort
dans l'âme, confier les destinées de notre malheureuse commune au malheureux El Bled.
Les vaincus auraient reçu l'assurance qu'en freinant de tous leurs fers, ils créeront
une situation de blocage qu'on devra lever après 45 jours en organisant de nouvelles
élections... On dit même que c'est un député du FLN qui leur aurait soufflé
l'idée... D'autres versions disent que le vieux parti n'est pas du tout content de ses
turbulents militants et qu'il faut s'attendre à des expulsions en série... Quelques
personnages influents du RND, dopés par leur résurrection spectaculaire n'hésitent pas
à bomber le torse et à défier l'adversaire dans de nouvelles joutes électorales,
"quand il veut, où il veut et comme il veut"... Un vent du sud épouvantable
souffle sur le village, il fait une grosse chaleur et l'air est saturé de poussières et
c'est par une pareille atmosphère que la Sonelgaz a décidé de couper le courant de 9 h
à 19 h pour effectuer on ne sait quelles réparations... |
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Lundi 21 Octobre 2002: Le sirocco souffle toujours... Le village
exsude dans ces conditions climatiques une tristesse et une monotonie qui refrènent même
les ardeurs au jeu des habitués des dominos. Les démarches se font lourdes, les rides
creusent les fronts et la mélancolie se lit sur les visages. C'est la mi-chaabane et chez
nous on fête cette journée par du poulet au couscous. |
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Mardi 22 Octobre 2002: Le temps est toujours sec et chaud. Les tracteurs qui ont
entamé les premiers labours rivalisent en poussières avec les engins qui travaillent sur
le projet autoroutier. Des adolescents désuvrés n'ont pas trouvé meilleur support
pour déclarer leur flamme à leurs dulcinées que les troncs des résineux de
"Djebbanet Ennsara"... Ils n'y sont pas allés de main morte puisque les
curs brisés et les initiales ont été taillés à coups de hache. Ces jeunes gens
n'ont certainement pas compris qu'on ne peut faire preuve d'amour quand on est capable de
dépecer un arbre... |
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Mercredi 23 Octobre 2002: La coalition d'intérêt anti-El Bled
continue sa conspiration loin des feux de la rampe. Elle aurait réussi à faire
intervenir trois députés issus de la dernière consultation électorale qui auraient vu
le Wali pour débloquer à leur profit la situation. Dans leur stratégie d'encerclement,
les coalisés n'ont pas hésité à recommander la neutralité à certaines personnes
qu'ils soupçonnent de nourrir des sympathies pour le maire. Pour le moment ces
recommandations revêtent le caractère de conseils... il est certain qu'elles pourront
évoluer vers d'autres formes de persuasion ou de dissuasion... El Bled qui s'accroche à
son fauteuil branlant devrait très vite comprendre qu'il a tout intérêt à suivre ses
adversaires dans leur logique car autrement il devra subir un infernal quinquennat. Il
n'est en effet pas dit qu'il ne sera pas reconduit avec une confortable majorité si le
blocage imposé par ses adversaires venait à contraindre l'administration à dissoudre
l'assemblée et à organiser une autre élection. |
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Jeudi 24 Octobre 2002: C'est une journée sans relief... Le marché
hebdomadaire qui se tient à la place publique a ramené les vendeurs habituels et les
fruits et légumes ont pris les couleurs de l'automne. Au jaune des derniers melons se
mélange le rouge des poivrons. C'est aussi le temps des grenades et, malgré la
sécheresse, elles ont envahi en puissance les étals. Le poissonnier est venu
aujourd'hui; il a proposé de la sardine de taille respectable à 100 DA le Kg; il a très
vite liquidé ses cageots car les villageois ont préféré le poisson au poulet qui s'est
littéralement envolé puisqu'il gravite à hauteur de 200 DA. C'est vrai que les
éleveurs préfèrent garder encore quelques jours leurs volailles en prévision du
Ramadhan. Dans l'attente de ce mois faste, tous les commerçants aiguisent
d'ailleurs leurs prix et il est à craindre que l'oignon "sauf votre respect"
atteigne les 70 DA le Kg comme cela lui est arrivé il y'a deux ou trois années; il est
aujourd'hui déjà à 25 DA ! |
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Vendredi 25 Octobre 2002: Rien à signaler... aucun cortège nuptial
n'a traversé le village; on ne se marie pas à une dizaine de jours du Ramadhan. Le temps
est toujours aussi avare de pluie... Le ciel du crépuscule a dessiné une belle toile
rougeoyante, c'est signe que la pluie ne viendra pas demain. Dans les champs, les
fourmilières montrent pleins de trous et très peu de fourmis s'aventurent vers
l'extérieur; il me souvient d'avoir vu pareil comportement de ces insectes la matinée
d'un mémorable 10 octobre... j'espère que ça ne signifie rien... En dehors des couleurs
du sol, Les terres labourées n'offrent pas d'autres nuances mais si on s'amuse à
regarder de près, on peut avoir de belles petites surprises dans les petites plantes à
bulbes qui n'ont trouvé d'autre alternative que celle de fleurir. |
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Samedi 26 Octobre 2002: Rien à signaler. Le temps est toujours avare de pluie et le
soleil tape fort. Les fourmis dont j'ai parlé hier ont sûrement évité de sortir par
peur d'une insolation et non parce qu'elles auraient eu l'intuition d'une
quelconque catastrophe tellurique. |
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Dimanche 27 Octobre 2002: Rien ne vient perturber la nonchalance
villageoise. Les tracteurs continuent à tracter les citernes pour ravitailler hommes et
bêtes en eau. La commune continue à attendre que la crise se dénouât et les acteurs de
ce vaudeville continuent à jouer aux coqs et aux... coquettes. |
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Lundi 28 Octobre 2002: Ca fait belle lurette que le siège du FLN
n'a pas ouvert ses portes... Je préjuge qu'il va retrouver une vocation plus franchement
mercantile avec le Ramadhan en servant de boucherie, d'étal à légumes ou de bouge pour
préparation de zalabiya. Le siège du RND lui aussi n'enregistre plus l'habituelle cohue
véhémente des gosses que personne ne pense à renvoyer vers leurs révisions. Les
sièges de nos partis sont ainsi... ils hibernent langoureusement et ne se réveillent en
sursaut qu'à l'occasion des consultations électorales... Les fourmis de l'avant veille
avaient peut être fait une erreur de pressentiment... c'est l'Etna qui, contre toute
attente a "érupté" suite à une série de secousses telluriques. Aux
dernières nouvelles Essaid Guerrache serait revenu de la Mecque avec le titre si
recherché de "Hadj". |
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Mardi 29 Octobre 2002: Le siège du FLN qui servit de QG d'une
armée en guerre, ne trouvant plus sa raison d'être suite à la victoire-défaite de ses
troupes et de leurs sponsors argentés, s'est reconverti en fonds de commerce. Le
Ramadhan aiguisant tous les appétits mercantile va d'ailleurs enregistrer comme
d'habitude, un foisonnement d'étals où l'on vendra à ciel ouvert et à mouches
couverts, toutes sortes de denrées dites alimentaires. Ca va aller des olives baignant
dans leurs eaux noires aux pâtisseries douteuses et aux herbes dites fines... |
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Mercredi 30 Octobre 2002: Les préparatifs d'une "zerda" au
mausolée de Sidi Gacem Ben-Haroun auraient été menés par certains villageois . Ce boughandja qui n'ose pas dire son nom devrait se dérouler
demain jeudi ou la matinée du vendredi. D'aucuns y voient une opération publicitaire du
RND et ils n'auraient pas tout à fait tort, car les initiateurs sont de son obédience...
Il reste à savoir comment Sidi Gacem Ben Haroun va recevoir cet hommage. Sera t'il
reconnaissant à ceux qui l'ont rappelé à leur bons souvenirs après une si longue
indifférence ou fera t'il tomber ses foudres sur ces gens là pour cause d'exploitation
de son aura à des fins si bassement partisanes ?... |
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Jeudi 31 Octobre 2002: Sidi Gacem Ben-Haroun a eu droit à sa Zerda; en guise de
reconnaissance pour les bêtes qui lui ont été sacrifiées il a dû intercéder auprès
du Créateur pour que puissent s'abreuver Ses créatures assoiffées qui sévissent à
Djebahia. La mansuétude de Sidi-Gacem Ben Haroun est si étendue que la pluie est
arrivée jusqu'à Lakhdaria et peut-être plus loin !... Nous sommes à la veille du
1er Novembre. Les drapeaux flottent sous la pluie et les chants patriotiques sont
diffusés à pleins décibels et sans discontinuer à partir des hauts-parleurs installés
à la mairie. La salve d'honneur sera tirée à minuit. PS: Une amie franco-algérienne m'a reproché la
"méchanceté" de mes chroniques... je suis obligé de la rassurer par ce
cliché éculé qui dit: "qui aime bien châtie bien" pour ne pas lui dire
tout bonnement que: "Ours qui grogne ne mord pas"... |
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Vendredi 01 Novembre 2002: Il a plu toute la nuit, une eau que la terre
insatiable a bue goulûment pour ne laisser que des flaques ça et là. Les ondées ont
repris en début d'après-midi pour rendre impraticable tout le village. La célébration
du 1er novembre se poursuit... Les chants patriotiques ayant été épuisés, on a eu
droit à quelques vieilles rengaines "raï-llardes" diffusés à fond la caisse
et auxquelles on n'a mis un bémol que pour laisser passer l'appel du muezzin et les
psalmodies "mosquovites" - vendredi saint oblige ! Les grandes dates sont depuis
très longtemps fêtées avec un rituel immuable: chants patriotiques d'un autre âge,
collation "engazouzée" à la mairie, gerbe de fleurs sur la stèle... Y
participent les mêmes personnes qui ont appris à se donner les mêmes airs
pince-sans-rire estimant sans doute que la solennité en pareil cas est de rigueur et que
la bonne humeur n'est jamais de mise , s'y disent les mêmes paroles puisées dans la
grosse caisse vermoulue de la langue de bois... C'est ce qui donne à ces cérémonies un
air de déjà vu et à leurs acteurs une impression de lassitude qui montre qu'ils
expédient sans aucune conviction une sorte de corvée. |
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Samedi 02 Novembre 2002: Il a plu toute la nuit mais ce n'est pas ce qui a pu donner un
quelconque tonus à Oued Djemaa qui est resté aussi placide qu'un ruisseau printanier. La
pluie a causé de très sérieuses perturbations au téléphone et depuis quelques jours
les interférences entre appels ont enlevé à cet outil toute la discrétion qui doit
caractériser les communications très souvent intimes. Les "entendeurs" comme
les voyeurs étant très nombreux chez nous, il y'a fort à parier qu'ils ont tellement
tendu les oreilles qu'ils se sont acquis des bonnets d'âne à la place des têtes... Il
y'a aussi fort à parier qu'ils ont engrangé de quoi radoter jusqu'à l'été. PS: L'amie franco-algérienne du PS du jeudi 31/10/2002
m'a répondu pour me dire qu'elle avait traité mes chroniques villageoises
d"acerbes" et non de "méchantes". Je suis bien obligé d'admettre que
j'ai allègrement confondu les deux qualificatifs... Connaissant très bien mes
co-villageois, je sais qu'ils sont bien plus portés pour le sadisme que pour le
masochisme... je devine par conséquent qu'il ne peuvent trouver agréable
l'"acerbité"... CQFD |
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Dimanche 03 Novembre 2002: La pluie a lavé les airs des particules de
poussière qui les salissaient. La campagne, vue à travers la limpidité de l'atmosphère
et l'éclairage d'un ciel bleu et d'un soleil resplendissant, ressemble à une belle femme
sortie de son bain. C'est quand on regarde ses pieds qu'on se rappelle sa condition de
villageois: la boue, cette compagne de tous nos jours gris est là à s'insinuer dans tout
notre environnement et le village ressemble à Verdun sans ses soldats morts. Pour revenir
à la mort, il faut savoir qu'elle a encore frappé aujourd'hui. Cette fois-ci elle a
jeté son dévolu sur un jeune homme de Ain Cheriki portant le nom de LAIB, amputé d'une
jambe suite à un attentat à la bombe, le malheureux qui a acquis un véhicule de type
clio qu'il conduisait très difficilement avec sa prothèse a été écrasé par un camion
rempli de sable, sur la RN 5 à hauteur du lopin cultivé par El H'midi. PS: Merci à Seghir Mourad de Strasbourg pour ses
félicitations et ses encouragements. |
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Lundi 04 Novembre 2002: la "zerda" de Sidi Gacem Ben-Haroun continue à
produire ses effets. Ce soir il est tombé des trombes d'eau dans une superproduction
ponctuée par des éclairs et du tonnerre. C'est vrai qu'hier, il y'eut une autre zerda et
si trois moutons firent les frais de la première, on dit que c'est quatre de leurs
congénères qui furent immolés durant celle qui a suivi. Dans ces conditions, il est
peut être à redouter un véritable cyclone tropical... Le Ramadhan se fait
insistant...Son ambiance l'a précédé de quelques jours. |
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Mardi 05 Novembre 2002: Comme il fallait s'y attendre, le croissant du début du
Ramadhan a été annoncé après un gros suspens; il aurait été vu dans nombre de
wilaya. On avait espéré jusqu'à la dernière minute, qu'on allait gagner une journée
du fait des nuages épais qui cachaient l'horizon; hélas ! l'influence de Sidi Gacem
Ben-Haroun ne s'est pas étendue jusqu'à Tamanrasset. C'est donc demain que nous
entamerons le mois dit d'abstinence mais qui, en réalité est le mois de la boulimie. |
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Mercredi 06 Novembre 2002: Premier jour de Ramadhan... Les prix flambent
comme à l'accoutumée et les fruits, légumes et autres denrées alimentaires agressent
littéralement les jeûneurs. On dit que "Ramdhan idjib rezq'ou ma'ah'" (le
Ramadhan ramène avec lui ses richesses) et ce bon mot se vérifie chaque année avec la
profusion inhabituelle dont s'affublent les étals.Il fait assez frais et la pluie n'a pas
dit sa dernière goutte; la météo a même diffusé un bulletin d'alerte pour ce soir et
pour la nuit du jeudi au vendredi (ces bulletins sont émis en cas de risque de pluie
dépassant 25 cm en 6 h d'après un quotidien). Il est vrai que depuis la catastrophe de
Bab El Oued, la météo prend le risque de fausses alertes plutôt que celui de se faire
accuser de non prévision de vraie catastrophes... Attendons pour voir ! |
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Jeudi 07 Novembre 2002 -: La pluie tombe drue... Nous avions failli oublier ce temps
hivernal caractérisé par le froid, l'obscurité et une pluie si sérieuse qu'on la
croirait consciencieuse. Elle tombe sans discontinuer comme si elle trouvait plaisir à se
regarder dans les flaques qu'elle a formées ou sur le macadam sur lequel elle coule
maintenant si limpide, ayant évacué les saletés à force de lessiver le sol. C'est un
véritable plaisir que je ne pouvais passer sous silence... et c'est pourquoi je me suis
permis de lui réserver cet instantané.
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Jeudi 07 Novembre 2002: Ah la pluie... Il en est tombé jusqu'à saturation. Le ciel
s'est mêlé à la terre dans une sorte de coït ininterrompu et la plus petite des
rivières n'a pu s'empêcher d'entonner son hymne à l'eau. D'El Khaloua à Chaabet
Ouambir, de Dem Erroumya à Moukdiya, de Boutboul à Châab Ettolba, ce n'est plus qu'une
sorte de grosse éponge qui n'en peut plus de servir de réceptacle aux giclées d'un ciel
qui redouble d'ardeur à chaque fois qu'une éclaircie ose essayer de le ramener à la
raison. |
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Vendredi 08 Novembre 2002: L'hymne à la pluie continue. Le ciel
n'arrête pas de s'essorer et les ruisseaux deviennent rivières quand les rivières se
font fleuves. En début d'après midi, des éclaircies se sont dessinées mais le ciel
encore plein, a vite fait de dissoudre leurs timides arc-en-ciels à coup de grosses
giboulées. C'est le troisième jour du Ramadhan mais la faim s'estompe devant la grâce
de la pluie et les mines se font radieuses pour ce climat que nous avons failli oublier à
force de soleil, de poussières et de sirocco. Seules notes grises: l'électricité qui
n'arrête pas de jouer les filles de l'air et le téléphone qui s'amuse à faire
l'abonné absent. |
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Samedi 09 Novembre 2002: Début de semaine pénible... L'électricité est revenue au
village mais il reste des quartiers dans le noir à l'image de la rue principale entre
l'ancienne poste et la nouvelle ainsi que la rue du moulin. Le téléphone quant à lui
est toujours muet. Les derniers nuages en haillons passent comme des soldats traînant
leur lassitude après un combat difficile. Le soleil essaie de reprendre ses droits sur la
terre inondée. Les fourmis ailées ont été libérées des fourmilières à la grande
joie des moineaux. La cueillette des olives a commencé et de proche en proche, des
volutes de fumée indiquent les emplacements des "chantiers". Le siège du FLN
dont nous disions qu'il allait se transformer en magasin pour produits alimentaires reste
fermé; toute référence au parti a été effacée de la devanture. |
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Dimanche 10 Novembre 2002: Le soleil balaie les nuages retardataires de
la dernière perturbation atmosphérique et assèche graduellement la boue des chemins.
Oued Djemaa est revenu à sa nonchalance habituelle et s'étire langoureusement sur un lit
trop grand pour lui. La pluie a tout de même laissé les puits pleins et le maire et
l'EPETO (notre tiziouzouenne des eaux) devront faire de gros efforts pour justifier la
secheresse des robinets... gageons qu'ils réinventeront l'histoire de la corrosion des
conduites en fonte après avoir invoqué celle des conduites en acier et que, si ça ne
suffit pas, ils iront culpabiliser les pompes, leur bobinage et ces satanés
court-circuits... Le téléphone est toujours muet. La panne doit être vraiment sévère
puisque les deux communes (Aomar et Djébahia) en sont victimes depuis vendredi... La
situation risque de perdurer si on tient compte du rythme de travail durant le Ramadhan. |
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Lundi 11 Novembre 2002: C'est un jour parfait sur toute la ligne... même téléphonique
puisque nous ne sommes plus isolés du reste du monde. Il a fait soleil du matin jusqu'au
soir. Un point noir tout de même: l'affreux bouchon qui s'est constitué à Aomar-Gare
(Brachma pour ses intimes) et qui a laissé nombre de pauvres passagers sans f'tour et
peut-être sans s'hour car au moment où ces mots sont écrits (18 h 30) rien ne semble
présager d'un retour à la normale. |
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Mardi 12 Novembre 2002: L'embouteillage d'hier a contraint nombre d'usagers de la route
à rompre le jeune dans leurs voitures. La route n'a retrouvé sa fluidité qu'après 20 h
30. La journée s'est passée sous le signe du soleil. |
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Mercredi 13 Novembre 2002: Un vent très fort souffle sur le village. Il
risque encore de nous priver de téléphone et/ou d'électricité. C'est très frustrant
de se savoir à la merci de la saute d'humeur de n'importe quel élément. Nous avons
déjà effectué hardiment 8 jours de jeûne et le ramadhan s'est confortablement
installé dans notre quotidien avec ses senteurs et ses couleurs mais aussi et surtout
avec ses coups de sang et ses colères. Les nerfs, mis à fleur de peau par le sevrage
imposé aux fumeurs, chiqueurs et autres amateurs de café noir sont souvent causes de
rixes et d'empoignades loufoques sur les routes, dans les marchés, dans les halls des
administrations... |
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Jeudi 14 Novembre 2002: Un vent du sud d'une rare violence nous a ramené tout le sable
du desert. La visibilité est réduite à sa plus simple expression et les lampadaires de
l'éclairage public diffusent une couleur bizarre résultant de je ne sais quel
phénomène lié à la "défragmentation" de la lumière. Il fait une grosse
chaleur sèche qui donne très soif aux jeûneurs. Ce soir, les épiceries du village
affichaient zéro stock en bouteilles familliales d'eau minérale de Ben-Haroun. |
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Vendredi 15 Novembre 2002: Le vent du sud a soufflé toute la journée
et à 15h les lampadaires de l'éclairage public ont dû s'allumer et les automobilistes
se sont vus contraints d'allumer leurs feux pour pouvoir circuler. A Lakhdaria (Palestro),
c'était litteralement la nuit en plein jour. L'atmosphère, saturée de sable avait une
couleur ocre. Les premières gouttes de pluie ont fait descendre toute cette poussière en
forme de boue, salissant les véhicules, les arbres et les hommes. Après le f'tour la
pluie a redoublé d'intensité et a fini par débarrasser l'air des impuretés qu'il
transportait. |
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Samedi 16 Novembre 2002: Lavée par la grosse pluie de la nuit, l'atmosphère a retrouvé
une limpidité qu'accentue encore plus l'idée de sa saleté d'hier. Oued El Djemaa s'est
repris à circuler après un répit de deux ou trois journées. Le ramadhan entame son
second tiers dans un climat relativement serein; les étals pour produits alimentaires
vont graduellement laisser place à ceux des habits; les bourses qui ont été saignées
à blanc pour satisfaire les ventres vont puiser dans leurs dernières réserves pour
habiller les enfants mieux ou du moins comme ceux des voisins. |
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Dimanche 17 Novembre 2002: Le ciel hésite entre le bleu et le gris et
le soleil joue à cache cache avec les nuages. Une petite pluie est tombée en fin de
matinée en prélude à une poussée de froidure. Les journées Ramadhanesques
continuent à s'épuiser inexorablement et les bourses lasses imposent plus de retenue aux
commerçants. |
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Lundi 18 Novembre 2002: C'est une journée sans couleurs; de celles qui donnent
après-coup l'impression de ne pas avoir été vécues. Le temps hésite toujours entre le
gris et le bleu et le froid impose graduellement l'hiver sous les souffles glacés que
renvoie le Djurdjura dont les nuages ne peuvent cacher l'idée de l'enneigement. |
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Mardi 19 Novembre 2002: Le vent est revenu mais cette fois il s'est présenté de la
porte ouest et un proverbe de chez nous ne dit-il pas que "tout ce qui vient de
l'Ouest lacère le cur" (koul ma ydji mel gharb iguattaâ el guelb)... C'est un
vent froid qui "mord comme un chien" ... qui mord et qui gronde les ventres...
vides des villageois... pour ne pas paraphraser Brel. |
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Mercredi 20 Novembre 2002: Le vent d'hier a eu raison du téléphone
mais contrairement à l'habitude, ce ne fut que pour quelques heures. L'électricité pour
sa part, a été absente durant la journée mais seulement dans la partie est d'Aomar.
Après avoir hurlé toute la nuit, la tempête s'est calmée au petit jour et dame pluie
s'est laissée aller à quelques parcimonieuses larmes, tout juste pour nous rappeler que
la boue doit faire partie de notre décor. Le Ramadhan quant à lui est en pleines
journées muletières... En effet, entre les dix premiers jours cavaliers (ayyam laâoued)
et les dix derniers jours asiniens (ayyam el h'mir), on doit subir les 10 jours
intermédiaires dénommés "journées des mules" (ayyam ezzouayel)... Ces
références équido-équines sont comme de bien entendu en rapport avec la lenteur, la
longueur et la langueur des jours de jeune. |
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Jeudi 21 Novembre 2002: Nous en sommes à la moitié du Ramadhan. Le village continue à
vivre au rythme exceptionnel de ce mois: léthargie matinale, frénésie dans
l'après-midi et apothéose la nuit. Au marché qui se tient à la place, on a remarqué
l'arrivée de la pomme de terre de saison et des premières oranges et mandarines et la
disparition des grenades et des melons. On a noté aussi la présence des étals de plants
d'oignons et de salade. Les terres des alentours, comme un gigantesque puzzle commencent
à prendre les couleurs des labours. |
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Vendredi 22 Novembre 2002: Rien à signaler... le village a fait la
grasse matinée puis s'est entassé dans la mosquée pour la prière du vendredi et la
nuit, il s'est libéré de ses angoisses existentielles dans les habituels
"tarawih'". Le Ramadhan est caractérisé par la mise en veilleuse des petites
histoires et des ragots dont les villageois raffolent... des petites histoires et des
ragots qui entretiennent la sensation permanente sans laquelle la platitude rendrait
invivable le quotidien. Cette "sagesse" ramadhanesque n'a en réalité rien à
voir avec un quelconque surcroît de religiosité; en réalité le Ramadhan éclipse pour
un mois le "sensationnel" parce qu'il représente lui-même une
"sensation". |
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Samedi 23 Novembre 2002: Toujours rien à signaler. Le Ramadhan continue sa marche
nonchalante vers l'Aïd. Les soucis des hurdlers que nous sommes ne résident plus dans la
bouffe; nos regards se tournent avec effroi vers les nippes. |
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Dimanche 24 Novembre 2002: Les journées ramadhaniennes se suivent et se
ressemblent. Les tempêtes semblent se plaire à les accompagner comme pour donner une
fébrilité à la nonchalance qui les caractérise. Aux dernières nouvelles le courant
électrique et le téléphone auraient été coupés à la mairie pour défaut de
paiement. Les élus continuent pour leur part à jouer aux précieuses ridicules narguant
ainsi la Loi, les usages mais aussi et surtout leurs électeurs sous le silence presque
amusé des autorités dites "compétentes" et des états dits "majors"
des partis qu'ils représentent. |
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Lundi 25 Novembre 2002: Un vent froid oblige les gens à relever les cols de leurs
vestes. A partir de 15 h il s'est calmé pour laisser place à une pluie fine et drue. Par
un étrange mimétisme, les villageois adoptent l'air du temps. Les mines se font
renfrognées et le Ramadhan ajoute sa touche de lassitude sur les visages. Les cafés,
seuls lieux où on peut s'abriter de la pluie, du vent et du froid affichent complets
après la rupture du jeune et de l'extérieur, on n'entend que les coups sur les tables et
les vociférations des joueurs de domino. Il faut signaler un évènement heureux:le
retour de "Zaanennou" qui a pris en location le café situé face à la poste
après le départ d'El Kahlaoui. Après une absence de plus de vingt ans, Zaanennou est
enfin revenu pour nous gratifier de son thé à la menthe qu'on ne peut trouver nulle part
au monde. |
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Mardi 26 Novembre 2002: Oued El Djemaa a retrouvé sa fougue. La pluie est tombée sans
discontinuer et un froid assez vif est tombé sur le village. Le courant électrique a
encore fait la belle mais pour de courts instants. La mairie est toujours bloquée par le
"na !" aussi injuste qu'injustifié des élus du FLN qui veulent imposer à un
autre parti que le leur le choix de son candidat au fauteuil de maire. Les électeurs qui
n'ont pas encore compris que toute cette mascarade se fait à leurs dépens continuent à
encourager sournoisement ce bras de fer imbécile. |
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Mercredi 27 Novembre 2002: Il a fait beau... les narcisses ont commencé
à décorer les prés de leurs belles fleurs jaunes. La campagne de ramassage des olives
semble s'être terminée avant que d'avoir commencé. Les oliviers assoiffés par des
années de sécheresse n'ont pas donné grand chose. Pour le reste, c'est toujours le
statu-quo. |
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Jeudi 28 Novembre 2002: Un jeune fille de 20 ans a mis fin à ce jours avant-hier dans
un des villages de la commune; elle aurait mal supporté son échec au bac et la
perspective de rester cloîtrée pendant tout ce qui lui restait à vivre; et
aujourd'hui une rumeur insistante fait état du suicide d'un jeune homme du même âge. Le
suicide n'a jamais fait partie de nos traditions même si on eut nous aussi nos
désespérés et nos incompris qui ont préféré claquer la porte plutôt que de
supporter les regards en biais, les index culpabilisants et les allusions dévalorisantes;
mais il faut croire que nous devrons très vite accepter de cohabiter avec cette forme
d'autodestruction. Autrement, ce jeudi, jour de marché s'est caractérisé par un soleil
printanier et au marché nous avons retrouvé le vendeur d'olives cassées et
conditionnées-maison au sel et à l'eau. Ces olives sont infiniment plus succulentes que
celles qu'on traite à la soude et elles sont presque offertes puisque proposées à 80
DA/Kg seulement. |
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Vendredi 29 Novembre 2002: La pluie a bloqué toutes autres sensations.
Elle descend en trombes d'un ciel dispendieux. |
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Samedi 30 Novembre 2002: La pluie continue à faire son cirque. L'électricité s'est
d'abord effilochée au point où elle ne pouvait plus suffire à éclairer l'écran des
télévisions puis elle s'est totalement éclipsée dans la moitié du village pour une
belle période. |
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Dimanche 01 Décembre 2002: Un vent d'altitude qui doit être très fort
déchire les cumulus et les fait fuir à grande vitesse vers le sud. Le ciel se dégage
difficilement de la forte emprise des nuages. L'eau dégouline sur toutes les terres et à
"Brachma" elle a déjà effectué un travail de sape insidieux qui risque
d'avoir de fâcheuses conséquences puisque la route s'est en partie effondrée avant le
passage à niveau. Le quotidien "L'expression" fait état dans sa dernière page
de l'intoxication de six habitants de la commune. Une intoxication alimentaire sûrement
due à l'ingestion de zalabia périmée. |
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Lundi 02 Décembre 2002: Il pleut... il n'arrête pas de pleuvoir. La terre repue
dégorge toute l'eau qu'elle reçoit et les ruisseaux dévalent tous en trombe vers l'oued
Djemaa qui n'en finit pas de grossir en rugissant. La route du village qui n'a plus de
route que le nom depuis des années s'est littéralement transformée en torrent boueux.
Les rafistolages dérisoires d'El H'midi ne lui seront
certainement plus d'aucune utilité. |
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Mardi 03 Décembre 2002: Il pleut toujours... Une pluie diluvienne qui descend d'un ciel
tellement bas que l'horizon en est réduit à sa plus simple expression. L'électricité
s'est débinée dans certains quartiers et nous avons dû passer un ftour et un s'hour à
la chandelle. |
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Mercredi 04 Décembre 2002: Légère accalmie en attendant d'autres
pluies, vents et même neiges pour demain et après-demain comme l'annonce la météo.
Tout le monde attend l'annonce de l'Aïd pour demain et les autorités politiques,
administratives et surtout religieuses entretiennent un suspens qui n'en est pas un...
Seul un astrophysicien semble inquiet de voir la fin du Ramadhan reportée au vendredi
puisqu'il exploite les colonnes du journal Liberté pour dire que ses calculs imposent la
visibilité de la nouvelle lune ce soir... Gageons qu'en dépit du temps couvert les
voyeurs réussiront à entrevoir le croissant même s'ils doivent l'imaginer et qu'ainsi
science et religion se mettront sur la même longueur de vue... (cette chronique a été
écrite à 17 h 18 mn). |
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Jeudi 05 Décembre 2002: Hier, les sacrés voyeurs ont fait durer leur faux suspens
jusqu'après 20 h pour finir par annoncer l'Aid... C'est un Aid très mouillé que le
village a vécu. La pluie a redoublé de férocité au grand dam des enfants qui
espéraient un jour ensoleillé pour montrer leurs atours. Le Ramadhan est donc passé
sans grands problèmes; le village va reprendre la sarabande de ses jeux d'alliances et de
désalliances et retrouver la complotite folklorique sans laquelle il serait invivable car
il ne serait pas différent d'un quartier huppé de Hydra avec le confort en moins...
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Vendredi 06 Décembre 2002: De la pluie, toujours de la pluie, encore de
la pluie... De mémoire de villageois on n'a jamais assisté à pareil déferlement
d'eau... ça ne s'arrête que pour mieux reprendre et la rue principale du village est
devenue un véritable torrent dévalant de "la SAS" pour finir en contrebas des
"nouaders" . C'est le jour de l'Aid qu'a choisi la femme de Hamid Khouas pour
tirer sa révérence, laissant une ribambelle d'orphelins et un mari inconsolable. Nous
l'avons enterrée sous un vrai déluge à MOUAHDJAR, loin derrière Ain Laazerah. |
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Samedi 07 Décembre 2002: l'heure est à l'inventaire des dégâts
causés par les dernières pluies... dans les champs on peut voir des crevasses qui
ressemblent à la faille de San Andréas. Le talus de la route départementale qui
traverse le village a subi de grandes dégradations; d'énormes glissements de terrain se
font voir et au retour du soleil, on risque de les voir se mouvoir plus vite et plus
massivement. La route de Ben Haroun elle aussi est dans un piteux état et la route de Ain
Laazerah a subi des dommages qui l'ont rendue impraticable. La nuit d'hier a été un
calvaire pour les automobilistes et nombre de familles ont dû se résigner à faire les
invités obligés des habitants de Kadiria et d'Aomar suite à la coupure de la route à
hauteur de Ziraoua, de l'évitement de Lakhdaria, des gorges dites de "Palestro"
et de Thénia. Le temps s'est adouci légèrement dans l'après-midi et l'électricité ne
nous a faussé Cie que durant quelques quarts d'heure; quant au téléphone, c'est une
autre histoire ! |
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Dimanche 08 Décembre 2002: Regrettant peut-être ses trop grandes
effusions lacrymales, le ciel tente de reprendre ce qu'il peut de l'eau qu'il a si
dispendieusement offerte à la terre. Les terres ont en effet commencé à exhaler dès le
lever du jour et peut-être même la nuit des nuages de vapeurs qui ont formé un
épais brouillard. Le brouillard dissipé, on eut droit à un de ses soleils qui vous
réconcilient avec le temps. Sur un autre chapitre et très loin de la beauté et de
l'innocence de la nature, nos sinistres politicards, exploitant la détresse de certains
sinistrés, les ont poussés à jouer au jeu privilégié des "archs". La RN5 a
été coupée à la circulation par certains habitants de Boulerbah pour protester contre
la situation dans laquelle se trouve leur village - une situation qu'envieraient les
habitants de Harchaoua, Ain Cheriki, Chaabet Lakhera, Zouggagha et même ceux de nombre de
quartiers du chef lieu de commune comme "les eucalyptus" où résident Amir,
Ghandjou et consorts et "El Harka" ou encore le bourbier où vit Omar La Coinche
ou encore les logements évolutifs où beaucoup de familles continuent à attendre l'eau,
la route et l'electricité. Au journal télévisé du 20 H d'hier on eut droit à quelques
photos et malgré l'empressement de certains à le refouler hors de portée de l'objectif
de la caméra, tout le monde a reconnu le quidam vociférant et qui n'est autre qu'un
candidat bien placé sur la liste du parti politique qui continue à grogner au lieu de
s'impliquer dans la gestion comme devrait le lui dicter la confiance placée en lui par
ses électeurs. Cette coupure de la route a gêné tout le monde sauf ceux ou celui contre
qui elle était dirigée. Les passagers de la RN5 ont subi de grosses épreuves puisqu'ils
ont dû être déroutés vers Dra El Mizan, Tizi Gheniff, Chaabet... |
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Lundi 09 Décembre 2002: C'est une journée de plein soleil. Après
avoir chassé les froidures matinales, le soleil s'est mis à l'aise n'ayant cure des
quelques cumulus apeurés qui ont traversé le ciel bleu comme des maraudeurs empressés.
La pauvre route s'est encore une fois retrouvée dans la peu enviable position de monnaie
d'échange. Cette fois-ci, ce sont les habitants de Boulerbah (à ce qu'on dit) qui l'ont
prise en otage pour faire chanter les responsables locaux qui ont appris à ne répondre
aux doléances de la population que sous pression. Cette méthode de gouvernance s'est
tellement généralisée qu'elle fait figure de politique presque nationale. Les
représentants de l'autorité passent sans s'arrêter devant l'obstacle, le peuple s'en
accommode puis un jour le peuple décide que c'en est assez de cet obstacle et le fait
savoir en coupant la route, intervient alors l'autorité pour lever ledit obstacle et tout
rentre dans l'ordre jusqu'à ce que la question d'un autre obstacle soit posée et
résolue dans les mêmes formes... |
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Mardi 10 Décembre 2002: Le Djurdjura est blanc comme neige. Un vent
violent souffle depuis les premières heures de la journée; il a chassé les lymphatiques
cumulus à l'air débonnaires pour les remplacer par des stratus colériques, nerveux et
acérés comme des lames. Il fait froid mais tant qu'il y'a du vent, il y'a l'espoir
d'éviter les gelées et c'est toujours ça de gagné sur l'hiver même si nos paysans
soutiennent mordicus que nous ne perdons rien pour attendre... selon eux, les gelées
doivent faire leur quarante jours quitte à ce que ce soit en août... L'électricité
continue à sauter sans avertir et le stock de bougies d'Amar Bélaid s'est épuisé
puisque tout à l'heure Amir a dû se contenter d'un "makache" désolé... |
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Mercredi 11 Décembre 2002: Les épreuves continuent pour les usagers de
la route... aux vrais et faux barrages, au débordement des oueds, aux protesta des
"arch", aux humeurs des villageois est venu s'ajouter aujourd'hui la chute d'un
rocher gigantesque au niveau des gorges de Palestro (voir photo). Ceux qui, comme moi, ont
dû emprunter aujourd'hui cette route se souviendront du calvaire qu'ils ont enduré. A
Souk El Had la circulation a été détournée vers Chaabet-Tizi Gheniff - Dra El Mizan
mais de Dra El Mizan, il fallait encore emprunter non pas le CW25 mais un détour
difficile et dangereux par Henniya, en pleine nuit. Il a fallu affronter les nids de
poules et les dépassements des chauffards de 14h à 20h pour traverser les 50 km qui
séparent le village de Souk El Had... Pour le reste, c'est toujours le vent froid qui a
la côte... |
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Jeudi 12 Décembre 2002: Pathétique, la protesta organisée par une
trentaine d'habitants de Ziraoua au bord de la RN5 avec banderoles et mines de
circonstance. Les passagers auront tout au plus lu cet appel du pied aux décideurs sous
forme de soutien au "wi'am el watani" et cet autre qui a motivé cette nouvelle
sortie et dont il faut espérer qu'il ne sera pas pris au mot "la lilmaout el
bati'" (non à la mort lente). Sinon ce fut une journée venteuse et froide, triste
malgré le soleil; une de ces journées où il fait bon s'enfoncer au plus profond de son
lit et du sommeil... |
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Vendredi 13 Décembre 2002: Vendredi 13... Le grand soleil a totalement
repris ses droits. L'épiderme de la terre se craquelle et les herbes s'en extraient avec
une sorte de douleur voluptueuse. La nature se libère d'une gestation qui a trop duré.
Cette terre chaude appelle le soc des charrues et comme sous l'effet du pinceau géant
d'un artiste invisible, le gris des labours mange graduellement la verdure illusoire
générée par les dernières pluies. L'odeur prégnante de la terre retournée emplit
l'air de ses effluves indéfinissables. Il fait bon s'en remplir les poumons jusqu'à
l'enivrement. |
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Samedi 14
Décembre 2002: Journée
venteuse et fraîche, des nuées noires traversent le ciel d'ouest en est. La terre n'a
pas fini de cicatriser les plaies conséquentes aux dernières précipitations que la
pluie menace de revenir les ouvrir. Au village, le bras de fer engagé entre RND et FLN au
détriment de la population enregistre un nouvel avatar: celui de l'unique élu d'El Islah
qui aurait accepté de rallier le clan d'El Bled pour lui donner une majorité susceptible
de lui permettre de composer son exécutif... Le concerné aurait (notez le conditionnel)
monnayé son soutien contre quelques strapontins mais il se serait rétracté en dernière
minute. Le statu-quo est donc toujours de mise et la commune continue à manger son pain
noir et à ne pas boire du tout puisque les robinets sont silencieux depuis le mercredi 27
novembre 2002, jour où ils se sont brusquement mis à couler après des mois
d'hibernation... Vivement que toute cette racaille d'ambitieux mal léchés laisse la
place à des compétences capables au moins d'assurer l'eau, l'électricité, le ramassage
des ordures et la réfection de la route.
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Dimanche 15
Décembre 2002: L'heure est
aux labours.Ce matin, le soleil s'est levé dans un superbe flamboiement écarlate. Nos
paysans disent "si rouge est l'horizon du lever, ton âne tu dois attacher et ton
voyage reporter mais si rouge est l'horizon du coucher, ton âne tu dois préparer car à
l'aube tu devras l'enfourcher". Si l'on croit cet adage, la pluie ne tardera pas à
refaire son apparition mais nos anciens se sont certainement trompés car estompés les
cumulus du matin, le soleil a fait une radieuse randonnée à travers ciel. La route des
gorges est aujourd'hui totalement coupée à la circulation pour dégagement des pierres
qui sont tombées suite aux dernières perturbations météorologiques. L'annonce en a
été faite par la presse de ce matin qui a repris un communiqué du ministère des
travaux publics... C'est à croire que certains font exprès de montrer leur
incompétence; annoncer un événement si contraignant pour les usagers le jour même où
il doit se dérouler, c'est faire assurément preuve d'une légèreté
impardonnable. Un hélicoptère a dû, aux environs de 14 h, faire un atterrissage
forcé dans un champs face à la décharge municipale de Lakhdaria, il semblerait qu'il
n'y aurait que des dégâts matériels car les occupants auraient réussi à sortir.
L'appareil qu'on pouvait voir couché sur le flanc n'a fort heureusement pas explosé.
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Lundi 16 Décembre
2002: Les anciens aussi se
trompent... le ciel et le soleil d'aujourd'hui n'ont rien eu à envier à ceux du
mois de mai malgré la rougeur de l'horizon levantin d'hier matin... l'horizon couchant
d'aujourd'hui, lui fut superbement badigeonné de toutes les nuances du rouge, ce qui
laisse présager d'une journée de grand soleil pour demain car les anciens ont parfois
raison. Les paysans en profitent pour faire leurs labours et la terre a presque
entièrement pris la couleur... terre ! Les manoeuvres en coulisses continuent pour
empêcher "El Bled" de faire le maire. On parle de paniers d'argent qui
circulent la nuit, colportés par les soutiens argentés de certain parti pour
dissuader l'élu-arbitre d'El Islah de prendre la position qui ferait basculer la
majorité en faveur de leur adversaire.
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Mardi 17 Décembre
2002: Les anciens ne se sont
pas trompés. La journée fut magnifique. Le ciel s'est teint d'un bleu qui aurait rendu
jalouse la mer. Pour le reste, c'est toujours les labours et la campagne est décorée de
proche en proche de tracteurs rouges et de semeurs qui n'ont certes pas la gestuelle
auguste de ceux d'antan mais qui donnent quand même une belle impression de sérénité
à ceux qui ont l'idée et qui prennent le temps de les regarder faire.
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Mercredi 18
Décembre 2002: Le soleil
continue à cultiver le bleu du ciel et à tirer les herbes par leurs feuilles. La vie
tourne comme un roulement bien huilé; aucune sensation forte ne vient déranger la
quiétude monotone du village; personne ne peut deviner ce qui va bouleverser cet ordre
parfait... Quelle catastrophe naturelle viendra nous réveiller brutalement de notre
engourdissement et remettre à zéro le compteur de notre quiétude ? sur qui
foncera le corbeau noir de la mort pour nous rappeler que nous sommes tous sur sa liste
d'attente ? En attendant les heures s'écoulent avec la même indifférence dans laquelle
semble se complaire le filet d'eau qui chante en serpentant le long de oued el
Djemaa... L'eau a daigné visiter nos robinets aujourd'hui... la fréquence de
reception de ce précieux liquide est donc de une fois toutes les... 3 semaines ! Qui dit
mieux ? Quant au courant électrique, il a appris à faire la belle chaque jour à deux ou
trois reprises et n'accepte de revenir nous dispenser sa lumière qu'à la condition de le
prier en allant tripoter les compteurs pour lui faire changer de phase, un jour quelqu'un
finira pas se brûler les pattes ou pire; et ce jour là, les préposés à la
distribution du jus qui savent si bien faire respecter les échéances de leurs factures
à coup de coupures, réagiront peut-être...
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Jeudi 19 Décembre
2002: Malgré le tripotage
des compteurs, le courant s'est obstiné à nous refuser les faveurs de sa lumière et
nous avons dû passer notre nuit sous le halo complice des bougies. Notre retour vers le
troglodisme n'arrête pas de s'annoncer et ce n'est pas l'électricité qui en représente
le seul signe car il faut savoir que Monsieur Mc Adam n'est presque plus invoqué comme
bienfaiteur tant le caractère muletier s'est imposé à nos routes et que l'AEP est
assurée par la réhabilitation des sources de Ain Tahar, Ain Hamana et Chaabet Ouambir
devant un réseau que squattent les araignées. Signe des temps, depuis moins d'un mois
deux autres quincailleries sont venues s'ajouter à la quincaillerie habituelle pour nous
proposer jerrycans, bidons en plastique et autres cordes et poulies alors qu'elles ne
disposent pas d'un seul tuyau pour plomberie... Et ce qui fait mal, c'est que nous avons
droit à un grand spectacle d'ombres chinoises devant le rideau qui cache cette
frénétique descente vers les abysses de la misère; un jeu d'ombre où transparaissent
parfois clairement les visages de nos élus et de leurs tireurs de ficelles qui, après
plus de deux longs mois, empêchent toujours la mairie de fonctionner... Pouah !
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Vendredi 20
Décembre 2002: La pluie est
revenue; la terre rassasiée par les dernières précipitations n'a d'autre choix que
celui de rejeter tout ce que le ciel lui donne et les ravines se sont vite creusées dans
les champs et sur la route dont les fossés non entretenus depuis des lustres ne jouent
plus leur rôle de canaliseurs. La femme de Hammana et mère (entre autres) de Hannani est
morte aujourd'hui des suites d'une longue maladie; tout le village l'a accompagnée à sa
dernière demeure au cimetière de Boubekeur. Qu'elle repose en paix.
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Samedi 21
Décembre 2002: Début de
semaine boueux. La grosse pluie d'hier a secoué encore une fois l'oued Djemaa et fait
glisser un peu plus les talus de la départementale 125 qui traverse le village et qui n'a
rien à envier aux chemins de pierres d'antan sauf le buccolisme, la propreté, la
praticabilité et la beauté... En début d'après midi les nuages gris ont commencé à
prendre une teinte plus cotonneuse et de belles éclaircies se sont dessinées et à la
tombée du jour on eut droit au spectacle d'un superbe horizon badigeonné de rouge
annonçant pour demain un jour certainement éclatant de soleil... La pluie a encore eu
raison de l'oléoduc à hauteur de Bellahnèche face à Sidi Boubekeur. Les cassures sur
ce tronçon de réseau argileux et instable devraient avoir coûté, au vu des moyens
mobilisés à chaque fois, de quoi le dérouter sur 100 km... Le risque potentiel de
pollution de la nappe phréatique ravitaillant Djebahia et Aomar et qui se situe en
contrebas devrait inciter les responsables locaux et ceux de la Sonatrach à rechercher au
plus tôt un remède radical au lieu de s'entêter à faire du rafistolage à longueur
d'année... L'électricité continue à sauter de quartier en quartier sous l'effet
des résistances chauffantes placées hors compteurs, de la faiblesse des disjoncteurs et
de l'insuffisance des transformateurs... Pendant ce temps, les élus du peuple continuent
leur bras de fer indécent. Leurs électeurs qui en sont les grands perdants n'ont pas
encore compris qu'il leur faut mettre un hola à cette situation au lieu de s'entêter à
crier olé !...
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Dimanche 22
Décembre 2002: Le soleil est
revenu et le ciel ne connut durant tout le jour aucune intrusion dans son bleu éclatant.
L'atmosphère, lavée à grande eau fut d'une limpidité telle que le Djurdjura s'est
dévoilé de ses pieds pelés à sa tête enturbannée. A Bellahnèche, il a régné une
grande fébrilité; beaucoup de camions citernes, de gros engins, de postes à souder et
des véhicules tous-terrains étaient là pour régler le énième accident sur
l'oléoduc. De tous les journaux que j'ai consultés, seul "Le Matin" en a
donné l'information (voir revue de presse).
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Lundi 23 Décembre
2002: Le soleil est toujours
d'actualité. Mais l'actualité est surtout dominée par la catastrophe écologique qu'on
refuse de nommer comme telle et qui a eu pour théatre la plaine de Bellahnèche face au
cimetière de Sidi Boubekeur (notez l'orthographe du lieu dans les journaux !). Les
équipes de la Sonatrach sont toujours mobilisées pour récuperer le petrole et refaire
les canalisations. L'impact de cette pollution sera visible dans quelques jours; nous
irons vérifier de visu l'état de la faune et de la flore en aval dans l'oued Djelada (en
réalité c'est ce petit affluent de l'oued Djemaa et qui prend sa source du côté de Ain
Cheriki qui a véhiculé le pétrole vers l'oued Djemaa lequel l'a confié à Oued Isser
qui l'a transporté jusqu'au barrage de Beni Amrane). Après "le matin" à qui
il faut reconnaitre la primeur de cette information, les autres journaux ont en fait leur
choux gras aujourd'hui (lire la revue de la presse)
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CETTE
CHRONIQUE A UN AN... UN AN DURANT LEQUEL J'AI ESSAYE DE VOUS FAIRE PARTAGER LES JOIES ET
LES PEINES DE MON VILLAGE... JE SUIS CONSCIENT QUE CERTAINS EVENEMENTS ONT ETE EVALUES A
L'AUNE DE MES SENTIMENTS OU DE MES RESSENTIMENTS ET QUE VOUS PUISSIEZ TROUVER MES AVIS
SELON LE CAS, JUDICIEUX OU DEPLACES. J'OSE ESPERER QUE SI VOUS DEVIEZ ME JUGER, VOUS NE LE
FEREZ PAS SUR MES GOUTS, MES CONVICTIONS ET MES CONCEPTIONS MAIS SEULEMENT SUR MA
SINCERITE... J'ESPERE POUVOIR CONTINUER A ALIMENTER CETTE CHRONIQUE; VOS ENCOURAGEMENTS ME
SONT AGREABLES MAIS AUSSI ET SURTOUT, NECESSAIRES !...
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Mardi 24 Décembre
2002: Le froid, chassé
durant la journée par le soleil, prend sa revanche à la nuit tombée en s'insinuant
jusqu'aux os. Le pétrole, lui, s'insinue dans la terre et fait courir le risque de
détruire irrémédiablement la composition florale de certains de nos sites. La fuite de
Bellahnèche semble avoir été colmatée puisque ce soir à 17 h, il n'y avait que deux
ou trois camions dont les équipages devaient être chargés de surveiller le travail
effectué... mais notre nature n'est pas encore sortie de l'auberge de l'or noir
puisqu'une autre fuite a été détectée à hauteur de "la SAS" comme on
appelle ce baraquement délabré qui servait de siège au "service d'action
sociale" de la France coloniale. Les projecteurs ont été installés près du lieu
du sinistre; "Ali Quatorze" qui devait récupérer sa vieille guimbarde en panne
à hauteur du pont de Oued Djelada m'a affirmé avoir aperçu de loin une grosse mare de
pétrole en cet endroit mais tout le monde sait que Ali Quatorze comme tous les villageois
voient toujours trop grand quand il s'agit de voir des choses à sensation. L'eau a coulé
dans nos robinets... rappelons que la dernière fois qu'elle nous a rendu visite date du
mercredi 18 décembre.
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Mercredi 25
Décembre 2002: Encore une
journée de soleil nu. La fuite de pétrole au niveau de "la SAS" n'est pas une
simple galejade de Ali Quatorze puisque la trainée noire est visible de la route mais les
services concernés ont réagi avec une celérité et une efficacité qui n'ont rien à
voir avec celles des maintenanciers d'autres réseaux comme l'eau (dite potable) et le
téléphone. C'est vrai que les effets d'une coupure de conduite d'eau ou de ligne
téléphonique n'ont eux aussi rien à voir avec ceux d'un pipe-line... Les derniers
camions qui se trouvaient hier soir à Bellahnèche ont quitté les lieux. En attendant
les prochaines pluies et l'inévitable cassure du pipe qui en resultera, La fuite de
pétrole va être oubliée par tout le monde sauf par les représentants sinistrés de la
flore et de la faune qui n'ont pas la chance de compter des représentants parmi les
correspondants locaux des journaux... Question politique, une rumeur insistante fait état
d'un accident de la circulation du côté de la wilaya d'El Oued et dont auraient été
victimes deux candidats aux locales de deux partis politiques qui cherchent une impossible
solution au meilleur moyen de transformer en argile friable le plomb du piedestal du
maire... on ne déplore ni morts ni blessés mais par contre de gros dégats ont été
occasionnés à la discrétion recherchée pour cette démarche coalisée...
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Mercredi 25
Décembre 2002: J'ai reçu ce message de Chantal, une amie
franco-algérienne. Je le donne tel qu'il m'est parvenu...
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Bon anniversaire
Félicitations pour les 1 an de
cette chronique à laquelle je suis trés attachée. Elle me renseigne sur la vie de ce
village reculé mais non pas moins charmant d'Algérie, plein de délicieux souvenirs
construits en quelques heures . J'ai besoin de cette lecture quotidienne . Continuez, ne
serait-ce que pour moi. Quand vous voulez, où vous voulez et si vous voulez, je suis à
votre disposition pour fêter ça...
Je me promets de continuer à animer
cette chronique, pour Chantal et pour ceux et celles qui, comme elle, trouvent
interêt ou seulement plaisir à la lire...
Merci Chantal
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Jeudi 26 Décembre
2002: Jour de marché au
village. Le prix de la pomme de terre a atteint un record en baisse puisqu'on la propose
à 12.50 DA le Kg; de la pomme de terre de gros calibre et sans taches. Pour le reste,
c'est comme d'habitude sauf que Si Lounès a agrandi son étal de graines à planter où
prédominent les fèves et les petits pois. Le temps continue à stagner au beau fixe et
le soleil s'est fait littéralement printanier. Le soir il y'eut un superbe coucher de soleil très loin derrière Mouahdjar.
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Vendredi 27
Décembre 2002: Le vent est
revenu. Il a ramené plein de nuages et un froid assez vif. La pluie devrait suivre. El
Hadj Hamid (Si Hamid pour ses intimes) s'est fracturé le
poignet hier soir. C'est en construisant un mur qu'il a raté une marche d'échelle. Il a
dû amortir sa chute du plat de la main; son poignet s'est fissuré; il ne s'en est pas
rendu compté sur le coup; voulant continuer son travail, il s'est rendu compte que son
bras était incapable de porter une brique... conduit à l'hôpital de Lakhdaria, il a
été plâtré. Il a exigé qu'on n'informât personne de son accident et n'a pas accepté
de s'aliter. Le médecin lui a prescrit 21 jours de repos; au patit matin il a repris la
truelle de la main gauche valide; quand on le lui a reproché, il s'est fendu d'un sourire
malicieux et a répondu: "il faut bien qu'elle apprenne à travailler cette
fainéante !" l
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Samedi 28
Décembre 2002: La pluie
n'arrête pas de menacer mais se libère laborieusement et parcimonieusement des gros
nuages noirs qui la portent. Ce dernier samedi de l'année est un jour trop gris pour
inspirer autre chose que la mélancolie.
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Dimanche 29
Décembre 2002: Le soleil a
fini par l'emporter sur le crachin timide d'hier et la journée fut assez belle. Zaanennou
excelle toujours dans la préparation du thé et c'est en sirotant un bon verre que Bachi
s'est trouvé inspiré et m'a parlé du mystère insondable qui entoure certains lieux de
notre proche campagne. Nous avons évoqué "Dem Erroumiya" (le sang de la
chretienne), "g'bour ennsa" (les tombeaux des femmes), et d'autres mystèrieuses
appellations. Fatah Vingt Quatre m'a assuré que seul El Hadj Essaid Meddahi est capable
encore d'expliquer d'où viennent ces noms. Fatah Vingt-Quatre, sur l'air de la
confidence, affirme les sourcils en accent circonflexe que le ministère de l'intérieur
aurait même sollicité El Hadj Essaid pour déterminer les noms des colons enterrés au
cimetière chrétien, c'est dire ses connaissances des choses de la région !
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Lundi 30 Décembre
2002: Le jeu de cache-cache
du soleil dans les nuages est lassant. Cette ambiance de chaud et de froid se projette
directement sur les états d'esprit des gens et électrise littéralement l'atmosphère.
L'année 2002 tire à sa fin dans une torpeur, une langueur et une mélancolie
assommantes...
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Mardi 31 Décembre
2002: Une année s'en va, une
autre année la remplace... Le temps glisse imperceptiblement sur un village imperturbable
ou chaque arbre, chaque homme, chaque pierre semblent figés comme dans une sorte de cité
pétrifiée. L'évolution est tellement lente, tellement silencieuse que quand disparaît
un arbre, un homme,une pierre, sa place se cicatrise très vite comme une égratignure
épidermique et le décor qui s'ébroue comme pris sous les effets d'un fort séisme, se
tasse très vite sous des secousses résiduelles qui finissent par le reniveler pour une
autre période de léthargie... Bonne année quand même à ceux qui ont eu la
patience de nous suivre jusqu'au bout de cette chronique...
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2003
JE NOUS SOUHAITE UNE BONNE ANNEE 2003 |