Mercredi 1 janvier 2003 (1) - 8 h : La terre a commencé l'année en se secouant fortement comme pour se débarrasser des puces qui l'auraient squattée en l'an 2002.   Un séisme d'une assez forte intensité l'a ébranlée à 1 h 50. Je ne sais si les sismographes ont détecté ce  tremblement de terre; je préjuge que si son épicentre se situait chez nous, ils n'ont pas dû le ressentir car chez nous c'est un peu l'autre monde...
Mercredi 1 janvier 2003 (2)- 14 h : La femme de Djebri Rabah ben Saad est morte. Elle a choisi de ne pas survivre à 2003. Elle a été accompagnée à sa dernière demeure par un cortège funèbre impressionnant. Nos condoléances à Omar, Salem et tous ses enfants.
Mercredi 1 janvier 2003 (3)- 20 h : La télévision a annoncé le séisme de ce matin... Son épicentre se situe dans la région de Médéa et sa magnitude a atteint 4.5 degrés sur l'échelle de Richter. Personne n'en parle au village car très peu de villageois ont du le ressentir vu l'heure à laquelle il s'est produit. Ce qui fut remarquable, c'est le comportement des chiens qui ont hurlé à l'unisson à la mort et celui de mes perruches qui ont été terrorisées au point où elles ont fait un beau boucan à cette heure indue.
Mercredi 1 janvier 2003 (4) - 0 h : Une journée sans violence (à l'écran) a été décrétée par les pouvoirs publics pour juguler le hooliganisme qui s'est emparé des stades à la fin de l'année passée. Elle s'est déroulée avec tout le tralala, le tintouin et les mines de circonstance qui accompagnent infailliblement toutes les manifestations officielles. Chez nous (et pas seulement au village), ce n'est pas la société si vile,  par mouvement associatif interposé, qui prend les initiatives citoyennes (sauf quand il s'agit de couper les routes aux autres citoyens...). Nostalgie oblige du bon vieux temps où le "tout-état" régentait tout, ce sont les institutions officielles qui continuent à croire que le citoyen, ce mineur irresponsable doit être rappelé à l'ordre pour sa turbulence par ce pouvoir tutélaire qui défend et protège ses intérêts comme un tuteur légal prendrait en charge la défense des intérêts d'un orphelin mineur ou débile. Ce pouvoir tutélaire a réussi à faire le vide en matière d'autogestion de la société (rien à voir avec les domaines du même nom)en soupçonnant toute velléité d'organisation citoyenne d'être aussi subversive qu'un cheval de Troie; aujourd'hui, fort du principe que "la nature a horreur du vide", il fait des yeux horripilés et s'en vient mettre sa patte séculière sur tout ce qu'il croit vide. Qu'à cela ne tienne ! Cette journée sans violence nous aura au moins permis de voir à la télé le beau spectacle donné par nos filles et nos garçons de l'équipe de yoseikan-budo à la salle "Harcha" entre 19 et 22 h. Cette équipe qui constitue l'un des rares espaces sinon le seul où le ver de la politique n'a pas sévi, mérite notre palme du mérite.
Jeudi 2 janvier 2003: L'eau a coulé dans nos robinets à saturation. Serait-ce un signe que l'année 2003 sera fatale aux "citerneurs" ? Au marché hebdomadaire, le poulet vivant est proposé à 120 DA le kg; il faut se rappeler qu'il y'a à peine une dizaine de jours il était vendu à près de 200 DA. Aissa El Baggar qui possède un poulailler du côté de Mouah'djar m'a affirmé que le prix de gros tourne autour de 95 DA et qu'à ce prix, les éleveurs en auront tout juste pour leur argent. La situation devient difficile d'ailleurs pour tous les agriculteurs qui devront faire face à la surproduction constatée dans tous les domaines; une surproduction qui vient en parallèle avec l'inflation que connaissent les prix des moyens de production et des services concédés aux fellahs. Cette situation générera bien des difficultés aux petits producteurs et il faut s'attendre à un bouleversement total au niveau des campagnes avec l'entrée en production dans moins de trois ans de tout ce qui a été accordé aux agriculteurs dans le cadre du Fonds National de Développement de l'agriculture. A titre de simple exemple, il faut savoir que dans le nouveau verger de Gharbi Boualem, entre Boubekeur et le pont de Ain Laazerah, il a été planté plus d'arbres fruitiers que tout ce qui a été planté depuis l'indépendance du pays. La profusion est certes la bienvenue mais que de petites gens elle poussera dans les bras décharnés de la misère ! Il reste à espérer que cette agriculture très "biologique" s'imposera à l'exportation devant les OGM des pays d'Europe avec lesquels nos responsables se sont crus malins (ou ont été contraints) de signer les accords de libre-échange... Il va sans dire que vu la capacité financière de nos "partenaires" de l'autre côté de la mare nostrum, ils vont pouvoir donner à leurs peuples nos produits sains pour nous refiler à très bon marché leurs produits génétiquement modifiés et qui ont mûri sous les UV de leurs laboratoires très loin de notre si beau soleil.
Vendredi 3 janvier 2003: Rien à signaler. Journée très belle, soleil et ciel bleu à volonté mais nuit froide. L'eau a encore coulé dans les conduites et surtout hors des conduites puisque une fuite à hauteur de "la SAS" a généré un véritable torrent qui a déferlé sur le village sans que les responsables ne s'avisent d'arrêter cet infâme gaspillage.
Samedi 4 janvier 2003: Début de semaine aussi fade qu'un roman de Tahar Ouattar. Les  nuages qui nous viennent de l'ouest vont certainement finir par nous ramener un  peu de la grosse perturbation qui sévit en Europe. A 18 heures la pluie s'est laissée aller à un petit essai. Cette menace mise à part, il n'y a pas grand chose à déclarer comme disait Rousseau (le douanier)...
Samedi 11 janvier 2003: Une semaine sans alimenter la chronique... En vérité il n'y a eu pas d'événement digne d'être rapporté. Le village vit à son rythme habituel et tout le monde se complait dans le statu-quo sauf le temps qui essaie de varier sa partition mais sans trop influer sur le reste. C'est peut être ce peu de cas qu'on réserve à ses écarts thermiques insignifiants qui l'a poussé à accentuer sa froidure, puisque depuis hier, il n'arrête pas de souffler comme un damné pour faire descendre le mercure. A l'est,  c'est la neige qui a fait le décor; chez nous, nous avons eu le froid mais pas les flocons. Dans ces conditions météorologiques, le village s'emmitoufle dans son expectative. L'éclairage public réalisé il y'a à peine 6 mois à coup de millions de centimes ajoute sa note de noirceur à l'ambiance en éteignant tous ses feux sans se sentir en devoir de fournir à la canaille la moindre explication... et la vie continue en donnant l'impression de s'être arrêtée...
Dimanche 12 janvier 2003: C'est le 1er Yennayer, notre jour de l'An... Certains demandent à ce que cette journée soit fériée. Ont-ils raison ? Peut-être... Il serait utile pourtant que nous nous prononcions définitivement sur ce que nous voulons être. L'universalité nous dicte de fêter le jour de l'An au 1er Janvier... La foi nous dicte de le faire le 1er Moharrem et nos origines nous dicteraient le 12 janvier... Vu que nombre d'entre nous profitent de leurs congés pour aller travailler, il serait judicieux d'augmenter le nombre de jours fériés; il reste à convaincre tout ce beau monde d'accepter d'honorer l'universalité, la foi et les origines par le sacrifice de leur paie et ainsi on n'aura plus de jours "chômés et payés"... Mais qui donc pourra faire admettre aux voleurs invétérés que nous sommes qu'il est très malvenu de faire d'un larcin une offrande... Les enseignants qui sont rentrés de leur congé le samedi 4 janvier, n'ayant sans doute pas terminé leur travail, ont décidé de prolonger leurs vacances en se mettant en grève au grand bonheur des enfants et devant l'indifférence royale de leurs parents...
Mercredi 15 janvier 2003: Les marchands d'alphabet n'ont pas encore repris le chemin des classes et vaquent courageusement à d'autres activités plus lucratives... Les épiciers d'entre eux font les épiciers même durant leurs heures de cours, les marchands de voitures d'entre eux marchandent leurs voitures, les paysans d'entre eux en profitent pour semer fèves et petits-pois et les joueurs de domino d'entre eux vaquent tranquillement à leur haute occupation. Les élèves dont certains viennent de très loin sous la gelée matinale s'en reviennent chaque jour chez eux après avoir constaté que le portail reste fermé. Ces messieurs-dames qui doivent inculquer aux citoyens en herbe les règles de l'éducation et des civilités font preuve d'une désastreuse incivilité en n'informant pas ces élèves, au préalable, de la continuation de leur grève et surtout en n'accomplissant aucun service minimum au profit des classes d'examen... Et l'on osera demain s'offusquer devant la délinquance juvénile !... et l'on osera claironner doctement:" koum lilmou'allimi ouaffihi ettebdjila, kada el mou'allimou en yakouna rassoula " (voue à l'enseignant le plus grand respect... Il s'en faut de peu pour que l'enseignant soit considéré comme un prophète). Dans cette malheureuse déferlante panurgienne, je n'ai pas eu l'heur de voir se dresser une seule tête pour remonter le courant; c'est dire l'ampleur du désastre...
Jeudi 16 janvier 2003: Depuis plus de dix jours, les nuits sont d'un froid exceptionnel. La pluie n'arrête pas elle aussi de tomber... Bref, il fait un temps à ne pas mettre un Djebahi dehors.
Jeudi 30 janvier 2003: Il continue à pleuvoir sans discontinuer depuis le 16 janvier... C'est un hiver des années 60 qui nous revient. L'eau suinte de partout; la terre trop sevrée a bu goulûment tout ce que le ciel lui a donné mais, le ventre plein, elle refoule maintenant tout vers les ravines qui déferlent en chantant vers l'oued Djemaa qui s'en remet à l'Isser en grondant. Les rebords de la route départementale qui mène au village descendent inexorablement et il est à craindre qu'elle soit mise à très rude épreuve si ça continue. Au village, la route principale est devenue une rivière; les rues de quartiers ne sont plus pour leur part que des marais boueux. L'eau qui coule de partout a quand même déserté son exutoire le plus indiqué: le robinet ! L'eau potable est en effet absente depuis plus de 20 jours. Devant cette implacable descente aux enfers, les messieurs qui se sont investis pour nous améliorer notre quotidien lors des élections du 10 octobre continuent à jouer à leur indécent bras de fer. La commune n'a pas encore d'exécutif susceptible de prendre en charge les misères des citoyens; ces citoyens trouvent plaisir à ce que ça continue car personne n'est plus responsable du "beylik" qu'on peut squatter à volonté, les élus y trouvent leurs comptes car personne ne vient leur en demander et l'autorité administrative en fait le dernier de ses soucis car l'autorité administrative a appris, dans nos contrées, à ne réagir qu'en cas d'émeutes...
Vendredi 31 janvier 2003 C'est à 7 h 30 qu'il a commencé à neiger. Les anciens ont bien dit, l'air grave, que la grêle "prépare le lit" de la neige;  et de la grêle, il en est tombé hier ! La neige qu'on qualifie de "pudique" devait prendre ses aises la nuit; il faut croire qu'elle aussi n'est pas demeurée en reste de la mode du temps qui veut que l'impudeur et le sans-gêne soient presque des sujets de fierté puisqu'elle s'est offerte en spectacle en plein jour. Elle a d'ailleurs poussé l'outrecuidance jusqu'à tout blanchir en l'espace de quelques heures. Elle s'est affalée lourdement sur les pauvres mimosas et autres mûriers des bords de rues et les a totalement disloqués puis s'est amusée à recouvrir de son manteau immaculé les plaies suintantes du village, lui donnant l'air d'un nouveau marié emburnoussé... C'aurait pu être une année faste si on avait pris la peine de travailler la terre. L'ironie de l'affaire, c'est que malgré toute cette eau, les robinets restent superbement silencieux et si les villageois en font provisions dans n'importe quel récipient pour les besoins de leur hygiène, elle devient problématique quand il s'agit d'étancher les soifs...
Vendredi 21 février 2003 je n'ai pu alimenter votre chronique depuis le 31 janvier... j'ai moi aussi des contraintes... en réalité, la vie s'est arrêtée de tourner cet hiver avec ses pluies et son froid, ses coupures de courant, sa panne du réseau d'alimentation en eau dite "potable", sa pénurie chronique de gaz butane et le sempiternel dualisme qui fait se regarder les deux moitiés du village en chiens de faïence sous les exhortations des tireurs de ficelles qui en tirent en même temps les dividendes. La mairie est toujours bloquée par les "na !" de taghannan't des uns et des autres et l'administration à tous ses niveaux regarde faire ou plutôt ne pas faire avec sa moue dubitative semblant dire: "vous avez choisi la démocratie alors bavez !". L'Aid el Adha est passé avec son flot de sang et de viscères, ses odeurs de bouzellouf et ses embrassades affectées; sa prière et la quête qui la suit inévitablement afin de continuer à agrandir la mosquée sous les quolibets, les insinuations et les clins d'oeil des "croyants" qui croient dur comme fer que l'association religieuse est bien en dessous de tout soupçon surtout depuis qu'un de ses membres a osé montrer des signes de non allégeance au clan politique de certains généreux donateurs qui utilisaient ces opérations publiques pour faire du charme au lectorat. On conteste sous-cape le choix de la faïence, l'utilisation du sable de rivière pour la réalisation du minaret à la place du sable de mer etc... et tout fidèle s'est érigé en censeur et en technicien. Profitant de toute misère du peuple, certains élus et leurs généreux bailleurs de fonds ont enfourché le problème du gaz butane. Ils auraient convaincu la Sonatrach de dépêcher un camion plein de ce précieux carburant afin que les pauvres villageois puissent enfin jouir de ses bienfaits en ces temps de grand froid. Le spectacle des vieilles dames, des hommes et des enfants attendant la bouteille au pied l'arrivée du camion ressemblait presque à celui de quelques naufragés qui attendraient de voir pointer à l'horizon la pointe du mât d'un voilier providentiel. Les initiateurs de cette opération de sauvetage eux, ne se sont pas privés de se montrer en burnous et en public pour bien montrer qu'ils aiment bien la canaille mais surtout aussi pour lui signifier que cette manne n'est pas tombée du ciel et n'a pas été apportée par l'administration ou par le clan adverse et qu'il lui appartenait de s'en souvenir quand il le faudra.
Lundi 24 février 2003: Une grève générale est prévue pour demain et après-demain. Les travailleurs du secteur public qui n'en finissent pas de farnienter sur les gazons mal entretenus des vastes espaces inutilement occupés par des infrastructures qui connaissent le superlatif dans tous les domaines sauf dans celui de la productivité, sont appelés à se reposer durant deux journées sans savoir pour quelle raison. Ils obéiront au mot d'ordre avec allégresse car si le repos devait tuer les fonctionnaires, cela fera longtemps qu'ils auraient connu le sort des dinosaures. Les partis politiques à l'affût de la moindre fronde sautent sur l'occasion pour tirer par travailleurs interposés sur ceux qui ne sont pas d'accord avec leurs programmes. Deux nouvelles tristes sont tombées sur le village... d'abord l'assassinat du policier Aîdaoui de Ain Laazerah à Dra El Mizan lors d'un attentat ayant ciblé les agents de l'ordre. L'attentat a fait deux morts parmi ceux-ci et deux ou trois morts et blessés parmi les badauds (selon les sources). La seconde nouvelle concerne le drame vécu par la famille de feu ADJOU Makhlouf dont deux des fils en sont venus aux mains. L'un a administré à l'autre un coup de couteau puis est allé se jeter sous un camion. Il a été enterré au cimetière de Sid Essaadi. Le frère blessé se trouverait toujours à l'hôpital en observation.
Mardi 25 février 2003: Première journée de grève de l'UGTA. Tout le monde semble vaquer à ses occupations et il n'y a que les journaux et la télé qui font de cette situation tout à fait normale un événement. C'est une journée tout à fait normale car le secteur public sans être en grève semble toujours être en grève. Les queues devant les stations d'essence sont monnaie courante et les fonctionnaires qui vadrouillent dans les rues aux heures de travail constituent un spectacle coutumier. Notre village qui n'est pas à son premier paradoxe a connu une reprise du pompage de l'eau dite potable qui a coulé enfin dans les robinets après une éclipse qui se compte non en semaines mais en mois. Que vive la grève générale de l'UGTA si ses bienfaits sont si immédiats ! Question climat, il fait un vent à déraciner les oliviers.
Mercredi 26 février 2003: Deuxième journée de grève "générale"... les journaux sont les seuls à trouver que le mouvement de grève est "massivement" suivi. La preuve qu'ils font de la surenchère c'est qu'ils ont tous paru... Au village, rien n'indique que le pays est bloqué car tout le monde exécute comme d'habitude le service minimum. Aux dernières nouvelles, El Bled du RND qui était en équilibre instable avec Djebri Rachid du FLN (voir la chronique du 10/10/02 et des jours qui l'ont suivie) aurait réussi à arracher le soutien de l'outsider d'El Islah pour se retrouver majoritaire et s'assurer de sévir pour un troisième mandat à l'issue duquel la commune retournera à l'âge de la pierre. Le candidat d'El Islah, ne se serait "rendu" qu'après une montée aux enchères où il aurait eu des promesses mirobolantes et un poste de vice-président pas moins ! Voilà comment FLN et RND qui sont de la même famille et issus du même moule se sont littéralement "nanisés" devant des nabots qu'ils ont "titanisés" parce qu'en guise de politique et de gestion ils se sont investis dans une sorte d'affairisme politicard fait de vilain opportunisme et de cynique revanchardisme... cheh ! Et aujourd'hui, les perdants qui, bougie à la main, n'arrêtent pas de rechercher des boucs émissaires à leur défaite, doivent se rendre à l'évidence que ce qui leur arrive n'est qu'une conséquence logique de leurs mauvais calculs et de leurs accointances douteuses.
Jeudi 27 février 2003: La pluie est revenue. Le village n'arrête pas de commenter la fin de la crise de l'Assemblée Populaire Communale. Pour le reste, c'est le calme plat.
Mardi 04 Mars 2003: Awwal Moharrem.. encore une occasion de vaquer à d'autres occupations que celles pour lesquelles on est rétribué... Encore une autre occasion de s'offrir un poulet au berkoukès... Encore une autre occasion de revoir "ERRISSALA" à la télévision nationale. Quand la religion devient une fin et non un moyen, quand on pratique la religion pour la religion et non comme moyen d'améliorer la convivialité, il y'a des risques de voir cette même religion perdre son âme pour ne garder que l'apparat...
Lundi 10 Mars 2003: Monsieur Benaissa, Ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture (ou quelque chose du genre) est en visite dans notre wilaya. On l'emmènera s'extasier devant deux ou trois réalisations qu'on aura tellement asticotées qu'elles sentiront le vernis à distance. On ne lui fera pas visiter le champ en contrebas du village et où on a planté des oliviers pour la frime à coup de grosses subventions étatiques; des oliviers qui n'ont même pas bourgeonné et dont la terre aurait gagné à ne pas subir les innombrables plaies qui lui donnent l'aspect d'un visage véroleux... on ne lui montrera pas les puits creusés à coup de millions de cts de subventions car si les millions ont été bel et bien phagocytés, il n'est pas certain que les puits aient été creusés... on ne lui montrera pas les ruches subventionnées par les fonds débloqués par l'état car si les fonds ont bien trouvé preneurs, les ruches elles, ne sont plus qu'une vue de l'esprit... Une note triste doit être signalée: l'évacuation de Lakhdar et de ses frères, manu-militari de leurs maisons et la destruction au bulldozer de ces maisons... l'autoroute passera à El Maasra mais elle laissera un arrière goût de profonde injustice quand on voit comment se sont déroulées les opérations d'évaluation des biens privés situés sur son tracé... certains, bien introduits, y ont touché le pactole: des milliards de cts pour des "palais" de pacotille;  d'autres, très peu influents car peu argentés ont reçu des miettes pour des demeures qui, sans être à deux niveaux  avaient le mérite d'être honnêtes dans leur simplicité... Mais qui donc entendra la voix des humbles; elle qui s'exprime sans postillons et sans porte-voix... (en savoir plus)
Mercredi 12 Mars 2003: Un autre ministre est venu rendre visite à la région, c'est celui de la santé et de la population. On l'emmènera certainement visiter ce qui ne pose plus problème et non ce qui continue à poser problème. On ne lui parlera sûrement pas de notre maternité qui sert à tout sauf à permettre aux nouveaux villageois de naître en sécurité, il n'aura pas l'idée d'aller faire un tour à l'improviste dans quelque dispensaire rural pour constater l'immense déchéance que subissent les infrastructures sanitaires villageoises sous indifférence criminelle d'édiles dont le souci premier consiste à tisser des toiles d'araignées au lieu d'inciter à les enlever. Le printemps qui n'a cure de nos ressentiments s'installe inexorablement... le blanc des marguerites le dispute au jaune de la vinaigrette et des narcisses retardataires et seul monsieur coquelicot se fait encore désirer...
Jeudi 13 Mars 2003: C'est l'Achoura... encore une autre occasion de ne pas travailler et encore une autre épreuve pour les poulets. Le poulet vole d'ailleurs inexplicablement en rase mottes puisque son prix, spéculation villageoise comprise, ne dépasse pas les 130 Da le kg. C'est aussi la déroute pour la pomme de terre qui est proposée à 12 DA parfois et la tomate qui ne parvient pas à s'élever au dessus de 25 DA. Loin de ces histoires là, pour fêter un soleil éclatant et un ciel d'une limpidité d'eau de source, les genêts commencent à se parer de jaune sans s'inquiéter d'être en légère avance sur le calendrier...
Vendredi 21 Mars 2003: Le printemps est là et monsieur Winter est allé se faire voir ailleurs. Les fortes pluies de l'hiver n'ont laissé aucun choix aux herbes qui se sont lancées dans une concurrence effrénée à qui dominera le mieux l'espace. El Bsibsa, el gossaiba, el guernina, el djougdjig, es-sella et el h'laffa agressent littéralement les vadrouilleurs qui ne se privent pas d'y paître sans retenue sur les bords de la départementale 125. Les fèves ont pris leur revanche sur le mauvais sort de l'an passé, le houx s'est transformé en torche jaune, et l'aubépine et l'églantier promettent du "toute" et des "zaarour" à profusion.
Lundi 24 Mars 2003: Berridiou a été enterré aujourd'hui loin du village qui l'a vu naître. Il serait mort carbonisé des suites d'une explosion de gaz butane. Il restera de lui le souvenir de cette table rudimentaire sur laquelle il proposait des articles hétéroclites les jours de marché d'Aomar, de Dra El Mizan ou de Lakhdaria. Berridiou n'avait pas trouvé d'autre alternative que celle d'aller s'installer sous des cieux plus cléments du côté de Boudouaou El Bahri (Lalma Marine)... Il a fini par y mourir et s'y faire enterrer... Qu'il repose en paix.
Jeudi 27 Mars 2003: Le village bat au rythme baghdadi... C'est aujourd'hui qu'il ira marcher à Bouira pour montrer sa solidarité avec les Irakiens, soumis au diktat des yankees et des tommies... Pour une fois personne n'osera contester la sincérité des sentiments qui animent tous ces jeunes et vieux qui n'en peuvent plus de supporter l'arrogance de ceux qui croient seulement à la raison du plus fort...
Jeudi 24 Avril 2003: Devant l'insistance de mes ami(e)s et des ami(e)s du village, je reprends cette chronique après l'avoir boudée durant tout un mois pour des raisons dépendantes de ma mauvaise volonté... Depuis le jeudi 27 mars, il s'est passé des tas de choses ailleurs... la victoire de Bush sur Saddam, la pneumonie atypique, la mort de Nina Simone, la réélection d'Obassanjo, 2 ou 3 catastrophes aériennes et une ou deux catastrophes maritimes... mais tout ça n'a pas sorti le village de sa léthargie. La lépreuse route départementale qui le traverse continue à perdre son macadam par grosses plaques, les rues soumises à des précipitations que la mémoire des villageois n'a jamais enregistrées ne sont plus que ravines; l'eau présumée potable coule quand elle veut et l'éclairage public éclaire les quartiers par intermittence. L'actualité du village n'a même pas été bouleversée par la sortie du maire de l'ancienne mairie qu'il avait squattée, sortie imposée par la vox populi et la véhémence des cris de putois de son opposition. Le printemps est maintenant confortablement installé sur les plaines et les montagnes des alentours du village. Les grosses pluies qui n'arrêtent pas de tomber ont favorisé une folle exubérance de la végétation et la "sella" agresse littéralement les passagers de la départementale 125. Le spectacle de familles broutant les pissenlits (djougdjig)par la tige et autres herbes comestibles est devenu routinier. Si Hamid qui s'est déjà cassé un bras n'a pas trouvé mieux que de se casser une jambe alors que la nature n'arrête pas de cligner de l'oeil pour inviter aux ébats dans ses draperies multicolores... Les fèves ont mûri. Le couscous aux fèves se laisse préparer dans villas et chaumières. Le printemps qui commence à s'estomper avec les premières fenaisons redouble d'ardeur comme pour bien marquer son passage. Les considérables pluies d'avril et la grêle qui est tombée cette semaine ont causé des dégâts aux petits pois en fleurs et aux raisins naissants. Les anciens disaient: "Dieu nous préserve des pluies d'avril et des vents de mai"... (Rabbi yestorna men m'tar yebrir ou men rih' mayyou)... les pluies d'avril sont passées, les vents de mai restent à venir. 
Vendredi 25 Avril 2003: C'est une véritable journée printanière. Un soleil tendre incite les herbes à fleurir et les oiseaux à rivaliser de mélodies. Dès la tombée de la nuit, les grenouilles d'El Madjen engagent un récital de croassement endiablé comme pour se libérer des angoisses des longues journées cigogneuses. Au village on parle avec insistance d'une enveloppe de pas moins de 10 milliards de centimes qui aurait été consentie pour la réfection des rues. D'aucuns mettent le nom d'un député sur cette manne, d'autres en font une prouesse du maire... En réalité il devrait s'agir d'un programme national visant à rattraper le retard en matière d'aménagement urbain de toutes les localités. Il faut espérer que nos décideurs aient l'idée de recourir à d'autres formes de pavage des rues et délaissent un peu ce goudron sale, laid et d'entretien coûteux et difficile. Le village et les dechras qui l'entourent pourraient revêtir un aspect très avenant si par bonheur leurs rues étaient pavées de bonne pierre au lieu de macadam. Une note un peu moins gaie doit être signalée: ce sont les dos d'ânes qu'ont érigés quelques "intrépides" résidents d'El Maasra sur la route départementale 125 qui traverse leur agglomération. Cette opération viserait selon eux à dissuader les chauffards qui font de ce tronçon de route un circuit de formule 1. Le maire a dépêché un bulldozer pour enlever ces protubérances qui ont déjà fait quelques blessés parmi les motocyclistes et mis à rude épreuve les suspensions des automobiles, mais les constructeurs de cassis se sont opposés à leur démolition. Que dire de cette dérive ?... Ces gens là ont bien sûr tort de faire justice par eux-mêmes en érigeant des ralentisseurs non conformes et non signalés mais les ponts et chaussées,  "bandits chaussés" et les gardes champêtres "gardes champs-bêtes" comme les appelle Si Hamid doivent assumer leur part de responsabilité car l'autodéfense se légitime par la carence de la défense légale... Il reste à signaler à ceux qui s'aventureraient sur ce tronçon de route qu'ils risquent de gros dégâts si par malheur il oublient qu'en traversée d'agglomération la vitesse est limitée...
Samedi 26 Avril 2003: Le soleil du printemps se fait insistant auprès des foins pour qu'ils soient au rendez-vous des proches fenaisons. L'orge a fait sortir des épis encore délicats. Dans quelques jours ils vont se gorger de lait et l'on verra tous les villageois rivaliser avec les moineaux dans l'art de décortiquer les grains. "El Gouchaïra" est une occupation à laquelle s'adonne tout le monde avec une religieuse méticulosité. Le feuilleton des dos d'âne d'El Maasra a connu aujourd'hui un début d'épilogue... les gendarmes ont intervenu et les maasris n'ont pas fait de résistance pour laisser le bulldozer détruire quelques spécimen de leur grande oeuvre malgré les exhortations sournoises d'opposants en mal d'en découdre avec le maire. Il faut admettre que les jeunes hommes de cette proche banlieue du village excellent beaucoup mieux dans les oeuvres d'utilité collective  que dans le mercenariat.
Dimanche 27 Avril 2003: Le printemps se fait été. L'actualité de la région est focalisée sur l'assassinat du vieux Deghdiche d'Aomar par sa seconde épouse, à coups de hache. Les spéculations vont bon train sur les mobiles du meurtre. Le feuilleton des dos d'âne d'El Maasra rebondit après la visite d'une délégation de la population à la Sous-préfecture. L'autorité est si divisée sur la question qu'on comprend qu'il s'agit en réalité d'une bataille en sourdine entre ses représentants et par l'intermédiaire des naïfs maasris, comme quoi on peut tout faire à n'importe qui, pourvu qu'on sache l'aiguillonner ...
Lundi 28 Avril 2003: Le vent de mai que nous appréhendions dans notre chronique du jeudi passé est arrivé avec quelques jours d'avance. C'est un sirocco digne de celui du mois d'août. Ce vent là vous ramène tout le sable du désert, vous   salit l'atmosphère et vous renfrogne les humeurs. Il accélère aussi la venue de l'été en jaunissant les herbes. Le vent et la canicule constituant à eux seuls un événement, le village a fait l'économie de la recherche d'une autre sensation.   
Mardi 29 Avril 2003: Le vent souffle toujours. Le sirocco, ce souffle triste d'un lointain enfer ne laisse aucune place à l'optimisme et à l'espoir... La désespérance qu'il inflige aux hommes, aux plantes et aux bêtes a sûrement été pour beaucoup dans le suicide d'un jeune homme de la région voisine d'Aomar. Au village, la mairie qui devait raser les baraques hideuses qui font  face à la mosquée, n'a pas trouvé mieux que de les relouer à des commerçants de toutes sortes. Le misérabilisme des élus de cette commune qui n'a décidément pas de chance avec ses édiles, ce misérabilisme est devenu une sorte de fatalité avec laquelle nous composons en parfaits masochistes.  
Mercredi 30 Avril 2003: Le ministre de la santé est en visite dans la région... Les autorités locales lui ont fait voir ce qui est agréable à voir... Elles n'ont pas - comme de bien entendu - conduit Monsieur le Ministre vers la maternité de notre village qui a coûté une petite fortune et qui sert aujourd'hui d'entrepôt à des... ruches !  On n'a pas idée de montrer à Monsieur le Ministre cette infrastructure non exploitée, de surcroît quand, juste à la limite de sa clôture, un dépotoir n'arrête pas de s'étendre en longueur et en largeur (voir photo). Cette visite du ministre a permis aux communes d'embellir l'itinéraire qu'il devait emprunter; les pauvres herbes des bords de routes ont été décimées, les troncs des arbres blanchis, les abris-bus repeints etc... Il y'a de quoi espérer une visite ministérielle mensuelle afin que notre environnement soit retapé à neuf durant les douze mois de l'année. La culture de l'apparat et du m'as-tu-vu a décidément encore de très beaux jours devant elle ! 
Jeudi 1er Mai 2003: C'est la fête du travail et des travailleurs... La fête du labeur qu'on célèbre par... le repos ! On aurait dû, pour être conséquents avec nous même, célébrer "Youm El Ilm" (la fête du savoir) par la fermeture des écoles... Sinon, c'est le calme plat. L'imposant dôme de la nouvelle mosquée a été travaillé au "pax-allumin" ainsi que la tête du minaret. La mosquée scintille maintenant au soleil comme un rubis. Les commerces continuent à s'ouvrir avec une belle allégresse; il est bien fini le temps du monopole de Amar Belaid et Said Touil puisqu'on compte des "nouaders" jusqu'à "la SAS" sur la seule rue principale pas moins de 30 commerces !!!! Le dernier né étant celui des "Boudrissa" et qui est contiguë au siège de la commune.
Vendredi 2 Mai 2003: La nuit d'hier, un vent d'une très grande force s'est levé. Il a hurlé comme une meute de chacals. Au petit matin, il s'était calmé. La population commence à prendre conscience du crime qui se commet à ciel ouvert à Ben Haroun ou le périmètre de protection de la source d'eau minérale a été choisi comme terrain d'assiette à la construction de logements. La complaisance des responsables avec ceux qui squattent depuis longtemps ce périmètre devait obligatoirement se terminer par cette grave atteinte à un patrimoine public pourtant protégé. Les jours à venir devraient connaître d'autres développements... Nous avons jugé que nous n'avions pas le droit de nous taire devant cette situation; c'est pour ça que nous vous alertons.
Lundi 5 Mai 2003: Le Premier Ministre Benflis a été défenestré par le Président de la République qui a rappelé l'inusable Ouyahia. L'information n'aurait pas été rapportée si elle n'avait pas des incidences directes sur notre village qui, en politique, ressemble à celui de Don Camillo et Peppone de Guareshi. Dès que la nouvelle a été diffusée, les partisans du RND sont sortis crier victoire alors que ceux du FLN se sont donnés le profil bas du perdant. Le système des vases communicants en fonction de la position dominante du moment va encore fonctionner et dans les prochains jours, on verra le FLN se vider de ses militants qui vont rejoindre en masse le RND refaisant ainsi le chemin inverse que nous avons constaté lors de la nomination de Benflis. La reconduction d'Ouyahia c'est un peu le plébiscite d'El Bled (notre maire d'alors et d'aujourd'hui) qui va retrouver une suffisance éclipsée par l'aura surfaite de Benflis.
Mardi 6 Mai 2003: Le village est en effervescence... la nouvelle a relégué au second plan le changement à la tête du gouvernement... le marché de voitures est désormais ouvert au Souk de Brachma (l'embranchement) à Aomar Gare. Ali Lachehab, l'ancien-nouveau maire d'Aomar a eu la main heureuse en créant ce marché qui va drainer la grande foule. Les perdants, ce seront les usagers de la RN5 qui risquent de connaître dorénavant des mardis noirs si des dispositions draconiennes ne sont pas prises pour fluidifier la circulation. Ali Lachehab risque par ailleurs de se faire beaucoup d'ennemis parmi les maires d'alentours (dont le nôtre) car il n'arrête pas de se démener pour rendre vivable sa circonscription en aménageant les rues, en nettoyant l'environnement, bref, en faisant le maire au lieu de faire l'intrigant.
Mercredi 7 Mai 2003: La mère de Mohamed Bouferkas (ex-femme de Ahmed Ben Lakhdar) est morte. Nos sincères condoléances à  Mohamed. Bacha a traité Tahar de "suceur de sang". Tahar le boulanger d'El Maasra à qui un épicier devait quelques millions de centimes n'a pas trouvé meilleur moyen de recouvrer sa créance que celui de lui prendre sa vieille Peugeot 204. Tahar s'est défendu d'être un vampire en invoquant le fait qu'il a concédé à l'épicier un complément confortable et qu'en conséquent il avait payé la bagnole à un prix plus fort que celui qu'elle mérite.
Jeudi 8 Mai 2003: Il fait un temps paradoxal en cette journée patriotique. Aux grosses froidures matinales ont succédé des bouffées de chaleur estivale qui ont laissé place dans la soirée à un froid assez vif accompagnant une pluie d'embruns. Ces retournements climatiques ont fait que l'on entend tousser le village de Kadiria.
Vendredi 9 Mai 2003: Le temps est toujours à la grisaille en cette journée sainte. L'adage du cru qui dit "ki yelh'gou el h'soum aglaa ksak ou3oum" (quand arrivent les h'soum déshabille toi et nage) pour faire écho au proverbe français qui affirme: "en avril ne te découvre pas d'un fil, en mai fais ce qui te plait"... est démenti de manière froide par le climat de ces derniers temps... à moins que nous ne soyons rentrés dans ces onze derniers jours de froid qu'on appelle "h'dachiatt mayyou" (la "onzaine" de mai) et qui, comme tout le monde le sait, est presque aussi froide que "el ftira" de l'hiver.
Samedi 10 Mai 2003: Il fait toujours gris. L'acte de "bravoure" des jeunes d'El maasra, faute d'avoir été "réprimé" à temps a incité des jeunes de la cité Houria à en suivre l'exemple. En début de soirée un semblant de dos d'âne a été érigé sur la route... Si ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières, ce sont aussi les actes anodins d'incivilité qui font son lit à la grande anarchie...   
Dimanche 11 Mai 2003: L'heure est aux pétards. Djebahia ressemble un peu à quelque village du Far West durant une attaque de bandits. Ca tonne de partout. Je ne sais quel négociant importateur de produits pyrotechniques a eu l'idée d'associer le Mouloud Ennabawi à la poudre, mais il a réussi à créer une tradition qui gagne en intensité à chaque nouvelle année et à l'allure où ça va, nous allons atteindre l'apothéose avec quelque bombinette atomique dans quelques années. Aux petits pétards inoffensifs ont en effet succédé de littérales grenades...    Je doute fort que ce soit notre "ALERTE !!!!" qui ait incité les responsables administratifs à réagir mais il faut tout de même se féliciter de cette réaction; le problème de construction sur le périmètre protégé de la source de Ben Haroun aurait été résolu... les travaux auraient été arrêtés... Il est certain que les dépenses engagées dans cette opération perfide passeront par pertes et profits et que le ou les responsables de ce gaspillage continuera (ont) à couler des jours heureux dans les rouages de l'administration car si on devait inquiéter les responsables pour l'infamie de leurs décisions, on n'aurait plus de responsables...    
Lundi 12 Mai 2003: journée réellement printanière. Les éclats des pétards se font de plus en plus intenses en attendant le Mouloud. Cette culture du baroud succède à celle de la solennité et de l'emphase théâtrales avec lesquelles on célébrait pareilles fêtes. C'est peut être un juste retour des choses; la canaille s'est réappropriée ses fêtes usurpées par les dignitaires de tous bords. Et la canaille préfère à la grandiloquence et au cérémonial les éclats et l'anarchie... On a remarqué aujourd'hui, à hauteur du cimetière de Sidi Boubekeur un mouvement inhabituel le long de l'oléoduc. L'endroit est connu pour ses fuites régulières à cause des mouvements de la terre argileuse. Aux dernières nouvelles, les Ponts & Chaussées auraient déposé plainte contre les jeunes d'El Maasra qui ont érigé des dos d'ânes sur la route départementale 125 (voir chronique du vendredi 25 avril 2003).   
Mardi 13 Mai 2003: l'heure est au Mouloud Ennabawi. Les poulets se font massacrer par milliers et les étals de feux d'artifices et de pétards s'improvisent à tout coin de rue.
Mercredi 14 Mai 2003: la nuit a été riche en détonations. Les fêtards ont continué à brûler leur argent durant toute la journée. Ce défoulement aux pétards doit constituer un sujet très intéressant pour les sociologues... J'ai appris l'hospitalisation depuis hier soir de Essaid Guerrache... espérons qu'il se remettra très vite.     
Jeudi 15 Mai 2003: le printemps s'empresse de laisser place à l'été... les herbes jaunissent sous les coups de soleil et les faucilles s'aiguisent pour des fenaisons qui vont avoir bientôt raison de la verdure. Les fèves se sont noircis le sourcil et ne se mangent plus en gousses. Les premiers abricots encore timides font leur apparition sur les étals et dans très peu de temps les figues précoces leur disputeront les faveurs des bords de routes...
Vendredi 16 Mai 2003: Il y'a deux jours de ça, Fatah 24 qui rendait visite à Hamouda El Bouchi en convalescence suite à une opération chirurgicale s'est entendu dire avec inquiétude par ce dernier que les nuées qui se formaient très loin à l'horizon présageaient d'un orage très violent. "C'est mauvais, les orages de mai... mauvais pour les arbres, mauvais pour les foins, mauvais pour les blés" lui a t'il dit. Le temps était pourtant au beau fixe mais ses palpitations internes ne peuvent être perçues que par des gens comme Hamouda El Bouchi qui vit en symbiose avec la nature. L'orage est arrivé aujourd'hui à 13 H 30... Un vent d'une rare violence et une pluie diluvienne. Les rues du village se sont vite transformées en torrents et les fidèles qui effectuaient la prière du vendredi à ce moment là ont été importunés par le bruit de la tempête, les blés et les foins n'ont pas pu résister à la violence du vent et se sont couchés (voir photo) et le courant électrique a été interrompu . A 14 h 30 tout est rentré dans l'ordre mais pour quelques heures seulement puisque le vent s'est levé à nouveau aux environs de 18 h. Essaïd Guerrache est toujours en observation à l'hôpital de Bouira. Son état n'inspire normalement pas d'inquiétude. Il occupe la place 24-54 (voir photo); il a trouvé ce numéro prédestiné puisqu'il est né le 24 (12) 54...
Samedi 17 Mai 2003: Il fait toujours gris et frais et la vie s'est littéralement arrêtée au village. Tandis que dans la commune mitoyenne d'Aomar l'heure est aux aménagements urbains (depuis l'investiture d'Ali Lachehab la ville s'embellit chaque matin un peu mieux), chez nous c'est l'expectative. Aucun projet, aucune fébrilité... depuis plus d'une année, ce sont les logements sociaux qui n'arrêtent pas de se construire et la municipalité n'a pas trouvé mieux à faire que de cloîtrer son siège derrière une clôture en barreaux qui s'éternise et qui sera certainement aussi moche que le bâtis et peut-être aussi les coeurs de ceux qui y officient.

Dimanche 18 Mai 2003: Après dissipation des brumes matinales, le Roi Soleil a repris  son éclatante traversée du ciel. L'effet des pluies de mai est éphémère - "El Ardh taghleb essma'" disent nos bonnes gens (la terre l'emporte sur le ciel) et ils ont raison ! les flaques d'eau qui se sont formées ont disparu comme par enchantement et la terre pourtant copieusement arrosée depuis le mois de janvier a bu les grosses ondées d'hier comme un faucheur du "comité de gestion" sifflerait une Ben Haroun fraîche entre deux coups de faux. Les villages des bords de la Route Nationale, de Boumerdes à Bejaïa se sont inventés le prétexte d'une visite présidentielle pour se faire beaux. On y repeint tout ! les trottoirs, les troncs des arbres, les façades donnant sur la route principale, les garde-fous etc... Notre village quant à lui est resté de marbre ou plutôt de boue. Situé en retrait de la route nationale, il est certain que les autorités qui ont défini l'itinéraire du Président l'en ont exclu de peur d'incommoder l'illustre visiteur en lui faisant subir l'épreuve des nids de poules qui jalonnent le chemin de wilaya 125. Le Président gagnerait une extraordinaire popularité s'il s'avisait d'enjamber le pont de Oued Djemaa (dont on a repeint en blanc cassé les garde-fous) pour voir la réalité sans fards et sans vernis...

PS. Je remercie Moussa Djebri pour son message, Hassan Dahmani pour les très belles photos de Ain Cheriki qu'il m'a transmises et dont je ne peux malheureusement gratifier les visiteurs du site faute d'espace-mémoire... je signale à "faucon" que la photo promise ne m'est pas parvenue. Je remercie Chantal pour m'avoir appris canisses et minerve (on apprend à tout âge !) et pour sa prescription à distance qui m'a permis de tourner la tête pour regarder... les balcons ! ...

 

Lundi 19 Mai 2003: Le printemps a repris tous ses droits, mais l'inexorable avancée de l'été se fait chaque jour plus pressante; déjà les champs d'orge commencent à se colorer en jaune et la terre se pèle par larges plaques sous l'effet des faucilles. Le coquelicot dépérit à vue d'oeil et les marguerites s'essaient à une résistance pathétique. Saadi Boualem m'a dit que les figues précoces (bakour)  devraient être mures à partir de la fin mai et cette année nous avons la promesse d'une récolte exceptionnelle. Pour le reste c'est toujours le calme plat.
Mardi 20 Mai 2003: Le train a déraillé au niveau de la gare d'Aomar. Il est resté immobilisé sur la voie ce qui a contraint les automobilistes venant de Dra El Mizan ou sortant d'Aomar à faire de longs détours pour rejoindre la RN5. Le passage à niveau a pu être dégagé mais les habitants de "touahma" à Doumez n'ont pas eu l'occasion d'entendre la musique du train qui passe et qui - dit on - les faisait danser sur la terre battue...
Mercredi 21 Mai 2003: 20 h 30 - Très forte secousse tellurique à 19 h 45. De mémoire de Djebahi on n'a jamais ressenti pareil séisme même le 10/10/1980. Terribles scènes d'effroi... Pourtant, à première vue, il n'y a aucun dégât humain ou matériel dans le village hormis l'écroulement d'un pan de mur d'une vieille bâtisse. L'épicentre du séisme se situerait à Thénia (Menerville) et sa force aurait été de 5.2 sur l'échelle de Richter. Les premières nouvelles officielles font état de 3 morts à Bab El Oued et 40 morts à Rouiba... le séisme s'annonce vraiment meurtrier et les prochaines heures montreront l'ampleur de la catastrophe. Demain on découvrira certainement l'horreur. MINUIT: Nous n'arrêtons pas de compter les répliques. Ca tangue très fort et à chaque fois c'est accompagné de cris d'effroi des enfants et des femmes. On annonce 250 morts et des milliers de blessés... les hôpitaux sont submergés... La wilaya de Boumerdes semble très touchée. Je fais un tour jusqu'à El Maasra ou les gens sont quittes pour un grosse frayeur. Je reçois KHOUAS Belkacem qui s'inquiète pour ses filles qui sont à l'université mais nous ne pouvons communiquer avec Boumerdes et Alger. Les spéculations vont bon train; on a annoncé la destruction de la vieille mosquée de Chikh El Hammami et du bâtiment carré situé à côté de la poste de Lakhdaria. Ces nouvelles sont infirmées par des amis qui y résident. On annonce aussi d'importantes chutes de pierres au niveau des gorges de Lakhdaria. 1 H... Impossible de dormir. On attend tous une sorte de "Big One". Les nouvelles de Thénia, Réghaia, Boumerdes, Ain Taya et Rouiba sont inquiétantes.
Jeudi 22 Mai 2003: 6 H - J'ai eu beau essayer de me connecter hier pour placer ma chronique afin de rassurer autant que faire se peut les villageois de l'extérieur et nos ami(e)s qui n'ont que cette tribune pour moyen de s'informer, rien n'y fit ! Internet était inaccessible. Il est 6 h... après une nuit très remuée, nous allons pouvoir faire le bilan de ce séisme dévastateur. J'essaie de me connecter pour transmettre ma chronique telle que je l'ai rédigée... J'espère sans trop y croire qu'il n'y a pas eu d'évolution de la situation vers plus de drames et de deuils... 7 H - Je viens d'effectuer un tour au village. Les bâtis se sont très bien comportés. Au centre du village, à la SAS, à Zebboudj Djemaa, à El Harka c'est le calme plat. Il y'a même un auto-constructeur qui se prépare à daller sa maison !... Ailleurs et surtout à Boumerdès et ses environs le spectacle rapporté par la télévision est hallucinant. Les élèves qui se préparent à rentrer dans leurs classes sont agglutinés par petits groupes leurs discussions se rapportent bien sûr à l'événement du jour. La connexion à Internet est toujours impossible. 8 H 30 - Les élèves ont été renvoyés, l'idée de leur assurer des cours sous les répliques du séisme était de toute façon une idiotie.   19 H 30 J'ai fait un tour jusqu'à Bab Ezzouar et retour par Bordj El Kiffan - Bordj El Bahri - Dergana - Rouiba - Reghaia - Boudouaou - Corso - Boumerdes avec KHOUAS Belkacem ... J'ai constaté de visu l'ampleur des dégâts. Des palais de rêve se sont écroulés comme des châteaux de cartes; des bâtiments se sont aplatis comme des mille-feuilles géants, écrasant sous le poids des dalles les habitants. Partout c'est une image d'apocalypse. Les répliques du séisme continuent. A  15 heures une très forte secousse a été ressentie; les commerçants du marché couvert de Lakhdaria ont dû se précipiter vers la sortie, laissant leurs étalages. Tout le monde attend la prochaine réplique... Les spéculations autour de la destruction de la mosquée de Cheikh el Hammami à Lakhdaria s'avèrent non fondées. La mosquée n'a connu apparemment que la chute de quelques tuiles.  La connexion à Internet est toujours impossible. 21 H 30 - La fille de Amar Bouferkas (Amrouche) d'El Maasra est morte. La nouvelle est tombée comme un couperet. On ne connaît pas encore la cause de ce décès et s'il est lié au séisme. On apprend aussi le décès d'un villageois en service commandé à Zemmouri, de sa femme et de ses deux enfants dans l'effondrement de leur logement de fonction à Zemmouri. L'information est toujours au conditionnel. Le nombre de victimes du séisme dépasse le millier et on attend toujours d'autres répliques; cette attente devient obsessionnelle, la réplique est presque une libération; on souhaiterait presque  qu'elle se produise si on ne devait pas attendre celle qui la suivrait... On a expliqué tout à l'heure les raisons de l'impossibilité de la connexion à Internet et de l'arrêt des communications avec l'étranger: le séisme aurait causé un éboulement sous-marin qui aurait sectionné les câbles de fibre optique reliant le pays à l'Europe. 23 H 30 - Merci à CHANTAL d'avoir tout fait pour téléphoner de France et d'y avoir réussi pour se rassurer sur notre sort.
Vendredi 23 Mai 2003: 7 H - Nuit calme. Je n'ai ressenti aucune réplique d'envergure mais on parle de deux grosses secousses à 2 h puis à 4 h du matin. 12 H - La fille de Amrouche qui est décédée habitait dans la banlieue algéroise - précisément à KAHOUETT ECHCHERGUI près de DERGANA; elle aurait été blessée à la jambe par la chute d'un pan de mur et serait morte à la suite d'une hémorragie interne non détectée. Elle devrait être enterrée après la prière du vendredi. On a appris aussi que deux petits fils de Belgacem Ahmed ben Slimane auraient trouvé la mort des suites du séisme. 15 H. La dépouille de la fille de Amrouche est transportée vers le cimetière de Braika pour y être inhumée, elle est morte en essayant de sauver un de ses enfants. 19 H 50 - Les corps des 4 membres de la famille du fils de Bouferkas Mihoub (la femme et 3 enfants)sont ramenés de l'hôpital. La petite famille a été décimée par le séisme à Corso où le père officiait comme gendarme. Un cortège funèbre impressionnant les accompagne vers le cimetière de Braika où ils vont reposer. Quatre tombes sont creusées côte à côte. La consternation et la douleur sont à leur comble. Le cortège funèbre revient à la nuit tombée. On apprend que 6 membres de la famille d'un pompier du village agricole El Madjen sont encore ensevelis sous les décombre du bâtiment de Réghaia... certaines informations parlent de 11 personnes. La mort des petits enfants de Belgacem Ahmed Ben Slimane est confirmée. Leur père est gendarme et habitait dans la zone qui a subi de plein fouet le séisme. On apprend aussi que la famille de Boumghar (originaire d'El Madjen) a été décimée  à Boumerdes ou elle résidait. Les marchands du désespoir commencent à exploiter la catastrophe à des fins de prosélytisme... Le séisme n'est plus une manifestation naturelle, c'est surtout un châtiment divin contre la prévarication et les turpitudes... Il faut se demander ce dont auraient pu se rendre coupables les 7 innocentes victimes que le village a enregistrées... Il est vrai qu'en culpabilisant le sort on déculpabilise surtout tous les parvenus qui se sont lancés dans une indécente concurrence à qui construira le palais le plus opulent sans regard pour ses assises... Il est vrai qu'il est plus facile de parler de morale que de normes antisismiques... Il est vrai qu'en focalisant sur la responsabilité morale, on fera diversion sur la responsabilité... administrative. Il est vrai que les clergés, depuis la nuit des temps, font de la misère humaine un moyen d'asseoir leur domination sur les esprits.
Samedi 24 Mai 2003: On dit qu'il y'eut deux répliques la nuit passée; la première à 0 H 30 et la seconde à 4 H. J'avoue ne pas m'en être rendu compte. Ali Lachehab maire d'Aomar a organisé un cortège de solidarité avec les sinistrés comme l'a fait hier la commune de Lakhdaria (ex Palestro); notre maire a récolté quelques vivres qu'il a acheminés à l'aide d'un camion mais on n'y a ressenti aucune spontanéité... Un groupe d'habitants s'est formé pas très loin de la poste autour d'un  jeune homme tenant une boite en carton sur laquelle on pouvait lire en grosses lettres et au stylo-bille en arabe dans le texte: "tadhamoun" (solidarité). L'élan de générosité du peuple a toujours été parasité  par les opportunistes, les populistes, les politicards et les faux dévots. On aurait gagné à voir la force de la jeunesse de ce bon samaritain utilisée dans les opérations de déblaiement et de secours aux sinistrés encore ensevelis sous les tonnes de gravats. Le bilan du séisme a atteint les 1800 victimes; sa magnitude est passée à plus de 6 degrés sur l'échelle de Richter et on parle d'un phénomène marin curieux qui l'aurait accompagné.
Dimanche 25 Mai 2003: Les opérations de sauvetage continuent dans les zones sinistrées sous la pestilentielle odeur des corps en décomposition. Beaucoup de jeunes du village n'hésitent pas à aller prêter main forte aux secouristes de Reghaia, Boumerdes ou Zemmouri; ils en reviennent pleins d'images insoutenables. Les corps des deux familles Mameche ensevelis sous le tristement célèbre bâtiment de 10 étages de Reghaia ont été retirés. Un père rescapé de la tragédie qui a décimé sa famille, n'a pas arrêté de se féliciter, dans un état second, du fait que ses filles n'aient pas été amochées. Les pères aiment voir leurs filles belles même quand elles se font inviter par la faucheuse. A Dellys la famille d'un enseignant de Zeboudja (originaire de Tazmalt) composée de 4 membres a été elle aussi décimée, elle était invitée à une fête. Une jeune fille de la famille DACI les avait accompagnés, elle a trouvé la mort elle aussi et a été enterrée aujourd'hui. Mais cette situation morbide a généré des images autrement plus prometteuses et très poignantes: celles des convois de la solidarité qui se distinguent par un drapeau algérien sur les capots des véhicules. Ces convois n'arrêtent pas de se succéder sur la route nationale 5, venant de toutes parts. Beaucoup de Djébahis hors des circuits officiels ont organisé leurs propres convois à l'instar de Nasser et de ses cousins et voisins qui ont porté eau et vivres aux sinistrés de Zemmouri sur l'Isuzu bleu. La spontanéité et l'anonymat dans lesquels agissent les gens constituent peut-être le prélude à une autre culture, celle du coeur et de l'humilité qui supplantera celle du "tebrih'", du m'as-tu-vu et de la publicité qui a souvent caractérisé les manifestations solidaristes...
Lundi 26 Mai 2003: Les convois de solidarité continuent à déferler sur les régions sinistrées et j'ai même aperçu un camion partant de Ain Lazerah...  Cette ambiance de communion.... Il est 21 H 22 et une forte réplique vient de se faire ressentir au moment où j'écris cette chronique.... Je disais que cette ambiance de communion populaire a été refroidie par le communiqué des pouvoirs publics qui insistent pour que les dons transitent par le Croissant Rouge Algérien. Cette contrainte pourtant nécessaire pour rendre les aides plus efficientes risque d'émousser l'enthousiasme populaire et ce sera dommage. En plus de la réplique de tout à l'heure, il y'eut ce soir entre 17 h et 17 h 30 une sérieuse secousse... il faut espérer que la nature arrête très vite ces jeux là car ça commence à devenir sérieusement lassant... La vie devant continuer, les paysans se sont mis aux fenaisons avec un bel entrain et la nature fait sa mue en se débarrassant graduellement de son manteau vert pour revêtir un autre manteau aux couleurs indéfinissables du foin. Les herbes qui sèchent sous le soleil dégagent une prégnante odeur dont les effluves enivrent ceux qui savent apprécier la tranquille poésie qui se dégage de la campagne enfin libérée de sa longue gestation.
Mardi 27 Mai 2003: Très forte secousse tellurique (5.8°) "résiduelle" aux environs de 18 H. Un bruit sourd a accompagné les vibrations... Des scènes d'hystérie et des familles qui fuient leurs maisons pour s'installer dans les voitures car il fait un temps de chien: froid et pluie comme si le séisme ne suffisait pas. Nous allons encore passer une nuit d'angoisse... Demain il fera jour.
Mercredi 28 Mai 2003: Encore des répliques; la première à 7 H 58 a fait 5.2°; la seconde à la mi-journée et la troisième en soirée... Beaucoup de villageois jurent par tous les walis de la région et d'ailleurs que la terre tremble sans discontinuer... Les débats s'orientent très dangereusement vers une chasse aux sorcières... Les sorcières sont en l'occurrence les entrepreneurs qui réaliseraient des constructions sans respect des normes et en utilisant des matériaux non conformes. Le paradoxe c'est que le procès est mené par l'administration qui a en charge justement le contrôle de la bonne exécution des travaux qu'elle confie à l'entrepreneur. Les boucs émissaires sont désignés à la vindicte populaire sans avoir la possibilité de se défendre. Faute de s'en prendre aux vrais responsables, on montre du doigt des lampistes et c'est la bureaucratie qui va sortir renforcée de ces procès car on entrevoit déjà que pour pouvoir construire une cabane en rondins, il nous faudra à l'avenir dépenser une forêt de papiers... Saadi Boualem m'apprend que la femme à "Ruisseau" de Ben Haroun est morte dès suite d'une longue maladie.
Jeudi 29 Mai 2003: 3 H 34 mn... Nous venons d'être réveillés en sursaut pat une très forte secousse à l'heure où le muezzin lance son appel à la prière... La secousse s'est passée à 3 H 20 et a duré une éternité... Il n'y a pas de mouvement de panique dans les bâtiments du CEM où j'habite et pour cause ! Nous sommes pratiquement deux familles à continuer à résider dans ces deux paquebots ivres... Nous entendons des bruits diffus loin,  du côté de la poste;  et par intermittence des coqs qui se relaient en cocoricos... Je m'en serais voulu si je n'avais pas fait ce flash et puis, c'est aussi une manière de se libérer de son angoisse que de le faire... 17 H 30 mn... Aucune secousse n'a été perceptible depuis celles de ce matin. Ce sursis est interprété presque comme un calme qui précède la tempête. Les sismologues n'arrêtent pas de rassurer la population par le biais de la radio et de la télé en disant que les secousses résiduelles vont s'estomper graduellement et que dans tous les cas, elles seront inférieures en intensité à la secousse initiale; la population est tellement ébranlée que tout à l'heure le passage d'un camion près de la "SAS" a crée une indescriptible panique. 21 H 20 mn... L'énergie accumulée par la terre continue à se dégonfler à coups de ruades. Le Big One n'a pas eu lieu et depuis une heure nous eûmes droit à un léger ébrouement  qui a déchargé chez ceux qui l'ont ressenti le potentiel d'angoisse accumulé depuis ce matin...
Vendredi 30 Mai 2003: 6 H ... La nuit a été calme et aucun bercement de séisme n'est venu nous rappeler la précarité de nos abris bétonnés. Les savants du CRAAG (un office qui porte bien son nom !) ont peut être raison après tout. Le séisme n'est qu'un violent bouleversement naturel et ses répliques ne sont que des tentatives de retour à la normale et tout ça n'a rien à voir avec la colère de Dieu contre ses frêles créatures. Ces deux conceptions qui s'opposent depuis que le monde est monde continueront à s'affronter jusqu'à ce qu'il ne soit plus car il y va de la survie des "clergés" qu'ils soient "scientistes" ou "déistes". Le charme de la vie est peut être au prix de ces impondérables et des controverses qu'ils génèrent... 21 H... Rien ! Aucune secousse ! Paradoxalement la psychose augmente plus qu'elle ne diminue; on espère presque que survienne la secousse tant attendue afin qu'on soit libéré du poids de l'attente. En dehors de ce paradoxe, le séisme a aussi crée une autre curiosité: celle du retour de l'homme à sa hutte primitive. Tout le monde ou presque s'est construit un abri léger en roseaux, couvertures, toile plastique, bâche et a déserté ces demeures en dur dont il tirait fierté et gloriole. La puissance de la nature a rabaissé le caquet à l'homme qui s'est fait plein de modestie et d'humilité. C'est d'ailleurs ainsi qu'il est plus sympathique car l'arrogance le rend très laid.
Samedi 31 Mai 2003: 5 H 30 mn... La secousse attendue n'a pas eu lieu et au fur et à mesure que la périodicité des ébrouements augmente, la psychose s'estompe. Les oiseaux de mauvaise augure qui prédisaient l'apocalypse n'ont pas réussi à contredire les scientifiques dont l'argumentaire ne repose pourtant que sur de simples statistiques. Ces faux dévots ne vont pourtant pas en démordre... Ils semblent sadiquement nous dire: "vous ne perdrez rien pour attendre !" et à la prochaine catastrophe car il y'a toujours une prochaine catastrophe, dans une heure, dans un jour, dans un an ou dans 10 ans,  ils viendront nous dire en jubilant: "nous vous avions avertis !"...
Dimanche 1er Juin 2003: 6 H 00 mn... La nuit a été très calme; assez chaude aussi... C'est peut être ce qui a incité bon nombre de gens à dormir dehors. Les "bonnes" habitudes villageoises d'antan commencent à reprendre leur droit après qu'elles aient été ébranlées par le séisme qui a rappelé aux hommes leur fragilité, la vanité de leur carapace protectrice et la probabilité d'une  mort que nombre de diversions matérielles leur ont fait oublier. La sournoiserie, la cupidité, la médisance et nombre d'autres naturels penchants villageois reprennent du service. Fort heureusement d'ailleurs car que serait un villageois sans ses "bonnes habitudes" ?... J'ai appris sur un autre registre que le siège de la gendarmerie d'Aomar et l'école primaire de "Brachma" ont été expertisés et déclarés trop sérieusement touchés par le séisme . Si pour l'école on ne perdrait pas grand-chose à la voir détruite pour être reconstruite, il n'en est pas de même pour la Gendarmerie car c'est une construction très ancienne et qui fait figure de relique historique. Espérons que l'on trouvera le moyen de la remettre en état sans lui ôter cette patine du temps qui en faisait avec la gare les seuls agréments architecturaux donnant à la région cet air de tranquillité provinciale. 21 h 30 mn... Le temps est à l'orage; le tonnerre vient ajouter sa joyeuse note  à une ambiance déjà très gaie... Le séisme a chassé les gens vers l'extérieur et la pluie les refoule vers l'intérieur; c'est à croire que les éléments se sont entendus pour nous faire passer de sales quarts d'heures pour on ne sait quel crime que nous aurions commis.
Lundi 2 Juin 2003: "En'sa el h'am yen'sak" (oublie le malheur, il t'oublie) dit le bon mot de chez nous... Nous axerons  notre chronique d'aujourd'hui sur ce printemps qui fuit à grandes enjambées poursuivi par un été encore timide mais très entreprenant. Les épis d'orge se sont déjà dorés et le blé a vu sa chevelure noircir. La campagne se pèle par grandes plaques et le vert se fait discret devant un jaune arrogant. Un éleveur nomade a déjà installé sa tente sous les oliviers qui bordent "trig et_traverse" et un cultivateur de cucurbitacées a planté melons et pastèques à R'Mada. Les femmes en chantiers cueillent  déjà le "mermez" et les feuilles des figuiers se sont faites oreilles de boeufs... L'eau se perd inutilement dans la conduite à El Maasra. Les jeunes de ce hameau qui ont construit des ralentisseurs avec un bel enthousiasme (voir chroniques précédentes et controverses générées sur le forum)devraient montrer que leur sens de la responsabilité en est vraiment un et arrêter d'eux-mêmes ou contraindre l'autorité communale à arrêter cette gabegie et ce gaspillage indigne, d'une denrée si nécessaire et si rare...
mardi 3 Juin 2003: L'été continue à repousser le printemps en s'aidant de tout son arsenal de chaleur et de siroco. 
Mercredi 4 Juin 2003: Les Djebahis comme tous les Algériens attendent avec inquiétude de voir se réaliser les prédictions apocalyptiques du nouveau prophète Loth... Bounatiro pour ses adeptes et même pour les autres. Cet homme qui se dit "unique" expert en plaques tectoniques a prédit ou prévu un très fort séisme durant la matinée du samedi passé et un autre séisme pour cette nuit. Même si le premier n'a pas eu lieu, les gens appréhendent le second et ce soir tout le monde a garé son véhicule loin des balcons et est allé dormir ailleurs que dans les bâtiments.
Jeudi 5 Juin 2003: Les prophéties de Loth ne se sont pas réalisées et c'est tant mieux pour nous et tant pis pour lui. Mais comme nous sommes des crédules incorrigibles, nous ne manquerons pas, malgré la fantaisie évidente du prophète de malheur,  durant la nuit du 12 au 13 (prédiction d'un séisme lothien) d'avoir un soupçon d'appréhension qui, au fil du temps va se transformer en une certitude qui nous poussera à chercher refuge hors de nos refuges...   Slimane Derouaz est venu au village; je l'ai rencontré devant le siège de la commune. En dépit de la fatigue il conserve le moral. La maison qu'il a construite à Alger-Plage a tenu le coup et nous nous en félicitons. Le temps est épouvantablement chaud depuis quelques jours et les rares espaces verts s'estompent à vue d'oeil.
Vendredi 6 Juin 2003: Journée de pieuses incantations. Les mosquées affichent complet depuis le 21 Mai et cette brusque fièvre religieuse rappelle le bon mot du cru qui dit "ichahh'ad leilet erra3da" (il fait sa profession de foi les nuits de tonnerre). Il y'a beaucoup de choses à dire sur cette foi subséquente à la peur et non à l'amour de Dieu... Il faut juste espérer que les croyants garderont l'humanisme prôné par l'Islam même en dehors des lieux de culte et surtout qu'ils n'aient pas l'idée simpliste de mettre cette catastrophe sur le compte du maillon le plus faible de la société, en l'occurrence: la femme qu'on assimile par un raccourci trop réducteur à l'immoralité...
Samedi 7 Juin 2003: L'examen du bac a été sadiquement maintenu par Benbouzid à cette date malgré l'immense désarroi des élèves. Personne ne peut expliquer cette rigidité narguante de nos responsables pour des questions qu'il est pourtant facile de régler par consensus et dans lesquelles cet autoritarisme d'un autre âge paraît vraiment déplacé... C'est donc avec la peur de voir le ciel leur tomber sur la tête que les pauvres lycéens, abreuvés ces derniers jours de discours religieux apocalyptiques, ont dû plancher sur l'économie du Mexique ou l'histoire du non-alignement ou de je ne sais plus quoi encore. Merci aux responsables et un sincère "merde" aux candidats !
Dimanche 8 Juin 2003: Deuxième journée d'un bac terriblement lourd. La chaleur se fait de plus en plus suffocante et envoie sur les étals une profusion de cerises, d'abricots et de pêches. Les premières figues font aussi leur apparition. Les oisillons de la nouvelle génération s'essaient laborieusement au vol. L'actualité nationale reste dominée par la tectonique des plaques et le séisme qui frappe le FLN dont les structures locales sont prises d'assaut par des militants qui ne peuvent concevoir leur parti autrement que ce qu'il doit être, c'est à dire un appendice du pouvoir quel qu'en soient sa couleur et son programme. Les secousses résiduelles risquent d'ébranler bien des certitudes et de remettre en cause beaucoup d'idées trop vite faites... le "Qui t'a fait Roi ?" promet de nous donner des spectacles tragiquement hilarants.
Lundi 9 Juin 2003: Le bac continue cahin-caha. Le soleil se fait de plus en plus brûlant et le farniente gagne progressivement les gens. Les soirées s'étirent langoureusement sous les auvents des cafés. La peur des répliques s'estompe graduellement et la brusque ferveur religieuse qui contraignait les prosélytes à prier sur les terre-plains faute de place sous les voûtes des mosquées se refroidit à vue d'oeil. 

photo prise ce soir à 18 h

Mardi 10 Juin 2003: Quatrième et dernière journée du bac. Les passions se stabilisent après le séisme et ses répliques; les bonnes habitudes paysannes reprennent graduellement leurs places. L'humanisme débordant du lendemain de la catastrophe n'est plus qu'un lointain souvenir. Les convois de solidarité ne font plus d'embouteillage sur la RN5. La vie reprend ses droits perturbés par l'incursion brutale de la mort.
Mercredi 11 Juin 2003: Rien à signaler... Le long fleuve tranquille de la vie s'écoule dans l'indifférence et la monotonie. Le vent du sud s'en vient calmer toute ardeur et estomper de ces hurlements tous les autres cris et chuchotements.
Jeudi 11 Juin 2003: Le vent souffle toujours. Les rares espaces de fraîcheur sous les arbres de la place publique sont occupés par des villageois lascifs qui se déboutonnent les chemises et laissent leurs ventres s'affaler devant eux en regardant passer de rares véhicules. Le temps semble marquer une pause. PS. Je remercie Moussa Djebri pour avoir attiré mon attention sur ce phénomène bizarre qui fait que le 11 juin se soit étalé du mercredi au jeudi dans cette chronique. En ces temps de recherche effrénée d'explications métaphysiques aux phénomènes physiques, il a eu l'heureuse idée de prendre à contre-pied la nouvelle mode pour expliquer ce phénomène para-physique par une théorie physique: celle de la dilatation des corps... Je le rassure en lui promettant de corriger cette grave atteinte au calendrier grégorien e reprenant ma chronique le... vendredi 13 !
Vendredi 13 Juin 2003: Vendredi 13... Il faut espérer que le seul malheur de la journée s'arrête à cette chaleur étouffante qui s'est abattue sur nous depuis les premières heures et que nous n'allons pas encore subir la prophétie apocalyptique de Loth Bounatiro en cette nuit de pleine lune. On ne va pas jouer aux martyrs devant la canicule car elle a aussi du bon... Le bon c'est par exemple l'accélération brusque du mûrissement des figues précoces (bakour), des prunes, des pêches et surtout des abricots. Cette année tous les fruits gorgés de pluie sont d'une profusion et d'un succulence que nous avons rarement vues. Des pêches et des abricots de calibre respectable entre 25 et 35 DA/kg... il y'a de quoi se faire végétarien pour tout l'été !
Samedi 14 Juin 2003: Loth s'est encore trompé dans sa prédiction de l"échéance fatale. Le Big One n'a pas eu lieu cette nuit et tant mieux pour nous ! La nature reprend son exubérance et ce matin c'est un concert de chants de moineaux qui nous est offert; des moineaux qui apprennent les techniques du vol à leurs oisillons frileux sous le regard aigu des chats qui accomplissent cruellement la tâche de sélection naturelle dont ils ont la charge. Le séisme n'en finit pas de se rappeler à notre bon souvenir. Après l'histoire des camions de voleurs de sable engloutis à Cap Djinet, après la montagne qui se serait écroulée entre Kadiria et Lakhdaria, après l'hécatombe dont aurait été victime la gente piscivore, on raconte qu'une faille digne du Grand Rift ou de celle de San Andréas se serait ouverte du côté de Bouderbala...
Dimanche 15 Juin 2003: L'heure est au brevet d'enseignement moyen. L'épreuve d'éducation religieuse sur laquelle ont planché les potaches encore loin d'être adolescents avait pour sujet: le mariage, son intérêt, ses bienfaits etc... Des adultes aigris par des années de fade cohabitation et qui n'arrêtent pas de montrer à leurs enfants-élèves que le mariage est synonyme de scènes et de bouderies alternées leur imposent d'en dire le contraire et d'en parler en bien... enfin ... 
Lundi 16 Juin 2003: Deuxième journée d'examen pour le passage au lycée. Les élèves du villages subissent une double épreuve car, en plus des matières à composition, ils doivent descendre par monts, par vaux et par... fourgons jusqu'à Aomar-gare ou se situent les centres d'examen. Le séisme  s'éloigne de nos contrées puisqu'il a jeté son dévolu sur Relizane qu'il a  légèrement secouée.
Mardi 17 Juin 2003: Troisième et dernière journée d'examen du Brevet d'Enseignement Moyen (dit Fondamental). Après l'histoire du mariage et de ses bienfaits dans l'épreuve d'éducation religieuse, c'est le tabac et  ses méfaits que les élèves ont dû traiter dans l'épreuve de français. La tentation moralisante des marchands d'alphabet est devenue une seconde nature; l'école a presque totalement oublié son rôle d'incitation à l'esthétisme, à la tolérance, à la culture pour se faire maison de redressement pour délinquants potentiels. A part ça, c'est le calme plat et surtout... chaud ! 
Mercredi 18 Juin 2003: Il a fait chaud et dans ces conditions climatiques, le village n'a d'autre choix que celui de se mettre en totale léthargie jusqu'aux premières fraîcheurs du soir. Le séisme qui a détruit Zemmouri a fait plus de 300 sinistrés dans notre commune mais paradoxalement aucun mort et aucun blessé parmi les résidents. Ces sinistrés se sont en réalité faits sinistrés en lorgnant du côté des logements en voie de finition. Il serait bon d'examiner cette liste de malheureuses victimes du jeu de saute-mouton qu'accomplissent les plaques tectoniques; on y découvrira à coup sûr tous les squatters qui ne peuvent concevoir de laisser passer un gâteau sans en arracher une bouchée depuis la ruée sur les "biens-vacants" de 1962...
Jeudi 19 Juin 2003: L'anniversaire du "redressement révolutionnaire" de 1965 que la commune fêtait habituellement comme toutes les autres fêtes par drapeaux et chants patriotiques de circonstance est passé totalement inaperçu. L'actualité est dominée par l'annonce de la mort de Mahfoud Nahnah à qui on peut reprocher une agression lointaine contre des poteaux téléphoniques, son choix du costume alpaga à la place de la a'baya ou son entrisme qui lui a fait accepter les situations les plus équivoques... mais personne ne pourra dénier au cheikh sa sagesse, sa modération, son honnêteté,  son humour et son charisme. Qu'il repose en paix.
Vendredi 20 Juin 2003: L'enterrement de Nahnah a drainé une foule à la mesure de son charisme. La ferveur religieuse apparue aux lendemains du séisme ne semble pas s'émousser et les mosquées ont toutes affiché complet en cette pieuse journée... une pieuse journée qu'a choisie la femme de "Boudraa" et mère de Athmane, Messaoud et Mohamed Hamoudi pour tirer sa révérence à la vie. Depuis quelques jours une folle rumeur alimente les ragots du village. On prétend qu'une maison est hantée et on affirme que nombre de personnes y ont vu un couple de vieillards avec des bras démesurés... D'aucuns parlent de bébé moustachu (c'est vrai que le locataire des lieux est une éminence du RND mais je doute qu'il y'ait une corrélation entre les deux faits...). Le village qui a trouvé de quoi meubler sa nonchalance n'y va pas de main morte et se raconte des tas d'histoires sur ce "phénomène" que d'aucuns (qu'il ne faut surtout pas écouter) expliquent tout simplement par un effet d'optique d'un jeu de lumières d'un ventilateur combiné à une veilleuse...
Samedi 21 Juin 2003: Le village a donné un nom au Djinn: "Merzouk". Deux Imams auraient été appelés à la rescousse pour exorciser la maison hantée. Les imams auraient rassuré les villageois en leur disant que pareilles apparitions étaient tout à fait dans l'ordre des choses après une catastrophe naturelle de l'ordre du séisme du 21 mai. Mais les histoires d'apparitions ne s'arrêtent plus au djinn Merzouk... D'aucuns prétendent avoir vu une sorte de grand oiseau blanc à tête de singe... C'est dire que l'affaire est grave !!!! Les analystes un peu plus froids, tenant compte de certaines échéances à court terme: libération de détenus célèbres et à moyen terme: élections présidentielles,  spéculent sur une recrudescence attendue de ces phénomènes grâce à l'apport de technologies rudimentaires sous d'autres cieux; des technologies mises au service de certaines causes et qui pourraient nous organiser des shows avec laser dans les nuages pour mieux nous convaincre de craindre Dieu faute de nous inciter à L'aimer... C'est presque de bonne guerre car "la guerre est tromperie" (el Harb khidaa) et la politique est une guerre... très souvent plus sale que les guerres conventionnelles.
Dimanche 22 Juin 2003: Comme les techniciens officiant dans la tectonique des plaques au CRAAG,  les préposés aux bulletins météo doivent avoir reçu de quelqu'occulte officine des instructions pour diminuer le degré de gravité des catastrophes naturelles qui nous tombent sur la tête afin de ne pas nous alarmer. Ils ont annoncé pour aujourd'hui 42° à l'ombre alors qu'il a dû faire pas moins de 80°... La peste est revenue "hécatomber" sa part d'algériens. Elle s'est déclarée dans un douar de l'Oranie mais comme nous sommes des colporteurs nés, gageons que nous saurons très vite la transporter jusqu'aux fin fond des quartiers de Souk Ahras. Aberkane, le ministre de la santé qui n'a pas du tout la g... de l'emploi, toujours sournoisement conseillé par l'officine de tout à l'heure s'est confondu en explications sur la "bégnignité" de cette maladie et la facilité de son traitement depuis que Howard Fleming s'est amusé à taquiner les mousses qui se sont déposées sur ses carreaux.
Lundi 23 Juin 2003: C'est la pleine canicule. Ca tape si fort que ça a obligé les abricots et les figues précoces à laisser place aux pastèques et aux melons. Ca tape si fort que même le Djinn Merzouk ne fait plus recette car les villageois ont d'autres préoccupations plus en rapport avec ombre et fraîcheur qu'avec ésotérisme et para-physique...
Mardi 24 Juin 2003: Le temps est toujours aussi excécrablement chaud. Le village fourmille d'enfants tenant des bouteilles de limonade. Les résultats de l'examen de 6e ont été annoncés et il n'y a rien de meilleur à offrir aux voisins et aux proches qu'une limonade fraîche pour leur signifier sa réussite.
Mercredi 25 Juin 2003: C'est toujours la canicule. On parle enfin de la réfection de la route départementale 125 qui traverse le village et qui est devenue littéralement impraticable du pont sur la RN 5 à "La SAS"... De source éminemment municipale, on affirme qu'une voie provisoire sera ouverte durant les travaux, elle passera sans doute par ce qu'on nomme "Trig Traverse" . Ce sera la fête pour les rotules et les amortisseurs de nos tacots !
Jeudi 26 Juin 2003: Une vieille dame est morte à la cité. prénommée Aicha el M'dell'la, elle occupait une place dans le folklore du village. C'est l'épouse de Alliouat Ettouil. Qu'elle repose en paix. C'est encore une journée de grosse chaleur que nous avons subie. Les moissons battent leur plein et les champs sont parsemés de bottes de paille. Dans quelques jours il ne restera de la verdure que les îlots de menthe sauvage et de "nettayna". El Madjen qui a conservé une bonne quantité d'eau détonne par ses couleurs sur l'uniformité ambiante. Une randonnée pédestre sur les lieux est une véritable cure contre le stress. Des jonquilles et autres herbes aquatiques y ont poussé et ont permis à une multitude de reinettes d'y faire la fête et les casse-croûtes à toute heure aux cigognes retardataires. Plus loin vers le village agricole, des nappes de "fliou" d'un vert agressif noient la nature dans leurs effluves...
Vendredi 27 Juin 2003: La tension est perceptible... Les résultats du BEM et du BAC devraient être annoncés officiellement demain. En fin de soirée ceux du BEM étaient largement connus, moyenne générale à l'appui grâce à l'indiscrétion de certains enseignants. On mesure comme chaque année la cruauté de ces verdicts en voyant la prostration ou la volubilité exagérée des élèves. L'examen n'est plus une affaire personnelle. A 19 h 30 le courant électrique n'a pas trouvé mieux que de jouer les filles de l'air sans aucune raison apparente. Il n'a été rétabli que très tard dans la nuit ce qui nous a valu un dîner aux chandelles.
Samedi 28 Juin 2003: Les résultats du BEM ont été affichés; ceux du BAC devraient l'être ce soir ou demain. Le site web de l'office du  bac est inaccessible. Les engins ont commencé les gros travaux de préparation sur les tronçons les plus dégradés du CW 125. Il faut espérer que la réfection de la route ne se fera pas comme d'habitude par simple badigeonnage de goudron. Il fait toujours très chaud et ce soir une violente bourrasque a déréglé les antennes paraboliques et fait voler les sachets en plastique qui parsèment notre espace malgré l'opération de ramassage qui a été lancée par les pouvoirs publics à grand renfort de publicité pour la frime.
Dimanche 29 Juin 2003: Le ridicule tue ! Celui de l'Office National des Examens et Concours (ONEC) est  assassin. L'annonce des résultats du bac est en effet reportée de 2 h en 2 h avec une sadique délectation depuis 17 h par les webmasters du site dudit office. Ces  gens là ignoreraient-ils l'immense pression qui pèse sur les pauvres candidats ? Pour éviter cette épreuve, ils auraient pu "pessimiser" à l'extrême le moment de la diffusion des résultats au lieu de promettre et de se dédire d'heure en heure... Pouah ! Le soleil aussi devrait tuer s'il persistait dans son incandescence... Les engins qui se sont faits voir hier, décapant avec un bel entrain le macadam du CW 125 sont repartis d'où ils ne sont pas venus après avoir dégradé un peu plus la route. Ils devraient avoir été réquisitionnés pour des travaux plus urgents car situés sur des itinéraires que devraient fréquenter des légumes autrement plus importants que nous autres cornichons...
Lundi 30 Juin 2003: Les résultats du bac sont enfin connus. De la limonade va encore couler à flots; des larmes aussi. Il a encore fait très chaud. Les moissons vont bon train et les bottes de paille parsèment les champs. Les engins qui devaient nous rendre la route praticable ne sont pas revenus. Le tronçon qu'ils ont pelé se transformera en ravin qui finira par avoir raison définitivement de cette voie si par malheur la pluie s'amusait à tomber...
Mardi 1er Juillet 2003: Un incendie s'est déclaré à 10 H dans le champ qui fait face au cimetière chrétien; des bottes de paille ont brûlé avec les chaumes. Des incendies de ce genre pourraient être évités si les paysans des EAC prenaient la peine de débroussailler les bordures de la route dans lesquelles les herbes font des haies que le moindre mégot peut transformer en torches. L'incendie a failli détruire les pins rescapés des multiples agressions et qui agrémentent l'entrée ouest du village. On parle de la perte de 400 bottes... C'est désolant quand on sait les efforts consentis pour labourer, semer, herser, moissonner, botteler pour que tout parte en fumée. C'est encore plus désolant peut être de savoir le nombre d'êtres vivants qui périssent par m2 de brûlis... Des engins mobilisés pour refaire la route, nous n'avons aperçu qu'un rouleau compresseur ahanant sur le tronçon décapé; si ça continue avec cette allure, la route sera remise en état dans 10 ans.
Mercredi 2 Juillet 2003: La saison festive a commencé. En traversant les rues du village, on entend dans chaque quartier youyous  et chants de femmes. L'été promet d'être chaud et ce n'est pas le séisme ou la peste bubonique qui vont refroidir l'ardeur des fêtards. Le CW 125 attend toujours les épandeuses de goudron. Politiquement, on entend des bruits diffus et des chuchotements trop intenses pour être discrets. La libération aujourd'hui des détenus islamistes, la crise entre le Président et son Premier Ministre, les prochaines échéances électorales nationales éperonnent les tendances et les pulsions des villageois à l'intrigue, à l'espionite et à cet activisme sournois et obsessionnel qui permet aux autres de se faire une notoriété et parfois une place au soleil mais qui n'a jamais cultivé le nom du village ou aidé à le sortir de son obscurité. 
Jeudi 3 Juillet 2003: Jour de marché au village. Rien de particulier ne vient perturber la caniculaire quiétude. Les ombrages de la place accueillent des villageois lascifs. Le village commencent à se draper sans grande conviction aux couleurs nationales en prévision du 5 juillet. 
Vendredi 4 Juillet 2003: Les fêtes imposent leur ambiance au village. Les cortèges nuptiaux étalent la luxure des carrosses et le vacarme des klaxons. Les femmes youyoutent à perte de cordes vocales et les hommes se donnent des airs de fêtes pour cacher le désarroi de leurs porte-monnaie... Aux drapeaux qui pavoisent les rues s'est ajouté le grincement des hauts parleurs débitant des chants patriotiques usés à force de se faire diffuser...
Samedi 5 Juillet 2003: La fête nationale se laisse célébrer avec le rituel éculé des gâteaux et des limonades sous la cadence des anachids. La mairie trouve comme d'habitude un plaisir sadique à faire de cette fête celle des Moudjahidines seulement, administrant un grave désaveu au slogan écrit sur son fronton et qui lie intimement la Révolution au peuple tout entier.
Dimanche 6 Juillet 2003: C'est la reprise après un long week-end. Le temps est toujours à la canicule. Le CW 125 continue à attendre le retour des engins qui l'ont cruellement écorché puis l'ont laissé passer sa colère sur les suspensions des véhicules.
Lundi 7 Juillet 2003: Jour de marché à Brachma (L'embranchement). Il fait toujours chaud et les engins sont revenus dépecer la route départementale. Les travaux agricoles touchent à leur fin et les bottes qui agrémentaient le paysage ont été enlevées pour laisser place à des déserts de chaume que les moutons des nomades vont bientôt transformer en terre battue.
Mardi 8 Juillet 2003: Les travaux de réparation de la route qui mène au village prennent une cadence plus honorable. Aujourd'hui des grands moyens ont été mobilisés et la route a été décapée sur près de 500 m. Espérons que cette cadence sera maintenue pour nous libérer  aussi vite que possible de cette épreuve quotidienne de traversée de cette sorte de hamada...
Mercredi 9 Juillet 2003: Les travaux de décapage continuent sur le CW 125... Pour le reste, c'est le calme qui va précéder les fêtes de demain.
Jeudi 10 Juillet 2003: Les fêtes succèdent aux fêtes; les cortèges nuptiaux n'ont pas arrêté d'aller et venir. D'habitude, les voitures se font fleurir à Lakhdaria mais le nombre de carrosses à mariées a tellement augmenté que deux fleuristes ont dû s'installer à Brachma (l'embranchement). La curieuse trouvaille qui consiste à immortaliser la fête en filmant les voitures qui forment le cortège est devenue une habitude chez nous aussi.
Vendredi 11 Juillet 2003:  Journée pieuse et festive. Il fait toujours chaud et malgré les nouvelles très peu reluisantes qui viennent d'ailleurs, les villageois continuent leur partie de dominos que rien ne pourra interrompre.
Samedi 12 Juillet 2003: Les décapeurs de macadam ont traité aujourd'hui une centaine de mètres du côté de Z'Babedj El Metrouk. S'ils continuent à travailler à cette cadence, notre route départementale sera inaugurée avec le métro d'Alger. Il a fait excessivement chaud et les journaux n'arrêtent pas de tirer des sonnettes d'alarme... la surenchère doit représenter le seul moyen de doper le lectorat et on n'hésite plus à faire dans le catastrophisme majeur... L'épidémie de peste a déjà décimé des forêts (pour les besoins en papier) mais elle n'a tué qu'un pauvre enfant. Le typhus de Chlef n'est peut qu'un ictère puisqu'il n'a pas fait de feux... On parle aujourd'hui de la menace des criquets (on se demande ce qu'ils trouveront de vert à se mettre entre les mandibules) et d'une invasion de mygales "tarentulesques" car hautement venimeuses mais qui n'ont encore empoisonné personne. On fait les choux gras au sujet des épidémies estivales de conjonctivite et on redécouvre avec effroi la gale... La fébrilité du corps social n'est certainement pas conséquente aux maladies autant qu'elle est le résultat de conditionnements qui n'osent pas dire leurs noms en prévision des prochaines échéances électorales. Le ridicule a poussé certains, trop pressés de régler des comptes en latence à imputer la peste et le séisme à un animal politique plutôt qu' au bacille de Yersin et à la tectonique des plaques... Tu as bien raison Fatah 24 !
Dimanche 13 Juillet 2003:  Rien à signaler hormis la canicule et la route départementale 125 qui comme un long serpent gris n'arrête pas de faire sa mue...
Lundi 14 Juillet 2003: Journée chaude et humide. Dans l'après midi le sirocco est venu ajouter une note de gaieté à une atmosphère déjà très gaie.
Mardi 15 Juillet 2003: Journée particulièrement chaude. Le ciel est obscurci par des nuées poussiéreuses ramenées par le sirocco et la Sonelgaz n'a pas mieux trouvé à faire que de priver de jus toute la région d'Aomar, de 10 h à 14 h. Le marché de voitures de Brachma n'a pas pu résister à la canicule au delà de 10 H.
Mercredi 16 Juillet 2003: Le temps est ocre de suspensions sableuses. Quelques gouttes de boue sont tombées et ont moucheté les voitures. Les travaux de remise en état de la départementale 125 ont fait une victime de poids et de... taille ! Il s'agit d'une des quatre "danioz" témoins depuis des lustres du transit des véhicules juste après le dernier virage en contrebas du village. Tout se ligue contre ces reliques d'un autre temps et dont je n'ai vu de pareil qu'en bordure de route à Oued Djenane entre Sour el Ghozlane et sidi Aissa. Ces arbres trapus et qui donnent des billes comestibles vont finir par disparaître totalement de notre paysage. Qui s'en souciera ?... La nuit un vent d'une extrême violence a soufflé.
Jeudi 17 Juillet 2003: L'heure est à la fête. Les voitures fleuries n'arrêtent pas de monter et descendre la route départementale 125 qui n'est plus qu'une grosse piste défoncée. Le temps est à l'orage, mais un orage qui trouve un malin plaisir à venir gronder sur nos têtes pour aller déverser ailleurs le trop plein de ses bas nuages noirs. 
Vendredi 18 Juillet 2003: Le climat se fait un peu plus clément mais sans pour autant influer sur la léthargie villageoise. Les veillées d'hier ont incité les gens à se laisser aller au farniente. La prière du vendredi draine peut être un peu moins de monde vers les mosquées que les jours qui ont suivi le séisme mais c'est tout de même une affluence exceptionnelle.
Samedi 19 Juillet 2003: 13 H... Un orage a éclaté cette nuit mais au petit jour il n'y avait pas trace de la pluie. La grosse chaleur est revenue. Les bulldozers aussi... Ils ont arraché deux autres "danioz"... Il ne reste plus de cette espèce qu'un spécimen qui va infailliblement connaître le sort de ses semblables. Ca ne va certainement pas bouleverser l'équilibre écologique de la commune mais c'est quand même triste de voir disparaître une espèce dans l'indifférence citoyenne...
Dimanche 20 Juillet 2003: C'est l'enfer... A croire que le soleil veut carboniser la terre. Et pour parfaire son sadisme, la nature nous a envoyé un cruel sirocco aux lacérantes lanières en début de soirée. Heureux sont ceux qui ont disposé de terrasses pour cette nuit car ceux qui ont dormi entre quatre murs ont eu un avant-goût de l'enfer.
Lundi 21 Juillet 2003: C'est toujours l'enfer. Dans pareilles conditions tout s'arrête. L'actualité est donc au point mort et seuls les échos des présidentielles à venir nous parviennent. La campagne est bel et bien lancée et la presse sans aucune retenue commence à vomir ses ragots et à déballer ses sales histoires. Cette descente vers les abysses de l'immonde va continuer dans sa surenchère jusqu'à nous convaincre que ce pays est un vaste tas d'immondices où grouillent rats, taupes, puces et cafards... pouah !
Mardi 22 Juillet 2003: La canicule continue à sévir. Les décapeurs de route ont entamé le tronçon qui se situe juste après le pont sur l'oued Djemaa. Pour le reste, c'est toujours la campagne pour les présidentielles et les linges sales qu'on déballe sans aucune retenue. Cette manière de tirer sur l'autre au moment propice ressemble à un chantage abject mais le reproche ne doit pas autant s'adresser aux snippers qu'à ces messieurs-dames qui se croient imbus d'une sorte de mission divine pour nous régenter et qui oublient que le passé est un boomerang et que le crime ne paie jamais...
Mercredi 23 Juillet 2003: Le village prend quelques couleurs avec l'arrivée des émigrés. Le soleil continue à taper très dur. Les villageois commentent l'air grave la mort des deux fils de Saddam et la brutalité avec laquelle s'est déroulée l'opération. La route départementale n'en finit pas de se faire dénuder. L'immense pont de la nouvelle autoroute et qui traverse  Oued Djellada est en voie de finition. Cet ouvrage colossal détonne avec la modestie et le calme d'El Khaloua et on s'étonne que l'on puisse mobiliser toute cette débauche d'énergie pour mater un si petit ruisseau... 
Jeudi 24 Juillet 2003: Léger, très léger rafraîchissement de l'atmosphère. Il était temps. Le week-end s'annonce encore une fois festif... Des circoncisions, des mariages, des fiançailles... la fête qui a littéralement déserté le village durant une douzaine d'années reprend ses droits. Après Merzoug le génie loufoque, c'est une autre sensation forte qu'on a créée cette fois-ci à Brachma; il s'agit d'un serpent, une sorte d'anaconda qui ferait selon les versions, de 6 à 18 m !!!! Il aurait été aperçu du coté de la Briqueterie et aurait dévoré un mouton; les militaires auraient été chargés de lui tendre une embuscade et certains disent qu'il aurait été tué mais le secret défense n'a pas permis de vérifier cette information. Les spéculations se sont estompées en attendant une autre sensation forte...
Vendredi 25 Juillet 2003: C'est toujours le calme plat. Le village vit sa léthargie estivale.
Samedi 26 Juillet 2003: Chaleur et poussières se liguent contre les villageois pour ce début de semaine. Après l'accalmie qui a succédé au séisme du 21 mai, la frénésie "constructionniste" reprend tout le monde.  Les chantiers redémarrent dans les lotissements et sur les espaces squattés avec la complaisance des élus locaux et des responsables administratifs. C'est avec une célérité remarquable (moins de 5 jours) qu'une habitation a été construite et habitée à la cité lépreuse de l'entrée du village et qui aurait dû être détruite au moins cinq fois...
Dimanche 27 Juillet 2003: Les premières figues de barbarie sont arrivées. Quant aux figues tout court, il faut patienter selon Saadi Boualem jusqu'au 5 août. Les fortes chaleurs, le sirocco et les vents de sable de ces derniers jours auraient porté un coup sévère aux figueraies et c'est bien dommage car l'hiver qui fut généreusement arrosé laissait présager d'une récolte exceptionnelle. La campagne pour les présidentielles continue à déverser ses fiels et au nom d'un démocratisme débridé, ce sont les tenants du républicanisme qui ne répugnent plus à désigner des coupables pour ensuite les mettre au défi d'apporter les preuves de leur innocence... C'est vrai que nombre de cibles des médias méritent ces bains de boue qui leur rabaisseront le caquet et leur feront perdre de leur superbe et de leur narguante arrogance... 
Lundi 28 Juillet 2003: Cela fait un mois que les travaux de refection du CW 125 ont commencé... Un mois pour décaper deux kilomètres de goudron... moins de 70 m par jour... En d'autres lieux ce tronçon aurait été expédié en une nuit. Mais on se rassurera en se disant qu'il y'a pire et on continuera à supporter la caillasse et les poussières de la route devenue piste.
Mardi 29 Juillet 2003: Les émigrés sont arrivés en masse. En soirée j'ai rencontré Brahim Sahnoune que j'ai connu grâce à ce site et avec lequel je suis resté jusqu'à une heure tardive à siroter des Ben Haroun fraîches au café de la place. Suite au renversement d'un fourgon à hauteur de Sidi Athmane, la route nationale 5 a connu une journée noire. Le bouchon qui a commencé à se former à 7 H ne s'est délité qu'à 14 H.
Mercredi 30 Juillet 2003: Des camions ont déchargé des tas de graviers sur les bas-cotés de la départementale 125 mais les engins décapeurs ont quitté les lieux en laissant tout un tronçon avec son macadam totalement dégradé.
Jeudi 31 Juillet 2003: La départementale 125 a connu ce matin un accident qui aurait pu être grave. Un automobiliste de Harchaoua a dérapé et s'est retrouvé dans le décor à plus de 50 m en contrebas du talus, à hauteur des derniers eucalyptus avant le pont. Le conducteur aurait été blessé et évacué vers l'hôpital de Lakhdaria. La journée a été caractérisée comme tous les week-ends de l'été par les fêtes: mariage du fils de Senouci Mohamed, circoncision d'Ahmed le benjamin des héritiers de Fatah 24... Un incendie s'est déclaré à 13 H juste au point de jonction de la départementale 125 et de la route de Harchaoua. Le feu s'est propagé dans les chaumes et a failli atteindre les oliviers.
Vendredi 1er Août 2003: Le temps s'est agréablement raffraichi. L'ambiance est toujours à la fête. Les imbécillités que se jouent les hauts dignitaires du pays en prévision des présidentielles de 2004 n'ont pas encore contaminé les zélés fans des partis au village mais ça ne saurait tarder et il y'a risque de dérapages loufoques s'ils ne devaient pas déboucher sur quelque tragédie...
Samedi 2 Août 2003: La fraîcheur s'accentue. Une bise revigorante nous arrive de la mer. Les travaux de réfection de la route se poursuivent et depuis deux ou trois jours une pelle creuse un fossé sur le talus de la route en commençant à la sortie du pont. Ce sont les PTT qui concrétisent leur vieille idée de nous raccorder au réseau téléphonique par la voie souterraine. Personne ne devrait trouver à redire sauf peut-être les hirondelles qui avaient l'habitude de tenir des conciliabules sur les fils et les chasseurs qui faisaient des cartons sur les tourterelles qui s'y perchaient... C'est vrai qu'un réseau souterrain est plus efficace; mais c'est tout un folklore qui se perd avec la disparition de ces poteaux en bois, plantés aléatoirement et sans respect pour leur perpendicularité et de ces fils qui touchaient terre parfois... Mais on n'arrête pas l'progrès...
Dimanche 3 Août 2003: C'est un jour sans relief; de ceux qui passent subrepticement pour nous envoyer en souplesse d'hier à demain. On affirme qu'un des conseillers du maire a convolé en secondes noces... Il faut croire que le mandat électoral incite à la polygamie puisque nombre d'élus ont sauté allègrement sur l'occasion pour se donner une seconde épouse...  
Lundi 4 Août 2003: Le temps est chaud mais le frais "bahri" qui joue avec les feuilles des arbres et fait s'envoler quelques poussières sur la route en construction rend la journée agréable. Ce sont ces ambiances qui vous incitent à prendre une natte et une jarre d'eau fraîche et à vous étendre à l'ombre du premier olivier venu. A 15 h, un opposant notoire au maire et à l'exécutif communal a rapporté en jubilant la nouvelle d'un accident de la circulation dont auraient été victimes ou se seraient rendus coupables les conseillers municipaux. Les spéculations sont allés bon train sur les causes de cet accident et ses effets. Jusqu'à  21 H 30 le village a continué à vaquer à ses soirées estivales et aucun écho du présumé accident n'est venu troubler sa quiétude. 
Mardi 5 Août 2003: Les jubilations indécentes de ceux qui espéraient voir l'exécutif communal périr dans l'accident d'hier se sont transformées en déception... l'exécutif est sain et sauf et il continuera à sévir; l'accident n'aurait fait que quelques dégâts matériels qui restent négligeables en comparaison avec l'importance des dégâts occasionnés aux biens publics par la "grâce" de l'incompétence et des impérities des élus, de l'administration et du bon peuple... Les travaux de réfection de la route ont abordé une autre étape: celle de l'épandage des granulats. La pelle qui creusait le fossé devant recevoir le câble téléphonique devrait être en panne ou mobilisée ailleurs puisque cela fait deux ou trois jours qu'on ne l'a plus revue.
Mercredi 6 Août 2003: Le rythme des fêtes s'accélère... Tous les quartiers vivent au son du t'bal ou des derniers tubes raï de l'été.
Jeudi 7 Août 2003: L'heure est toujours à la fête; sans exagérer, on peut affirmer que pas moins de 10 unions se sont concrétisées aujourd'hui et que pas moins de 20 moutons se sont faits égorger pour sceller dans le sang ces unions; sans compter le nombre de gamins qu'on a débarrassés de leurs encombrants prépuces dans des cérémonies où couscous, viande de mouton et limonades ont été servis à tour de bras... Dire que certains convives se font inviter à plus de la moitié des fêtes et qu'ils honorent leurs tables avec un bel entrain !...
Vendredi 8 Août 2003: Le temps est chaud et humide. En soirée de gros nuages noirs ont obscurci l'horizon et un orage s'est mis à aboyer au loin comme un chien de nomades. Il s'est rapproché en roulant ses menaces puis s'est éloigné sans y donner suite, chassé par un  sirocco encore plus enragé et le village qui aurait aimé rester sur Charybde a dû se résigner à supporter Scylla...
Samedi 9 Août 2003: Début de semaine laborieux pour ceux qui n'ont pas la chance de se permettre des  vacances. Le village continue à s'assoupir sous la torpeur estivale. Signe que le climat s'est très sérieusement chamboulé: les cigognes n'ont pas encore décidé de partir et semblent s'installer pour de bon chez nous... Pourquoi devraient-elles migrer si c'est pour retrouver une Allemagne qui n'a rien à envier au Sahara. Il est peut-être intéressant d'étudier de près cette histoire de cigognes (et  d'autres oiseaux migrateurs) qui ont dérogé à l'appel au retour; cela pourrait renseigner sur ce que nous réserve le climat. Un autre phénomène aurait été constaté cette année, c'est l'insignifiance de la récolte de miel. Le printemps fut pourtant superbe... d'aucuns mettent cette catastrophe sur le compte du stress qui aurait frappé les abeilles suite au séisme du 21 mai. On affirme que dans pareil cas, les abeilles rechignent à aller butiner, sont frappées de prostration et se nourrissent de leur propres réserves de miel... Les incrédules diront que cette histoire est un coup fourré des apiculteurs pour pouvoir mieux spéculer sur leurs stocks de miel et ils ont peut-être raison puisque le prix du kg flirte avec les 2500 DA !!!
Dimanche 10 Août 2003: Le temps s'est sensiblement rafraîchi; il est même tombé quelques gouttes de pluie dans l'après-midi, ce qui a eu pour effet de réduire les poussières que dégagent les véhicules et les engins des chantiers de l'autoroute et de la route départementale. La rumeur villageoise parle avec insistance d'une visite du Président de la République dans les prochains jours et les pleureuses professionnelles préparent déjà les doléances à lui soumettre... Il faut espérer qu'avant de venir, notre Président visite le présent site pour s'imprégner d'une réalité que nous avons voulu sans fards au lieu d'écouter les rapports édulcorés des responsables administratifs et des élus...
Lundi 11 Août 2003: Le marché hebdomadaire de "Brachma" fait toujours le plein. L'heure est aux pastèques et aux melons dont la récolte a été exceptionnelle. Il a légérement plu en soirée mais l'été est toujours là. Les travaux de remise en état de la départementale 125 risquent de se prolonger indéfiniment car les PTT creusent sur le talus le fossé qui doit recevoir leur câble et à l'allure où travaille leur pelle, il n'est pas certain qu'elle finisse avant le printemps prochain. Tout le monde s'étonne par ailleurs du choix du tracé qui suit les méandres du CW 125 sur 5 km au lieu de prendre le raccourci par "trig traverse" sur moins d'1 km... mais les PTT ont des raisons que la raison du commun des villageois ignore... A minuit une alerte à l'incursion terroriste a été lancée par l'école primaire; le village s'est tout de suite vidé de tous ses noctambules et une patrouille de l'armée s'est déplacée sur les lieux mais aucun coup de feu n'a été entendu... C'est ce jour de marché que Tahar Adjou a choisi pour faire la fête à son fils.  Ce fut une fête réussie. Nous félicitons le petit Khaled et ne lui souhaitons même pas prompt rétablissement puisqu'il s'est déjà rétabli...
 Mardi 12 Août 2003: Un accident de la circulation du côté de Boulerbah a causé un énorme bouchon sur la RN5 et beaucoup d'automobilistes ont préféré la poussière et les cahots de la route départementale à l'attente de la reprise du trafic sur la Route nationale. Le village a donc connu une matinée très animée.
 Mercredi 13 Août 2003: Le village vit dans l'indifférence le spectacle que se donnent nos fondés de pouvoir par presse interposée. La fronde anti-Benflis ou pro-Boutef qui doit connaître demain son point culminant avec la confrontation sur la place d'Alger laisse de marbre les Djébahis concentrés sur les fêtes et la perspective de bon couscous aux raisins et à la viande de mouton. Le deuxième minaret de la mosquée se construit doucement mais sûrement; le fossé appelé à recevoir le câble téléphonique a déjà fait presque 1 km; la grande rigolade c'est quand il atteindre les tronçons de la départementale qui sont prêts à recevoir le macadam car au vu de la manière dont il est creusé, on sera obligé de refaire la moitié du boulot... à moins qu'on ne décidât de l'éloigner du bord de la route. A El M'rakba qui a connu l'année passée un spectaculaire glissement de terrain, trois bulldozers sont à pied d'oeuvre; on ne sait ce qu'ils comptent y faire...
Jeudi 14 Août 2003: Les "z'magra" (émigrés en langage villageois) qui sont venus profiter du  soleil du cru commencent à réintégrer leurs pénates. Beaucoup sont repartis ou vont repartir désillusionnés... désillusionnés par le comportement des indigènes qui sont malades de frime alors qu'en d'autres temps ils savaient s'affubler de spontanéité; désillusionnés aussi par le regard que portent sur eux le cousin et le voisin du bled qui ne les voient qu'en forme d'euros...
Vendredi 15 Août 2003: Pastèques, melons, figues de barbarie, raisins comme desserts et comme plats de résistance du piment piquant et de la tomate le tout marinant dans de l'huile d'olive à manger avec une bonne galette chaude et puis un oignon oblong à déburnousser et à briser d'un coup de poing, ne pas oublier la gargoulette d'eau fraîche délicatement aromatisée au "gatrane"...  et il y'a des gens qui trouvent le moyen de geindre et de se plaindre !... J'oublie peut être la poignée de grosses olives cassées de la récolte de l'année passée et la jarre de petit-lait. Nous sommes des masochistes en puissance, nous qui avons à notre portée ces choses si simples, si naturelles, si saines et qui nous échinons à vouloir autre chose et qui faisons de notre vie un enfer en n'arrêtant pas de revendiquer un autre paradis que celui qui nous est offert... 
Samedi 16 Août 2003: Notre chronique ne passera pas aujourd'hui... ainsi ont en décidé les PTT qui ont coupé ma ligne sous prétexte de non-paiement alors que le paiement a été dûment effectué depuis huit jours... "Ouach idir el myett fi yeddine ghassalou" (que peut bien faire le mort entre les mains de celui qui lui administre la dernière onction) et puis, n'est ce pas que la raison du plus fort à toujours été la meilleure depuis qu'il existe des loups et des agneaux ?... Qu'à cela ne tienne ! nous relaterons les faits du jour comme si de rien n'était... A sept heure quarante cinq, un terrible accident a eu lieu à hauteur du "jardin" d'El H'Midi, juste avant la guérite de la garde communale, sur la RN5. Un camion chargé de champignons en boîtes, de margarine et autres victuailles a écrasé une Clio tuant tous ses occupants. Un passager m'a affirmé avoir vu un pantalon d'enfant portant toujours la ceinture et complètement ensanglanté. La circulation a été totalement bloquée jusqu'après midi. Pour le reste, c'est toujours la routine et les commentaires sur l'imbécile empoignade FLN-FLN, c'est aussi la réaction musclée du pouvoir face à la presse privée. C'est presque de bonne guerre ! Quand on veut mordre une main, il faut s'assurer que ce n'est pas celle qui vous nourrit !
Dimanche 17 Août 2003: Rien à signaler sauf peut-être le retour du sirocco. Les nouveaux dirigeants de l'association sportive du village essaient de mettre en branle une équipe de football gangrenée par le vedettariat et obérée de dettes. La municipalité qui ne mobilise les fonds publics que quand elle a l'assurance d'en recueillir des dividendes électoraux continue à ronronner dans son coin comme un chat repu car elle sait les  élections encore lointaines. Contre toute attente, les dirigeants se tourneront vers le ministre de la Jeunesse et des Sports qui ne peut leur refuser un coup de pouce surtout qu'il est de Lakhdaria. Ledit ministre devrait animer un meeting politique ce vendredi à Bouira pour défendre la ligne Benflis contre celle de Bouteflika. Il est prévu de profiter de cette aubaine pour lui glisser une requête de main en main. Les PTT ont rétabli la ligne après s'être rendus compte qu'ils ont perçu leur dû. 
Lundi 18 Août 2003: Jour de marché à Brachma. Une convocation du Procureur près le Tribunal de Lakhdaria m'a été transmise par télégramme. Elle ne porte aucune indication susceptible de me faire comprendre de quelle affaire il s'agit et si je suis accusé ou accusateur... Les convocations des tribunaux sont toutes ainsi rédigées et quand elles se veulent quelque peu précises, elles sont écrites comme des ordonnances dans un arabe qui ne peut être lu que par le rédacteur avec en prime des abréviations qu'il faut déchiffrer: "TM" pour "Taraf Madani" (partie civile) et "M" tout court "Mouttah'am" (accusé). Je suis très sûr que la Loi impose le respect du justiciable en précisant les indications que doit porter une convocation émanant des services de polices ou de la Justice; hélas , on se retrouve dans cette situation où ce sont les institutions qui ont à charge le respect de la Loi qui la bafouent les premiers. C'est avec l'appréhension de me voir sèchement remis en place pour "outrage à magistrat" que j'ai osé, en pleine audience, faire remarquer au Juge ce manquement au droit élémentaire du respect du justiciable et à mon étonnement, il a regardé le greffier d'un air de reproche en hochant la tête  comme pour montrer que ma remarque était pertinente. 
 Mardi 19 Août 2003: Mon ami et voisin de palier Djebri Messaoud a  marié sa fille. La tente qu'il a dressée n'a pas désemplit toute la journée. Il devient risqué aujourd'hui de faire la fête au village car il faut faire manger tout le village.  
Mercredi 20 Août 2003: La route départementale continue à se faire refaire. Les travaux de nivellement descendent et sont presque arrivés à Bellahnèche; les travaux de creusement du fossé devant recevoir le câble téléphonique montent pour leur part et vont incessamment arriver à Bellahnèche. Je ne sais pas ce que vont faire les PTT quand ils arriveront au tronçon déjà nivelé et prêt à    recevoir le goudron... 
Jeudi 21 Août 2003: Les PTT ont ramené leur câble. Ils ont peut-être fini par comprendre qu'ils ont tout intérêt à le placer et à remblayer au fur et à mesure car autrement ils devraient détruire les tronçons de route que les ponts et chaussées auraient refaits... A 20 H le ciel est devenu d'un noir de suie à l'ouest puis un vent d'une extrême violence est passé en trombe; dès qu'il se fut éloigné, dame pluie est tombée drue sur la terre desséchée. L'odeur de l'argile humide remplit l'atmosphère mais il fait une humidité qui fait suer les hommes comme des phoques (je n'ai pas trouvé meilleure comparaison)...
Vendredi 22 Août 2003: J'ai appris seulement ce matin la mort de Moh Boudraa (Hamoudi Mohamed). Il aurait succombé à une attaque cardiaque le mercredi matin. Il avait l'habitude de sortir ses moutons à chaque nouvelle aube pour aller les faire paître du côté de Z'Babedj El Metrouk. Ce jour là (journée du Moudjahid) il a dérogé à son rituel. Inquiète, sa femme est allé voir pourquoi; elle l'a trouvé mort dans son lit. Il a été enterré le jour même. Mon père qui lui a fait la toilette mortuaire m'a affirmé qu'il n'a jamais vu visage de défunt plus serein.  Moh Boudraa mérite une épitaphe. Maquisard incontesté durant la guerre de libération,  il  a réussi à rester au maquis jusqu'à l'indépendance. C'est l'un des très rares moudjahidine de la région à avoir échappé aux geôles de l'armée coloniale. Sa famille a connu les pires privations. A l'indépendance il occupa le poste de garde-champêtre, il se refusa à entrer dans les intrigues politiques et quand il sortit en retraite, il alla travailler son jardin très loin dans les hauteurs de H'Djita. Il rentrait chaque soir avec un panier plein de légumes sur le porte-bagages de sa mobylette. Quand la fréquentation de la montagne devint dangereuse après 1990, il s'occupa de ses moutons. On le voyait rarement au village, même durant les commémorations des fêtes nationales qu'on fêtait avec force pâtisseries et limonades... Moh Boudraa tient son surnom de son père Rabah Boudraa (le manchot) qui fut, lui aussi un maquisard émérite. Repose en paix Si Moh !   
Samedi 23 Août 2003: Il fait excessivement chaud et l'épidémie de conjonctivite qui affecte Alger s'est propagée jusque chez nous. La nuit, un vent d'une rare violence a soufflé. 
Dimanche 24 Août 2003: Le temps est toujours à la canicule. Les travaux sur la route départementale marquent un arrêt qui dure... Les PTT pour leur part continuent de creuser le fossé qui doit recevoir le câble à raison de 100 m par jour . Le feu a pris dans les chaumes en face de la ferme des Messaoudi (Dar Said Bélaid); attisé par le sirocco, il a dévoré quelques dizaines d'hectares et a détruit plus de 150 oliviers. 
Lundi 25 Août 2003: Le marché de "Brachma" a draîné des dizaines de tonnes de melons et pastèques. Il a suffi d'un bon hiver pour nous réconcilier avec les cucurbitacées qui nous ont boudés durant dont plus de 20 ans de sécheresse . 
Mardi 26 Août 2003: Un camion a dérapé ce matin sur la RN5 du coté du "garage du Nord";  il a causé un bouchon qui s'est étendu  entre Boulerbah et le pont de Djebahia durant toute la journée. Le temps est redevenu plus clément,  contrairement aux autorités qui empêchent toujours le journal "Le Matin" de paraître.
Mercredi 27 Août 2003: Temps assez doux. Les villageois profitent de cette dernière semaine d'août pour faire la fête. Durant ce week-end on va assister à de nombreux mariages: Aidaoui de "la SAS" va épouser la fille Kenouche (dont le grand-père est notre célèbre "Si Hamid"; Karim le neveu de Si Hamoud l'Imam va convoler en justes noces avec la soeur de son ami Meddahi Mustapha qui tient la quincaillerie face à la mosquée; le fils d'"El Factour" va se marier avec sa cousine maternelle , la fille de Lounès Bouzetine, la fille de Saadi Boualem va épouser son cousin, fils de Moh Saadi (d'un second mariage) et qui habite Zeboudja, la fille de Touhami le cordonnier va quitter son domicile à Doumez pour aller vivre avec un cousin du côté de Réghaia (c'est dire qu'en dépit des avertissements les mariages consanguins ne semblent pas inquiéter outre mesure les candidats à la procréation...).
Jeudi 28 Août 2003: Le temps est à la fête
Vendredi 29 Août 2003: La fête se poursuit...
Samedi 30 Août 2003: Début de semaine pénible. Les travaux sur la route départementale 125 sont à l'arrêt depuis plusieurs jours. La pelle mécanique continue à creuser le fossé devant recevoir le cable téléphonique. D'ici demain ledit fossé atteindra l'embrachement qui mène vers Mahas et Harchaoua.
Dimanche 31 Août 2003: Heureuse surprise avec la visite que m'a rendue Mezine Ahcène que j'ai connu grâce à ce site. Ahcène est venu de France dans des circonstances qu'on aurait voulu plus gaies... Sa mère est morte et lui et sa famille sont venus lui donner une sépulture au cimetière de Sidi Gacem Ben Haroun où elle reposera parmi les siens dans le calme et la sérénité de ce cimetière où il doit faire bon dormir de son dernier sommeil. Nos condoléances sincèrement attristées à Ahcène et  nos remerciements pour avoir pensé à nous même en pareille circonstance.  
Lundi 1er Septembre 2003: Rien de particulier ne semble s'être produit aujourd'hui. Le temps se rafraîchit au fur et à mesure que les jours raccourcissent. Les travaux vont bon train sur les ouvrages d'art de l'autoroute tant sur l'immense pont qui enjambe oued Djelada que sur les ponts plus modestes d'El Maasra,  Boubekeur et Boulerbah. Si Hamid a commencé à vendre le raisin de Ain El Bor. Contrairement aux autres années, celui de cette année se laisse manger.  
Mardi 2 Septembre 2003: Souk aux voitures à "Brachma". La circulation n'a connu que de légers bouchons. El M'Rakba, du côté de "Dem Erroumiya" et qui a subi un glissement de terrain spectaculaire l'an passé, a vu ses plaies cicatrisées par les engins de Cosider.  Au bout de quelques jours de travaux, elle a retrouvé un visage plus avenant. 
Mercredi 3 Septembre 2003: Les travaux sur la route départementale sont toujours à l'arrêt. a pelle excavatrice qui creuse le fossé devant recevoir le câble téléphonique, arrivée au niveau de l'embranchement qui mène vers Harchaoua, a quitté l'accotement de la route pour prendre une ligne droite à travers champs... c'est ce qu'elle aurait dû faire depuis le pont sur oued Djemaa mais les PTT viennent peut-être d'apprendre que la ligne droite est le plus court chemin entre deux points... Dommage car si on avait appliqué cette loi on aurait terminé le bitumage de la route et mis en service le téléphone...
Jeudi 4 Septembre 2003: Jour de marché... la place du village est remplie de melons et pastèques. L'école primaire et le Collège qui ont bénéficié d'une forte subvention ont été retapés et repeints. On ne sait qui a choisi cette couleur vert pâle affreuse par son anémie et sa fausse délicatesse... 
Vendredi 5 Septembre 2003: Violente tempête  en soirée, le vent a soufflé très fort et l'atmosphère s'est surchargée de particules de sable qui lui ont donné une couleur ocre. L'éclairage public est éteint et le village sombre dès 20 h dans une obscurité propice à tout sauf aux promenades nocturnes.    
Samedi 6 Septembre 2003: Depuis quelques jours on a droit chaque soir à une grosse tornade. Aujourd'hui elle est arrivée aux environs de 21 H. elle a soufflé avec une violence inouïe non sans s'agrémenter de tonnerre, d'éclairs et de grosse pluie. Elle a duré à peine un quart d'heure puis s'est éloignée. La conjonctivite s'est installée au village et dans les communes d'Aomar et Kadiria obligeant même Saadi Boualem à s'abriter derrière des lunettes noires... C'est la première journée de la session spéciale du bac pour les sinistrés du séisme du 21 mai 2003.
Dimanche 7 Septembre 2003: Les travaux sur la départementale 125 sont toujours au point mort. Les tronçons qui ont été  décapés se sont plissés comme une peau pleine de rides, rendant leur traversée assez pénible pour les rotules des voitures et les fesses des conducteurs.
Lundi 8 Septembre 2003:  Le fossé devant recevoir le câble téléphonique est arrivé à hauteur du cimetière français. A partir de l'embranchement de Harchaoua, on a abandonné l'idée saugrenue (mais juteuse) de lui faire suivre les 5 km de méandres de la départementale 125, puisqu'on s'est résigné à lui faire traverser les champs en ligne droite,  ce qui montre que les raisons invoquées pour ne pas adopter l'option que le commun du peuple a défendue et qui consistait à le faire monter sur 1 km en ligne droite ne sont que fumisteries de gens plutôt tentés par l'importance des gains que par la rapidité et l'efficacité... mais bof !... on n'en est pas à la première turpitude...
Mardi 9 Septembre 2003: Le marché de voitures de "Brachma" n'a vraiment pas tenu ses promesses... à l'euphorie des premiers jours de son ouverture succède une désaffectation qui pourrait coûter cher à celui qui l'a loué à plus de sept cents millions de cts...
Mercredi 10 Septembre 2003: La rentrée des classes étant imminente, on s'empresse d'expédier les dernières fêtes.
Jeudi 11 Septembre 2003: Le temps s'est très sensiblement rafraîchi et la grosse canicule n'est plus qu'un mauvais souvenir.
Vendredi 12 Septembre 2003: En soirée le temps est littéralement froid et les plus frileux des villageois ont déjà sorti leurs vestes. Les pastèques et les melons commencent à déserter les étals et les figues et figues de barbarie jouent leurs dernières partitions de l'année. 
Samedi 13 Septembre 2003: rentrée des classes très peu enthousiaste. L'un des innombrables et inénarrables syndicats-caisse de resonnance des sectes en lutte perpétuelle, a lancé un mot d'ordre de grève revendiquant...100% d'augmentation de salaires - pas moins ! a été suivi massivement par des marchands d'alphabet qui préférent continuer leur farniente estival au lieu d'aller faire me boulot pour lequel ils seraient "sous-payés". Les pouvoirs publics ont vu d'un très bon oeil cette grève car ils avaient précipité la rentrée alors que les travaux de réfection qu'ils ont lancé dans tous les établissements scolaires sont loin d'être terminés. Les potaches et les parents d'élèves eux aussi appelaient de tous leurs voeux une prolongation des vacances et c'est ainsi que derrière les mines scandalisées de tout le monde, se lit en réalité une belle satisfaction pour ce retard que tout le monde espérait... La source de Ben Haroun a enfin adopté un habillage plus attrayant pour ses bouteilles.... voici, en exclusivité, l'étiquette qui ornera desormais les "cols":
Dimanche 14 Septembre 2003: Les Djebahis se sont transformés le temps d'une matinée en coupeurs de routes. En effet, une manifestation de protestation contre l'abandon du chantier de réfection de la départementale 125 a été organisée à hauteur du pont de Oued El Djema principalement par les conducteurs de fourgons de transport de voyageurs qu'ont rejoints d'autres usagers. La route a été coupée à la circulation et c'est le chef de Daira (sous-prefet) qui est venu négocier sa réouverture avec les manifestants sous l'oeil indifférent des gendarmes et carrément approbateur du maire. Le sous-préfet a promis de faire reprendre les travaux dans la semaine et a obtempéré aux voeux des usagers de voir la route arrosée afin d'éviter les poussières. Il a par contre refusé de prendre un quelconque engagement au sujet des rues du tissu urbain sous le prétexte(défendable)que ce serait du gaspillage puisque le chef  lieu de la commune devrait être raccordé au gaz et que les travaux de raccordement doivent obligatoirement toucher à la voirie... La manifestation s'est terminée dans le calme et la bonne humeur après deux petites heures de blocage de la route qui n'ont dérangé personne...
Lundi 15 Septembre 2003: Jour de marché. La protesta d'hier a ramené une niveleuse qui s'est amusée à répartir les déblais du fossé sur la voie, faisant courir le risque d'accidents graves si la pluie qui n'arrête pas de menacer se mettait de la partie. Le lycée est  en grève pour la 3eme et dernière journée.
Mardi 16 Septembre 2003: La route est bloquée de bon matin par deux semi-remorques dont les roues patinent sur la boue causée par les ondées de cette nuit. C'est un vrai carnaval qui se déroule sous les yeux des usagers. Les lycéens et lycéennes et tous les travailleurs qui doivent descendre à Aomar ou remonter vers le village doivent se résigner à le faire à pied dans la gadoue. Les transporteurs reprennent leur protestation et ferment la route au niveau du pont. Le chef de Daïra vient constater de visu que la situation mérite que les pouvoirs publics réagissent car plus de 20000 habitants (en comptant les administrés d'Aomar, résidant à El Madjen et Chaabet Yekhlef) sont bloqués. Il promet de contraindre l'entreprise des travaux chargée de la réfection de la route à ramener son matériel et à reprendre les travaux avec plus de sérieux. 
Mercredi 17 Septembre 2003: Vu le peu d'empressement des pouvoirs publics, Les transporteurs coupent la route au niveau de l'embranchement menant vers Ain Laazerah. C'est encore une journée difficile pour les lycéens et les travailleurs qui doivent faire à pied la distance séparant le village de la route nationale. La protesta sauvage qui semble être le seul moyen de faire sortir les pouvoirs publics de leur hibernation fait tâche d'huile. Les Maasris, renouent avec leurs amours pour les dos d'âne en augmentant sensiblement les bosses qui commençaient à s'éroder; toujours à El Maasra, un quidam s'amuse de manière récurrente à fermer une route pourtant sur plan depuis la nuit des temps, à l'aide de pneus et autres fûts pour empêcher les travaux de réalisation de l'autoroute et à hauteur d'El Madjen un heureux bénéficiaire d'une insertion dans une EAC au nom de son ascendance révolutionnaire a fermé l'accès vers la zone des déblais... Si ça continue comme ça, on va aller droit vers l'in-gestion....
Jeudi 18 Septembre 2003: Les pouvoirs publics reviennent à de meilleurs sentiment et le chantier de réfection de la route est renforcé en moyens.
Vendredi 19 Septembre 2003: La chaleur est revenue. Humide et poisseuse. Les grenades ont fait leur apparition sur les étals des marchés. Les figues disparaissent graduellement du paysage. Les olives à consommer sont proposées entre 40 et 60 DA le kg. Elles sont enlevées aussitôt exposées pour être préparées selon la tradition: à l'aide d'une pierre on tape sur l'olive pour désolidariser la chair du noyau sans casser ce dernier; l'olive est ensuite mise dans une jarre pleine d'eau salée où elle restera à macérer durant quinze jours à l'issue desquels on pourra la servir.
Samedi 20 Septembre 2003: Les travaux de réfection de la route ont repris avec un meilleur entrain. C'est dire que certains responsables ressemblent à des ânes qui n'acceptent d'avancer que sous le bâton. Un grand camion chargé de pylônes électriques est arrivé tout à l'heure. Il a déchargé sa cargaison devant le stade. Les autorités ont peut-être enfin décidé d'éclairer les hauts quartiers du village qui vivent d'extension sauvages du réseau depuis l'indépendance ...
Dimanche 21 Septembre 2003: La rentrée des classes continue à vivre sous les péripéties d'enseignants qui ont découvert les vertus de la grève. Les débrayages sont devenus à la mode et tout le monde s'y adonne maintenant avec une morbide délectation. La palme de la boulimie devrait être octroyée à ce syndicat qui réclame une "augmentation" de 100% du salaire, pas moins ! Dans ce pays qui ne connaît pas la mesure, on assiste souvent à ces aberrations mais il ne faut surtout pas croire que c'est seulement l'administré qui s'y adonne; il faut voir dans quels taux les décideurs décident leurs augmentations (la dernière en date étant celle du tarif des communications téléphoniques) pour comprendre pourquoi les partis politiques et autres syndicats n'éprouvent aucune gêne à placer la barre à des hauteurs démesurées... Ne réclame t'on pas, à chaque fois qu'approchent les échéances électorales, une "augmentation" de 100% du SMIG ?  
Lundi 22 Septembre 2003: Jour de marché... hormis les processions de villageois prenant la route de "Brachma", il n'y a rien à signaler.
Mardi 23 Septembre 2003: La pelle excavatrice qui réalise le fossé devant recevoir le câble téléphonique est arrivée à "Blad Likoul", un peu plus haut que le cimetière chrétien. En parlant de ce cimetière, il a été constaté par tout le monde que Salem Meddahi qui s'était affairé à construire un poulailler à ses côtés a dû démonter l'armature en bois et les murs en roseaux sur injonction du maire - dit-on. On ne sait pas si c'est par respect dû à ces lieux ou à cause d'une infraction au cahier de charge régissant les exploitations agricoles...
Mercredi 24 Septembre 2003: Les résultats du bac pour sinistrés du séisme sont "divulgués" aujourd'hui. La route devient littéralement infréquentable devant les bouchons qui s'y forment au moindre petit problème; ainsi aujourd'hui, les usagers de la RN5 ont dû subir un véritable calvaire entre Lakhdaria et Kadiria. Ces messieurs des travaux publics n'ont pas trouvé journée plus propice pour goudronner un tronçon de la route que le mercredi tout en sachant que même en période normale, cette journée est infernale pour la circulation. En soirée, c'est à "Brachma" que s'est formé un autre bouchon causé certainement par un barrage de gendarmerie. A 20 H le temps s'est mis à l'orage. Deux gros tonnerres ont failli faire sortir les gens de leurs maisons. 
Jeudi 25 Septembre 2003: Mort accidentelle du fils de Ali Hamou de Ben Haroun. Le défunt aurait trouvé la mort dans un accident de la circulation qu'il aurait subi sur sa quatrelle au retour d'une fête où il aurait accompagné sa mère.
Vendredi 26 Septembre 2003: Le temps se fait automnal. Fraîcheur et pluie. Le Ramadhan envoie déjà ses premiers signaux...
Samedi 27 Septembre 2003: Le village reçoit une terrible nouvelle: celle de la mort accidentelle d'une personne respectée et estimée de tous et dont nous ne divulguerons pas le nom sans avoir confirmé la véracité des faits car il faut continuer à espérer qu'il ne s'agit que d'une de ces alertes qu'amplifie à la démesure radio trottoir quand elle se fait relayer par le téléphone arabe. 
Dimanche 28 Septembre 2003: C'est Khouas Belkacem que nombre de corbeaux donnaient hier pour mort. En réalité, très sérieusement amoché suite à une chute dans l' escalier en colimaçon qui descend vers les vannes du barrage de Beni-Amrane où il travaille, Belkacem se trouve à l'Hôpital Zemirli d'El Harrach. Je lui ai rendu visite aujourd'hui avec Aissa El Baggar. Il a subi un accident très grave puisqu'il est tombé sur la tempe. Les pronostics des médecins sont réservés mais aux dernières nouvelles, l'encéphalographie n'aurait montré aucune lésion grave. Belkacem est toujours sur un lit de la salle des urgences; il est incapable de reconnaître ses visiteurs et exécute des gestes désordonnés des pieds et des mains en essayant de prononcer un nom... celui de "Mustapha" selon certains. Khouas Belkacem est l'un des plus braves sinon le plus brave type de la commune. Très jeune émigré en France, il n'a jamais accepté de couper les ponts avec sa région natale et dès qu'il eut l'occasion, il revint s'installer dans sa vieille maison à Harchaoua pour suivre la scolarité de ses filles et participer à l'animation de la région. Il accepta en 1990 de faire partie de notre liste d'indépendants aux élections communales, liste qui ambitionnait  de casser la logique du bicéphalisme étroit FLN-FIS mais qui fut boudée par les électeurs trop conditionnés pour rester lucides et en 1996, il fut élu membre de l'APC sous les couleurs du RND. Il est de tous les combats des Harchaouis et ne refuse jamais de donner un coup de main quand il y'a un coup de main à donner. Belkacem ne mérite absolument pas ce coup du sort... Il faut prier Dieu pour qu'il nous revienne très vite et avec toutes ses facultés et ses potentialités.
Lundi 29 Septembre 2003: Je suis redescendu avec Aissa El Baggar à l'hôpital Zemirli d'El Harrach pour rendre visite à Belkacem Khouas. Les prières des villageois semblent avoir porté leurs fruits. Belkacem est toujours gardé en observation au niveau des urgences mais les médecins sont optimistes. En dépit de ce qu'il a subi, il reconnaît les personnes à leurs voix, ce qui montre que son cerveau n'a pas subi de lésions irréversibles. Je n'ai jamais vu Aissa El Baggar aussi heureux qu'aujourd'hui. Il faut dire que Belkacem et lui sont des amis que rien n'a pu séparer; ni l'éloignement, ni la différence de niveau culturel, ni les contingences politiques. Au retour vers le village et comme hier, nous avons dû supporter un embouteillage monstre au niveau des eucalyptus de Kadiria où les ponts et chaussées s'amusent à rapiécer la RN 5 sans égards pour les usagers alors que pareil travail devrait se faire de nuit. Les travaux sur la route départementale tirent à leur fin puisque le tronçon qui va des "nouaders" à "Djebbanet Enn'sara" a été goudronné.
Mardi 30 Septembre 2003: Pris par des obligations privées, je n'ai pas revu Belkacem Khouas. Cette défection m'a permis d'éviter l'embouteillage géant qu'a vécu la nationale 5 entre Aomar et Boulerbah, embouteillage conséquent au bitumage de la route au niveau du puits d'El Kerri. La départementale 125 qui continue à se faire laborieusement goudronner a subi les contrecoups de ce bouchon puisqu'elle a constitué une voie de contournement que les usagers n'ont pas hésité à exploiter; l'autoroute en construction a, elle aussi, servi d'exutoire et c'est sous des nuages de poussières que le village et ses environs ont dû passer la journée.
Mercredi 1er Octobre 2003: L'actualité au village est dominée par la misère humaine... celle de Hamouda El Bouchi, Gacem Essaid (frère de Si Hamoud) et "Koukou" hospitalisés, le premier pour des complications post-opératoires, le second pour les conséquences cardio-vasculaires de son diabète et le troisième pour un risque de gangrène suite à un abcès au pied. Khouas Belkacem est toujours hospitalisé lui aussi mais son état s'améliore chaque jour un peu plus même s'il est aléatoire d'espérer le revoir au village dans quelques jours vu ce qu'il a subi. C'est une journée extrêmement chaude et l'entreprise qui refait  la nationale 5 a été bien avisée de ne pas travailler aujourd'hui car un embouteillage par pareille canicule, on ne peut "le vouloir même à un ennemi"...
Jeudi 2 Octobre 2003: Il fait toujours chaud. La route a été totalement bouchée entre Aomar et Boulerbah et seule l'autoroute en construction a pu libérer un tant soit peu les malheureux automobilistes. Il est certain qu'il doit y avoir des moyens de faire ces travaux sans martyriser les usagers mais c'est à croire que c'est fait exprès pour je ne sais quelle obscur dessein. S'il arrivait à une quelconque autorité de lire cette chronique (ce qui est très peu sûr car les chroniques villageoises sont peu payantes), qu'elle sache que chaque usager devient une bombe de ressentiments en puissance à chaque fois que, sous prétexte de lui faciliter la vie, on lui inflige ces tortures presque gratuites et si la gabegie doit avoir un nom, je crois qu'elle se nomme ces derniers temps DTP (Direction des Travaux Publics - ex Ponts et Chaussées que Si Hamid appelle "les bandits chaussés") ... 
Vendredi 3 Octobre 2003: journée fade comme un dimanche mal luné. Une petite virée au marché hebdomadaire de Kadiria avec Fatah 24 nous a permis d'avoir une idée de la mercuriale des fruits et légumes. Le melon, le raisin et la grenade continuent à occuper les premières loges question profusion; question prix, dame courgette rivalise avec dame tomate sans doute en voyant venir le Ramadan.
Samedi 4 Octobre 2003: Il fait un temps mitigé; une légère pluie est venue mouiller le macadam de la route pour en faire une patinoire dont nombre d'automobilistes font tout pour ne pas s' éviter les effets. L'hécatombre continue sous le regard goguenard des survivants qui croient qu'ils sont dispensés d'accidents et que ces drames n'arrivent qu'aux autres... En haut lieu, le FLN continue son cinéma en faisant un beau boucan que répercutent des titres de presse, pensant avoir trouvé l'aubaine pour faire monter leur audimat... La population blasée ne remarque même pas ces gesticulations loufoques car elle a l'attention retenue par la cavalcade des prix annonciatrice de l'arrivée du Ramadan. Aux dernières nouvelles une bande de malfaiteurs aurait été démantelée au village; elle s'était spécialisée dans le vol de confiance puisque son chef qui serait un homme de main du maire n'aurait pas hésité à lui subtiliser des pièces de sa voiture... Demain, après décantation des informations qu'a colportée radio trottoir et qu'a encore une fois amplifiées le téléphone arabe, on saura réellement ce qui s'est passé. Belkacem Khouas est toujours au pavillon des urgences de l'hôpital Zemirli. Il reste sous observation mais on constate une amélioration sensible de son état, de jour en jour.
Dimanche 5 Octobre 2003: Issaad Hamouda dit "Hamouda El Bouchi" est mort ce matin d'une grave maladie. Une foule nombreuse a assisté à son enterrement à 17 H au cimetière de Boubekeur. Hamouda est surnommé "El Bouchi" (le boucher) parce qu'il tenait un étal de boucherie au village avant d'ouvrir un très modeste réduit à la place où il vendait des fournitures scolaires. C'était une figure assez marquée avec sa quatrelle bleue, sa manière de claudiquer et son habitude de recevoir une clique de joyeux lurons (Hannani, Abderrahmane Gacem...) devant sa boutique pour des moments de franche rigolade. La faucheuse qui plane au dessus du village a jeté son dévolu sur Hamouda cette fois-ci... Qui sait sur quel autre villageois elle piquera la prochaine fois parce qu'il faut bien qu'il y'ait une prochaine fois et une infinité d'autres prochaines fois. Le temps est à la pluie depuis la nuit d'hier, mais ce soir l'horizon s'est embrasé et l'adage paysan dit que si ça rougit le soir, il faut préparer sa monture pour le départ. L'anniversaire du 5 Octobre 1988 a été fêté par les "profs" de lycées par une grève des cours. Cette pratique de la grève devient une seconde nature; il suffit que le mot d'ordre soit lâché pour que tous les moutons de Panurge y adhèrent avec une sauvage délectation...
Lundi 6 Octobre 2003:  Rien ne vient perturber le doux écoulement du temps. Depuis quelques jours un gros bulldozer de la "houkouma" défonce les terres des heureux attributaires des EAC et EAI héritées du "comité de gestion". Il le fait gratuitement dans le cadre de l'aide aux agriculteurs. Ces derniers laissent faire en vaquant à d'autres occupations: les clandestins font les clandestins, les joueurs de domino jouent aux dominos. L'État qui voit la situation de ses bureaux climatisés des hauteurs d'Alger n'a pas compris que si l'agriculture ne donne plus grand chose ce n'est pas faute exclusive de mécanisation mais faute d'entrepreneurs qui ont à coeur de lui arracher ce qu'elle doit donner. Il continue à assister de pseudo-agriculteurs qui continuent à croire qu'ils ont le droit de recevoir mais pas le devoir de donner...
Mardi 7 Octobre 2003:  Il a plu durant la nuit et au petit matin, la nature sentait l'automne. Les "bandits chaussés" ont déserté  notre route après l'avoir imbibée d'une légère couche de goudron et saupoudrée de gravier; ils appellent ça "tricouche" et affirment que c'est ce qu'il faut quand on leur montre le "tapis" qu'ils réalisent sur le Route Nationale. L'engin qui creusait le fossé dans lequel passe la "fibre optique" est parti lui aussi sans terminer le tronçon entre "Ennouaders" et la poste. Il va sûrement revenir quand l'hiver sera là pour nous imposer un surcroît de boue.
 Mercredi 8 Octobre 2003: Un épais brouillard couvre toute la région durant les premières heures de la matinée.  Le calvaire des usagers de la RN5 continue. Aujourd'hui un camion portant un container s'est renversé entre Kadiria et Lakhdaria. La circulation s'est bloquée entièrement de la pompe située à la sortie Est de Lakhdaria, jusqu'au dépôt de gaz butane de Tiliouine; en sortant de cet enfer, les automobilistes ont dû affronter un autre bouchon entre Tiliouine et Kadiria causé celui là par un barrage filtrant de la gendarmerie et le must attendait les pauvres usagers de la route entre Boulerbah et Aomar où des travaux de remise en état de la chaussée se déroulaient. Beaucoup d'automobilistes ont dû, encore une fois transiter par l'autoroute en construction. La nuit, le village est entièrement enveloppé par  l'assourdissante sono d'une chaîne stéréo mal réglée. Le son est mis à fond. C'est un tapage nocturne que sous d'autres latitudes on aurait réprimé comme tel;  mais chez nous, cette pratique devient courante et une fête sans débauche de décibels n'en est pas une. La fête présentement se déroule chez El Bachir le frère d'El Bled (le Maire) qui a marié son fils.
 Jeudi 9 Octobre 2003: C'est une journée littéralement printanière. La bande de voleurs dont nous avons parlé il y'a quelques jours aurait été jugée et condamnée. Le principal accusé aurait écopé de 2 ans de prison ferme.
 Vendredi 10 Octobre 2003: Il a fait beau. L'anniversaire du séisme d'El Asnam s'est passé sans casse du moins jusqu'à l'heure où ces lignes sont écrites (20 h). J'ai rendu visite à 13 H à Khouas Belkacem; il est toujours en salle de réanimation dans un état stationnaire. Pour le reste c'est toujours le calme qui précède le Ramadan.
Samedi 11 Octobre 2003: Début de semaine chaud et humide. A "Brachma" des centaines de voyageurs attendent d'hypothétiques moyens de transport. Ce problème de transport constitue peut-être l'un des exemples les plus éloquents de l'immense méfait de la centralisation et de la bureaucratie. Des transporteurs potentiels existent en très grand nombre, des véhicules aussi, des passagers ne demandent qu'à être transportés et les directions des transports des wilaya, au lieu de considérer que leur mission est celle de simplifier la vie aux voyageurs font tout pour se donner une autre mission: celle de "réguler" le transport en imposant des procédures qui découragent tout investisseur désirant travailler dans ce créneau. Le résultat est là: une insuffisance des moyens "réglementés" compensée très souvent par des opérateurs qui n'ont d'autre alternatives que de faire les clandestins. 
Dimanche 12 Octobre 2003: Bouchon monstre sur la RN5 entre Thénia et Boudouaou. Certains passagers ont passé 6 h sans bouger de leur place. Ce bouchon résulterait d'un mouvement de protestation des camionneurs suite à une bavure des services de la coordination routière qui auraient tiré sur un transporteur clandestin de sable. Tous les villageois qui ont eu l'idée de descendre à Boumerdès et Alger ont dû se résigner à revenir au village.
Lundi 13 Octobre 2003: Une très forte tempête s'est abattue sur la région. Un vent d'une violence inouie a soufflé durant quelques heures aux environs de 20 h. La pluie lui a succédé jusqu'au matin, ce qui a permis à Oued Djemaa de faire sa toilette.
Mardi 14 Octobre 2003: Il a plu copieusement dans l'après-midi ce qui a occasionné un accident aux environs du Souk el Fellah d'Aomar entre deux camions. Avant  d'évacuer les véhicules accidentés, les "arabes" ont eu tout le temps de boucler totalement la route sur toute sa largeur en amont et en aval à coup de dépassements anarchiques. La route s'est bloquées de 15 H 30 à 22 H 30 et j'ai personnellement passé plus de 4 H pour faire 4 km. La route de Djebahia a encore une fois fait office d'exutoire.
Mercredi 15 Octobre 2003: Au petit matin, un brouillard intense recouvre la région. La route du village entre "la cave" et "la SAS" est totalement impraticable; un bulldozer a décapé la famélique couche de goudron puis la pluie d'hier a accompli son travail d'érosion faisant de la route un torrent où déboulent les eaux en furie venant de "la SAS" et du Boutboul. Il faut espérer que les pouvoirs dits "publics" prennent en charge les rues de notre village à l'instar de ce qui se fait dans les communes d'Aomar et Kadiria où l'aménagement urbain se fait de belle manière. Mais rien n'est moins sûr car notre village ne se situe pas sur l'itinéraire officiel que devra emprunter le Président de la République lors de sa prochaine visite. Pour montrer à Monsieur Bouteflika l'immense comédie qu'on lui joue, on devrait lui transmettre une pétition afin qu'il fasse transiter les rutilantes mercédés de la présidence par ce pauvre village martyr...
Jeudi 16 Octobre 2003: Le bulldozer continue à labourer la route entre "la SAS et "la cave". Pour traverser le village, on doit prendre par la route du lotissement, elle aussi presque impraticable. Une très forte averse s'est abattue sur le village à partir de 19 H; il y'a fort à parier qu'elle coupera totalement l'accès vers El Maasra, El Madjen, Ben Haroun et Ain Cheriki. Des jeunes étudiants et autres chômeurs du village trouvent du bon au multipartisme... ils sont une bonne dizaine à se permettre depuis une semaine un séjour en hôtel de luxe aux frais de la princesse heu... de la passionaria de la formation politique trotskiste pourtant surnommée: "Parti des travailleurs". En effet, invités à gonfler les rangs des congressistes de ce parti, ils ne se sont pas fait prier pour aller jouer de la claque devant les caméras alors qu'ils n'ont rien à voir avec le PT .
Vendredi 17 Octobre 2003: Le temps est à la pluie. De très fortes pluies qui ont mis les oueds en crue et raviné les champs qui attendaient les labours. Le Ramadan se fait sentir de plus en plus lourdement pour les portefeuilles. 
Samedi 18 Octobre 2003: Gacem Essaid, le frère de Si Hamoud, l'imam de la moquée du village est mort ce soir. Le diabète et les complications cardio-vasculaires ont eu raison de lui. Qu'il repose en paix !  Nos condoléances à son fils Karim qui a eu la présence d'esprit de se marier de la vie de son père il y'a quelques semaines... J'ai rendu visite à 13 à Belkacem Khouas. Il se trouve toujours en salle de réanimation; il m'a semblé en bien meilleur état que lors des précédentes visites.
Dimanche 19 Octobre 2003: Gacem Essaid a été enterré à Braïka dans l'après-midi. C'est une journée très chaude durant laquelle on a constaté un inexplicable flux de véhicules sur la RN5, ponctué par des accidents dont le plus spectaculaire s'est passé à quelques dizaines de mètres de l'entrée Est de Lakhdaria.
Lundi 20 Octobre 2003: Le marché hebdomadaire de "Brachma" donne un avant-goût de ce que seront les prix durant le Ramadan qui piaffe d'impatience de nous imposer sa loi puisqu'il doit être là le samedi ou dimanche en fonction du bon vouloir des vieux surveillants qui,  chaque année se mobilisent pour voir le croissant même quand les astrologues s'entêtent à prouver l'impossibilité scientifique de son apparition...
Mardi 21 Octobre 2003: Les lycées sont toujours en grève et tout le monde y trouve son compte sauf les transporteurs dont les fourgons doivent peiner pour trouver des passagers. Les "professeurs" du secondaire demandent une retraite après 25 ans seulement de travail et une revalorisation des salaires de  pas moins de 100 % !!! Ils doivent s'être entendus pour faire leur le bon mot du terroir qui dit: "dharba bel fess khir men 3achra bel guadoum" (un coup de pioche vaut mieux que 10 coups de binette). Les soubresauts concertés qui traversent le pays n'ont en réalité rien à voir avec les questions salariales; Pour le cas des enseignants, tout le monde sait que la plupart de ceux  qui appellent à la grève ont su exploiter leurs longs temps libres pour se frayer un chemin vers d'autres moyens d'arrondir leurs fins de mois et qu'ils ne continuent à enseigner que pour les besoins de la retraite. Les vrais enseignants qui se sont investis corps et âme dans leur métier ne peuvent déjà que très difficilement boucler leurs fins de mois; il leur est impossible de compromettre cette relative sécurité par un débrayage à l'issue aléatoire.
Mercredi 22 Octobre 2003: Tandis que le tronçon de la départementale 125, rafistolé sommairement est laissé à la merci des eaux de pluies qui phagocytent impitoyablement ses bords dans leur ruissellement impuni, on s'est attaqué au tronçon qui va de "la SAS" aux "Nouaders" . Le gros bulldozer que conduit Djamal Adjou (le fils de Kouh'il) a labouré en profondeur la route ne laissant aux usagers que l'alternative de l'autoroute pour monter vers Ben Haroun. Le village est totalement sens-dessous et les villageois profitent faute d'autres passe-temps, du spectacle qu'offre le gros mastodonte de bulldozer dans ses oeuvres.
Jeudi 23 Octobre 2003: Le marché de la place est perturbé par les travaux de refection de la route. Les poteaux électriques ont été installés en totalité au lotissement de l'ex. El Harka. Les heureux bénéficiaire de cette opération devront néanmoins attendre le raccordement au réseau et ce n'est certainement pas avant l'Aid que ça se fera étant entendu que le mois de Ramadhan n'est propice qu'à la recherche effrénée de tout ce qui se mange et non à l'effort. 
Vendredi 24 Octobre 2003: Il a légèrement plu durant la nuit. Le village ressemble à Verdun.
Samedi 25 Octobre 2003: L'actualité villageoise reste dominée par l'approche menaçante du Ramadan avec les échoppes qui s'ouvrent à vue d'oeil et les commerçants qui aiguisent leurs prix  pour mieux faire rendre gorge aux jeûneurs. C'est aussi la réfection de la route principale qui continue à nous procurer des bains de boue gratuits et la tombola qui s'est réinstallée à la place et qui charrie toute une jeunesse qui ne trouve rien de mieux à faire que de venir saliver de libido mal retenue devant la rutilance des lots. C'est aussi la sortie prévisible de Belkacem Khouas de l'hôpital, à 15 h. 
Dimanche 26 Octobre 2003: La religion a toujours constitué une aubaine pour le commerce, de sa mode vestimentaire à ses pratiques rituelles, du pélerinage à l'Aid el Kebir et c'est à se demander si la plupart des "artifices" qui accompagnent la pratique de la religion ne sont pas, comme les modes,  des inventions de commerçants et non des clergés... qui eux aussi, en réalité,  font commerce de religion... Le commerce et la religion trouvent leur apothéose durant le Ramadan comme le prouvent la boulimie des jeuneurs et celle des commerçants. Dame Courgette se négocie ce soir au souk de Brachma à 80 DA alors qu'elle se donnait à 25 DA il y'a 2 jours et dame carotte à 50 DA alors qu'elle s'offrait à 25 DA hier... Le poulet vivant se vend à plus de 200 DA/kg ... Il est préférable de ne pas parler de viande rouge ou des fruits car ça vous couperait l'appétit et l'envie de jeûner...  Ramdhane Moubarak quand même à tous les Djebahis d'ici et d'ailleurs !
Lundi 27 Octobre 2003: La première journée de Ramadhan s'est passée comme... une journée de Ramadhan !... Rentrée de tous les travailleurs avec le retard d'usage dû aux veillées à la mosquée ou autour d'une  table de dominos?  et sortie bien avant l'heure pour les provisions. Une première journée où on a vu les commerçants vociférer comme des  damnés et le  peuple d'acheteurs s'abriter sous ses couffins. Une première journée où on a vu des rixes se déclencher pour un oui pour un non et des automobilistes venger leurs estomacs sur de pauvres klaxons et pédales d'accélérateurs. Après le f'tour tout s'est calmé et les jeûneurs ont retrouvé leur gouaille dans les cafés et leur piété dans les mosquées...
Mardi 28 Octobre 2003: Quand le Ramadhan est là, il éclipse tout le reste et s'impose en maître absolu de l'actualité. Il réussit même à faire oublier la cabale menée par certains journaux contre le Président de la République (présentée comme une cabale menée par la Présidence contre certains journaux); il éclipse l'inénarrable grève du CLA* et du CNAPEST* contre les élèves des lycées et que certains journaux présentent comme un haut fait d'armes tout juste parce que ça les aide dans leur cabale et que le pouvoir présente comme une subversion juste parce qu'elle trouve de la sympathie de la part des journaux qui le trouvent antipathique. Le cinéma continue sous l'oeil goguenard des citoyens jeûneurs qui n'ont d'oreilles que pour les criées des marchands de victuailles... Pendant ce temps, le village dort de sa belle léthargie le jour pour se réveiller la nuit au rythme de la loterie de la place publique qui répond à l'écho des psalmodies de la mosquée... NB: *** le CLA et le CNAPEST sont des syndicats d'enseignants "non reconnus"; dès qu'ils termineront leur grève, le SATEF et la FNTE qui sont des syndicats "reconnus" la reprendront pour le grand bien des élèves qui pourront ainsi ramasser les olives au lieu de perdre leur temps à bâiller aux corneilles devant leurs cahiers dans les salles mal chauffées face à des "marchands d'alphabet" qui n'arrêtent pas de marchander leur pseudo-savoir... Allez va ! comme dirait Si Hamid...
Mercredi 29 Octobre 2003: Devant la maigreur des porte-monnaie des citoyens, les commerçants ont dû se résigner à abandonner l'idée de faire fortune durant ce Ramadan. Les prix sont descendus en flèche et l'insipide courgette a repris sa modeste place parmi les navets et les oignons. Seule la pomme de terre se donne pour quelques jours des allures de dame en s'affichant à 40 DA/kg. D'aucuns mettront ce retour au bon sens sur la piété retrouvée de nos coreligionnaires étalagistes alors qu'il s'agit tout simplement d'une conséquence tout à fait attendue de la loi sur l'offre et la demande. La piété n'a pas incité les professeurs à maudire ce satané Ibliss" (ikhezzou m'bliss) pour reprendre leur travail et épargner aux élèves et au pays l'épreuve d'une année scolaire mise entre parenthèses.
Jeudi 30 Octobre 2003: Journée froide et pluvieuse. Le village se retrouve plongé dans la boue de la SAS aux Nouaders. La route principale est impraticable et le marché de la place s'en ressent puisqu'il connaît une affluence indigne d'une journée de Ramadan. 
Vendredi 31 Octobre 2003: M'Hamed Yazid est mort suite à une chute à la veille du Premier Novembre... Un Premier Novembre que le village va fêter avec le rituel immuable du recueillement devant la stèle de la place publique, recueillement auquel seront conviés exclusivement les membres de la "Famille Révolutionnaire" qui semblent hériter à eux seuls d'une Révolution qui se donne pourtant pour devise: "Par le peuple et pour le Peuple"... Le peuple profitera de cette journée fériée pour aller faire son marché. En prévision de cet événement, les roues boueuses du village se sont parées de drapeaux et d'oriflammes et dès demain, les chants patriotiques qu'on diffusera de l'APC à pleins décibels vont noyer le village sous une ferveur révolutionnaire trop artificielle pour être poignante... Aux alentours du village les labours se poursuivent et les premiers "chantiers" de ramassage des olives se font voir de proche en proche. Question climat, un violent sirocco a assombri le ciel en y suspendant tout le sable du désert. La pluie que prévoit la météo pour demain devrait laver l'atmosphère pour nous redonner cette limpidité de l'air qui porte le regard jusqu'à Lalla Moussaad à l'ouest et qui nous fait distinguer clairement les moindres pics du  Djurdjura à l'Est. 
Samedi 1er Novembre 2003: La commémoration de l'anniversaire du déclenchement de la Révolution a vu les oriflammes multicolores flotter même sur l'embranchement de la RN 5 et de la départementale 125. L'initiative est à mettre à l'actif de la Commune d'Aomar et notre maire doit en avoir ressenti une grosse humiliation s'il est encore capable de ressentir pareille chose... Le Ramadan continue sa course vers l'Aïd. La tradition veut qu'il soit divisé en 3 périodes: les journées des mules d'abord, les journées des chevaux ensuite puis les journées des ânes enfin... Nous abordons aujourd'hui la 2eme phase des journées muletières. Un froid assez vif est venu ce soir accompagner une pluie sporadique. Les paletots ont été ressortis et les cols relevés ajoutent un surcroît de froidure à la froidure ambiante. Aissa EL Baggar, comme de nombreux paysans occasionnels  était aux nues tout à l'heure. Il reconnaît qu'il a été bien avisé de planter les fèves ce matin car la pluie qui tombe leur donnera dit-il une vigueur promettant une récolte exceptionnelle.
Dimanche 2 Novembre 2003: La nouvelle se fait très insistante... Le Président Bouteflika visitera notre région le mardi 4 novembre. Dans son programme, un seul grand point: l'autoroute Est-Ouest. On comprend qu'il y'a de fortes probabilités pour que l'information soit fondée en voyant nos responsables s'affairer avec une frénésie inhabituelle. L'itinéraire du Président doit être balisé par des trottoirs repeints et s'il faut planter des arbres adultes, ça se fera aussi !.... A Kadiria, les travailleurs des ponts et chaussées, malgré le Ramadhan durant lequel les après-midi sont généralement réservées aux emplettes, s'affairent à 16 H passés, à tracer les lignes sur la route et tôt le matin, un compacteur compactait déjà la boue de la route départementale qui traverse notre village et qui, complètement défoncée, lui donne un air de Verdun comme il nous semble l'avoir dit. Il faut espérer beaucoup de pluie lors de cette visite, non seulement pour que les fèves de Aissa El Baggar poussassent drues mais aussi pour que se délitassent sous l'effet des eaux, les vernis artificiels qu'on a posés sur l'itinéraire du Président pour lui en mettre plein la vue afin que son regard n'aille pas au délà du chemin qu'on lui a balisé... Il faut espérer que le Président lise cette chronique (mais ça, c'est illusoire) pour qu'il sache s'enfoncer dans les rues transversales et voir par exemple comment vivent les gens à "la SAS", au lotissement évolutif, au tripot de Chaabet Lakhera (la rivière d Jugement Dernier), à Boulerbah, à Harchaoua et ailleurs dans ces coins que nul illustre visiteur ne daigne visiter...
Lundi 3 Novembre 2003: C'est officiel, le Président de la République viendra visiter notre Wilaya demain.  Deux portraits immenses du Président ont été collés, l'un au mur d'un bâtiment à "Brachma" et l'autre sur un panneau publicitaire situé sur le bord de la RN5. Aujourd'hui, le Wali, les Sous-Préfets et les Maires qui administrent les terres situées sur l'itinéraire présidentiel se sont tous transformés en chefs de chantiers. Des engins ont été sortis on ne sait d'où, des budgets mobilisés on ne sait de quelles caisses et en une journée l'environnement s'est totalement transformé. Notre maire dont la commune est abritée du regard à partir de la route nationale par les collines est resté serein comme à sa longue habitude. Ah si la RN 5 devait se couper sous l'effet de quelque providentiel éboulement et que l'itinéraire présidentiel devait être détourné pour transiter par les rues boueuses de notre village !...
Mardi 4 Novembre 2003: Le Président de la république est venu, il a vu et il est reparti. Monsieur Bouteflika a ouvert une route mais pour ce faire, on a dû fermer toutes les autres routes. On ne sait qui devra répondre devant Dieu des milliers d'automobilistes qui ont dû supporter en jeûnant les embouteillages monstres qui se sont formés à Lakhdaria et sûrement aussi à Bouira, aux limites du champ de manoeuvre  du Président dont l'épicentre se situe à Zeboudja. Au passage obligé de Monsieur Bouteflika par Kadiria et Aomar Gare, il y'avait l'habituelle affluence populaire avec écoliers brandissant des drapeaux, zornas de circonstance et vieux moustachus enturbannés levant le bras et criant "yahia Erraïs !" mais aux journaux télévisés, on n'a rien montré de cette "liesse populaire". La Wilaya ayant eu sa visite présidentielle, Chaabet Lakhera et les autres tripots devront attendre encore pour se voir dotées des commodités qu'elles attendent depuis que la France en a fait des camps de concentration heu... de regroupement. 

Mercredi 5 Novembre 2003: La journée est placée sous le signe des accidents de la circulation. A 8 H, deux mastodontes se sont rentrés dedans devant la porte du cimetière de Sidi Athmane. Une catastrophe majeure a été évitée car le premier mastodonte est un semi-remorque chargé de sable, le second un camion-citerne géant de la Sonatrach, heureusement vide et qui a vu sa citerne se détacher sous l'effet du choc pour se retrouver projetée par terre. Si par malheur elle était remplie et que le produit s'était embrasé, on aurait éclipsé les attentats d'Irak et la crise entre Ahmed Qoraï et Arafat pour faire la une de l'actualité mondiale... Juste avant l'accident on a reçu l'annonce de la mort par accident d'un monsieur de Ben Haroun, connu pour ses cheveux poivre et sel et sa vieille 404 familiale à l'aide de laquelle il faisait le clandestin. Il s'agit d'un des enfants Koroghli... l'information est à prendre avec les réserves d'usage tant le téléphone Arabe est friand de sensations même morbides... Mais la nouvelle la plus terrible est tombée aux environs de 15 H... Un embouteillage monstre s'est constitué entre Kadiria et les eucalyptus sur la RN5; il était dû au dégagement du fourgon de transport de voyageurs de Chachou Hakim qui aurait été percuté par un autre véhicule. On a parlé de 20 morts puis on a réduit le nombre de victime et donc l'ampleur de la sensation à 6... Le maire m'a rassuré à 17 H en me disant qu'il n'y eut que quelques blessés qui ont d'ailleurs tous quitté l'hôpital. A 20 H 30 je reçois un appel téléphonique m'informant de l'hospitalisation de T. Ahmed, un jeune homme de "Brachma" victime d'un accident de la circulation lui aussi. Est-ce un canular mal placé, Ahmed faisait-il partie des passagers du fourgon de Chachou ?... On sera éclairé quand le téléphone arabe sera moins parasité...

22 H 30... Je viens d'apprendre de la bouche de Chachou Mohamed la version de l'accident... Un camion aurait percuté le fourgon par la faute du chauffeur. Les 19 passagers ont tous été blessés; ils ont été évacués sur l'hôpital de Lakhdaria; trois d'entre eux auraient été orientés vers l'hôpital Zemirli d'El Harrach pour des traumatismes sévères dont le conducteur du fourgon, un certain "Halli" d'Aomar qui aurait eu les deux jambes sectionnées. Karim, le fils de Chachou qui faisait le receveur aurait été légèrement blessé au menton, Touati Ahmed d'Aomar a eu une déchirure du cuir chevelu et une fracture des deux poignets... Ces informations sont aussi à prendre avec quelques réserves car elles émanent de Mohamed Chachou qui, en temps normal est déjà très "catastrophiste"...

 

Jeudi 6 Novembre 2003: On continue à discuter de l'accident d'hier. L'intensité de la  catastrophe est revue à la baisse d'heure en heure. Karim Chachou est sorti de l'hôpital. La plupart des blessés sont gardés en observation à l'hôpital de Lakhdaria; seul le chauffeur se trouve à Zemirli en observation; on prétend qu'il est toujours dans un état comateux mais qu'il risque de perdre un seul pied. La loterie continue à attirer la foule. Le Ramadhan se poursuit dans les senteurs de la zalabia et du qalb Ellouz qu'on propose à chaque coin de rue. Les travaux de réfection de la route sont au point mort; pas un engin ne dérange la quiétude du village.
Vendredi 7 Novembre 2003: Journée de Ramadan habituelle avec sa léthargie matinale suivie de la ferveur de la prière du vendredi qui rend brusquement les rues désertes. S'il y'a une prescription religieuse qui est respectée à la lettre et même un peu plus, c'est cette interdiction de commercer durant la prière du vendredi. Même les non-pratiquants se font un devoir de baisser les rideaux à moitié ou de couvrir les étals d'une bâche puis de se croiser les bras pour faire de la tête un "non" désolé à la demande d'achat des clients. Ce zèle est poussé au point où la fermeture des commerces se fait durant toute l'après midi du vendredi et non pendant le temps réservé à la prière et il arrive très souvent que le commerçant qui n'exploite pourtant pas le temps de fermeture pour la prière, refuse de servir de l'eau minérale à des familles dont les enfants pleurent de soif, c'est dire l'intensité de la ferveur religieuse !... Les travaux de réfection de la rue principale ont repris; la phase d'épandage de tout-venant se déroule avec l'inconfort qui en était attendu pour les usagers.
Samedi 8 Novembre 2003: Catastrophe écologique du côté de Boubekeur... une fuite sur l'oléoduc à l'endroit où ça n'arrête pas de se produire depuis 10 ans a deversé dans l'oued une grande quantité de brut qui devrait aller polluer même le barrage de Beni-Amrane. Sans doute pour éviter que toute la quantité de pétrole aille se répandre à la surface du barrage en détruisant toute vie le long de Oued El Djemaa puis de l'Isser, on a mis le feu à la nappe aux environs de Boulerbah, ce qui a engendré un feu immense dégageant une opaque fumée noire qui a été visible de Lakhdaria et peut être de beaucoup plus loin. En début d'après-midi les équipes de Sonatrach étaient à pied d'oeuvre à Boubekeur pour colmater pour une énième fois la brèche de l'oléoduc. On se demande ce qu'attend cette société qui a pourtant des moyens colossaux pour régler définitivement le problème récurrent de ce tronçon. Aux dernières nouvelles, le bilan de l'accident du fourgon de Chachou serait de 2 morts selon un quotidien. Le chauffeur est toujours à Zemirli dans un état critique. Les autres blessés sont à l'hôpital de Lakhdaria. La grève des lycées perdure sans qu'aucun indice ne vienne donner l'espoir de voir les élèves reprendre le chemin des classes... 
Dimanche 9 novembre 2003: Les équipes de Sonatrach sont à pied d'oeuvre à Boubekeur pour colmater la fuite du brut sur l'oléoduc. C'est toute une armada de camions citernes, d'ambulances, de véhicules tous terrains qui stationne sur la route de Harchaoua. La route principale du village, à hauteur de la fontaine publique est totalement défoncée et la circulation est détournée en bas des "nouaders" pour contourner le casernement de l'ANP, passer devant la base Cosider et remonter par la route de "Chaabet Wambir" jusqu'à l'embranchement d'"El Maasri" qui débouche sur le palier de la cité. Pour le reste, c'est le ramadan qui caracole depuis 4 jours à l'allure du cheval après la laborieuse décade muletière. 
Lundi 10 novembre 2003: L'hécatombe continue... Aujourd'hui, c'est à moi de porter le deuil de mon neveu FOUAD, fils de mon frère Messaoud - ex Directeur de l'usine d'eau minérale de Ben Haroun puis de la Brasserie de Réghaia où il habite dans un logement de fonction ébranlé par le seisme du 21 mai. Fouad qui frôle la trentaine était plein de vitalité; il est mort ce soir dans un accident de voiture sur le route de Ouled Moussa et se trouve à la morgue de Réghaia au moment où j'écris ces lignes. La famille en entier a dû se déplacer de nuit pour tenir compagnie aux parents éplorés. Il est difficile d'entretenir cette chronique avec cette grosse boule qui s'est obstinément installée dans ma gorge; mais c'est peut-être une manière subconsciente de faire diversion au drame de ma famille, à cette réplique de ma mère que le deuil a rendue volubile et euphorique, elle qui passait inaperçue tellement elle est devenue discrète et qui m'a imploré tout à l'heure de l'emmener "aux noces de Fouad"... à l'immense tristesse de mon père qui n'a pas fini de remercier Dieu après les prières du tarawih d'avoir épargné son autre petit fils Djamal dont la voiture a dérapé hier soir du côté de Djebbanet Ennsara pour s'entendre dire que le mektoub s'était trompé de cible car il prévoyait d'emmener son autre petit fils, Fouad,  au désarroi de mon frère Messaoud et de sa femme, de leurs enfants aussi, de mes enfants à moi que la faucheuse vient, ricanant comme une hyène rappeler qu'elle est souveraine dans le choix de ses victimes et que la mort n'est pas seulement réservée aux "autres"... On annonce aussi la mort subite de Yahia Gacem à l'hôpital suite à une crise expéditive. Yahia Gacem, le père de Lakhdar et Achour a trimé toute sa vie comme fellah, il aurait accompli sereinement sa prière hier. Pris de douleurs subites, il a été évacué sur l'hôpital où il a rendu l'âme. 
Mardi 11 novembre 2003: Fouad a été enterré au cimetière de Réghaia à côté de son ami. Les circonstances du drame sont maintenant connues. Fouad et son voisin de son âge sont allés chercher un copain habitant Ouled Moussa pour rompre le jeûne avec eux; c'est au retour que leur quatrelle fut littéralement écrasée par un fourgon. Ils furent tués sur le coup quelques dizaines de minutes avant le f'tour. Leur copain devait décéder par la suite. Les parents étaient embarrassés sur le lieu où ils devaient l'inhumer; ils ont préféré laisser ensemble les deux amis que la mort avait choisi de prendre en même temps et les ont enterrés côte à côte... Yahia Gacem a, lui aussi été mis en terre ce soir par les villageois. 
Mercredi 12 novembre 2003:  Le ciel est couvert et le temps assez frais... il est tombé par intermittence quelques gouttes de pluie qui n'auront pour seul effet que celui de rendre la route glissante pour favoriser la lutte contre la démographie. Le Ramadan a atteint sa vitesse de croisière; dans deux ou trois jours les jeûneurs perdront du regard les denrées alimentaires pour réserver leur attention, leur temps et ce qui leur reste dans les poches aux habits de l'Aïd. Les engins ont continué à décaper la route principale du village  qui ressemble aujourd'hui à la faille de San Andréas. Il faut espérer que les prochains jours ne connaîtront pas les pluies diluviennes qui ont l'habitude de tomber à pareille époque. Hier entre 19 et 20 h nous avons ressenti un assez fort séisme; les connaisseurs du CRAAG ont trouvé la parade pour s'éviter des explications; ils mettent tous les tremblements de terre sur le compte de répliques "normales" de la secousse du 21 mai et, pour mieux convaincre, ils situent systématiquement et péremptoirement parce qu'ils ne risquent pas d'être démentis, l'épicentre à Zemmouri...  Aux environs de 22 H, on a entendu une très forte explosion du côté ouest du village, elle a été suivie du retentissement strident des sirènes du casernement de l'armée et d'un mouvement de camions militaires. 22H 20... un ami habitant Aomar-Gare m'annonce par portable qu'il entend des coups de feu nourris du côté de la protection civile, du CEM et d'autres coins. Il a entendu la bombe de tout à l'heure et croit comprendre qu'elle à visé la protection civile. Le téléphone fixe est en dérangement depuis quelques heures; il y'a peut-être phénomène de cause à effet. Demain on verra ce qui s'est passé si les prochaines heures n'apportent pas d'autres développements...
Jeudi 13 novembre 2003:  Sombre journée. A 13 H 30 Le soleil est caché par des nuages noirs qui menacent à tout moment de crever pour déverser sur la terre le contenu de leurs panses. Le téléphone fixe est toujours dérangé. Les travaux sur la route principale sont au point mort; l'armada de la Sonatrach qui est venue colmater la brèche sur l'oléoduc est repartie après avoir rafistolé le pipe. La bombe et les coups de feu de la nuit d'hier sont le fait d'une attaque terroriste dont très peu de choses ont transpiré jusqu'à maintenant. Des gendarmes étaient à pied d'oeuvre à 13 H à côté de la protection civile de la gare d'Aomar qui était gardée par les agents de la police communale ce qui tend à prouver que l'attaque d'hier la visait particulièrement, mais un cratère était visible près du pont de Oued El Djemaa et on dit que c'est l'effet d'une bombe actionnée certainement à distance contre un camion militaire; une personne présente à l'hôpital de Lakhdaria après le f'tour m'a affirmé avoir vu quatre blessés par balles aux urgences.
Vendredi 14 novembre 2003:  Un vieux monsieur encore alerte et qui est descendu à Aomar s'est retrouvé à l'hôpital après avoir été percuté par une quatrelle à côté du nouvel arrêt de bus de Sidi Athmane. Il s'agit d'un DAHMANI (de ceux qui résident à El Barda et non à Ain Cheriki). Juste avant de faire sa traversée fatale, le vieil homme aurait eu ce mot, selon un témoin "auriculaire": "Ils nous ont placé une guillotine"... l'arrêt de bus est effectivement une guillotine car pour y accéder ou pour en sortir, on doit s'engager directement et sans possibilité de vision dans la route nationale n° 5 qui, comme tout le monde le sait, est saturée presque à tout moment. Toujours dans la série des drames, une femme de Ben Haroun, dans la famille Chiheb est morte suite à un malaise qui a nécessité son évacuation par ambulance vers l'hôpital. Ces morts brusques font aujourd'hui partie de notre quotidien; elles sont dues certainement aux problèmes cardio-vasculaires auxquels nous sommes tous exposés du fait du stress, des difficultés financières et de l'angoisse existentielle. Les travaux de réfection de la rue principale marquent le pas; une conduite d'eau potable s'est brisée en amont et l'eau a déferlé vers l'aval pour créer une grande mare à l'entrée du village; une mare qui rappelle celles qu'on aménage à l'entrée des couvoirs et dans lesquelles l'eau javellisée en lavant les roues des véhicules qui y accèdent les débarrasse des germes qu'elles pourraient transporter. 
Samedi 15 novembre 2003:  Le Ramadhan arrive à la période où le souci du ventre laisse place à celui des nippes. Les marchands de fruits et légumes se font tous petits devant ceux des souliers et des vêtements. La friperie est aussi à l'honneur et l'orgueil d'antan laisse place à une humilité gênée chez nombre de pères de familles qui n'ont d'autre alternative que celle de se rabattre sur les habits de récupération. Un vent très fort et assez froid s'est levé après le f'tour; il déferle sur le village en hurlant comme un damné. Le téléphone est toujours aux abonnés absents. Le journal "Le Matin" a annoncé l'attaque terroriste du mercredi 12 novembre; selon son correspondant, c'est un camion militaire qui était visé; il confirme le bilan de quatre blessés. Aux dernières nouvelles (à prendre toujours au conditionnel) l'accident du fourgon de Chachou aurait fait 4 morts; le chauffeur serait toujours dans un coma profond.  
Dimanche 16 novembre 2003:  Le Téléphone est toujours en dérangement; les agents des PTT sont en train de changer les numéros et ils prennent tout leur temps avec ceux qui n'ont pas le temps d'aller les supplier de le faire pour leur ligne. La route du village continue elle aussi à se faire retaper avec la célérité habituelle qui caractérise les travaux dits publics. Le Ramadhan pour sa part est arrivé à son dernier virage et ses journées asiniennes se succèdent à une allure qui n'a rien à voir avec la petit trot de cadichon.
Lundi 17 novembre 2003:  La vie continue; le téléphone est toujours muet, la route est toujours à l'état de chantier; les premiers chantiers de ramassage des olives font leur apparition; les étourneaux qui avaient l'habitude d'arriver en masse pour participer à leur manière à cette cueillette sont étrangement en retard cette année; quelques grives sont par contre arrivées et font déjà le bonheur des oiseleurs.
Mardi 18 novembre 2003:  La pluie et le froid font timidement leur apparition; le Ramadhan en est à ses derniers soubresauts; les étals des marchands de légumes n'ont plus cette exubérance des premiers jours et les prières des tarawih atteignent déjà les derniers hizb du Coran, la voix de l'Imam n'a plus sa fraîcheur du début du Ramadhan. Le téléphone semble trouver confortable son mutisme et prend ses aises dans son dérangement qu'aucun agent ne vient troubler.   
Mercredi 19 novembre 2003:  La pluie a fait du village un immense champ de boue. Les agents des PTT continuent à travailleur quelques minutes par jour pour nous brancher...
Jeudi 20 novembre 2003:  Au marché du village, il n'y a pas grand chose sinon les deux cageots habituels de sardine et les poulets et puis quelques légumes, des pommes rabougries et des oranges et mandarines trop vertes pour être décemment comestibles. 
Vendredi 21 novembre 2003:  La prière du vendredi éclipse tout. La ferveur dopée par le Ramadhan attire vers les lieux de cultes un très grand nombre de fidèles parmi lesquels la gente féminine s'affiche de plus en plus.
Samedi 22 novembre 2003:  Un vent d'une puissance inouie souffle sur la contrée; il va finir par gauler toutes les olives et nous n'aurons plus le loisir de voir ces femmes colorées chevaucher de proche en proche nos oliviers... Consolation aussi, nous n'enregistrerons plus ces hanches luxées et ces tibias cassés et colonnes vertébrales déplacées, qui accompagnent infailliblement la cueillette des olives et que la caisse d'assurances sociales ne considère pas comme "accidents de travail" car ces pauvres femmes aux foyers sont tout sauf des travailleuses. La route et le téléphone sont toujours en dérangement et le vent souffle très fort comme pour montrer une colère divine contre le sort fait à nos ânes dont la presse vient de révéler que des milliers ont été consommés à l'insu des jeûneurs en viande hâchée... Nous avions pourtant mis en garde contre cette inéluctable descente aux enfers de notre sympathique preneur de son en ouvrant un site web en son honneur depuis plus de deux ans et en publiant des tas d'écrits dans le journal, aujourd'hui passé à la trappe lui aussi pour cause d'appêtit démesuré de bouffeurs de canards... Vous pouvez lire nos histoires asiniennes sur http://www.geocities.com/amis_des_anesdz vous pourrez même adhérer à 4A: l'Association Algérienne des Amis de l'Ane dont les membres aiment l'âne en tout sauf en osbane...
Dimanche 23 novembre 2003: On ne sait si c'est la baraka de Sidi Gacem ou de Sidi Athmane, de Lalla Braika ou de Boubekeur, de Sid Ahmed N'AAli ou de Sidi Assem qui a joué pour éviter un immense deuil à la veille de l'Aid Seghir... toujours est-il que le fourgon de Djebri & Boudaoud plein à craquer de collégiens de Harchaoua, s'est renversé et a fait deux tonneaux au niveau du grand virage d'El Dj'bara sur la route de Harchaoua. Les passagers n'ont pu en sortir dit-on, qu'en se faufilant à travers un des fossés qu'on creuse autour des oliviers qui a arrêté sa descente vers l'oued... Considérant "l'abruptitude" de cet endroit, on peut affirmer qu'il a fallu conjuguer la baraka de tous les saints pour faire de cet accident un incident d'où on n'a retiré que de légers traumatisés, ecchymosés, égratignés et autres écorchés... On invoquera peut être aussi la baraka de l'olivier... Un très fort vent nocturne s'est levé. La route et le téléphone sont toujours dans un état qui ne permet pas leur utilisation.
Lundi 24 novembre 2003:  C'est une très belle journée et, à voir le calme et la sérénité  des oliviers et autres eucalyptus, on ne peut se représenter que cette nuit, un vent d'une extrême violence a failli déraciner même les jujubiers. Route et téléphone sont toujours au point mort. Les voyeurs du Ministère des Affaires religieuses ont réussi à entrevoir un léger croissant de lune du côté de Naama et, pour mieux nous rassurer quant à leur bonne foi, nous informent que ce croissant a été vu en... Afrique du Sud !.... C'est dont demain que nous inverserons les épreuves que nous administrons à nos estomacs en jeûnant la nuit pour nous gaver le jour après avoir fait le contraire durant le sacré mois du Ramadhan. On regrettera ces nuits animées par les prières à la mosquée et qui auraient été très douces sans la déformation et les parasites des sonos mises à fond, les gutturalités des joueurs de domino, les effluves de la Zlabya et du Qualbellouz heu... Qualbelkaoukaou...
Mardi 25 novembre 2003:  C'est l'Aïd. Prière rituelle suivie des embrassades à ciel ouvert puis des visites des cimetières et enfin des rencontres familiales.  Rien de bien spécial en quelque sorte, à part le fait que cette année la "Zakat" de l'Aid qu'on a évaluée à 70 DA par tête de pipe sera gérée par la mosquée à qui il reviendra d'établir la liste des indigents et de procéder à la remise des aides. La bonne vieille solidarité d'antan risque de foutre le camp pour être fonctionnarisée... Et c'est ainsi que nos petits génies incapables de se faire des découvertes qui valent la peine, s'évertuent avec une sadique délectation à nous enlever le peu de folklore et de sincérité qui restent dans nos séculaires traditions.
Mercredi 26 novembre 2003:  deuxième jour de l'Aid... Il pleut et sur la RN5 en contrebas, c'est l'hécatombe...  
Jeudi 27 novembre 2003:  des chutes de pierre au niveau des gorges de Palestro ont occasionné des blessures à des passagers et des dégâts aux véhicules. La route s'est bloquée durant une partie de la nuit aux dires des journaux. 
Vendredi 28 novembre 2003:  Les pouvoirs publics ont enfin décidé de mettre fin au cinéma de cette grève des lycées qui n'a que trop duré; il faut espérer qu'ils tiendront leurs promesses afin que nous puissions enfin sortir de ce démocratisme débridé qui finit par avoir l'air d'une pitoyable anarchie. 
Samedi 29 novembre 2003:  Mon oncle,  Tahar ADJOU, ex secrétaire de l'APC de Djébahia est tombé d'un olivier. Il glanait les olives avec son frère Slimane et la branche sur laquelle il était monté a cédé; il est tombé; il s'est fait très mal mais les radios n'ont détecté aucune fracture ou lésion sérieuse. La branche coupable a été punie par Si Slimane qui l'a découpée en morceau pour en faire un fagot dont la destination est la géhenne des âtres. Je rassure Yacine quant à la non gravité de l'état de son père que j'ai vu hier et qui, en dépit de quelques douleurs très compréhensibles, garde tout son moral. L'ultimatum des pouvoirs publics est arrivé à expiration et pratiquement tous les lycées ont renoué avec l'ambiance des études sauf ceux de deux ou trois wilayates dont la nôtre qui ne manque jamais une occasion de se distinguer quand il faut faire le cancre...
Dimanche 30 novembre 2003:  Il souffle un vent digne des "rugissants" du Pacifique. La route du village ressemble toujours à un oued et il semblerait que les Ponts et Chaussées soient vraiment dans une grosse gêne car ils n'auraient pas les moyens de terminer les travaux, ce qui laisse présager d'un hiver pas commode pour nos rotules et nos souliers.
Lundi 1er Décembre 2003:  Le téléphone est enfin rétabli... Une nouvelle numérotation des lignes de tout le village a été décidée... Fini le 90, nous avons avancé d'un pas puisque nous avons dorénavant pour indicatif de zone le 91... Pour des raisons que tout le monde comprendra, j'hésite à donner mon numéro sur le site; je suis disposé à le transmettre par mail à tout djebahi de l'extérieur qui souhaiterait l'avoir pour d'éventuels renseignements urgents. Les travaux de réfection de la route ont repris ce soir. Du sable a été généreusement étalé sur la chaussée. Les pluies qui sont attendues pour demain vont se faire un plaisir de le ramener de la rivière d'où il a été puisé...
Mardi 2 Décembre 2003:  Il fait très froid et il a plu durant la nuit; une pluie fine et cinglante comme des lames de glace. Il a continué à pleuvoir toute la journée et des passagers affirment que le Dirah qui domine Sour El Ghozlane est couvert de neige. La météo prévoit aussi de la neige pour nos proches collines qui dépassent les 800 m et comme notre H'lala se situe à 1039 m exactement, cela nous promet de belles images mais aussi des nuits froides et... une pénurie de gaz butane en perspective ...
Mercredi 3 Décembre 2003:  La pluie a causé en face du puits d'EL Kerri un glissement de terrain qui a été fatal au train de marchandises. De nombreux wagons ont été réduits à  des tas de ferraille. La grève des profs de lycées perdure. Les élèves continuent faute d'être informés au préalable, à faire une navette quotidienne aussi inutile que coûteuse entre leur domicile et le lycée. Le bras de fer entre pouvoirs publics et enseignants se fait en forme de bras d'honneur aux principaux concernés que sont les lycéens.
Jeudi 4 Décembre 2003:  La neige recouvre tout le Djurdjura. Un vent très froid souffle sur le village que recouvre totalement la boue d'une route qui n'en finit pas de se faire retaper. Si on devait établir des statistiques, on se rendrait compte à n'en pas douter que notre village aura vu la plus forte vente de bottes en Algérie durant les dix derniers jours. La colère citoyenne gronde sourdement contre cette gabegie criminelle mais elle finira comme toujours par se dégonfler comme un ballon de baudruche parce que nos villageois possèdent toutes les cultures du monde sauf celle de la contestation...  
Vendredi 5 Décembre 2003:  Les chemins de fer ont mobilisé les grands moyens pour dégager les épaves des wagons qui jonchent la voie ferrée. En dépit d'un ciel qui disputerait son bleu à la méditerranée le froid reste très vif mais la campagne, sous l'effet des dernières pluies, a revêtu un manteau de verdure printanier. Le ramassage des olives bat son plein mais les premières livraisons des huileries sont loin de répondre aux attentes puisque le quintal a donné une moyenne de 13 litres selon Fatah 24. 
Samedi 6 Décembre 2003:  Les wagons continuent à joncher de leurs grosses carcasses la voie ferrée en contrebas du village. La journée est superbement ensoleillée mais tout de même assez froide sous l'effet des souffles que nous renvoient les pentes enneigées du Djurdjura. La grève des professeurs de lycées continue; la presse qui est pour beaucoup dans cette situation annonce la reprise pour Lundi comme confirmant que c'est elle qui imprime la cadence...
Dimanche 7 Décembre 2003:  Les discussions sont dominées par l'attentat qui a coûté la vie à un jeune policier dans un café à Aomar. La victime a été enterrée aujourd'hui à Sidi Athmane à 15 H 30. Une foule nombreuse a assisté aux funérailles. La psychose des attentats s'est réinstallée. Durant la nuit une rafle policière a visé un certain nombre de jeunes de la localité et beaucoup de commerces n'ont pas ouvert aujourd'hui. Durant la matinée on a assisté en direct au pilonnage par hélicoptères de la zone à l'est de Tizi Larbaa. On dit aussi qu'une bombe artisanale a explosé au passage des paysans à Ben Haroun; elle aurait fait deux blessés. Le temps détonne avec la grise mine des gens et s'offre un soleil splendide.
Lundi 8 Décembre 2003:  De gros nuages noirs ont commencé à affluer vers notre région; mais ils n'ont donné que des pluies légères car ils avaient déversé tout le contenu de leurs immenses panses sur l'Algérois. La préparation de la route pour l'opération revêtement bitumineux touche à sa fin puisque le compactage du tout venant a atteint les limites basses du village. L'actualité reste dominée par l'attentat d'avant hier et la bombe qui a explosé à Ben Haroun. On sait maintenant que ce sont les enfants de Gharbi Hamani de kef leh'mam qui ont été légèrement blessés. La bombe aurait explosé au passage du "disque" que traînait leur tracteur lors des travaux de labours. Toute la presse de la journée s'est faite l'écho de l'attentat d'Aomar, projetant encore une fois sur notre contrée les spots d'une actualité qu'elle aurait aimé ne pas voir s'allumer pour pareils événements. 
Mardi 9 Décembre 2003:  La pluie et le beau temps se sont succédés durant toute la journée. Il fait un froid assez vif. La cueillette des olives bat son plein, les labours se poursuivent avec un entrain tempéré par les pluies. A Aomar on continue à discuter de l'attentat de Dimanche et la peur a brutalement repris sa place après une longue période de paix.
Mercredi 10 Décembre 2003:  Décembre continue à dérouler ses jours de pluie, de vent, de froid et de boue. Le village n'est pas beau à voir avec ses rues défoncées qui se sont transformées en torrents de boue. Le taciturnisme du temps a contaminé les villageois et il est rare d'entendre un rire ou de voir un sourire dans les mines fermées des gens que le froid crispe encore plus.
Jeudi 11 Décembre 2003:  Le mauvais temps continue à sévir et le marché du village ne propose que quelques cageots de mandarines et d'oranges,  des tas de cardes, de navets et d'épinards et des poulets rabougris. 
Vendredi 12 Décembre 2003:  La pluie continue à favoriser l'envasement du village. Les travaux de réfection de la route sont totalement à l'arrêt et la traversée de la route principale ressemble à un parcours de vrais combattants. Pendant ce temps, les villageois qui n'ont aucune sensation à s'offrir se rabattent sur les jeux de dominos. Le nouveau café de la SAS qu'a ouvert Zaabouche depuis le Ramadhan ne désemplit pas. Il faut dire que le tenancier n'est pas allé de main morte pour offrir aux joueurs un confort qui n'a rien à envier aux cafés de Bouira ou Lakhdaria. Il faut espérer que cette manière d'attirer la clientèle par l'amélioration du service fera tâche d'huile pour nous épargner le spectacle de ces bouges habituels qui servaient de lieux de loisirs et de rencontres. 
Samedi 13 Décembre 2003:  De la SAS aux Nouaders et de Bled Lounis à Ain Hamana, de Chaabat Ouambir à Zebboudj Djemaa, le village n'est plus qu'un immense champ de boue. Nombre de gens montrent du doigt un APC et son maire qui, entre nous soit dit, est la plus faible assemblée communale que le village ait eu depuis sa création. Mais culpabiliser la mairie toute seule est un raccourci trop pratique pour oublier que derrière toutes les misères que vit le village et ses habitants se profilent en ombres chinoises des gens presque au dessus de tout soupçon; ce sont ces dizaines de fonctionnaires qui sévissent dans les différentes administrations, de la Santé au Prix, des Travaux Publics à la Sous-préfecture, des Domaines à l'Habitat, de l'Hydraulique à la Poste et qui font tout pour retarder les projets car ils se sont eux aussi investis dans la politique et ils savent que le meilleur moyen de détrôner le maire c'est de faire des misères à ses administrés... Si les pouvoirs publics en ce pays voulaient un réel développement local, il devraient au départ imposer un choix aux fonctionnaires: ou faire de la politique, ou faire le commis de l'Etat car les deux fonctions sont antinomiques. Sous l'effet de la chaussée rendue glissante par la boue, Moh "La Paille" a fait une chute mémorable au sortir de la mosquée. Ceux qui ont assisté à la scène disent que ce fut un spectacle car Moh "La Paille" n'a pu se relever qu'après s'être copieusement roulé dans la mélasse mais ce qui rendait la scène plus cocasse c'était d'entendre ce bon croyant qui sortait "zaama" de la mosquée, jurer comme un charretier et pester comme un damné contre les "responsables" ... 
Dimanche 14 Décembre 2003:  Brouillard très dense en début de journée. La discussion sur la boue dans laquelle patauge le village éclipse l'information relative à l'arrestation de Saddam Hussein. Le village est en effet totalement "impraticable".    
Lundi 15 Décembre 2003:  On reprend les travaux de réfection de la RN 5 à partir d'Aomar gare vers Bouira. A la couche de 30 cm de bitume on ajoute une autre couche de 30 cm; la route s'élève maintenant très au dessus des talus et les travaux, menés en plein jour et sans déviation ni contrôle de la circulation (les gendarmes se contentant de réguler uniquement au niveau du tronçon qui se fait retaper et non loin en amont et en aval), on a droit à un effroyable bouchon qui s'étend entre Zeboudja et Kadiria. L'anarchie de nos chauffeurs faisant le reste, on se retrouve dans un inextricable fouillis. Beaucoup d'usagers préfèrent prendre par l'autoroute en construction pour continuer par notre village et El madjen et sortir vers Zeboudja. Ce flux de véhicules qui traverse nos rues défoncées malaxe à outrance la boue et cela donne un spectacle qui n'est pas du tout beau à voir.  
Mardi 16 Décembre 2003:  une grève d'une  journée est décidée par je ne sais plus quel syndicat d'enseignants des lycées. Elle est bien sûr suivie à 100 % car dans ces situations, il importe peu de savoir d'où vient le mot d'ordre, pourvu qu'on ait du repos... Après un brouillard matinal très dense, le soleil a repris ses droits. Dans les champs, les herbes ont atteint une densité qu'elles n'atteignaient habituellement qu'en mars, ce qui laisse présager un printemps aussi exubérant que celui de l'an passé. L'entreprise GERIR qui est chargée de nous retaper la route est aux abonnés absents;  et de notre route il ne reste que le nom; le silence des responsables a quelque chose de criminel, celui de la population, quelque chose de honteux...
Mercredi 17 Décembre 2003: Rien à signaler... toutes les affaires pendantes suivent leur cours "normal" avec la désinvolture havituelle qui caractérise les suivis de tous les cours, des écoles aux rivières... En fin d'après-midi, j'ai l'heureuse surprise de recevoir Memet et Nadia, un couple très sympathique et qui essaie de réaliser une oeuvre encore plus sympathique pour le village.
Jeudi 18 Décembre 2003:  Je descends à Boumerdès et je me rends compte de visu, le long des plages, que l'immense chape de "taciturnisme" et de  dévotion frénétique qui a suivi le séisme s'estompe à  la rapidité avec laquelle la mémoire humaine oublie et  la faculté qu'a la vie de transcender la mort. 
Vendredi 19 Décembre 2003: Journée de piété. Les psalmodies du Coran. Il faut admettre que la religion n'a pas retiré de grands bienfaits du modernisme puisqu'elle diffuse les psalmodies du Coran en usant de cassettes très mal enregistrées ou très mal entretenues et de haut-parleurs dont les grincements arrivent à rendre inconfortable l'écoute de la voix divine pourtant si douce et si sereine. C'est à croire qu'on veut forcer l'incursion du religieux dans le quotidien profane des gens et  l'effet de matraquage donne des résultats littéralement pavloviens, ce qui est antinomique avec la vraie foi qui elle, découle d'une volonté sincère sans quoi elle n'est qu'hypocrisie et ostentation...  
Samedi 20 Décembre 2003: Journée ensoleillée. c'est aujourd'hui que commencent les vacances scolaires; les lycéens n'y ouvrent pas droit car ils doivent - dit-on - rattraper les jours de grève. 
Dimanche 21 Décembre 2003:  Je descends à Bordj Ménaiel pour régler un petit problème professionnel;  j'en profite pour faire un tour jusqu'à Zemmouri, Courbet pour ses nostalgiques, un plat de sardines dans l'une des gargotes du front de mer me réconcilie totalement avec mon pays et me fait oublier la boue des routes de mon village et les sournoiseries paysannes de nos gens...
Lundi 22 Décembre 2003: Le temps printanier d'hier  n'est qu'un vieux souvenir; l'hiver impose sa présence par toutes les armes qu'il possède; ça va du crachin froid et obstiné au vent du nord qui "mord comme un chien"... Le village s'emmitoufle dans une grosse couverture de silence.
Mardi 23 Décembre 2003:  Les hauteurs de H'lala et de Bouhandjar sont, au petit matin, saupoudrées de neige; il fait un froid très vif et la grêle n'a pas cessé de jouer avec de frileux rayons du soleil. Les anciens disent qu'elle "prépare le lit" de la neige. La route se défonce de plus en plus et les considérables quantités de rout-venant qu'on lui a chargées ont été reprises par les eaux en furie pour rejoindre l'oued d'où elles ont été ramenées. L'électricité s'est coupée durant la nuit et les bougies ont repris du service,  elle a été rétablie dans certains douars au cours de la journée; à Brachma-est elle était toujours absente à 17 h.
Mercredi 24 Décembre 2003:  La neige n'est pas tombée sur le village et comme d'habitude, nous avons dû laisser aux autres les avantages pour prendre les inconvénients... à eux la neige et son immaculée blancheur, à nous la boue et le froid. La journée a été particulièrement pluvieuse et les oueds commencent à trouver leurs lits trop étroits. La route du village était coupée aux premières heures de la matinée par 4 gros camions bloqués par la boue et n'était la deviation  qui descend de la SAS jusqu'à Chaabet Ouambir pour rejoindre le bas des Nouaders, les villageois n'auraient pu quitter les lieux. JOYEUX NOEL A CEUX QUI N'ONT PAS QUE LA BOUE POUR MEUBLER LEUR QUOTIDIEN...
Jeudi 25 Décembre 2003:  Le beau temps est revenu mais le froid reste très vif. Le Djurdjura n'est plus qu'un immense cône blanc.
Vendredi 26 Décembre 2003:  Belle journée. Les herbes qui ont été arrosées à satiété ont pris des proportions qu'elles ne pouvaient se permettre qu'en mars. Mais dans ce décor paradisiaque, le village détonne comme une verrue sur un beau visage avec sa boue omniprésente.
Samedi 27 Décembre 2003:  Le ciel dégagé de cette nuit a favorisé un froid nocturne acerbe et une gelée matinale que le soleil n'a pas réussi à dissiper avant midi. 
Dimanche 28 Décembre 2003:  Le froid revient en force après quelques jours d'accalmie. Aux environs de 14 H 30, un homme s'est jeté sous un semi-remorque rempli de parpaing sur le palier de la RN5 à proximité de l'usine de grillage. Il a été écrabouillé; sa cervelle et ses entrailles se sont disséminés sous le camion; il a été impossible de le reconnaître; il n'avait pas l'air d'un vagabond puisqu'il était convenablement habillé. Les pompiers l'ont évacué vers la morgue de l'hôpital de Lakhdaria. Demain on en saura un peu plus sur ce drame.
Lundi 29 Décembre 2003:  L'homme qui est mort écrasé par un semi-remorque serait originaire de Kadiria; il serait âgé de 28 ans et aurait perdu la raison depuis peu. Son suicide ne fait presque pas de doute. Le chauffeur du camion a affirmé qu'il avait vu de très loin le jeune homme et qu'il s'attendait à tout sauf à le voir se jeter sous ses roues. Il a plu copieusement durant toute la nuit; l'eau déferle des hauteurs de "la SAS" et descend le long de la route; à hauteur de la poste, c'est un petit torrent qui déboule vers les Nouaders en charriant sur son passage tout le sable entassé sur la route par la sté GERIR qui devra penser à recharger la chaussée pour la troisième fois... 
Mardi 30 Décembre 2003:  Pluie, froid et boue sont notre lot de ce jour.
Mercredi 31 Décembre 2003:  Après une légère accalmie matinale, la pluie est venue pleurer l'année 2003. Dans la nuit un vent d'une très rare violence à obligé les nuages à déverser leur trop plein puis les a chassés vers d'autres cieux, le courant n'a pas pu résister aux sautes d'humeur du temps et nous avons failli fêter le Nouvel An à la bougie mais à minuit le calme est revenu et la nouvelle année s'est extirpée de l'ancienne en douceur. Le téléphone est depuis hier aux abonnés absents... 2003 n'a pas à être regretté... Bonne année 2004 !

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