Samedi 1er janvier 2005: Une nouvelle année commence pour le village... le bilan de celle qui vient de partir est éloquent quant à la malédiction qui pèse sur cette région que tout prédestine à être un paradis mais que nous faisons tout pour transformer en enfer. En une année rien ne s'est construit hormis neuf dos d'ânes pour réfréner nos ardeurs de chauffards... Alors que les communes limitrophes profitent de l'embellie pétrolière pour se faire belles, la nôtre n'a même pas pu terminer la réfection de ses trottoirs. Les seules opérations méritoires qui ont été réalisées relèvent plus de la volonté des pouvoirs du wali ou de l'état que de celle de la commune puisqu'elles concernent uniquement le bitumage de la départementale 125 (réalisé de bien piètre manière) et l'aménagement de fossés bétonnés entre Ben Haroun et "la SAS" (avec de longs tronçons "oubliés")... Espérons un meilleur sort pour cette année qui commence aujourd'hui...

 

Dimanche 2 janvier 2005: La nuit a été très froide... au petit matin le gel recouvrait les voitures et les flaques laissées par les dernières intempéries. A l'usine de Ben Haroun c'est l'effervescence. L'unité aurait été cédée à un privé en catimini pour 15 milliards de centimes avec promesse d'investissement de 28 milliards de centimes. Les travailleurs devraient bénéficier, au terme d'un accord passé on ne sait comment, de 10% des 15 milliards soit à peu près 12 millions de centimes par tête de pipe et du maintien de leur emploi. Aujourd'hui des représentants de l'acquéreurs sont venus pour vérifier les inventaires; les travailleurs les ont empêchés d'accéder à l'usine; ils ont établi une plate-forme de revendications qui a été remise à tous les décideurs et autres partenaires sociaux; entre autres revendications: 100 millions de cts pour chacun des 140 employés en guise de "prime de dépermanisation", 43 millions de cts représentant 10% du montant des actifs et des investissements à consentir, la garantie du maintien de l'emploi durant trois années et en cas de licenciement, une prime confortable... Les travailleurs ont désigné huit de leurs pairs pour imposer leur plate-forme à l'acquéreur... Les jours à venir verront certainement des développements inédits... attendons pour voir !

 

Lundi 3 janvier 2005: L'accalmie aura été de courte durée. Ce soir les monts de H'lala et Bouh'andjar se sont couverts d'épaisses brumes et une pluie fine a commencé à tomber sur le village. Les travaux de reconstitution de la route nationale grignotée dangereusement par l'oued se poursuivent. A Brachma, le chantier de réalisation de logements "participatifs" a occasionné un glissement de terrain qui a déjà causé l'écroulement d'une bâtisse de la vieille cité située face à la mairie. Une course contre la montre est engagée par les autorités pour éviter une extension de ce glissement de terrain qui pourrait avoir des effets désastreux pour les habitations en amont. C'est le prix qu'il fallait bien payer pour avoir choisi de démarrer les travaux en hiver dans une région connue depuis longtemps pour l'instabilité de ses terres. 

 

Mardi 4 janvier 2005: La grosse menace d'hier s'est piteusement dégonflée et nous eûmes droit à une journée splendide. Un  projet d'élargissement de la route départementale a été lancé et les travaux devraient débuter incessamment; mais ce n'est certainement pas pour les beaux yeux des Djebahis puisque la route devrait être traitée du pont jusqu'à l'embranchement de Z'babedj El Metrouk afin de servir tout juste pour l'accès de la RN5 à l'autoroute... Les Djébahis n'ont sûrement pas de beaux yeux puisque la délégation qui est allée plaider la cause des travailleurs de l'usine de Ben Haroun a été renvoyée par la direction générale de la société qui a fait savoir aux travailleurs que ses revendications sont rejetées en gros et dans le détail... Et pour parfaire l'humiliation, l'acquéreur a refusé de  recevoir ladite délégation au motif qu'il n'avait aucun compte à rendre aux travailleurs car sa négociation, il l'a menée avec les patrons... Retournés bredouilles et sonnés par la brutalité et l'incompréhension, les représentants des travailleurs qui n'ont plus que le Bon Dieu à qui exposer leurs doléances ont décidé de s'en remettre à la presse sans savoir que la presse n'est que la voix de son maître...  22 H 50... un concert de klaxons fuse du cortège qui emmène les candidats au pèlerinage à l'aéroport. Cette année c'est le tour d'Issaad Aissa (Aissa Hamana pour ses intimes) et de sa femme, de Adjou Laaldja veuve du vénérable cheikh Aissa Adjou, Hamouda Trad le fils d'El Hadj Ali, Si Omar "Ben Azzouz" et sa femme, Moh Lounès et Si Hamoud l'imam.

 

Mercredi 5 janvier 2005: Depuis quelques jours nous devons affronter une gelée noire. La nuit est excessivement froide et au matin  le gel recouvre tout; c'est si dru qu'on  le prendrait pour de la neige.  El Hadja Keltoum, s?ur de Mouloud "el postier" est morte hier; elle a été enterrée aujourd'hui. La fitna de la mosquée est en position de statu-quo; les ambitions vont certainement s'aiguiser à l'approche de l'Aïd mais il est peu probable que ça aille jusqu'au clash car Si Hamoud l'imam et protagoniste de la crise (sinon sa cause) est en pèlerinage à la Mecque.

 

Jeudi 6 janvier 2005: La très forte gelée de la nuit n'a pas résisté longtemps au soleil du matin et la journée fut d'un bleu sans taches...  La route est saturée de cortèges arborant le drapeau sur les capots; il s'agit de pèlerins en partance pour les lieux saints. Tout le monde est à pied d'?uvre pour respecter l'échéance du 15 janvier à laquelle le tronçon d'autoroute entre les eucalyptus de Kadiria et l'évitement de Lakhdaria devrait enfin permettre de ne plus subir la traversée de Kadiria. Il restera à trouver un moyen de contourner Brachma pour sauver des dizaines de chauffeurs de... l'infarctus.

 

Vendredi 7 janvier 2005: Le ciel trop dégagé ne pouvait donner autre chose que de la gelée; et c'est encore une nuit sibérienne que nous avons dû supporter; mais la récompense d'un soleil éclatant et d'un ciel d'une limpidité de mer de juillet nous a fait oublier l'épreuve nocturne. Les pèlerins continuent de défiler sur les routes malgré la détresse des victimes du tsunami...

 

Samedi 8 janvier 2005: Rien à signaler... les jours se suivent et se ressemblent. Les tas d'olives grandissent à vue d'?il devant les huileries. Les premières huiles s'avèrent succulentes même si le rendement est jugé très peu prometteur. Le sympathique "Rocky" a dû ouvrir sa boutique de produits de beauté à côté de la mairie car il a été évacué du local loué au fils du maire, lequel aurait décidé de se faire commerçant lui-même.

 

Dimanche 9 janvier 2005: Si Allal Smaïli, le père de Salah Smaïli est mort hier; il a été enterré dans la journée même. Il aura vécu dans l'anonymat des humbles; sa mort est littéralement passée inaperçue car il n'apparaissait que très rarement au village. Que Dieu ait son âme ! Les travailleurs de l'usine de Ben Haroun continuent à organiser AG sur AG pour réduire leurs prétentions ou dénoncer les attentistes et les déviationnistes parmi le collectif ou les représentants qu'ils ont mandatés pour transmettre leurs doléances; pendant ce temps, l'acquéreur de l'unité règle avec l'administration de tutelle les derniers points du transfert de propriété. Pauvres travailleurs ! après avoir cru avoir fait corps avec leur usine, les voilà qu'on ampute sans ménagement et sans même utiliser avec eux le rituel démagogique habituel qui leur ferait croire qu'on les associe au sort de l'usine, au moins en les informant des étapes de ce transfert de paternité... Personne ne sait ce que doit penser, du fond de son tombeau,  Sidi Gacem Ben Haroun, au sujet de cette humiliation qu'on inflige à ses enfants... Personne n'est en mesure de dire ce qu'il adviendra de cette eau... restera t'elle humble, à la portée des humbles comme elle l'a toujours été ou deviendra t'elle une boisson aristocratique comme l'ont voulu ceux qui lui ont donné la dernière bouteille, hautaine dans sa coquetterie ?... 

 

Lundi 10 janvier 2005: Avant dernier marché de "Brachma" avant la fête du "sacrifice" durant laquelle ce sont les pères de familles qu'on sacrifie sur l'autel du culte du mouton... C'est par troupeaux que ces bêtes ont été acheminées vers le marché qui a débordé sur la route nationale; ce qui a occasionné comme de bien entendu l'imparable bouchon sur cette voie à grande circulation. L'un des "indus occupants" des logements de fonction de l'école primaire a fini par s'évacuer des lieux avant de se faire évacuer;  ce qui a permis à un enseignant d'habiter enfin un logement qui lui était destiné... Il faut savoir que "l'indue occupation" a duré plus de... 10 ans pour se rendre compte de l'immense complaisance avec laquelle sont traitées certaines affaires... il faut aussi savoir qu'il a fallu deux mots déplacés de cet "indu-occupant" à l'édile en chef du village pour que la justice soit actionnée, qu'elle rende son verdict et que ses auxiliaires exécutent ses décisions... c'est dire aussi que pour pouvoir jouir impunément de son larcin, il faut éviter tout simplement de dire des mots déplacés aux émirs-maires... 

 

Mardi 11 janvier 2005: Grosse anarchie sur la RN5. Le marché de voitures de "Brachma" a causé un embouteillage monstre. Le lycée a dû suspendre nombre de cours parce que les professeurs et les élèves n'ont pu le rejoindre; les unités industrielles ont dû retarder le travail jusqu'après 10 h... Si les autorités locales devaient calculer les pertes qui découlent de ce marché, elles se rendraient compte que le seul gagnant, c'est  son adjudicataire qui ne doit débourser qu'une infime partie de ses bénéfices au fisc et qui ne prend même pas la peine d'assurer ses deux ou trois employés qui émargent très certainement au secours public de la commune. 

 

Mercredi 12 janvier 2005: C'est le premier jour de l'an traditionnel; une fête qui ressuscite après qu'elle fut jetée dans les oubliettes par les volontés conjuguées des tenants de l'occidentalisme et de l'orientalisme. Et chaque année elle reprend sa place dans nos traditions par un retour graduel aux rites d'antan... C'est ce début d'année que la mort a choisi pour enlever le vieux Mohamed Adjou fils d'El Hadj Kaddour. Diabétique, il a été amputé d'une jambe atteinte par la gangrène; il ne s'en est pas remis et a succombé sans doute sans se rendre compte de cette amputation. Il a été enterré tout à l'heure, à 14 H 30 dans le cimetière du piémont de Lalla Moussaad à Hazzama (Lakhdaria). On l'appelait "Si" Moh car il faisait autorité en matière de théologie; il avait appris les soixante hizb du Coran et avait fait carrière dans l'enseignement où il a terminé inspecteur de l'enseignement primaire. Originaire d'El Mouilha (entre Ben Haroun et Ain Laazerah)  comme tous les Adjou, il a du vivre à Palestro où son père "El Hadj Kaddour" travaillait chez le richissime et très influent "Hamana". D'aucuns prétendent qu'il était son garde du corps. Si Moh était un brave type d'une sensibilité à fleur de peau. Il avait la larme facile et pleurait comme un enfant devant la misère des autres; c'était aussi un très bon "réciteur" du Coran et on avait plaisir à écouter ses psalmodies... Qu'il repose en paix !

 

Jeudi 13 janvier 2005: L'heure est au mouton de l'Aïd. Tous les espaces  susceptibles de servir d'enclos sur le bord de la route ont été squatté par des maquignons qui proposent des moutons à la toison encore rouge du sable de la steppe. La surenchère est paradoxalement entretenue par les petits acheteurs qui n'arrêtent pas d'arrondir les yeux d'étonnement en criant à qui ne veut pas les entendre que les mouton est hors de prix. La presse qui n'a plus rien à se farcir en ces temps de disette politique (tout le monde sait que nos partis hibernent pour se réveiller en fanfare la veille des élections) n'arrête pas de crier au scandale des prix... En entendant et en lisant ces informations, les maquignons aiguisent encore plus leurs exigences...   

 

Vendredi 14 janvier 2005: On va continuer à vivre avec l'omniprésence des bêlements des moutons et les cris d'orfraie des pères de familles devant les sourires sardoniques des maquignons. Notre quotidien est de toute manière condamné à vivre de ces fixations périodiques. La raison du sacrifice est reléguée très loin derrière d'autres motivations qui n'ont rien de religieux mais nous sommes devenus totalement prisonniers de cette immense hypocrisie sociale qui fait que la tradition impose ses rites même quand notre raison nous démontre que ce n'est que frime... Le village qui n'a aucune sensation forte à s'offrir mord dans l'Aid à pleines dents. 

 

Samedi 15 janvier 2005:  C'est encore de moutons qu'on parle. Cette année les habituelles courses aux habits ont été oubliées... Les pouvoirs publics qui se comportent comme une administration d'occupation offrent un beau cadeau d'Aïd aux administrés-indigènes: des augmentations en série et dans quels produits ?... les hydrocarbures où notre pays se targue d'être parmi les plus gros producteurs. Passons sur les carburants que le peuple "dévéhiculé" approuve par un grand "chah !" sans savoir que c'est lui qui paiera la note... l'imbécillité de ces augmentations se lit surtout dans le gaz butane qui augmente de 20 DA la bouteille soit   12% !... Quand on sait qui sont les consommateurs de ce produit et où ils résident, on ne peut s'empêcher de penser que les décideurs ont une dent contre les pauvres et les ruraux et qu'ils n'aiment pas du tout l'arbre car c'est lui qui fera les frais de cette décision...

 

Dimanche 16 janvier 2005:  Encore une grosse gelée pour la nuit d'hier... Fatah 24 m'a affirmé avoir entendu dire que ces gelées ont leur utilité puisqu'elles décimeraient littéralement la population des petits rongeurs dont la prolifération est devenue très inquiétante... Aissa El Baggar, parlant des méfaits de ces sales bêtes m'a assuré qu'elles ont détruit pratiquement toute la récolte d'amandes alors que personne ne soupçonnait chez elles cette habitude alimentaire... Immense embouteillage entre Béni Amrane et Lakhdaria. Les habitants de Guergour sur l'évitement de Lakhdaria ayant découvert les vertus de la contestation, ont coupé la route à l'aide de pneus brûlés; la circulation a été déviée sur Lakhdaria dont la chaussée ne peut permettre le passage simultané de deux camions et ce qui devait arriver arriva...  L'Aïd el Kebir dont nos responsables ont dû revoir la date de célébration pour se mettre au diapason de nos frères saoudiens et qui a été avancé à Jeudi alors que tous nos calendriers le prévoyaient pour vendredi n'a pas facilité les choses car le rush a été décalé lui aussi d'une journée...

 

Lundi 17 janvier 2005:  Dernier marché avant l'Aid. C'est encore un lundi noir que nous vivons; à 13 h l'embouteillage s'étendait d'Aomar à Boulerbah. Les régulateurs du flux des véhicules connaissent ce phénomène récurrent mais n'interviennent jamais au moment opportun pour le prévenir; leur intervention est toujours curative; un peu comme s'ils voulaient nous signifier que c'est un problème entre nous... En fait de marché, c'est un souk à bestiaux auquel nous eûmes droit. Les pouvoirs publics qui ont décidé depuis peu de confier la distribution des logements aux sous-préfets parce que les maires pêcheraient par leur propension à l'expectative ont décidé de confier la destruction des constructions illégales à ces dits maires qui sont dorénavant autorisés à faire les juges et bourreaux puisqu'ils peuvent mobiliser les bulldozers sans recourir aux tribunaux... Les maires qui sont déjà très bien vus se voient investis de missions de répression et désinvestis des missions sociales. C'est ce qui fera sans doute remonter leur côte de popularité et qui assoira durablement la commune comme cellule administrative de base comme se plaisaient à le répéter les caciques de l'unicité de pensée... A l'usine d'eau minérale de Ben Haroun les travailleurs reprennent espoir de voir aboutir leurs revendications. L'acquéreur et les gestionnaires se seraient - aux dires de ces travailleurs - retrouvés confrontés à un gros blocage dans le transfert de propriété du fait que "le partenaire social" refuse de cautionner l'opération. On parle de tentatives de récupération mais l'opacité qui entoure cette affaire ne connaît aucune éclaircie... 

 

Mardi 18 janvier 2005:  Ca gèle toujours aussi fort. La route continue à se rétrécir devant un trafic qui se fait démoniaque. Le tronçon d'autoroute entre Lakhdaria et les eucalyptus de Kadiria a été ouvert avant que d'être inauguré officiellement par quelque gros ponte. Les automobilistes n'avaient pas d'autre choix que de l'emprunter pour permettre à la RN 5 de souffler. Les moutons de l'Aid connaissent une grosse baisse des prix et nombre de nouveaux maquignons ont dû se rendre à l'évidence  que Perrette et le pot au lait n'est pas seulement une fable de La Fontaine...

 

Mercredi 19 janvier 2005:  Le temps s'est gâté; un vent très fort et très froid souffle sur la région et de gros nuages noirs passent en n'hésitant pas à nous balancer des giboulées. L'Aîd El Kebir s'annonce donc sous des auspices très peu favorables à la fête. Beaucoup de gens aiment d'ailleurs que la fête se passe en l'absence du soleil car le soleil a pour mauvaise habitude de permettre aux enfants de sortir étaler leurs nouveaux habits et ça fait très mal à ceux qui n'ont pas de quoi s'en payer...  Ce soir, c'est un concert de bêlement qui nous est servi et demain, entre 8 et 12 h le cheptel ovin d'Algérie se verra amputé de 5 millions de têtes; on ne sait pas si c'est pour faire plaisir au Bon Dieu ou à nos enfants; si ce massacre à grande échelle est dicté par des considérations religieuses ou tout simplement par l'impossibilité de résister au poids  des "convenances" et on ne sait pas qui, entre l'homme et la bête,  dans cette affaire, fait le mouton... de panurge !

 

Jeudi 20 janvier 2005:  Le massacre a lieu sous la pluie et le froid. Après la prière de l'Aïd et l'inévitable quête au profit de la mosquée (cette année les poches des croyants se sont allégées de 6 millions de centimes) c'est la ruée vers les couteaux.  Le massacre accompli tout le monde s'est gavé d'abats et le ventre repu, les mines se sont faites enjouées pour se laisser aller aux embrassades du pardon. L'eau absente des robinets depuis quinze jours malgré son déferlement sur les trottoirs a constitué un point noir pour cette fête; le second point noir c'est le calendrier et la décision de l'avancer à jeudi; ce qui donne aux familles très peu de temps pour se réunir.

 

Vendredi 21 janvier 2005:  L'eau s'est remise à couler après une absence de deux semaines...  "La veille de la fête c'est le jour de la fête" disait je ne sais plus quel quidam... Ce quidam ne devait certainement pas connaître l'Aîd El Kebir car, en l'occurrence, pour cette fête, la fête c'est le lendemain de la fête si par fête on entend ripailles et bonne chair... Ce deuxième jour de l'Aïd a été consacré aux visites des familles et c'est un carrousel incessant de véhicules qui traverse le village depuis les premières heures de la matinée. De toutes les maisons s'échappent les effluves des viandes qu'on fait cuire et les narines connaisseuses savent identifier  l'odeur caractéristique du couscous à la viande de mouton, plat traditionnellement servi en la circonstance. 

 

Samedi 22 janvier 2005:  C'est la reprise après les épreuves de l'Aid el Kébir. Une reprise laborieuse car nombre de fêtards se sont crus obligés de prolonger la fête. La route est inexplicablement dégagée alors que (ou parce que)  tout le monde s'attendait à l'habituel engorgement. Les olivaisons sons terminées et les huileries de toute la région se lancent les signaux de fumée car l'heure est au pressage. Le rendement n'est pas uniforme; on m'a parlé de 22 litres par quintal du côté d'El Mouilha et d'à peine 12 litres pour les olives du Bou'T'boul. A l'usine d'eau minérale de Ben Haroun les travailleurs ont observé un débrayage avant l'Aid; personne ne s'en est rendu compte car l'usine hiberne depuis belle lurette. La protesta se serait déroulée sans casse et c'est aussi pour ça qu'elle constitua un non événement.

 

Dimanche 23 janvier 2005:  Il a fait très beau; si beau que nous sommes restés sceptiques devant les prévisions météo pour demain qui annoncent un froid très vif et de la pluie à volonté... La nature ferait preuve d'une grosse indécence si elle devait changer de temps si vite et si fort. Un faux barrage aurait été dressé par un groupe armé à Tabbourt sur la route qui mène de Kalous à Tizi Larbaa; cela s'est passé la veille de l'Aid entre 20 h 30 et 23 h et on y aurait dénombré un mort et de nombreux passagers rackettés. Le pays est d'autre part en ébullition à cause des dernières augmentations qui ont touché surtout le gaz butane, combustible des plus démunis. Aujourd'hui beaucoup de transporteurs de voyageurs ont débrayé (les nôtres ont assuré normalement leur service) et les habitants de Beni Mansour, à la frontière entre les wilayas de Bouira, Bejaia et Bordj Bou Arreridj ont bloqué la nationale 5. La synchronisation entre l'annonce des augmentations contestées et de l'opération assainissement du foncier agricole fait qu'on ne peut dire si ces manifestations sont réellement spontanées du fait du ras le bol citoyen  ou si elles sont  orchestrées par les potentats qui ont réussi à s'accaparer les terres pour en faire des ranchs ou des lots à bâtir qui leur ont fait gagner le gros lot..

 

 Lundi 24 janvier 2005:  Notre chronique se serait rendue coupable d'un crime de lèse majesté en rapportant dans ses pages du 10 et 11 décembre 2004 l'affaire du comité religieux. Des copies de ces pages ont été tirées et montrées avec l'air scandalisé de vierges effarouchées... ceux qui s'y sont sentis touchés directement ou indirectement n'ont pas hésité à créer une sorte de front contre moi. J'ai même eu droit à des procès en règle de la part de certains d'entre eux... "il croit qu'il est le seul à savoir écrire " aurait proféré un monsieur qui s'est commis d'office avocat pour défendre je ne sais quel honneur perdu...  et un autre, adepte de Kafka, aurait pris un air de profonde solennité pour avertir: " la situation est mauvaise (el hal machi m'lih), la situation peut aller loin (el h'ala tnedjem trouh' b3id)..."  Bref, c'est une belle cabale qui est lancée contre ma personne pour un avis que j'ai osé émettre depuis plus d'un mois (c'est dire qu'en matière de réaction, mes co-villageois font toujours dans le réchauffé !). Je remercie ceux qui ont cru avoir découvert l'eau chaude en ayant découvert la "perfidie" de ma chronique,  pour l'heureuse publicité gratuite qu'ils font à ce site; j'avoue que je commençais très sérieusement à désespérer car au vu des fréquentations, je pensais que seuls mes amis d'outre-mer le connaissaient... J'informe par ailleurs ces messieurs - qui me connaissent assez pour savoir que c'est dans l'adversité que je devient plus cinglant - que je continuerai à alimenter ma chronique de tous les faits publics dont le village sera témoin, victime ou acteur; je conseille aux gens qui craignent que leur nom sorte des limites de la commune d'éviter  les tréteaux.  L'association religieuse comme l'association sportive que j'ai épinglée dans cette chronique  reste à ma connaissance,  une instance publique susceptible elle aussi de critiques; mais s'il faut reconnaître aux sportifs leur sportivité, il faut convenir que les membres de l'association religieuse n'en connaissent pas le sens...  Je considère enfin  que  ceux qui ont les faveurs des suffrages ou qui aspirent à briguer les faveurs des foules   jouissent un peu trop  du confort de l'anonymat et qu'il est temps qu'ils apprennent que le peuple qui les a faits rois a aussi  le droit de leur crier à la face leurs incohérences... Après cette digression indépendante de ma volonté, je reviens à notre chronique:  Les météorologues ne se sont pas trompés. Dès le matin un froid très vif s'est annoncé et les nuages ont vite fait de noircir tout le ciel.  La pluie qui a louvoyé toute la journée s'est abattue franchement à partir de 19 H. La protesta continue un peu partout contre les dernières augmentations; hier ce fut infernal pour les usagers de la RN5 dont certains ont été contraints de rejoindre Alger par Ain Bessem - Tablat et le coupe-gorge des Deux bassins.
 Mardi 25 janvier 2005:  La neige est là... Elle a commencé à tomber au lever du jour et n'a pas arrêté durant toute la journée. Les écoles ont dû fermer faute d'élèves; les routes de Ben Haroun et Ain Laazerah n'ont été ouvertes qu'en milieu de journée. La météo ne prévoit un retour à la normale que le vendredi et si la neige devait continuer à tomber durant la nuit, il est certain que demain les villages de Ain Laazerah, Ben Haroun, Ain Cheriki et El Madjen seront isolés du chef lieu. Nous ne citerons pas H'Djita, Lahguiya et Ch'nayène... il est certain aussi que la départementale 125 sera difficile pour les usagers.  Voici quelques photos prises entre 17 et 18 h. La photo 1 représente El Maasra vue d'El Khaloua, la photo 2 montre El Madjen vu de l'entrée Ouest et la photo 3 la rue du moulin à Djebahia.

 

Mercredi 26 janvier 2005:  Nous sommes condamnés à passer la journée à la maison car la neige a tout bloqué. L'électricité s'étant coupée, on devine un peu l'ambiance... La neige n'a pas arrêté de tomber et la départementale 125 a été dégagée très difficilement mais cela n'a pas servi à grand chose puisque les voitures sont restées bloquées par plus de 50 cm de neige devant les maisons. Le tonnerre et les éclairs ont ponctué les chutes de neige*** qui s'est manifestée tantôt par de gros flocons tantôt par de fines particules...  A la tombée de la nuit aucun signe d'amélioration n'est perceptible et si ça continue comme ça, nous devrions nous résoudre à passer encore d'autres journées difficiles avec toutefois une belle compensation: celle d'un paysage féerique. Les pigeons et les moineaux, eux ne doivent pas avoir cure du paysage; c'est leur pitance qui doit constituer leur préoccupation. Sur le rebord d'une seule petite fenêtre, j'ai compté 15 moineaux se bousculant pour picorer les miettes de pain posées pour eux...

Jeudi 27  janvier 2005:  10 h... La neige s'est transformée en glace par endroits. La route est couverte d'une grosse couche de verglas et aucun véhicule n'y circule. A 7 h 30 le ciel était d'un bleu azur; maintenant il s'est couvert d'une épaisse couche de brume qui laisse transparaître un léger halo du soleil... Voici une photo de notre parking; ma voiture est à gauche.

19 H 30: il fait un froid très vif; la nature parée d'un bleu glacial revêt un aspect surréaliste. Le maire m'a parlé d'usagers de la RN5 bloqués par la neige et qui ont dû passer la nuit d'hier dans leurs voitures; il affirme qu'on a déploré quelques décès par hypothermie. Les engins de COSIDER n'ont pas arrêté de déblayer les routes mais ce fut souvent peine perdue car l'amas de neige se reconstituait immédiatement après leur passage. Ben Haroun aurait été désenclavé mais Ain Laazerah reste toujours totalement isolée et nous n'avons aucune nouvelle des autres villages de la montagne. Tous les établissements scolaires sont fermés pour la troisième journée... Certains habitants ont épuisé leur stock de gaz butane; il faut espérer une accalmie qui permettra l'accès des camions vers les regroupements de la population. L'ambulance de la protection civile a fait deux interventions pour évacuer des personnes âgées indisposées par le froid; j'ignore le nom de la personne évacuée durant la première intervention; la deuxième intervention visait une vieille personne habitant le lotissement de Ain Ben Haggache; la niveleuse a dû la précéder pour lui ouvrir le passage. A noter que certains quartiers ont vu leurs habitants réagir pour évacuer la neige, à l'instar d'El Maasra, des Eucalyptus etc... mais en gros la population reste très peu mobilisée et préfère critiquer le peu d'efficacité des pouvoirs publics au lieu de prendre en charge ses problèmes. Il est en effet déplorable que des rues soient restées fermées alors qu'il aurait suffi de 20 coups de pelle par habitant des lieux pour en balayer la neige... J'ose espérer que cette remarque qui n'excuse en rien l'autorité locale ne m'attirera pas, encore une fois, les foudres des " croquantes et des croquants, de tous les gens bien intentionnés"... 

 

Vendredi 28  janvier 2005:  11 h... Le soleil essaie par tous ses rayons de faire fondre l'immense tapis de neige glacée qui couvre la nature. Le verglas a causé à bien d'imprudents piétons des chutes douloureuses. La route est ouverte mais elle reste très glissante. Ce n'est pas le cas du Chemin communal qui mène à Ain Laazerah qui reste totalement coupée du monde; le téléphone sans fil qui a été mis en service dernièrement est inopérant, de même que le téléphone conventionnel et le réseau Mobilis. La niveleuse de Cosider qui devait dégager la route est tombée en panne parce qu'elle aurait été démarrée alors que l'eau du moteur était glacée; la même mésaventure est arrivée à nombre d'automobilistes qui ont fait confiance à un anti-freeze frelaté... gageons que le distributeur ne sera même pas identifié malgré l'énorme préjudice causé.  En tournée autour du village avec le maire, nous avons repéré une  fuite de pétrole sur l'oléoduc à hauteur de Chaabet Wambir; le pétrole brut y a constitué une flaque d'au moins 1 m de diamètre; emporté par la fonte de la neige, il dévale vers l'oued... il y'a risque de pollution de l'Isser et du barrage de Beni Amrane si la Sonatrach n'intervient pas. Les travailleurs de Cosider rencontrés sur les lieux affirment que la fuite date de longtemps avant la chute des neige et que la flaque en question a été creusée à dessein pour pomper le pétrole qui fuit. Le maire a immédiatement appelé le Sous-préfet sur le réseau Djezzy, seul à continuer à fonctionner. J'ai appris de la bouche du maire qu'au moins trois personnes auraient été mordues par des chiens enragés à Ben Haroun et que leur évacuation a été très difficile.

16 H... La route de Ain Laazerah a été dégagée. C'est Aissa Errifi, venu à pied en longues bottes, qui me l'a confirmé. Un très beau soleil a transpercé les nuages; la route départementale est maintenant ouverte à la circulation; le talus de 50 cm de neige sale qui la borde montre que l'ampleur des chutes... Un tour jusqu'à El Madjen puis Aomar Gare m'a permis de constater que la vie reprend mais aussi de noter ce phénomène exceptionnel qui a fait blanchir totalement même le lit de l'oued Djemaa d'habitude allergique à la neige.  18 h ... Ils ont bien raison nos paysans qui affirment: "soleil de neige, soleil trompeur" puisqu'il a suffi qu'il de rien pour que ça reprenne avec une belle ardeur... en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, les voitures se sont retrouvées recouvertes d'un duvet blanc... La météo annonce des froids sibériens pour cette nuit. Le téléphone est totalement coupé, l'eau ne coule plus dans les robinets depuis sa brève r

éapparition au lendemain de l'Aid, l'électricité est instable, le gaz est introuvable, les boulangers puisent sur leurs stocks de farine et les fruits et légumes ont déserté les étalages... Il aura suffi de quatre jour d'isolement pour arriver à cette situation; c'est dire la précarité dans laquelle vivent les villageois depuis qu'ils ont laissé tomber le kouffi... nous en reparlerons !

 

 

Samedi 29  janvier 2005:  Une petite pluie matinale a rendu caduques les prévisions des météorologues en diluant le gel de la nuit. La neige est restée assez dure mais pas tranchante et l'air est assez tiède pour être très agréable... La route ruisselle de neige fondue et on y note une circulation très diffuse. Le téléphone est toujours silencieux et l'eau ne coule toujours pas dans les robinets. Durant la journée une pluie fine est venue adoucir encore plus l'atmosphère et réduire la couche de neige. La pompe a essence d'Aomar est fermée pour panne' électrique; le réseau est d'ailleurs détruit en plusieurs endroits; les fils de moyenne tension sont tombés à terre sous le poids de la neige et il faudra certainement quelques jours pour rétablir la situation. Les unités industrielles, les écoles, les commerces sont restés fermés et seuls s'activent les travailleurs des ponts et chaussées et les agents des services de police, gendarmerie, armée et garde communale. Du côté de Krarib sur les hauteurs d'Aomar, une femme n'a pas trouvé moment plus propice pour accoucher que la sale journée d'hier... des témoins oculaires affirment qu'elle n'a dû sa survie qu'à la mobilisation d'une centaine de jeunes qui ont littéralement porté la voiture qui la ramenait et le tracteur qui remorquait cette voiture, sur plus de 7 km. Arrivé devant la maternité d'Aomar, le cortège aurait essuyé de la part d'un infirmier une fin de non recevoir à sa demande d'accès; cela lui aurait valu un lynchage en règle. Aux dernières nouvelles, la femme aurait accouché dans de bonnes conditions. Il faut savoir qu'il existe une maternité dite "rurale" aussi bien à Aomar qu'à Djebahia; celle d'Aomar n'accueille les parturientes (je crois que c'est le mot) que le jour et selon le bon vouloir des préposé(e)s quant à celle de Djebahia, elle sert depuis très longtemps au stockage de... ruches !

 

Dimanche 30  janvier 2005:  La neige nous a administré une grosse frayeur... entre 8 et 10 h elle est tombée aussi drue que les jours passés. La pluie est venue nous rassurer par la suite en alternant avec des moments d'éclaircie.  Les chaînes pour le gaz butane s'étirent à perte de vue au niveau des stations services et au centre de distribution de Tiliouine c'est littéralement le marché. Les conséquences écologiques des chutes de neige que nous vivons devraient être catastrophiques. On parle d'une hécatombe chez les lièvres et lapins de garenne; la perdrix qui a connu des années de répit - du fait de la situation sécuritaire - et qui a réussi à reconstituer une population laminée par la chasse, les pesticides et la réduction de l'aire de vie doit avoir connu elle aussi une chute vertigineuse de sa représentation. Il en est de même pour les petits passereaux tels que le moineau, le gros-bec, l'oiseau à huppe qu'on appelle "q'ouba3a"... Il est certain qu'aucune étude ne sera réalisée sur ce sujet et que tout se passera comme si de rien ne fût... Les autres conséquences vont se manifester sur le relief de la région. Tout le monde connaît l'instabilité des terres de Djébahia et Aomar et les mouvements qu'elles connaissent sous l'influences des précipitations de moindre importance. L'infiltration des eaux suite aux fontes des neiges risquent d'emporter de grands pans du sol argileux qui longe la départementale 125, laissé à la merci de l'érosion alors qu'il aurait pu recevoir de très  profitables plantations de figuiers, amandiers et oliviers. Les glissements de terrain qu'on remarque déjà sont assez importants pour ne pas constituer de forts signaux d'alarme surtout que le lotissement construit en amont, à la va-vite et sans étude de sol à Ain Benhaggache s'est déjà signalé comme potentiellement menacé... Rappelons que l'autorité locale, alertée par les habitants des lieux, au lieu de réaliser les confortements  nécessaires, avait alors fait taire les récriminations en distribuant des enveloppes qui ont servi à tout sauf à conforter le terrain... Pour revenir à l'actualité immédiate, il faut signaler que l'eau a coulé dans les robinets, que l'électricité au niveau de la région est d'Aomar a été rétablie mais que  le téléphone est toujours aux abonnés absents. Un information de dernière minute et qui reste à confirmer fait état de la mort par asphyxie de deux personnes à Ain Cheriki; nous en saurons plus demain.

Lundi 31  janvier 2005:  C'est un bien maigre marché du lundi que nous avons eu à Brachma. La neige recouvre toujours nos contrées malgré les très fortes pluies de la journée. Sa fonte fait couler des milliers de ruisseaux dans une très belle symphonie champêtre. J'avoue ne pas avoir eu le temps de confirmer ou d'infirmer la nouvelle macabre d'hier car j'ai été appelé par mon devoir professionnel et familial à descendre à Alger. Au retour, à 18, j'ai eu l'agréable chance d'assister à ce beau coucher de soleil sur la neige, vu des eucalyptus du grand virage qui suit le cimetière chrétien; une demi-heure avant, je n'ai pu résister au charme de Lalla Oumessaad toute de blanc voilée; je vous offre ces photos...  

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Mardi1er  février 2005:  C'est hélas confirmé... un couple a péri à Ain Cheriki, asphyxié par le gaz... Il s'agit du vieux Dahmani Laifa et de son épouse, originaire de Tizi Gheniff. Ce drame risque fort de se reproduire car il fait un froid terrible; la météo le situe dans certaines régions à -9° et même à -11°... Du jamais vu ! Le ciel qui s'est dégagé offre des conditions idéales à la constitution des fortes gelées. La neige semble s'éterniser puisqu'elle en est à sa 8eme journée alors que d'habitude elle a tôt fait d'aller se faire voir ailleurs. Les cours n'ont pas repris dans les écoles, collèges et lycées et tout le monde y trouve son compte: les élèves qui se donnent des vacances inespérées,  les enseignants qui peuvent vaquer à des occupations plus lucratives et les parents d'élèves qui ne sont plus obligés de débourser chaque matin les frais de transport de leurs enfants... La neige a causé bien des dégâts; presque toutes les baraques en tôle ont été affectées ainsi que les étables et poulaillers recouverts de plaques en fibrociment (éternit). La neige a touché par ailleurs tous les oliviers dont les branches n'ont pas pu résister à son poids et le spectacle des arbres littéralement massacrés est hallucinant.

Mercredi 2  février 2005:  La pluie est revenue malgré la rougeur de l'horizon d'hier. Elle est tombée tranquillement en prenant tous ses aises et a redonné vigueur et saleté  aux ruisseaux que la neige faisait limpides et chantant en fondant. Le temps froid, neigeux, brumeux et pluvieux nous fait revivre les hivers d'antan. La circulation reste très fluide sur les routes, sans doutes pour la grande catastrophe qu'a connue le parc des véhicules lors de la grosse gelée du mercredi passé. On parle de centaines de voitures, camions et engins dont les blocs auraient éclaté sans même que leurs moteurs aient été mis en marche. Une virée en soirée jusqu'à Ben Haroun m'a permis de mesurer les dégâts causés par  les eaux à la route et l'importance des glissements de terrain tant du côté d'El Khaloua que sur la rive sud de Oued Djelada. On comprend aussi l'importance des fossés bétonnés pour cette route à forte déclivité en voyant ce qu'il est advenu du tronçon non traité, entre le pont et la route de l'usine, comparativement aux tronçons traités.

Jeudi 3  février 2005:  La neige persiste encore en montagne mais dans les plaines aux alentours du village elle s'efface presque à vue d'?il. Le temps reste mitigé et le soleil se fait toujours désirer. Les pèlerins reviennent de la Mecque. Les cortèges des voitures qui les ramènent sont reconnaissables aux drapeaux posés sur les capots. On ne sait qui a eu le premier, l'idée d'associer le pèlerinage qui est un acte de foi strictement individuel au drapeau qui a un sens patriotique très large... Mais peut-être est-ce seulement un signe permettant de distinguer ces cortèges des cortèges nuptiaux, funèbres ou de supporters allant encourager leurs équipes. Certains établissements scolaires ont enfin ouvert mais la faible affluence montre que les cours n'ont pas encore repris comme il se doit. Il faut espérer que le bouleversement climatique dont on n'arrête pas de parler ne classera pas notre pays parmi ceux qui devront subir un refroidissement car cela éliminerait le peu qui nous reste d'école... 

Vendredi 4  février 2005:  Le temps est toujours à la grisaille et le soleil a beau insister, les nuages continuent à lui faire barrage. Les terres gorgées d'eau sont impraticables  aux randonneurs et seuls des chiens en meutes les parcourent à la recherche de proies faciles offertes par la neige et le froid; les glissements de terrains augmentent d'envergure à mesure que la tiédeur dilate les pores  du sol. Oued El Djemaa  s'est gonflé de toutes les eaux de ruissellement; il dévale maintenant sans trop de bruit vers l'Isser où  il se perd dans le grand delta de Ziraoua. A partir de Beni Amrane, en allant vers Alger, on voit un printemps précoce fleurir les "nez de chatte" (khannoufet el gatta" de toutes les nuances du rouge et la moutarde (ouachnaf) d'un jaune d'or. Maintenant que fourar (février) a passé à yennayer (janvier)  une nuit et un jour pour faire taire la vieille prétentieuse qui a osé le défier, nous devrions très vite voir le temps revenir à de meilleurs sentiments et nous concocter des jours pleins de couleurs pour dérider les mines qui se sont crispées à force de broyer du noir... Le téléphone est coupé depuis ce matin et c'est comme d'habitude indépendamment de la volonté des hommes mais de la volonté des éléments naturels et des équipements techniques... Espérons que ces perfides coupeurs de téléphone, d'eau, d'électricité réaliseront le tort qu'ils n'arrêtent pas de faire à nous autres, pauvres hommes innocents et impuissants...

Samedi 5  février 2005:  10 h 30:  La route de Djébahia a subi une très forte cassure - presque un mètre de dénivellation - suite à un glissement de terrain consécutif aux dernières intempéries. Rien ne devrait pouvoir arrêter cette cassure et il est à craindre qu'elle ne remontât progressivement vers le lotissement de Ain Ben Haggache et la partie nord-ouest du village. Le talus bordant la route est par ailleurs sujet sur presque toute sa longueur, du pont jusqu'à la route de Harchaoua à un mouvement assez fort; en certains endroits, des coulées de terre ont envahi en partie la chaussée; en d'autres endroits, les lignes de mouvement du sol apparaissent très loin en amont et montrent l'importance des masses en déplacement. Il faut espérer qu'elles ne basculent pas précipitamment comme ce fut la cas il y'a quelques années à Dem Erroumya où le relief a subi un accident de grande ampleur. La mémoire collective a d'ailleurs enregistré on ne sait en quelle date, un glissement autrement plus important et plus spectaculaire mais beaucoup plus haut, du côté de H'lala; on dit que des maisons y furent déplacées sur plusieurs centaines de mètres et on affirme que leurs habitants ne s'en sont rendus compte qu'au petit matin en découvrant un nouveau décor au pas de leurs portes... c'est dire que ces accidents de la nature ne nous sont pas inconnus. Le téléphone est toujours en dérangement... faut-il en chercher la cause dans ces mouvements du sol ? C'est assez probable puisque le câble sous-terrain se situe  le long de cette ligne de cassure... il est même permis de croire que c'est justement le fossé recevant ce câble qui est à l'origine de ce bouleversement du relief dont on devra certainement reparler. 19 h 30: Les visiteurs des Lieux Saints reviennent à leurs pénates présumés lavés de tous leurs pêchés. Le village vit au rythme des klaxons et des youyous... Les transporteurs se sont mis en grève ce soir sans préavis, laissant en rade des centaines de voyageurs... ils ont repris quand ça leur a plu de reprendre, montrant ainsi qu'ils ne différent en rien des autres protestataires qui décident quand ils veulent de dresser des barricades puis de les enlever... Le courant électrique a été coupé en début de soirée; il n'a été rétabli qu'à 17 h 30... le téléphone aussi a été rétabli ce soir montrant que nous avons tiré des conclusions trop hâtives quant à sa coupure...

Dimanche 6  février 2005:  07 h 00:  Un vent très fort souffle depuis hier soir. Il va emporter les dernières écharpes blanches qui continuent à parsemer les champs et peut-être même, débarrasser les monts d'alentours de leur neige qu'il a "laissée se chauffer les mains mais qui a étendu les pieds " faisant comme chez elle... 18 h 00: La neige s'est évaporée avant de se liquéfier sous l'action combinée du vent et du soleil.  On inventorie avec effarement les effets des dernières neiges et des gelées qui les ont accompagnées. La faune sauvage a été décimée... les paysans parlent de nombreux lièvres trouvés morts sous les choux et les cardes; un agriculteur de Guerrouma, Monsieur Fakir Aïssa, sourcier à ses heures perdues, rencontré tout à l'heure à Lakhdaria m'a parlé de véritable catastrophe sur les légumes et sur les arbres. Les oranges ont acquis une amertume qui leur donne le goût de la pamplemousse; la chair du citron s'est recroquevillée sur elle même après avoir perdu tout le jus. De jeunes pousses d'oliviers pourtant très résistants auraient été brûlés; les oliviers adultes semblent pour leur part avoir subi les effets de souffle d'une bombe atomique; pas un seul arbre n'est sorti indemne. Les eucalyptus ont été non seulement élagués mais leurs feuilles paraissent avoir été sucées de leur sève; le figuier de barbarie, d'habitude tenace, s'est effondré sous le poids de la neige et les palmes restées debout se sont pourries sur toute leur circonférence; les bananiers même sous serre se sont fanés;   les plantes d'agrément: lantana, géranium, jasmin ont pourri sur place. La campagne offre une image de désolation totale. La terre a été ravinée par de nombreux nouveaux ruisseaux et on ne compte pas les glissements de terrain.  

Lundi 7  février 2005:   Le vent du nord souffle toujours mais après avoir fait fondre la neige, il nous décoiffe en douceur et non en "mordant comme un chien"... Le village vit avec les visites aux nouveaux hadj. On se fait un point d'honneur à aller les voir tous, comme pour ramasser un maximum de senteurs d'Arabie. A Ben Haroun, le nouveau propriétaire aurait pris les rênes de la gestion et les gesticulations des travailleurs auraient totalement cessé. On parle même de méthodes de gestion nouvelles qui auraient été instaurées et auxquelles les travailleurs se soumettent sans trop de difficultés après avoir pourtant été habitués à la gestion par la complaisance qui caractérise l'entreprise publique. Il faut maintenant attendre ce que ce groupe industriel très présent dans le secteur de l'agroalimentaire, fera pour développer une région dépourvue de toute perspective malgré ses atouts.

Mardi 8  février 2005:   Il a fait nuit à 18 H. Une obscurité quasi totale est tombée exclusivement sur notre région et les véhicules ont dû circuler tous phares allumés. De grosses nuées noires ont en effet obscurci le ciel; des éclairs l'ont zébré à grand renfort de tonnerre. La foudre s'est certainement abattu sur quelque malheureux olivier puisqu'on a entendu une brève mais très forte déflagration du côté du Bou'T'Boul. La pluie est tombée en hallebardes augmentant les risques de glissement de terrain. La chaussée détériorée sous l'effet de ces glissements a été balisée par des fûts peints en rouge et blanc en attendant sa réhabilitation. Les religieux font encore leur loi en faisant durer le suspense. A la sortie du travail à 16 H personne ne savait si Awwal Moharram devra être fêté demain ou après-demain... Il a fallu attendre les informations de 20 H pour que le ministère du travail diffuse un communiqué au journal télévisé l'annonçant pour jeudi... A l'heure où ailleurs on a réussi à calculer à la seconde près la descente d'un engin sur un satellite d'une lointaine planète, ici on laisse à des vieillards impotents le soin de décréter le calendrier lunaire, avec tous les désagréments que cette programmation de dernière minute  cause chaque fois à l'économie mais aussi aux familles...  S'il y' a des gens qui nuisent à la religion, il faut les chercher sans doute parmi ses zélés fans pachydermiques...

Mercredi 9  février 2005:   Il a plu... la terre déjà repue n'a pas trouvé quoi faire de toute l'eau qu'elle reçoit encore; alors elle la laisse raviner les sols pour descendre vers l'oued qui la ramènera à la mer d'où elle est venue. La faille qui s'est ouverte sur le bord de la route départementale 125 et qui a détruit une partie du macadam continue à s'élargir. Les arbres brûlés par le gel du mercredi noir ont pris des couleurs automnales; personne ne peut affirmer si les eucalyptus et autres mimosas revivront après avoir subi pareille torture.

Jeudi 10  février 2005:   C'est "Awwal Moharram", le début de l'année Hégirienne que nous fêtons non pas pour ce qu'elle est mais surtout par une sorte de chauvinisme de très mauvais aloi car nos tribuns n'arrêtent pas - comme s'ils se sentaient obligés - de faire le parallèle avec le 1er Janvier pour justifier une célébration en l'opportunité de  laquelle ils seraient les premiers à douter  . C'est aussi l'occasion de sortir la "zakat" et cette année on fait tout un tapage sur le sujet... Si nous profitons de la dualité culturo-cultuelle en acceptant de bonne grâce de nous reposer le jour de l'an grégorien et le jour de l'an hégirien, nous devons par ailleurs trouver très lourd l'immense fardeau des impôts auquel nous devons ajouter une zakate que personne n'a pensé à considérer comme charge déductible...

Vendredi 11  février 2005:   Journée printanière; la neige n'est plus qu'un mauvais souvenir; le printemps en gestation tape des pieds et si les gelées ne viennent pas le retarder, il y a fort à parier qu'il naîtra très précocement. Un rétro-chargeur a passé la journée d'hier à décaper le trottoir entre le grand virage du centre du village et "la cave"; renseignements pris, il s'avère qu'une nouvelle entreprise a été choisie pour continuer l'opération "trottoirs" entamée par une autre société dans des conditions qui n'ont pas plu aux différentes tutelles administratives et techniques... Espérons que cette fois-ci on ne viendra pas chercher encore des poux sur les têtes des chauves et que l'on s'occupera une fois pour toutes de ces voies de circulation qui ne nécessitent pourtant pas un gros effort financier mais qui constituent un calvaire permanent pour les habitants et une illustration parfaite de ces villages de la boue que sont devenues nos agglomérations. 

Samedi 12  février 2005:   Profitant du ciel dégagé de la nuit passée, le gel a tapissé la terre de ses froidures acerbes qui vont très certainement ajouter au calvaire des arbres blessés. La journée fut très belle; ce qui nous obligera encore à supporter le gel pour une autre nuit... Les nouveaux pèlerins, barbe et calotte de circonstance obligent, sont sortis de chez eux et se font copieusement embrasser à chaque coin de rue. Les opérateurs de téléphonie mobile, Nedjma et Mobilis auraient jeté eux aussi leur dévolu sur le lotissement d'El harka pour y implanter leurs relais sur les dalles de chanceux habitants... Personne n'est venu rassurer les résidents quant à l'absence de nocivité des radiations de trois relais mitoyens parce que personne n'a demandé à être rassuré...

Dimanche 13  février 2005:   C'est l'printemps ! serait-on tenté de chanter tant le temps s'est fait clément; un soleil radieux éclaire depuis ce matin et jusqu'à 18 h une nature qui s'est faite belle sous un ciel d'un bleu uni que nul nuage ne vient troubler... les deux photos ci dessous ont été prises à 17 h 30 à hauteur du cimetière chrétien; regardez cette immense voûte céleste et essayez de dénicher le moindre moutonnement du moindre cumulus... Et pourtant !... et pourtant ces gens de la météo, pessimistes à l'extrême nous annoncent pour demain... le retour de la neige, pas moins !!!!! Regardez encore ce ciel bleu et reconnaissez que si ces météorologues vont avoir raison c'est que le bouleversement  climatique pour ne pas dire l'anarchie, c'est une réalité qu'elle est vraie comme dirait l'autre !

Lundi 14  février 2005:   Hélas ! Les météorologues avaient raison et le bouleversement climatique s'avère être une réalité dont nous devrons nous accommoder. C'est à l'aube que tout s'est déclenché avec une rare brutalité; un vent d'une violence inouïe a commencé à souffler; il a eu raison du courant électrique et certainement aussi des branches épargnées par la neige de l'autre fois. Il a été suivi par une pluie mêlée à des flocons de neige... le  manège s'est poursuivi avec des temps de relâche durant la journée. Il a repris violemment à partir de 19 h... le courant électrique est devenu très instable, obligeant les gens à éteindre avec regret des télévisions braquées sur le Liban où l'infortuné Rafik El Hariri s'est fait assassiner, offrant un prétexte macabre à tout un beau monde pour montrer du doigt une Syrie dont le président s'est empressé de condamner l'attentat comme pour déclamer son innocence... 

Mardi 15  février 2005:   Les "citerneurs" ont repris du service; l'eau ne coule plus dans les robinets et l'Algérienne des Eaux qui a la charge de sa gestion devrait suivre la politique du ministre Abdelmalek Sellal qui a reconnu qu'il nous fallait recourir à la coopération internationale pour gérer la distribution de l'eau après l'avoir requise pour nous la mobiliser dans les barrages... Les grandes écoles de formation des cadres supérieurs en hydraulique, les instituts et facultés où on étudie la gestion et qui font sortir chaque année des hordes de diplômés  ne dispenseraient donc aucune formation de qualité et nous voilà, près d'un demi-siècle après l'indépendance, reconnaissant par la voie autorisée d'un ministre de la république notre incapacité chronique à nous autogérer... Durant les trois dernières décennies, le leitmotiv de nos décideurs consistait à "perroquer" le manque d'eau subséquent à la sécheresse... aujourd'hui que  l'eau commence à nous engloutir, nous invoquons notre inexpérience à la canaliser...  Cette longue digression ne constitue qu'une introduction à une autre page météo dont cette chronique à bout d'inspiration n'arrête pas d'abreuver ceux qui ont la patience de la lire. En effet, l'eau noie l'eau (el ma k'la l'ma) comme on dit chez nous pour montrer que l'eau du ciel et de la terre se sont rencontrées... Il pleut, il neige, il vente depuis hier et le ciel ne se prive pas de lancer pour la nuit prochaine des menaces dont on ne peut dire qu'elles sont à peine voilées car les gros nuages noirs les rendent trop potentielles pour ne pas faire craindre le déluge...

Mercredi 16  février 2005:   Elle est revenue ! Au petit matin elle était déjà bien installée... Elle n'a même pas attendue que fonde celle qui l'a précédée. Fort heureusement elle n'a commencé à tomber qu'à l'aube. Elle a continué à tomber sans aucune pudeur durant toute la journée et a fini par tout blanchir. Il est 21 H 50 au moment où je rédige cette chronique. Dehors il fait silence; ce silence qui caractérise les nuits de neige. Un épais brouillard enveloppe le village et les derniers veilleurs rentrent chez eux, la tête enfoncée dans leur torse, les mains dans les poches de leurs paletots. La commune a procédé aujourd'hui à la location aux enchères publiques de ses locaux. Le café de l'angle ouest de la place, surenchère oblige, a été enlevé au prix faramineux de 2.5 millions de centimes par son ancien tenancier. Il y'eut dit-on une belle empoignade entre deux dirigeants de l'équipe de Foot-Ball et l'estaminet qui se faisait enlever à moins de 0.5 millions de centimes a vu sa côte atteindre le quintuple "z'kara" ! D'aucuns diront que tout le plaisir fut pour la commune mais il faut savoir que très souvent l'enchère ne se fait que "a3la 3youn ennass" car ce qui se paie réellement n'a rien à voir avec ce qui se crie devant le public et si la commune devait montrer ses impayés impunis on se rendrait compte que cette procédure de criée publique n'est qu'une grosse farce...

Jeudi 17  février 2005:   La neige a continué à tomber mais la pluie a pris le dessus et l'a empêchée de prendre. La terre ne peut plus absorber toute l'eau que le ciel a déversée sur elle.  Des profondes ravines se creusent à travers champs et la terre arable faute de racines d'arbres pour la retenir est emportée par milliers de m3 vers la rivière. Les accidents de terrain qu'a connus la route ne cessent de s'élargir faisant courir un risque patent de coupure de cette unique voie de circulation qui relie Aomar à Ben Haroun. En amont, une information dont je n'ai pas encore contrôlé la véracité fait état de la destruction ou de l'imminence de la destruction d'une maison située au lotissement de Ain Ben Haggache dont nous avons parlé de la précarité sur cette chronique. La météo ne prévoit pas d'amélioration pour cette nuit... 

Vendredi 18  février 2005:   C'est la veille de l'Achoura. Le ciel se débarrasse des nuages résiduels. L'eau continue à bouder les robinets et chacun se débrouille comme il peut pour se la procurer... Du côté de Bou'T'Boul une source à très fort débit a jailli. Aménagée sommairement par El H'Midi, elle rend d'énormes services aux villageois. C'est une eau très limpide et d'un aussi bon goût que l'eau de Ben Haroun. Elle nous change de l'eau du robinet qui, puisée de la nappe phréatique du delta de oued Isser, est insipide et ne fait cuire ni pois-chiches, ni fayots ni lentilles. La Sonatrach est à pied d'?uvre du côté de Chaabet Wambir pour juguler la fuite de pétrole dont nous avons parlé le...  vendredi 28 janvier !!!!

Samedi 19  février 2005:   C'est l'Achoura. Nous ne savons plus si nous célébrons  la fuite réussie de Moïse ou  l'assassinat de Hussein à Kerbala...  La raison s'est estompée au fil des siècles et il n'en reste que le rite... le poulet au berkoukes que nous nous offrons en guise de sacrifice. Le poulet est d'ailleurs très abordable puisqu'il se vend nu à 165 DA/kg. C'est aussi une occasion de s'offrir deux jours de jeûne, une pratique qui n'avait cours que chez quelques initiés mais qui est devenue une mode, à l'instar des 6 jours qui suivent l'Aid El Seghir et qu'on appelle "ayyam essabrine" (les jours des patients). Ces jeûnes "facultatifs" tendent à s'ériger en obligation et seuls de fieffés excentriques osent aujourd'hui manger à ciel ouvert sans craindre de se faire montrer du doigt.  La route de Ben Haroun a été coupée à la circulation aujourd'hui à 12 h. Le glissement de terrain que nous avons signalé le mercredi 2 février et le jeudi 17 février a fini par emporter une grande partie de la chaussée et miner l'assise du peu qui est resté. Il est heureux qu'aucun autocar ne se soit aventuré sur les lieux car la catastrophe aurait été terrible. Les ponts et chaussées ont détourné la circulation sur l'autoroute en chantier ce qui n'est pas pour déplaire aux usagers... L'autoroute en question a subi elle aussi les effets des glissements de terrain et de gosses bosses et des crevasses y sont apparues sur le tronçon allant de Bou'T'Boul à Boulerbah. L'oléoduc lui aussi, fuit en trois endroits et le champ compris entre l'autoroute et la départementale 125 des environs de la SAS  jusqu'à Ain Hamana n'est plus, par endroits, qu'un marécage noir de pétrole. Les glissements de terrain ont aussi atteint Ain Ben Haggache et le lotissement qui y a été aménagé risque à très court terme de voir ses constructions emportées... Le danger est si imminent que le Wali a sommé le maire de permettre aux habitants des lieux d'occuper les logements sociaux de la Cave ou des Eucalyptus et qui attendent d'être distribués mais les habitants ont refusé cette solution arguant pour certains,  en dépit des évidences,  que le danger ne les menaçait

Dimanche 20  février 2005:   L'Algérienne des Eaux (ADE) qui gère notre eau potable, n'ayant certainement pas trouvé une solution à la défectuosité d'un réseau refait pourtant depuis peu,  a mobilisé ses propres citernes pour nous ravitailler à l'?il... C'est la première fois que nous sommes l'objet de pareils égards; c'est dire que nous avons recouvré quelques part des bribes de citoyenneté ou que le service public a acquis quelques uns des réflexes qui font sa raison d'être...  Le trottoir de la rue principale se refait avec une cadence acceptable et nous semble t'il, avec au moins  le respect de la ligne droite. Le chemin piétonnier a été matérialisé entre le poste de la garde communale et la mairie; faut il en déduire que la boue ne sera qu'un mauvais souvenir dans quelques semaines ? il est trop tôt pour l'affirmer... L'arbre qui voilait le clocher et sa montre, ces reliques qui donnaient au village une personnalité, cet arbre, un saule pleureur, a été brûlé par la gelée... Il a été élagué de son feuillage asséché et le clocher se laisse maintenant voir avec sa montre qui s'est arrêtée d'indiquer un temps inutile depuis belle lurette...  Les glissements de terrains continuent de grignoter la route et de nouveaux accidents du relief sont apparus. La météo qui prévoit encore des précipitations et de la neige sur les hauteurs dépassant 500 m n'est pas pour arranger les choses...

Lundi 21  février 2005:   Le mauvais temps est revenu... froid, pluie et neige annoncée sur les reliefs de plus de 500 m. Le mois de février s'est avéré d'une hargne qu'on ne lui connaissait pas... le proverbe du cru dit à son propos: "fourar igoul lellouz t'bayadh oualla n'bayadh" (Février prévient l'amandier en lui disant: ou tu blanchis ou je blanchis)... Les pauvres amandiers ont oublié même de bourgeonner cette année et le vilain fourar en est à son troisième blanchiment...  L'autre proverbe dit "maghress bou'thloudj ou yebrir bou'l3asloudj" (mars le mois des neiges, avril le mois des tiges) ... la traduction ne rend pas la finesse du proverbe... Février qui a squatté quelques journées de janvier afin de s'en prendre courageusement aux vieilles sans défenses, lorgne vers mars pour lui usurper son titre de mois des neiges... bref, l'actualité est faite de pluie et de ses effets;  et ses effets ne sont pas des moindres; pour s'en convaincre, il suffit de voir les transformations brutales que subit le relief. Le glissement de terrain du lotissement de Ain Ben Haggache prend de l'ampleur et il n'est pas exclu qu'il aboutisse à une hécatombe si les victimes potentielles continuent à ignorer les mesures prises en leur faveur... L'aménagement des trottoirs continue; la rue principale commence à prendre un air plus avenant en dépit de ses arbres qui se sont desséchés.

Mardi 22  février 2005:   Le mauvais temps annoncé s'est très vite estompé pour donner une après-midi radieuse et un coucher de soleil flamboyant. Les montagnes restent couvertes de neige et le vent qui y transite nous ramène une fraîcheur que le soleil essaie vainement de tempérer. Le ciel dégagé fait craindre une autre gelée nocturne mais à 20 H 30,  une légère brise s'est mise à souffler; elle devrait l'empêcher de venir donner le coup de grâce aux abries martyrisés par la neige. L'eau ne coule toujours pas dans les robinets et les villageois font dans la débrouille. L'eau ne coule pas aussi  à El Maasra où une conduite a flanché du coté de Oued Djelada. Pour le reste, c'est le statu-quo.

Mercredi 23  février 2005:   Si le temps ne nous avait pas habitués à ses sautes d'humeur, nous aurions été tentés de crier: "c'est l'printemps !"... Un ciel d'un bleu profond, un soleil d'une joviale espièglerie et des herbes qui poussent à vue d'oeil...  Des marguerites ont même osé remplacer la neige dans certains espaces... Sur les hauteurs de H'lala, elle continue quand même à se donner en spectacle en prenant tout son temps pour fondre... La lagune d'El Madjen forme un beau lac et tous les ruisseaux chantent l'hymne de l'eau qui voyage vers la mer... Le spectacle est beaucoup moins féerique au village ou les arbres des bords des rues, totalement débarrassées de leurs feuilles, dressent leurs branches décharnées vers un ciel indifférent.

Jeudi 24  février 2005:   C'est encore une journée littéralement printanière... au marché du village,  on ne propose que quelques oranges rabougries; la pluie et le gel ont sabordé les plantations, empêché les cueillettes et réduit les déplacements des colporteurs de fruits et légumes. Une figure emblématique du folklore villageois a disparu aujourd'hui... Saïd Bouferkas, Saoud pour ses intimes et ils sont nombreux est mort à l'hôpital; cela fait bien longtemps qu'il traînait une maladie invalidante. Saoud était planton à la mairie avant de prendre sa retraite; sa gouaille légendaire en faisait une véritable attraction. Mordu de l'ARD, le club de football local, il ne ratait aucun de ses déplacements et le café du village se souvient des grosses rigolades que générait Saoud quand il fustigeait Salah le goal ou l'indigne arbitre qui a osé accordé le "pinarti" fatal à l'équipe adverse... Le village ne sera plus comme avant car il lui manquera dorénavant la chéchia rouge de cet homme qui a traversé la vie en s'y confondant. Tout le monde se souviendra de cette  journée où notre équipe nationale de Foot-Ball devait rencontrer je ne sais plus quelle équipe d'un "ennemie". Les yeux étaient accrochés à l'écran de télévision du café de Si Moussa et un silence de plomb s'était abattu sur la salle car notre team était mené au score et c'est Saoud, du fond de la salle qui creva ce silence en disant: na3toul'houm t'raih'ha ki n'souddou lelh'doura  - "nous allons leur donner une tannée (à la seconde mi-temps) quand on aura la pente en notre faveur " ... le téléviseur de Si Moussa était posé sur un plan légèrement incliné et Saoud pensait, dans son ineffable ingénuité que nous devions monter la pente pour atteindre les buts adverses... L'éclat de rire qui a suivi cette boutade du bon Saoud finit par dérider l'atmosphère et je n'en suis pas très sûr mais je crois fort bien que nous administrâmes à nos "ennemis" la tannée promise par Saoud. Repose en paix 3ammi Essa3id...

Vendredi 25  février 2005:   Saoud a été enterré hier au cimetière de Braïka. Le comité religieux a été renouvelé... Les anciennes figures qui ont à leur actif la réalisation d'une très belle mosquée ont été remerciés pour la plupart; les plus acharnés opposants ont été boudés par les urnes et c'est un comité incolore et inodore qui a été élu, une sorte de groupe de fonctionnaires sans grande gueule ni notoriété  et qui devrait travailler dans l'ombre ou végéter comme tout comité sans figures charismatiques... La pluie a refait son apparition et un léger crachin mouille à peine la terre mais insuffle aux gens une forte dose  de mélancolie. Le privé qui a racheté Ben Haroun a tenu hier une conférence de presse; il s'est fait accompagner de la section syndicale qui s'est faite toute docile et qui a même reconnu que l'usine et ses travailleurs sont les grands gagnants de ce changement de statut. Un des responsables de la poussée revendicative qui a suivi la vente de l'usine au privé m'a expliqué tout à l'heure que dans un bras de fer il faut bien qu'il y'ait un gagnant et un perdant et qu'il n'avait pas à rougir de l'épreuve de force qu'il avait menée même si elle n'a abouti a aucun résultat. J'ai appris de la bouche de Essaid Guerrache que Slimane Derouaz est hospitalisé à Rouiba. Nous lui souhaitons un très rapide rétablissement.

Samedi 26  février 2005:   La pluie et le froid sont encore là. Les arbres de la place publique ont été taillées; on leur a enlevé leurs branches tuées par le gel. Personne ne peut dire s'ils reverdiront ce printemps ou si leur mort apparente est une mort réelle... Les orangers de toute la vallée de l'Isser ont subi très violemment les contrecoups du gel. Leurs fruits habituellement succulents ont acquis une très forte amertume et même les fabricants de jus n'en veulent plus. L'autoroute qui était ouverte au public entre les eucalyptus de Kadiria et l'entrée de Lakhdaria et qui permettait une fluidité du trafic sur ce tronçon étroit, a été fermée depuis deux ou trois jours par des gros tas de sable. Le tronçon reliant Boulerbah à Ben Haroun est toujours ouvert; on n'aura certainement pas besoin d'y entreposer des tas de sable pour empêcher les usagers de l'emprunter car la nature commence à s'en charger... Sur toute la partie allant de BoutBoul à Boulerbah se forment des crevasses et le mouvement du sol est si fort qu'une partie de la chaussée, en glissant vers l'oued,  a carrément chevauché la plaque qui se situe en aval. Les moulins à olives continuent de tourner à plein régime; de Zeboudja jusqu'à Lakhdaria, ça n'arrête pas de fumer et les tas d'olives qui restent à triturer montrent l'importance de la production de cette année, stabilisant le prix de l'huile à 200 DA/litre alors qu'habituellement elle se négociait à plus de 250 DA.  

Dimanche 27  février 2005:   Réunion de crise à la mairie... Toutes les autorités étaient là pour débattre du problème des glissements de terrains qui menacent le village. Des préconisations auraient été faites et qui consisteraient à réaliser des banquettes et une ceinture verte qui irait de Chaat Ettolba à Boubekeur en passant par Ghar Eddhiba... Il est certain que si la pluie continue à tomber comme elle le fait depuis plus d'un mois et comme elle le fait encore ce soir, le village connaîtra de très sérieux problèmes avant que les arbres ne soient plantés. On a discuté aussi des routes... il s'avère qu'elles sont toutes en piteux état, le chemin communal qui va de Djébahia à Ain Laazerah  et Mouah'djar est pratiquement impraticable si ça peut se dire; le chemin vicinal qui va de Chaabet Lakhera vers El Mouilha a besoin d'un ouvrage au niveau du ravin à hauteur des Meddahi, le Chemin de wilaya 125 est détruit en plusieurs endroits... bref, nous payons l'immense laisser-aller qui nous a servi de stratégie depuis des lustres... On a discuté aussi de l'eau qui est absente des robinets depuis plus de 20 jours... l'ADE se justifie en invoquant des casses qu'elle ne peut réparer faute d'engins susceptibles de travailler dans la gadoue des terres imbibées d'eau et l'administration prend acte en attendant le retour du beau temps; pendant ce temps, les citerneurs se frottent les mains pour ce plan de charge inédit: le village manque d'eau parce qu'il a trop plu !!!!...

Lundi 28  février 2005:   Février se termine dans le froid et la pluie. A l'instar de l'Europe qui grelotte sous un froid sibérien, notre pays vit sous les effets de perturbations successives qu'il a rarement connues. Le froid est devenu cet ogre que tout le monde redoute; dans les discussions, la pluie, la neige, le froid sont personnalisés  et il n'est pas rare d'entendre les gens insulter "le grand père du père de cette saleté de neige"  (yen3al djed babaha !) ou les parents de la pluie " yen3al ouldih'a" ou encore reprocher au froid ses morsures: "merreg'ha... ma bghach yefham rouhou !" (il exagère ! il ne veut pas entendre raison !). C'est vrai que ce trio abuse en ne se rendant pas compte que nous sommes à 3 semaines seulement du printemps !

Mardi 1er  mars 2005:   Mars débute dans la grisaille. Il a plu sans discontinuer durant toute la journée et un froid cinglant a contraint les gens à relever les cols de leurs paletots. L'eau continue à bouder les robinets et il n'est pas certain qu'elle reviendra avant l'été; les glissements de terrain n'arrêtent pas de drainer les masses de terres et l'on s'attend à un big one qui va affaisser dans un grand bruit toute une partie de la région située en amont de la départementale 125 et qui créera d'autres falaises abruptes comme celles qui longent l'oued... Tout le monde est conscient du risque latent mais spécule sur son avènement à l'arrivée des tiédeurs printanières qui incitent habituellement la terre à "marcher" plus vite. Les autorités locales qui ont tenu la réunion de crise du dimanche passé ont terminé leur mission... il est en effet de coutume que les préposés à notre quiétude croient avoir mis en oeuvre les solutions par le fait seulement d'avoir discuté des problèmes.

Mercredi 2  mars 2005:   "Singing in the rain" serait la chanson la plus détestée par les villageois s'ils la connaissaient... Dame pluie est en effet devenue cette belle-mère trop attentionnée pour ne pas être envahissante au point où on en arrive à ne souhaiter qu'une seule chose: la voir quitter notre quotidien ! Et cette sacrée météo qui, au lieu de nous rassurer, vient nous prévenir avec un sadisme cruel que nous aurons juste un peu de répit le week end pour replonger dans l'ambiance épuisante du froid et de la neige à partir du vendredi soir !... Les archs se seraient entendus avec le premier ministre pour mettre un terme au mandat illégitime des "indus élus"... Les conseillers municipaux de la formation politique du premier ministre ont immédiatement réagi dans une parfaite discipline partisane à Tizi Ouzou pour annoncer leur démission... il faut dire que le RND ne perd pas grand chose puisqu'il possède très peu de représentants, presque toujours minoritaires dans cette région qui reste le fief du FFS... Il nous reste à espérer que nos élus fassent preuve d'une aussi belle discipline et remettent leurs costumes (pour ne pas dire leurs tabliers car ils sont là non pas pour se salir à servir la canaille mais pour profiter des bienfaits de leur statut) ... il est permis toutefois de douter qu'ils aient cette réaction honorable et il est même presque sûr que l'amour du koursi incitera certain à vendre leur âme à ces diables qui ont pour noms PT, FLN etc... plutôt que de répondre à l'appel de leur chef ... nous ne dirons pas: de leur conscience,  car cela fait bien longtemps qu'ils n'en usent pas...

Jeudi 3  mars 2005:   L'eau coule à nouveau dans les robinets... la pluie continue à tomber et la terre à glisser... Le groupe SIM a organisé un grand couscous à l'usine de Ben Haroun à l'occasion du transfert de propriété à son profit ... voir le reportage-photos

Vendredi 4  mars 2005:   Il pleut toujours et rien n'indique que ça va s'arrêter. L'actualité s'arrête dans ces conditions à la platitude d'un quotidien fait de boue, de froidure, de cafés bondés de joueurs de dominos avant et après la prière du vendredi. Le village vit dans une plate expectative et toute tentative de lui arracher le moindre soubresaut bute sur sa langueur littéralement  "léthargisante"...

Samedi 5  mars 2005:   Les pluies résiduelles terminées, le temps s'est mis au beau en convoquant un soleil tout frémissant de retrouver une terre trop longtemps abandonnée.  Les oiseaux et les fleurs qui en ont assez des brumes et des nuages se sont mis à saluer spontanément le soleil mais comme la spontanéité est toujours  anarchique, c'est dans une cacophonie de chants, un chassée croisé de vols et une débauche de couleurs que fut célébrée la fête au soleil...  Pendant ce temps, le village se complait dans sa léthargie...

Dimanche 6  mars 2005:   Et ça revient ! la pluie est tombée en hallebardes, d'Alger à Djebahia et certainement plus loin aussi. Le ciel n'arrête pas de s'essorer sur nos contrées et nous avons l'impression, nous qui ne pouvons nous concevoir sans soleil, de vivre à moitié... Le pétrole s'est trouvé une autre ouverture pour fuir l'oléoduc et aller nous empoisonner les eaux de l'oued; cette fois -ci il a jailli à 100 m en amont de la jonction de l'autoroute avec la route de Harchaoua. Les engins de la Sonatrach s'activent pour juguler la fuite.

Lundi 7  mars 2005:   C'est un temps paradoxal... aux très belles éclaircies succèdent de profondes noirceur et quand les nues crèvent en nous balançant sans ménagement toutes leurs tripes, il s'ensuit des accalmies succulentes et ce manège dure depuis le lever du jour. A la tombée de la nuit, le froid est devenu plus cinglant;: les montagnes d'alentours se sont saupoudrées de blanc et si aucun vent chaud ne vient faire fondre les flocons qui doivent se modeler en altitude, il est fort probable que la neige reviendra nous rappeler que mars est vraiment un mois fou...

Mardi 8  mars 2005:   C'est la journée de la femme et par respect pour elle, on lui accorde... une demi-journée de repos !... On constate quand même que nos gens se font à ces dates, à leur cérémonial et à leur symbolique. Le commerce des roses rouges fleurit à la St Valentin, les bûches s'arrachent au réveillon et les flacons de parfums s'achètent en catimini le 8 mars... il faut espérer que nous accordions plus d'attention à la nocivité dé la cigarette le jour "sans tabac", que nous plantions spontanément des arbres le 21 mars, que nous évitions les sachets en plastique le jour de l'environnement et que nous déferlions vers les librairies le 16 avril à l'occasion de youm el 3ilm comme nous nous avons sacralisé le poulet au berkoukes de l'Achoura, le mouton de l'Aid, les pétards du Mouloud et les grasses matinées du 5 juillet et du premier Novembre... Le journal "El Watan" a publié aujourd'hui un article sur les glissements de terrain que connaît notre région mais c'est plus  pour rapporter les craintes de l'acquéreur de l'eau de Ben Haroun que pour montrer la reconfiguration de notre relief et les dégâts qui en découleront... Il a neigé durant la nuit sur les hauteurs et la journée fut d'un froid très vif. Le coucher du soleil a été flamboyant ce qui devrait donner raison à la météo qui prévoit un réchauffement à partir de demain... 

Mercredi 9  mars 2005:   La nuit fut très froide et au petit matin une grosse couche de gel recouvrait la nature... Un soleil impitoyable est venu par la suite réchauffer la terre puis, prenant ses aises, il s'est laissé aller jusqu'au crépuscule. Les connaisseurs en accidents du relief, et ils sont légion au village, affirment que les glissements de terrain deviennent plus rapides quand la terre se réchauffe et c'est à croire qu'ils ont raison car les failles s'agrandissent littéralement à vue d'?il. A Ben Haroun, les travailleurs ont perçu leur pécule; une dizaine de millions de centimes par tête de pipe... Le nouveau propriétaire a commencé par augmenter ses prix mais le changement est perceptible d'abord à la présence de l'eau minérale chez tous les épiciers du village, ensuite aux camions qui défilent devant l'usine pour colporter cette eau aux quatre coins du pays alors que d'habitude c'était l'usine qui s'évertuait à la distribuer à l'aide de ses moyens dérisoires... Hier il y'eut à "Brachma" un accident spectaculaire et qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques: un camion qui transportait un chariot élévateur, toutes fourches dehors et  sans attaches a fait une embardée sur une protubérance de la route; le chariot a basculé comme un morse géant et a planté ses deux dents dans un car de transport de voyageurs qui suivait le camion. On ne déplore fort heureusement aucun mort mais les usagers de la route ont dû passer de sales quarts d'heures car un embouteillage s'étendant de Kalous à Boulerbah s'est formé...

Jeudi 10  mars 2005:   La nouvelle loi portant code de la route est appliquée avec un zèle suspect par les "services concernés"... L'ancienne loi qui était déjà très dissuasive n'a pas fait ses effets non pas à cause d'un quelconque anarchisme atavique des usagers de la route mais surtout à cause de la désinvolture et du passéisme de ceux qui devaient veiller à son respect. Les décideurs, avec leur courte vue habituelle ont pensé qu'en corsant les peines ils allaient mieux dissuader et l'on se retrouve avec une nouvelle loi qui, appliquée sans complaisance, devrait sanctionner 98% des conducteurs, non appliquée, elle viendrait s'ajouter à l'arsenal des textes inutiles qui discréditent la Loi au lieu de lui donner la force qu'elle se doit d'avoir... Je dis ça parce que j'ai eu à subir aujourd'hui même les rigueurs de cette nouvelle loi alors que je dépassais à 110 km/h un camion sur une voie d'autoroute aussi libre que le rob3 el khali... prétexte: dépassement de la vitesse autorisée... quand on sait que cette "vitesse autorisée" est fixée sur l'autoroute à 80 km/h, on devrait se questionner sur l'opportunité de ces concessionnaires qui proposent des automobiles pouvant aller à 200 km/h et aussi sur l'idée loufoque de ne plus importer des véhicules de plus de 3 ans d'âge alors que la logique devrait nous inciter, par respect pour NOTRE loi, à doter le peuple en lada et autres ami_6... Je pense que pour bien montrer l'absurdité de cette loi, les usagers devraient faire une sorte de grève du zèle en la respectant à la lettre... c'est à dire, rouler à 80 km/h sur l'autoroute, descendre la pente de Thenia à 50 Km/h... On verra alors si les routes seront autre chose que d'immenses bouchons... Il est évident que les concepteurs de ces incongruités sont ces VIP qui passent en cortèges à tombeau ouvert quand il leur arrive par hasard de faire la route...

Vendredi 11  mars 2005:   Le temps ne sait plus où donner de la tête... Après une matinée éclatante, il s'est renfrogné mais n'est pas allé jusqu'à pleuvoir. Le village vit toujours les répercussions de l'immense ingratitude qu'il a témoignée au Président du Comité Religieux dont personne ne peut sincèrement démontrer en quoi il aurait démérité mais qui s'est retrouvé en dehors de ce comité suite à un véritable coup de force... Mais il est dans l'habitude des villages de défenestrer les méritants pour accorder des faveurs aux nouvelles têtes comme si le fait de confier les responsabilités représentait une sorte de gratification... Le complexe de Peters faisant son effet, on aboutit toujours très vite à des états de latence qui favorisent une léthargie que tout le monde semble souhaiter.

Samedi 12  mars 2005:   Très belle journée. Un soleil généreux a permis aux gens de se dépêtrer de leurs paletots pour se mettre parfois en bras de chemises, faisant fi du proverbe qui avertit les inconscients non pas en mars mais en avril. Un engin a nivelé aujourd'hui le "6 chemins" situé devant l'ancien dispensaire; espérons que l'autorité municipale et les services techniques sauront aménager cet espace de rencontre privilégié. Devant la garde communale une grosse protubérance est sortie sous l'effet du poids des camions sur le macadam; si par malheur il arrivait même à un véhicule de grand tonnage de faire passer cette bosse entre ses roues, il n'est pas certain qu'il pourrait rester quelque chose de la boite à vitesse et du carter... Cette déformation de la chaussée est assez ancienne mais tout le monde fait comme si ça ne le concernait pas. Il aurait pourtant suffi de trois bras, trois pelles et trois quarts d'heure de travail pour l'enlever... La journée a connu deux protesta: d'abord celle des habitants de Tiliouine  qui ont bloqué totalement la RN 5 pour exiger une passerelle sous laquelle les habitants pourront traverser la route en slalomant entre les véhicules et en continuant à se faire écraser  comme on le fait partout où il y'a des passerelles... ensuite celle des lycéens et collégiens d'El Madjen qui exigent une réduction des tarifs des transports que les transporteurs déjà sur les jantes, ne peuvent accepter car ils risquent de se retrouver sur les essieux...

Dimanche 13  mars 2005:   Le temps oscille entre la franche grisaille et le clair soleil... Sur les routes, la circulation se raréfie; les gendarmes n'y vont pas de main morte et, exploitant l'immense injustice de la nouvelle loi sur la circulation routière, ils arrachent littéralement les permis de conduire des poches des pauvres usagers de la route, coupables de ne pas respecter strictement une signalisation faite pour ne pas être respectée... Cet excès de zèle est caractéristique de tout ce que nous entreprenons; ça part en fanfare puis ça régresse pour finir en queue de poisson... Cette euphorie répressive connaîtra elle aussi le sort de toutes les "campagnes" menées au départ tambour battant car les incongruités de la loi, les passe-droits et la lassitude finissent toujours par restaurer un naturel qu'on cherche à combattre par la matraque sans savoir qu'il revient inévitablement au galop dès qu'on range ladite matraque...

Lundi 14  mars 2005:   Il est arrivé en fin de soirée et très vite il a instauré un temps d'été en plein hiver. Le sirocco puisque c'est de lui qu'il s'agit est donc venu secouer les arbres pour faire de la gymnastique à des branches percluses par des mois de léthargie et tirer les herbes qu'un hiver rigoureux a rendues rabougries. A 22 h il fait franchement chaud. Au village, l'opération "aménagements urbains" se poursuit cette fois-ci très méthodiquement. Les bordures de trottoirs ont été placées, les accotements rechargés et des petits carrés ont été aménagés pour recevoir des arbres. L'opération cimentation des voies piétonnières devrait suivre très vite. Il n'y a qu'un seul regret, c'est celui de ne pas voir nos fondés de pouvoir opter pour de la belle pierre taillée au lieu de ce goudron et de ce ciment qui ne laissent aucune place à l'esthétique...

Mardi 15  mars 2005:   A moins d'une semaine du printemps, l'hiver tente encore d'imposer sa grisaille mais l'été, décidé à introniser le printemps a envoyé en éclaireur un sirocco zélé. L'ambiance est, on le devine, très instable et très peu propice aux pronostics... Le printemps de cette année devra de toute façon se faire sans les arbres car le gel a exterminé tout ce qui porte feuilles et a bloqué le bourgeonnement des branches dénudées par l'automne. En dépit de la réfection des trottoirs qui donne aux rues du village l'impression d'être beaucoup plus vastes qu'elles ne le sont en vérité, rien ne vient leur donner de la vie car les arbres qui les décoraient semblent définitivement fossilisés.

Mercredi 16  mars 2005:   La journée fut brumeuse et une légère pluie a même mouillé la terre aux premières heures de la matinée. La nuit fut bruyante du côté de la SAS où un mariage se fête à la zorna comme au bon vieux temps. Pour le reste, c'est le statu-quo... le siège de la commune a reçu des barreaux en fer d'un baroque qui n'a rien de la solennité administrative que la mairie symbolise. A Brachma, le cimetière de Sidi Athmane est en voie d'être clôturé; ce qui mettra au moins les tombes à l'abri des rejets vésicaux des usagers de la RN 5 qui pourront se soulager contre le mur d'enceinte et laisser les morts reposer en paix...

 

Jeudi 17  mars 2005:   La chronique s'enlise désespéramment dans le déjà vu... Le temps persiste dans sa grisaille; les arbres refusent toujours de bourgeonner et personne ne peut affirmer s'ils le feront où s'il faut que nous en fassions notre deuil. Said Adjou, "Kohil" pour ses intimes vient de terminer sa construction de locaux commerciaux face à la cave et aujourd'hui un nouveau coiffeur est en train d'officier en ces lieux. Le village se bazardise inexorablement... On y compte déjà 4 coiffeurs alors qu'il y'a à peine 5 ans, on devait aller se faire tailler la barbe chez Boualem à Brachma ou chez Moh  Kaci à Lakhdaria... Les taxi-phones poussent aussi très fort puisque, outre celui d'El Maghassla, il y'en a un autre à la SAS, un autre aussi près de la Mosquée, un autre encore du côté des Bouzetine etc...   

Vendredi 18  mars 2005:   La nuit d'hier fut mouvementée... des rafales d'armes automatiques ont même été entendues. Selon certains, c'est une tentative de faux barrage sur le pont de Oued El Djemaa qui aurait tourné court; selon d'autres c'est un camion qui aurait été mis en travers de la route pour retarder les renforts qui descendraient du village pour porter assistance à un poste de surveillance de la garde communale, attaqué en même temps aux environs de Kalous. La journée quant à elle fut placide. Le printemps s'efforce de rattraper le retard qu'il a pris et impose aux fleurs de s'ouvrir alors que les plantes sont encore au ras de la terre. Une autre droguerie vient d'ouvrir ses portes aujourd'hui; et c'est un héritier de l'édile en chef qui s'est offert ce commerce;  le village continue donc à se bazardiser au lieu de s'investir dans des activités plus intelligentes... Le Wali a intenté une action en justice en référé contre les villageois dont les maisons sont menacées par le glissement de terrain et qui ont refusé de les évacuer. Les concernés sont convoqués pour le 20 avril; on ne connaît pas l'acte d'accusation; on ne sait pas si c'est le refus d'obéissance à une réquisition de l'autorité, la tentative de suicide, la tentative d'homicide  prémédité ou la non assistance à (sa propre) personne en danger...

   Samedi 19  mars 2005:   C'est l'anniversaire du cessez-le-feu... Un cessez-le-feu qui a été mis à profit en son temps par tous les embusqués pour monter le fougueux cheval de la Révolution pour en faire un perfide canasson... A voir aujourd'hui les comportements de certains de ceux qui se disaient à l'époque imbus de conscience révolutionnaire, on devine l'immense supercherie... Le sommet arabe d'Alger va s'ouvrir incessamment pour permettre aux ubus d'étaler leur emphase... Loin de ces histoires, le village continue à vivre de sa belle mort...

  

Dimanche 20  mars 2005:   L'heure est au sommet arabe. Les rues d'Alger, pavoisées à leurs couleurs mobilisent tous les nettoyeurs pour se faire belles. Des arbres ont même poussé en quelques nuits sur les bords des routes et les marigots fétides ont par miracle cédé la place à de beaux jardins. Les camions étant interdits de circuler, on observe un trafic aussi fluide que celui qu'on enregistrerait sur la départementale 125, un vendredi, entre 13 et 14 h. Après la ligne jaune du séisme, nous avons droit à une ligne verte pour les délégations officielles... Il ne reste aux usagers de la route qu'une étroite voie de passage entre les deux lignes, voie de passage où ils doivent faire attention à des tas de pièges, chacun valant son pesant de permis de conduire... Au village en n'en a cure de ces histoires d'en haut car les préoccupations sont beaucoup plus terre à terre... au marché de Brachma, ce soir, le piment a fait comme le pétrole; il a atteint un record historique: 200 DA/kg !

Lundi 21  mars 2005:   Ce sont de drôles de jours que nous devons supporter... des nuées basses qui vous ferment l'accès au ciel et qui vous étouffent sous une chaleur humide. Le sommet Arabe d'Alger fait toujours la une de la chronique mais c'est surtout par la gêne occasionnée aux citoyens; ainsi, aujourd'hui, non contents d'installer un barrage filtrant à Dar El Beida pour les véhicules à destination d'Alger, barrage qui a causé un embouteillage monstre, l'après-midi c'est un autre barrage filtrant qui a été installé à Tidjellabine, à  hauteur de la bretelle menant vers Boumerdes et pour les véhicules sortant des wilayate d'Alger et Boumerdes !!!! Ce barrage a causé lui aussi un énorme bouchon qui a dû s'étendre jusqu'à Boudouaou. On ne sait plus l'utilité de ces "violences" gratuites contre des usagers de la route et quel but on espère atteindre en les pratiquant de manière si sadique. Au village, on continue à poser les trottoirs et à El Maasra, l'eau potable ne coule plus depuis plus d'un mois sans que la population ne s'insurge pour faire réagir une autorité communale qui ne s'ébroue que quand on la pique...

Mardi 22  mars 2005:   Le soleil continue à nous refuser son franc éclat, mais la chaleur s'est imposée et la terre s'attiédit au grand bonheur des herbes qui montent à vue d'?il. La route de Ben Haroun est toujours coupée, la borne kilométrique dont il était question dans la chronique du 6 février n'a toujours pas été redressée et les failles qui sont apparues sur la départementale 125 s'agrandissent chaque jour un peu plus. La grosse frénésie qui a pris l'autorité locale devant l'apparition des glissements de terrain s'est totalement estompée et les nébuleux projets de confortement ne sont plus que vieux souvenirs. Les trottoirs continuent de se faire refaire - à notre cadence - et hier des "responsables" sont venus repérer l'endroit où sera installé le poste de détente du gaz de ville... Gageons que nos trottoirs ne seront terminés que le jour où la pelle excavatrice devra creuser les rues pour faire passer le gaz... A "Brachma" par contre, après avoir aménagé la place de la mairie avec jet d'eau, jeux de lumière, terrains de sport, bancs publics et espaces verts, la commune a réglé définitivement le problème des fossés bétonnés, des trottoirs et des allées piétonnes et va incessamment terminer la clôture du cimetière de Sidi Athmane. C'est vrai que chez nous on a d'autres préoccupations... les heureux élus ont occupé des logements qui ne leur reviennent d'aucun droit; ils se sont empressés de gonfler des effectifs communaux déjà en surnombre en leur rajoutant leurs rejetons et ils passent le gros de leur temps à répartir des aides au confortement de logements qu'aucun séisme n'a ébranlés...

Mercredi 23  mars 2005:   Encore une sale journée; un vent du sud crasseux et poisseux nous a ramené plein de particules ocres qu'une pluie parcimonieuse fait descendre sur nos voitures, nos murs, nos habits, nos plantes... en chiures de mouches. Pendant ce temps, les présidents, émirs et rois des arabes continuent leur cinéma... La télévision n'arrête pas de nous montrer des ubus à l'arrogance déplacée quand on connaît la manière dont ils se sont imposés à leur peuple et le mode de gouvernance qu'ils leur imposent... Au village c'est toujours le statu-quo. 

Jeudi 24  mars 2005:   Des éléments en béton placés depuis deux ou trois jours pour protéger les arbres des bords de rues ont été détruits par des vandales en herbe. La garde communale n'a, comme de bien entendu, rien vu... Du temps de la colonisation, trois garde-champêtres officiaient au village: Hamitouche, Baskel et Mahmoud. Le respect des lieux publics était imposé par leur seule présence. Après l'indépendance, Aissa Ech-chambit et Moh Boudraa faisaient régner à eux seuls la discipline au village et même dans les bourgs limitrophes. Ils se permettaient même d'empêcher les enfants de glaner les mûres des arbres de la place et chassaient à coup de pierres les mioches qui essayaient de faire de l'abreuvoir municipal une piscine... et ceci en plus de leur travail qui consistait avant tout à faire respecter l'ordre à la poste, à la mairie, au stade etc... Aujourd'hui une armada de garde-champêtres dispose même d'un casernement et d'un véhicule de service mais ne réussit même pas à sauver des arbres du vandalisme juvénile ou à organiser la traversée des rues aux élèves de l'école primaire... Le texte portant création de cette garde communale leur donne pourtant toutes les prérogatives en la matière.

Vendredi 25  mars 2005:   Des insidieuses tentatives de museler cette chronique me sont imposées depuis quelques temps. On invoque tour à tour le droit à l'intimité de personnes dont j'ose parler, le risque que j'encours en dénonçant les carences des responsables, l'inutilité de cet étalage publique de faits et de situations privés etc... Mes co-villageois ont ceci de particulier qu'ils ne font (dans leur majorité) absolument rien sans contrepartie  parce qu'ils en sont incapables non pas intellectuellement mais avant tout "moralement"... parler, ils savent le faire, mais seulement dans l'anonymat des dialogues autour d'un café ou dans un véhicule... Je continuerai donc, ne leur en déplaise, à raconter les joies et les peines de ma région, et s'il me faudra un jour arrêter de citer des gens, je me contenterais de parler du "dhourraïss" qui chante sur les fougères de ghar eddhiba, de la sella qui pousse drue sur les bords de la départementale, des sérénades printanières des grenouilles d'El Madjen, de l'eau qui chante à Oued Djelada, des chacals qui glapissent à Bou'T'Boul, de la succulence des fèves de Z'babedj El Metrouk... Cette parenthèse fermée, on parlera du temps qui semble s'installer pour de bon dans le sirocco... La terre s'est craquelée sous son souffle chaud et donne raison aux paysans qui disent que rien n'est joué pour l'agriculture  avant les pluies du printemps qui abreuvent les herbes et font renaître les sources.  

Samedi 26  mars 2005:   Rien à signaler. La route de Ben Haroun est toujours coupée, les travaux de remise en état du tronçon entre le pont de Oued El Djemaa et le village n'ont pas été entamés, les trottoirs continuent cahin caha à se faire refaire et cette opération qui devait durer 15 jours clopine toujours à son 150e jour. Des oliviers ont été plantés sur la terre blessée de Ain Benhaggache mais rien ne dit qu'ils vivront... il faut savoir que beaucoup d'oliviers ont été plantés il y'a de cela deux ou trois ans sur toute la langue de terre en aval du lotissement menacé par les glissements de terrain. Aucun de ces oliviers n'a réussi à passer le printemps et aucun responsable n'a été sanctionné pour ce "florocide" criminel. L'eau continue à se laisser désirer à El Maasra, ce bourg intermédiaire sans aucun statut et auquel on a refusé même une plaque nominative...

Dimanche 27  mars 2005:   Le sirocco s'en est allé sévir ailleurs et le soleil est revenu printaniser la terre. Les genêts commencent à jaunir mais très timidement alors que, dépassé Beni Amrane, ils sont en feu. L'oued coule d'une belle eau claire comme il ne lui est plus arrivé depuis trois dizaines d'années et si le débit se maintient, il n'est pas exclu que l'on revoie les pêcheurs d'eau douce taquiner l'anguille du côté de Ziraoua. Les aides aux pseudos sinistrés du séisme commencent à divulguer leurs secrets... Il faut reconnaître que la majorité des heureux bénéficiaires est coupable de délit d'initiés; parmi eux on rencontre des présumés sinistrés qui ont touché le pactole, ce qui leur permet de terminer leurs constructions parfois pharaoniques... Des listes ont circulé dans une discrétion incroyable pour un village où tout se sait; cautionnées par la mairie et approuvées par un CTC pas très regardant, elles ont permis à 75% des résidents de se voir gratifiés de sommes atteignant parfois 100 millions de cts pour des habitations qui n'en valent pas la moitié... L'opération n'a pas été exempte de calculs politiciens comme toutes les opérations dans lesquelles l'état accorde ses subsides à ses citoyens par l'entremise de son administration ou de ses élus...

Lundi 28  mars 2005:   Les asphodèles des bords de route sont en fleurs. La blancheur des fleurs de nos asphodèles est sans doute unique; on a l'impression, à les regarder, de les voir jubiler du plaisir d'être si belles, si blanches, si pures, si nettes. La RN5 a connu une journée noire; le marché de Brachma a occasionné un mémorable bouchon en matinée; dans l'après-midi les inénarrables dos d'âne de Tiliouine ont causé un bouchon qui s'est étendu de Kadiria à Lakhdaria et les usagers de la route qui ont cru avoir trouvé une échappatoire en empruntant l'autoroute en construction ont vite déchanté devant l'imbécile sadisme de certains responsables qui n'ont rien trouvé de mieux à faire que d'obstruer la voie en y déversant des chargements de tout-venant. Beaucoup d'automobilistes pris au piège ont dû subir les rigueurs des motards qui les attendaient de pied ferme pour leur retirer le permis de conduire à chaque velléité de dépassement à droite ou de chevauchement de la ligne continue... La chaleur de la journée a laissé place en début de soirée à un froid assez vif. Les télévisions du monde entier ont braqué leurs caméras sur le sud est asiatique où un tremblement de terre de 8.7° sur l'échelle de Richter est venu ajouter aux épreuves de Sumatra et des pays environnants. Le risque d'un ras de marée a incité les autorités de plusieurs pays de la région à ordonner l'évacuation des populations de la zone littorale vers des zones moins exposées. A 22 H 15, au moment où cette chronique est rédigée, aucun bilan officiel n'a été donné.

Mardi 29  mars 2005:   Encore une journée éprouvante pour les usagers de la RN5 à cause de ce satané marché de voitures de "Brachma" . A 7 H 30 la circulation était déjà littéralement bloquée entre la guérite de la garde communale de Mahas et celle d'El Koudia El Hamra. Le temps s'est franchement rafraîchi ce soir et le ciel s'est fortement couvert. Fatah 24 m'a dit que nous vivions la "f'tira" (période de grand froid située au début du printemps) mais pour Fatah 24, toute période froide est qualifiée de f'tira. La route de Harchaoua a été finalement programmée pour un entretien poussé et c'est Gerir (l'entreprise qui a retapé la départementale 125) qui a eu le privilège de rendre praticable cette voie de circulation mal conçue, mal entretenue, mal réalisée...    

Mercredi 30  mars 2005:  C'est une journée assez fraîche. Après les genêts, c'est au tour de l'aubépine et de l'églantier de nous gratifier d'un spectacle haut en couleurs et en odeurs... Les fougères ont reçu une grosse poussée qui leur fait dresser très haut leur tiges charnues au grand bonheur des gros-becs qui y trouvent un tremplin idéal à leurs sérénades. El Madjen s'est rempli de jonquilles et dans quelques jours il fera bon y écouter les concerts des grenouilles... Au village l'actualité reste dominée par la réfection des trottoirs et l'aménagement de la route de Harchaoua. Bouzid Hamoudi qui se trouve au village m'a concédé une partie de son temps; nous en avons profité pour parler de cet étrange mal qui ronge notre village et qui a fait que la division s'est installée partout où elle a réussi à trouver un interstice qu'elle a transformé en faille. Nous avons rendu visite à Aissa El Baggar à Harchaoua et profité, à l'occasion, du spectacle d'une nature qui se prépare fébrilement à fêter le printemps. 

Jeudi 31  mars 2005:  Le printemps est bien là... mais la terre qui a donné toute son eau aux herbes commence à avoir sérieusement soif. Une randonnée pédestre à El Madjen permet de constater les gerçures qui décorent le sol... Il suffirait de quelques millimètres de pluie printanière pour que la nature "s'exubére" et nous offre à voir ses plus belles oeuvres. En attendant, nous ne devons pas faire la fine bouche car ce qui nous est donné à contempler vaut bien la peine... jugez-en par ces spécimen que j'ai eu le plaisir de trouver sur mon chemin ce soir, à 18 h 30.

 

Vendredi 1er  avril 2005:  Même pas un canular pour nous réconcilier avec l'humour... Les jours se suivent et se ressemblent et il faut aller chercher les sensations dans l'anodin... Les figuiers ont sorti leurs oreilles de souris et l'adage prévient que "quand "el karma" sort ses oreilles de souris, le froid impose à l'enfant de ne pas s'éloigner de la porte de la maison" (ki l'karma twassi wedhnin el far, el yetchir ma ifareg bab eddar)... Mais avec ce soleil, il faut s'attendre à ce que les figuiers sortent très vite leurs oreilles de b?ufs et alors tout sera permis (ki l'karma twassi wedhnin el ferd win bghit ferrech ouergoud)... 

Samedi 2  avril 2005:  Le pape est mort; il vient de s'éteindre ce soir. Les images diffusées par les télévisions du monde entier montrent des foules se recueillant dans le silence et la dignité et ça nous gêne quelque part quand nous nous remémorons nos foules hurlant derrière les chars qui emmènent nos défunts vers leurs "paradisiaques" destinations finales. La mort que nous devons accueillir avec sérénité et philosophie, est reçue avec ces expressions de révolte aussi vaines que stupidement théâtrales... Si le pape ne papotera plus, le prince Rainier lui aussi ne "rainiera" plus sur le rocher. La régence vient en effet d'être confiée à un de ses fils. Et ce sont deux hommes de grande sagesse qui décident de tirer leur révérence après avoir fait leur devoir de citoyens du monde. Au village on continue à aménager les trottoirs et à ignorer que dans la proche banlieue, à El Maasra, les habitants vivent depuis trois mois sans eau car les italiens de la société qui réalise les ouvrages d'art sur le pont de Oued Djelada ont détruit une partie de la conduite. Le maire, toujours pareil à lui même avoue de prime abord qu'il ignore le problème... pour montrer toutefois qu'il a fait son devoir de responsable, il affirme avoir transmis... une mise en demeure à la société italienne !..

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Dimanche 3  avril 2005:  Les travaux d'élargissement du tronçon de route entre la bretelle d'accès à l'autoroute de Zbabedj el Metrouk et la RN5 ont été entamés. La réalisation a été confiée à la société de salariés "STC" qui appréhende de déstabiliser encore plus un terrain qui a prouvé qu'il était capable des pires mouvements... l'autre problème qui risque de retarder les travaux se situe au niveau du câble téléphonique souterrain, ce qui montre que les réserves  que nous avons émises sur cette chronique durant la pose de ce câble sont largement fondées. L'opération "trottoirdisation" du village est presque terminée; la société qui en a la charge est arrivée aux finitions. Le froid est revenu ce soir et quelques gouttes de pluie sont tombées durant la journée mais sans apporter un quelconque réconfort à la flore vue leur insignifiance.

Lundi 4  avril 2005:  Au marché de Brachma la tomate est reine. Elle se négocie à 100 DA le Kg... Son fidèle compagnon, le piment, lui est à 200 DA ! C'est du jamais vu !... Il est dit que quand la reine fève arrive, les légumes se font tous petits... Elle est arrivée mais n'a rien pu faire contre la pénurie conséquente à la faiblesse de la production due aux rigueurs de l'hiver mais aussi à l'ineffable loi sur la circulation routière qui a littéralement bloqué le trafic routier et donc l'activité économique. Il fait assez froid et les "connaisseurs" prétendent que nous devons supporter ce temps jusqu'au 16 avril, "f'tira" oblige ! Le téléphone est en dérangement; il nous est permis de recevoir mais pas d'appeler.

Mardi 5  avril 2005:  Les travaux d'agrandissement de la route départementale ont été lancés. A hauteur de l'embranchement qui mène vers Harchaoua, on est en train de décaper le talus au grand dam des fellah qui voient leur fourrage détruit alors qu'il arrive à maturité. Les ruelles du lotissement d'El Harka se font refaire elles aussi. L'épandage du tout venant est terminé sur nombre de tronçons. L'entrée ouest du village revêt elle aussi graduellement un aspect plus avenant avec l'aménagement des trottoirs et d'une allée piétonne le prolongeant. La pluie est tombée durant l'après-midi; elle a donné plus de vigueur aux herbes. Le téléphone est toujours en dérangement.

Mercredi 6  avril 2005:  Il a plu durant la nuit et au matin, des flaques ça et là montrent que ce fut quand même assez important. Les travaux sur la route départementale continuent; aujourd'hui on a décapé un autre morceau du talus juste avant l'embranchement de Harchaoua; cette opération risque de déstabiliser encore plus le terrain qui connaît de grands glissements. Le mauvais temps n'a pas trop duré; ce soir il fait un soleil endiablé. Le téléphone est toujours inopérant; l'accès à Internet nous est toujours refusé.

Jeudi 7  avril 2005:  Le match de coupe entre l'entente de Sétif et l'USM Blida s'est déroulé ce soir à Bouira. Les Sétifiens étant sortis vainqueurs, les hordes de supporters blidéens ont laissé libre cours à leur colère sur la RN5 qui a été fermée à la circulation entre Aomar et Zeboudja contraignant les automobilistes à transiter par le village ou par l'autoroute. On parle d'actes de vandalisme et à 19 H 30 les gendarmes étaient sur le pied de guerre à Brachma où j'ai remarqué nombre de jeunes prêts à en découdre avec ces supporters surchauffés au cas où il leur viendrait des velléités  de brigandage...  Un vent d'une rare violence souffle sur la région depuis le début de la soirée... Il a même eu raison de la grosse assiette qui servait d'antenne parabolique collective avant que les antennes individuelles ne viennent champignonner tous les balcons. Mon téléphone que je pensais être en dérangement a en fait été coupé soit-disant pour défaut de paiement... Pour appeler ACTEL il faut avoir son numéro de téléphone, pour l'avoir, il faut appeler les renseignements; pour avoir les renseignements, il faut un miracle; dans ces conditions, on devra garder son calme et attendre la fin du week-end pour aller jusqu'à Bouira et régler ce faux problème...

Vendredi  8 avril 2005:  Le temps se fait lourd et c'est une pluie toute sale des sables du désert qui nous tombe dessus très parcimonieusement. Certains supporters de l'USM Blida se sont comportés avec un très grand courage en affrontant en hordes les usagers de la  RN5 hier. On parle d'un jeune homme poignardé à Brachma et de nombre de véhicules détruits sur la route. Le Pape s'est fait inhumer dans un immense show médiato-businessique qui a du faire l'affaire de nombre de radios et télés et de  commerçants de portraits et de crucifix... Les thuriféraires du souverain pontife croient booster la religion en laquelle il croyait; ils viennent de miner pour longtemps sa succession car il est aléatoire d'espérer trouver un cardinal qui pourrait faire mieux puisqu'il semble que Jean Paul II ait été infaillible... Nous connaissons un bout à ces béatifications puisqu'il nous faut jusqu'à aujourd'hui continuer à porter le deuil de Boumediene... Pour revenir à nos oignons, disons que le village change de forme à vue d'oeil avec ses rues qui se font aménager et son jardin public qu'une main heureuse est en train de piocher...

Samedi  9 avril 2005:  Il a fallu du temps pour comprendre et faire réagir les PTT... Tout est rentré dans l'ordre ce matin. Ma ligne a été rétablie et je peux donc reprendre ma connexion et vous offrir ce bref aperçu quotidien de la (non) vie de notre village. Aujourd'hui il a fait froid et une pluie intermittente est venue régénérer les herbes et mettre un peu de boue sur nos souliers. Du côté de Lakhdaria une véritable fourmilière travaille à l'ouverture du tronçon d'autoroute qui permettra d'éviter Kadiria. Les nombreux gendarmes qui occupaient la route depuis ce matin laissent penser qu'une haute personnalité serait en visite de "travail et d'inspection" dans notre région; il y'a fort à parier que ce soit justement pour l'ouverture de ce tronçon d'autoroute.

Dimanche  10 avril 2005:  La neige est revenue... tous les reliefs qui entourent le village ont blanchi durant la nuit. Il fait un froid très vif et des passagers venant de Sour El Ghozlane disent que là bas, la  neige a pris ses aises. On ne sait pas quelles seront les conséquences de ce froid très inhabituel sur la faune et la flore mais il est certain que la catastrophe écologique de l'hiver passé qui a décimé l'eucalyptus sur un très large rayon sera suivie par un autre phénomène non moins catastrophique avec ce froid brutal qui nous vient au moment où les bourgeons naissants attendaient plus de tendresse et de chaleur. En attendant, nous continuons à payer au prix fort les rigueurs de l'hiver puisque la tomate caracole à 150 DA le Kg, le piment à 200 DA, la salade à 60, la courgette à 80 et... le poulet vivant à 190 DA ! 

 

Lundi  11 avril 2005:  La neige de H'lala et Bouh'andjar n'a pas résisté à la tiédeur du printemps; ce soir il n'en est resté que de vagues écharpes. Le froid s'est, lui aussi, très fortement estompé. L'évitement de Kadiria a été ouvert à la circulation, cette ville qui s'est "tentacularisée" devrait subir très fortement ce détournement de la circulation vers sa périphérie, un peu comme Thé nia (Ménerville) qui, de passage obligé s'est trouvée du jour au lendemain réduite à un bourg qu'on survole du haut de l'autoroute sans presque s'en rendre compte.

Mardi  12 avril 2005:  L'Algérienne des Eaux a mobilisé ce soir toute une armada pour remettre en service son réseau de distribution. La conduite fuit en effet depuis belle lurette du côté de Z'babedj El Metrouk et a même formé une belle mare qui fait face aux autres mares noires laissées par la fuite de l'oléoduc du côté de Boubekeur. La très grande couche argileuse de l'épiderme de la terre en ces lieux subit des gros mouvements et il est illusoire de s'attendre à ce que les tuyaux en fonte ou en acier puissent leur résister. L'autoroute qui traverse ce terrain est d'ailleurs elle aussi sujette à ces mouvements et se casse ou se gondole en plusieurs endroits. L'évitement de Kadiria a été officiellement ouvert à la circulation par notre Ghoul de Ministre des Travaux Publics hier. Monsieur Ghoul a inspecté par la même occasion le tunnel de Ain Cheriki et la presse d'aujourd'hui affirme qu'il a eu de sacrés coups de gueule contre les responsables coupables de retard dans l'exécution des travaux mais aussi contre un cadre qui aurait tenté de lui faire plaisir en lui offrant une photo encadrée d'une de ses précédentes visites. Le ministre aurait dit à l'assistance que le meilleur cadeau qu'on pourrait lui faire c'est le respect des délais de réalisation des ouvrages... Il y'a bien sûr beaucoup de démagogie dans cette sortie ministérielle mais il y'a aussi encore plus d'imbécile bassesse dans le geste de ce cadre...

Mercredi  13 avril 2005:  La nuit est assez fraîche malgré la tiédeur du jour... Les travaux de la bretelle d'accès à l'autoroute de Z'babedj el Metrouk reprennent de plus belle depuis hier, signe que le tronçon qui va de chez nous aux eucalyptus de  Kadiria ne saurait tarder à être mis en service. De passage aujourd'hui par l'évitement de Kadiria, j'ai remarqué la tristesse de l'ancienne route, d'habitude si mouvementée. Les trois stations services qui recevaient  un flot ininterrompu de véhicules chôment littéralement et à Kadiria brusquement désertée par les visiteurs de passage, les commerces habituellement florissants risquent de connaître des jours noirs. 

Jeudi  14 avril 2005:  Le Mouloud Ennabawi Ech-charif que nous devrions célébrer le jeudi prochain si aucun événement saoudien ne vient déranger le calendrier lunaire, se fait déjà sentir et entendre à l'odeur de la poudre et aux déflagrations des pétards. Sur tous les marchés formels et informels du pays, des petits débrouillards ont installé des étals de fortune sur lesquels ils proposent des trucs pyrotechniques venus d'ailleurs et strictement interdits à la vente, devant des représentants de l'ordre excessivement "permissistes"... Cette culture du bruit qui a supplanté toute autre manière de fêter ce digne événement est caractéristique de l'état de déchéance culturo-cultuelle  auquel notre société est arrivée... Les pétards se font d'année en année plus gros et les déflagrations plus décibelliques; c'est à croire que nous avançons irrésistiblement vers une sorte de Big One qui nous purifiera une fois pour toutes de ces pulsions autodestructrices que nous avons emmagasinées depuis que nous avons compris que nous devons tout faire pour être les dignes descendants de Caïn... 

Vendredi  15 avril 2005:  Le village vit au rythme des pétards. L'Imam, dans son prêche du vendredi a fustigé cette mode en citant un verset du Coran qui assimile les "dépensiers" aux "chayatine". Il n'a pas compris que toute mode est une question de gros sous et que ce ne sont pas les sermons et les serments qui feront raison entendre à ceux qui profitent de cette manne... Il aurait dû faire contre mauvaise fortune bon c?ur et faire comprendre à ses ouailles qu'il est peut être préférable de laisser les "chayatine" se défouler à coups de pétards plutôt qu'à faire les rédempteurs à coups de yatagans faute de leur expliquer qu'il faut bien que jeunesse se passe ou que la nature culturelle de l'homme elle aussi, a horreur du vide... Aux environs de 20 h, à la périphérie du village, du côté d'El Madjen, loin des déflagrations des pétards, les grenouilles font un boucan du diable et une bande de jeunes, la sono à fond, leur donne la réplique de l'autoroute en construction. Il fait assez frais et la pleine lune joue avec les nuages rendant agréables les nonchalantes promenades entre El Maasra et Djebbanet Enns'ara. 

Samedi  16 avril 2005:  C"est "la journée du savoir"... une idée loufoque a germé un jour dans la tête d'un de nos illustres fondés de pouvoir, il l'a mise en application en créant une journée pour le "savoir"... La journée du savoir correspond à l'anniversaire de la disparition d'un "3alem" ... un érudit en... sciences religieuses ! Ledit fondé de pouvoir a voulu en fait honorer son propre père qui faisait partie des "uléma"; la célébration se poursuit jusqu'à nos jours et il est heureux qu'on n'ait pas décrété cette journée fériée... il est toutefois malheureux qu'on résumât le savoir aux seules sciences théologiques mais bon... Au village, la journée du savoir s'est passée comme toutes les journées; aucune manifestation n'a été programmée par la mairie qui ne s'intéresse pas du tout aux histoires de savoir ni par l'école qui a fort à faire avec une inspection de la gestion des cantines qui, aux dires de certains, aurait dévoilé des trucs pas très catholiques dans nombre d'établissements... A la mosquée, la nouvelle équipe dirigeante s'échine à trouver des solutions aux fenêtres des deux minarets, au crépissage des murs extérieurs, à l'aménagement de la clôture et à... l'aménagement d'un couloir qui permettra aux croyantes de passer sans se faire voir par les croyants...

Dimanche  17 avril 2005:  Il a plu durant la nuit et la journée a été fraîche malgré le soleil. La commune plante des arbres sur le rebord des rues. Comme elle ne peut mobiliser ses garde-champêtres pour les protéger des mains "vandaleuses" des gosses et des incisives  grignoteuses des moutons, elle s'est résignée à les mettre en cage. Un remarquable effort de crépissage est accompli sur nombre d'habitations grâce aux dons offerts par les pouvoirs publics aux citoyens sous prétexte de les aider à réparer les effets du séisme. On dit que plus de 270 villageois ont reçu des aides allant de 12 à 100 millions de centimes pour des fissures qui, en fait, n'ont rien à voir avec la tectonique des plaques. Ces heureux élus se recrutent principalement parmi les initiés aux secrets du sérail politique local et parmi les agents des administrations. On dit que les premiers responsables de l'autorité locale ont eu la part du lion... Ceux qui crieraient à l'imposture en lisant ces affirmations sont mis au défi de la transparence: qu'ils affichent devant Dieu et Ses Hommes les listes de tous les heureux bénéficiaires de l'aide qui a suivi la bombe qu'on a fait exploser devant "dar  carillo", du séisme du 21 mai 2003, de l'autoconstruction, du glissement de terrain de cet hiver... Qu'ils aillent plus loin dans "la chafafiya" et qu'ils publient les listes de l'emploi (TUP HIMO, préemploi, vacataires etc...) ainsi que les listes des gens qu'on mobilise aux recensements et aux élections et on aura une idée précise de cette république locale des copains et des coquins...

Lundi  18 avril 2005:  Les travaux se poursuivent sur la départementale 125, sur la bretelle d'accès à l'autoroute, sur les trottoirs de la route principale et des ruelles du lotissement d'El Harka, sur les logements destinés à abriter les résidents de "la SAS"... Beaucoup de maisons ont l'air plus avenant après avoir subi un crépissage extérieur grâce à l'aide accordée pour raison de séisme... Le temps se fait de jour en jour plus beau mais les blés, les foins et les fèves sont en retard de croissance; du côté de Bled Likoul les céréales ont déjà des épis malgré leur allure rabougrie. Le village est surchargé de monde de 16 h à 0 h en dépit de la fermeture des deux cafés de la place qui furent victimes de folles enchères.

Mardi  19 avril 2005:  Les journées villageoises s'écoulent sans faire de vagues. Aucune sensation forte ne vient ébranler notre torpeur et nous passons notre temps dans une sorte d'apnée du sommeil où nous ne nous rendons plus compte de notre respiration. La nonchalance des villageois accentue cette impression de ralenti et nous n'avons même plus la chance d'entendre un gros rire, un gros juron, un gros rot... La vie nous impose souvent cette linéarité trop douce pour ne pas être suffocante. On ne sait pas quand aura lieu le prochain soubresaut et pour quelle drame mais il est certain qu'il se planifie déjà dans les arrière-salles du destin... Benoît XVI a supplée à la vacance papale ce soir. Ce fut fait à grand renfort d'apparat; le nouveau pape, réputé "intégriste", a été élu par les cardinaux dans une sorte de grande messe à laquelle le monde entier a participé par la vertu de dame télé. Ce cinéma va faire des émules chez d'autres confessions et vous verrez que l'on s'efforcera d'aller plus loin dans le cérémonial à toutes les occasions qui vont se présenter...

Mercredi 20 avril 2005:  Après le 16 avril, décrété jour du savoir pour immortaliser  la mort (!) du chantre de notre arabité, voici venu le 20 avril, date anniversaire elle aussi de notre sursaut identitaire et qui précède le 21 avril, date anniversaire de la naissance du Prophète de notre Islamité... A mon sens cela fait un peu trop et, à force de vouloir trouver nos marques, nous risquons de perdre totalement nos repères... mais bon ! tant que nous fêtons notre arabité à coups de slogans, notre amazighité à coups de pneus brûlés et notre islamité à coups de pétards, nous ne courrons qu'un seul risque: celui de créer la fête pour n'importe quoi et ce n'est pas cela qui devrait nous déranger... "Le jour de la fête, c'est la veille de la fête" dit-on. Au village comme dans tous les villages d'Algérie, cette veille dure depuis déjà un mois; mais l'apothéose est pour cette nuit et celle de demain car il faudra liquider durant ces deux nuits tout le stock de pétards ramené de la lointaine Chine par certains de nos importateurs au bras trop long... Il nous faut quand même savoir réfréner notre nausée devant cette gabegie en nous disant qu'un mouloud tonnant vaut bien mieux qu'un mouloud d'enfants de ch?ur chantant de tristes comptines à des adultes  hypocritement contrits...

Jeudi 21 avril 2005:  C'est le Mouloud. L'euphorie est à son paroxysme et la violence latente que portent nos doux chérubins s'extériorise dans l'odeur de la poudre et les déflagrations des pétards sous l'?il bienveillant des adultes qui regrettent de devoir réfréner leurs ardeurs par respect pour les convenances... Le temps se refuse encore à prendre option et se laisse tenter par quelques froidures mais sans se faire trop d'illusion car il sait que mai piaffe d'impatience d'imposer son soleil qui fait mûrir les épis d'orge, durcir les tiges de l'avoine et noircir les sourcils des fèves...   

 Vendredi 22 avril 2005:  Le calme est revenu; un calme si fort qu'il nous fait regretter le boucan de ces derniers jours et on ne sait pas ce qu'on devra inventer pour échapper à la monotonie des jours à venir... la journée fut belle malgré des passages nuageux trop hauts pour faire peser sur nos têtes une quelconque menace. Du côté de Ben Haroun, Sim qui a pris définitivement possession de l'usine d'eau minérale a marqué sa propriété en effaçant toutes traces de l'ancienne tutelle pour apposer sa griffe sans prendre la peine de changer de plaque... 

Samedi 23 avril 2005:  C'est la reprise après un week-end tonitruant. Une équipe de vétérinaires est venue vacciner les chiens de la commune contre la rage; comme il fallait bien nourrir ces braves gens, la cantine de l'école primaire a été sollicitée; mais depuis qu'un inspecteur rôde dans les alentours avec l'idée bien ancrée dans sa tête de rendre les cantines aux élèves et de faire rendre gorge à ceux qui outrepasseraient ce principe, l'école a refusé de servir les vétérinaires... la commune a alors ordonné le déchargement des bouteilles de propane de ladite cantine et qui étaient prêtes à aller se faire remplir... comme quoi, depuis le loup et l'agneau, la raison du plus fort reste bien la meilleure mais passons à des choses plus sérieuses... La photo ci dessous, montre un curieux phénomène; celui du bourgeonnement exagéré des troncs de tous les eucalyptus affectés par le gel de l'hiver passé; on remarquera que sur toute la longueur du tronc et des branches de nouvelles pousses sont sorties et ça donne aux arbres un aspect hirsute qui n'est pas sans charme. Question météo, c'est le sirocco qui a la côte... un très fort sirocco rempli de particules de sable et qui vous rend l'atmosphère grise de saleté.

Dimanche 24 avril 2005:  C'est le statu quo. Le vent s'est calmé en début de soirée mais la pluie n'est pas venue laver l'atmosphère des grains de sable en suspension ce qui donne une lourdeur facile à imaginer. La société qui prend en charge l'élargissement de la route départementale 125 a vu ses engins allégés durant la nuit, de certains de leurs organes: démarreurs, alternateurs... cela s'est passé du côté de Brachma où ces engins étaient parqués près d'un dépôt de matériaux de construction. 

Lundi 25 avril 2005:  Un jeune homme de Ben Haroun aurait succombé à une crise brutale au village après avoir été emmené au dispensaire de la SAS. Le nom du jeune homme a même été avancé mais aucune confirmation n'a pu être obtenue jusqu'à 22 h. On en saura plus demain... Les soirées printanières s'annoncent comme d'habitude très belles au village; les gens se laissent aller jusqu'à des heures avancées aux longues promenades le long de la route départementale ou même sur les chemins de traverse. La nature en pleine effervescence est remplie de bruits et d'odeurs qui vous incitent à prolonger votre contact avec elle. Un séisme d'une intensité moyenne a été ressenti dans tout l'algérois. Chez nous certaines gens l'ont vu passer et il y'eut certainement beaucoup d'entre eux qui y ont entrevu une aubaine car les catastrophes sont devenues généreusement payantes pour nos villageois.

Mardi 26 avril 2005:  Des drapeaux décorent les rues du village depuis hier. On ne sait pas en quel honneur. Peut-être est-ce pour cause de 1er mai auquel cas ce serait trop d'honneur qu'on accorderait à la fête des travailleurs au moment où le travail n'est plus à l'honneur... La météo a annoncé des foyers orageux pour ce soir; c'est vrai que le temps s'est agréablement rafraîchi mais l'espoir de voir une belle ondée d'avril ragaillardire les herbes s'estompe devant un beau temps qui trouve plaisir à faire durer son plaisir... 

Mercredi 27 avril 2005:  Tous les travaux se poursuivent... la trottoirdisation du village connaît une nouvelle péripétie; cette fois-ci, ce sont les bordures de la rue principale qui ont été enlevées pour être remplacées par des bordures flambant neuf... L'eau est revenue aujourd'hui après une éclipse qui aura duré plus de 15 jours; quand l'eau revient au village, il n'est pas besoin d'être devin pour le deviner; il n'y a qu'à voir les rues des lotissements; si on constate qu'elles ruissellent abondamment on doit conclure à sa libération... mais si l'eau coule à flots dans les ruelles du village, il n'en est pas de même pour El Maasra qui continue à attendre que les italiens qui ont détruit une partie de la conduite la refassent... il faut bien qu'ils la refassent puisque le maire leur a fait une injonction... mais comme ni les italiens ni le maire ne souffrent de manque d'eau, il faut s'attendre à ce que El Maasra continue à chercher la sienne de toutes les sources de fortune des environs.

Jeudi 28 avril 2005:  Un crime vient d'être commis sur la départementale 125... un olivier centenaire a été arraché aujourd'hui par les engins qui réalisent l'élargissement de la route. Mais s'il était permis aux arbres de solliciter leur euthanasie, il est certain que ce pauvre olivier aurait exigé la sienne pour toutes les tortures qu'il devait endurer. Il est vrai aussi qu'on ne fait pas de routes sans casser les arbres... Le temps d'aujourd'hui fut très brumeux et assez frais; nombre de cortèges nuptiaux ont profité des derniers jours d'avril pour conduire des mariées vers leurs nouvelles vies. Cette frénésie de la fin avril a une curieuse explication: tout le monde est convaincu que mai est un mois maudit pour les unions car les mariages qui s'y contractent sont infailliblement rompus avant le prochain mois de mai. Les paysannes sont si certaines des méfaits du mois du muguet et des travailleurs qu'elles ne s'aviseraient jamais de mettre des oeufs à couver durant ses 30 journées et les paysans affirment qu'il renferme en son sein une période creuse qu'on nomme "les jours vides" durant laquelle ceux qui se risqueraient à planter pois-chiches, piments, tomates etc... ne cueilleraient rien car les fleurs des légumes tombent sans laisser derrière elles autre chose que la trace des pétales... 

Vendredi 29 avril 2005:  Il y'a deux ou trois jours, un jeune homme a pénétré dans la daira (sous-préfecture) brandissant un bidon d'essence et un briquet. Il a menacé de s'immoler pour protester certainement contre sa condition ou contre une des innombrables injustices dont on se rend coupable à l'encontre de ces indigènes de citoyens... Il aurait été dissuadé de passer à l'acte par un autre indigène de ses amis mais comme la politique est toujours opportunément présente là où il y'a détresse citoyenne, d'aucuns ont prétendu et même écrit dans quelques feuilles de chou que la daira n'a pas été calcinée grâce à l'intervention d'un député... Il est certain que nous allons assister plus souvent à ces spectacles car tout est fait pour ne pas les décourager. Pour revenir à des choses plus agréables, signalons les appels éperdus des perdreaux qu'on entend  du coté de Boubekeur le soir si on veut bien faire l'effort de tendre l'oreille...

Samedi 30 avril 2005:  Journée très chaude; le décor est en train de changer de manière brutale entre Z'babedj el Metrouk et le pont sur Oued El Djemaa... de grandes blessures ont été faite au talus de la route et les aubépines, les églantiers et les genêts qui regardaient passer les voitures ne décoreront plus ces lieux. Un talus aussi abrupt que notre manière de penser fera dorénavant le spectacle; il faut tout juste espérer que nos décideurs auront l'heureuse idée de le revêtir de pierres afin que s'y dépose cette douce patine du temps qui  donnera à cette route le  "bucolisme" qui rendra agréable sa traversée...

Dimanche 1er Mai 2005:  Aissa El Baggar m'a affirmé qu'il a été contraint de ne pas labourer les trois derniers sillons de son vignoble par pitié pour ses deux ânesses car le soc de la charrue a refusé de s'incruster dans la terre trop sèche et Fatah 24 qui a planté quelques fèves en contrebas de la départementale 125 et qui est allé voir ce que ça a donné a prédit avec un air de circonstance que s'il ne pleuvait pas dans les huit jours à venir, les céréales connaîtraient une véritable catastrophe. Comme pour leur faire écho, le sirocco s'est remis à souffler. Il va dessécher les herbes et mettre à rude épreuve les épis d'orge, de blé et d'avoine qui sont en période de lactescence et qui ont besoin d'une belle rasade plutôt que de son souffle chaud. L'espoir reste toutefois permis car quand se calme le sirocco vient généralement la pluie et puis ne dit-on pas chez nous que "Mayou Mayah" (Mai est humide) ?... Nous allions oublier de dire que c'est le premier mai; la fête des travailleurs et du travail qu'on célèbre par le repos, un peu comme si on devait célébrer le journée de la femme en la rossant... mais c'est bien vrai qu'on célèbre la journée du mouton en l'égorgeant alors ...

Lundi 2 Mai 2005:  La chaleur s'est imposée avec brutalité. L'effervescence qui caractérise depuis quelques semaines tous ses recoins transformés en chantiers de construction par la vertu de la manne sismique s'est estompée sous l'effet des grosses bouffées de chaleur et c'est après le coucher du soleil que le village s'enivre littéralement de fraîcheur.

Mardi 3 Mai 2005:  Les habitants de Zeboudja ont bloqué la route dans un endroit trop stratégique pour ne pas être cause de grosses perturbations dans le trafic. Ils ont choisi l'embranchement par lequel doivent transiter tous ceux qui fréquentent cet axe routier à grande affluence que constitue la RN5. Les usagers de la route ont subi un véritable calvaire; nombre d'entre eux ont dû passer par Djébahia sans savoir que tous les chemins mènent à Zeboudja sauf celui de la montagne qui peut mener jusqu'à Ain Bessem si on a la chance de ne pas faire quelque rencontre du troisième type... La journée fut très chaude et ce n'est qu'à la nuit tombée que la "miséricorde de Dieu" est tombée sur Ses pauvres créatures.

Mercredi 4 Mai 2005:  Les innocents automobilistes qui ont dû subir l'épreuve d'hier ne savent pas que la cause de leur calvaire fut... une baraque en tôle ! C'est en effet pour avoir osé détruire une baraque aussi laide qu'inutile que les autorités de la commune d'Ain Turk ont fait souffler un vent de révolte sur quelques habitants du village de Zeboudja. Ladite baraque était placée comme une verrue sur un visage de poupin au niveau de l'embranchement fleuri qui donne accès à l'autoroute. On dit que pas moins de cinq messieurs étaient associés dans cette baraque; on dit aussi que les casse-croûte qui y 'étaient proposés aux automobilistes cachaient d'autres activités moins innocentes; on parle même de commerce de stupéfiants... toujours est-il que l'émeute qui a suivi la démolition a été jugée disproportionnée par tout le monde, y compris par nombre d'habitants de ces lieux... La journée fut très chaude mais en soirée des signes de changement climatique ont commencé à se faire voir...

Jeudi 5 Mai 2005:  Le temps s'est brutalement rafraîchi, prenant au dépourvu nombre de gens qui s'étaient mis en bras de chemises... La pluie est venue nous rappeler à son bon souvenir; une pluie très légère mais qui a le mérite de laver l'atmosphère et de fixer les poussières au sol. Des éleveurs nomades sont venus occuper certains champs du côté de "trig Mahas"; ils ont dressé leurs tentes en plein champ, comme à leur habitude et ont vite implanté une clôture sommaire dans laquelle ils feront dormir leurs bêtes; dans quelques jours la plaine herbeuse sur laquelle ils ont jeté leur dévolu se fera entièrement tondre par les incisives des moutons. 

Vendredi 6 Mai 2005:  Il fait beau... un soleil très peu insistant donne à la bise la possibilité de refroidir l'air tout juste pour le rendre agréable et la terre reconnaissante pour ces égards offre plein de fleurs à un ciel qui cache son plaisir sous une fausse fierté... Une randonnée en campagne assure de belles surprises à celui qui se donne la peine de la faire... Ci-dessous, une belle symphonie en bleu suivie d'une grosse cacophonie florale enregistrées à 10 h à 3 km du village...

Samedi 7 Mai 2005:  Le printemps risque d'être très éphémère. La pluie d'avril ayant refusé de tomber, le soleil commence à avoir raison des herbes et déjà de grandes surfaces jaunes parsèment les champs de blé, d'orge et d'avoine.

Dimanche 8 Mai 2005:  Une menace de pluie s'est très vite estompée pour laisser place à nouveau à un soleil trop fort pour ne pas être nuisible.

Lundi 9 Mai 2005:  Les travaux s'accélèrent au niveau de la bretelle de l'autoroute  en construction à Zbabedj el Metrouk; le tronçon qui relie la départementale à l'autoroute a reçu son bitume et, en contrebas, la route s'élargit à vue d'oeil sous les coupes des engins. L'amas de terre argileuse retiré de ces travaux d'élargissement est déposé à côté du pont et forme déjà une grosse montagne; il est certain que s'il y'avait un minimum de concertation, on aurait évité cette solution très peu productive; il aurait juste fallu rameuter les briqueteries des environs pour bénéficier d'un enlèvement à l'oeil de cette argile. Cette solution fut appliquée avec beaucoup de bonheur pour tout le monde lors des travaux de décapage de l'autoroute.  

Mardi 10 Mai 2005:  Un grand chantier a été ouvert à Boulerbah et les camions n'arrêtent pas de déshabiller El M'rakba de sa terre rouge pour habiller le pont qui doit permettre aux habitants de Boulerbah, Lahguiya, Chenayene etc... de rejoindre la RN 5 sans emprunter l'autoroute. On dit qu'un quidam aurait tenté d'empêcher les travaux au prétexte qu'ils empiétaient sur sa propriété; on affirme que le quidam s'est retrouvé à l'ombre... si c'est vrai, cela donnera à réfléchir à nombre de fieffés ingénus qui croient toujours que les pots de terre peuvent tenir tête aux pots de fer...

Mercredi 11 Mai 2005:  Rien à signaler hormis le tapage nocturne organisé à l'occasion du mariage du petit fils de Saoud et fils du "commandant" Slimane du côté du lotissement de Ain Ben Haggache... un mariage courageux puisqu'il a osé déroger à la tradition qui veut qu'on s'abstienne de pareilles trucs durant le mois de mai.

Jeudi 12 Mai 2005:  Au marché du village on négocie les dernières fèves vertes de la saison. La succulence des fèves est, comme tout le monde le sait, inversement proportionnelle à la longueur de la gousse et nos fèves rabougries sont réputées les plus succulentes du monde car elles concentrent tout leur goût dans le peu qu'elles donnent, contrairement aux "s'ba3i" venu d'ailleurs et qui répartit son goût sur les sept fèves que renferme la gousse... 

 

Vendredi 13 Mai 2005:  Les fenaisons risquent cette année de supplanter les moissons... On parle de plus en plus de faucher les blés en herbe car l'insuffisance  des pluies en Mars et Avril a fait que les épis ont dû se résoudre à sécher avant maturation. La venue précoce des éleveurs nomades est un signe de "mauvaise année". La société villageoise qui a perdu ses repères et s'est engoncée dans l' égoïsme et qui s'est totalement "deshierarchisée" n'a même pas pu se mobiliser pour un Boughandja ou une Salat El Istiska qui auraient rendu les divinités ou le Bon Dieu cléments envers leurs créatures. Cette "démission" sociale, voulue par les cartésiens et autres "scientistes" représente peut-être l'une des plus insidieuses et des plus redoutables entreprises de "désocialisation" de l'individu et du groupe car elle instille en eux l'idée d'impuissance et de dérision de leurs actes individuels ou collectifs mais ça, c'est de la philosophie ... 

 

Samedi 14 Mai 2005:  Le cimetière de Sidi Athmane a reçu une belle clôture. Ce sont bien sûr les pouvoirs publics qui ont financé cette opération car les citoyens n'ont pas que ça à faire. Sidi Athmane est pourtant un Saint local si vénéré que nombre de gens ne jurent que par lui. Et s'il y'avait un minimum de reconnaissance pour ce Saint, le village où il repose devrait porter son nom au lieu de continuer à  porter celui de Brachma (déformation du mot "embranchement") ou de "Gare-Omar" quand ladite gare, dans les usages des chemins de fer, continue à se faire prénommer: Gare de Dra El Mizan. D'aucuns pourraient rétorquer qu'on ne connaît presque rien de ce Saint... ils oublient qu'on ne connaît rien aussi de cet "Aomar" si ce n'est la version qui affirme qu'il dérive de "Aoumeur", une famille qui aurait vécu en ces lieux...

Dimanche 15 Mai 2005:  Belle journée; des brumes insistantes ont laissé planer l'espoir d'un peu de pluie puis se sont évanouies... A El Fasma sur les hauteurs de Ben Haroun une guérite a été construite et est occupée par la garde communale; elle est visible du village. La presse rapporte dans son édition d'aujourd'hui que nombres d'abris ont été détruits dans le djebel qui surplombe Ben Haroun et personne ne peut affirmer s'il y'a une relation de cause à effet entre cet événement et l'implantation de la guérite. En contrebas, les travaux se poursuivent à une belle cadence pour rendre infréquentable notre départementale d'habitude si calme et si placide, en en faisant un accès obligatoire pour l'autoroute. 

Lundi 16 Mai 2005:  Des nuages trop ostensibles pour être réellement menaçants ont laissé tomber quelques gouttes sales de toutes les poussières en suspens dans l'atmosphère, juste pour salir les capots des véhicules et les chemises des passants. Le marché de "Brachma" n'a pas drainé la grande foule et l'habituel bouchon était aujourd'hui insignifiant. L'opération plantation des arbustes des bords de rue est terminée; les arbres sont maintenant protégés par une nasse grillagée et des "canisses" de roseaux. Devant l'ancien dispensaire, l'embranchement de 6 chemins est en train de se faire matérialiser laborieusement; un poteau électrique en béton s'y dresse comme une verrue sur un visage de vieille fille; au lieu d'imposer à la Sonelgaz de lui changer d'emplacement on s'échine à l'entourer de bordures de trottoirs comme on le ferait pour un massif de fleurs... 

 

Mardi 17 Mai 2005:  Il a plu par intermittence durant la nuit et au petit matin; La pluie a martelé rageusement la terre mais n' a eu d'autre effet que celui de pourrir les foins déjà fauchés. Elle a toutefois réussi à rafraîchir l'atmosphère et à réduire le taux de poussière que nous nous trouvons contraints de respirer. A Boulerbah la réalisation du pont sur l'autoroute se poursuit. On affirme que le quidam dont il était question dans notre chronique du 10 mai aurait écopé de trois longs mois de prison ferme. C'est la durée prévue pour la réalisation de cet ouvrage et le juge aurait décidé de cette peine parce que le quidam aurait juré que s'il était libéré, il irait empêcher les bulldozers de faire leur travail en se couchant sur leur passage. Le juge a prononcé cette peine parce qu'il doit abhorrer le suicide... 

Mercredi 18 Mai 2005:  Journée assez fraîche. Les travaux se poursuivent sur la départementale 125 et sur le pont de Boulerbah. Les grands espaces verts virent au jaune à vue d'oeil. La région a été très durement éprouvée par la sécheresse et il est probable que nous ne verrons pas cette année le spectacle des moissonneuses raser des pans et de terre et des sacs de jute remplies de bon blé parsemant les champs. Les paysans ont dit vrai quand ils ont affirmé que ce sont les pluies du printemps qui vous font une bonne année. Les grosses précipitations de l'hiver n'auraient donc ramené que froideur et boue...

Jeudi 19 Mai 2005:  Belle journée, si la beauté des jours pouvait s'évaluer à l'intensité du soleil et au bleu du ciel. Les champs se font faucher à belle allure et dans quelques jours il ne restera du printemps que le souvenir de son passage éphémère. Pas de fêtes en ce week-end; les croyances quant aux maléfices du mois de mai sont plus ancrées dans nos m?urs qu'il n'y parait à première vue. Pour le reste, c'est toujours la même image figée: des hommes assis devant les épiceries et sur les bancs des cafés regardent passer d'autres gens en voiture vers des destinations qui semblent convenues en attendant de rejoindre la mosquée d'un pas lourd à l'appel immémorialement itératif du muezzin.

Vendredi 20 Mai 2005:  La bêtise villageoise et l'incompétence des édiles ont eu raison de ces beaux havres de fraîcheur que constituaient les deux cafés de la place publique. L'été se fera sans la nonchalance des consommateurs attablés sur les esplanades à siroter des Ben Haroun fraîches.. les sournoiseries villageoises ont en effet augmenté les enchères au delà du seuil de rentabilité: 2.5 millions de centimes pour l'exploitation mensuelle de chacun de ces estaminets... les enchérisseurs belligérants n'ont pas voulu décrocher et quand l'adjudication s'est faite, l'heureux adjudicataire n'a pas trouvé d'autre alternative que de se désister pour ouvrir un café juste en face, dans cette autre partie de la place publique, trop basse pour recevoir la bise vivifiante des soirs de canicules... Dans le registre des affaires locales, cette histoire à ne pas raconter aux enfants: c'est un monsieur qui a rendu visite à l'édile en chef; en sortant il oublie son portable... l'un des agents municipaux qui n'en est pas à son premier larcin s'en empare en promettant 2000 DA pour son silence à un unique  témoin, ancien garde armé... le monsieur saisit les services de sécurité car il tient à sa puce... les investigations de l'édile en chef lui permettent de remonter au coupable de ce haut fait d'armes... les deux complices sont entendus... l'affaire se fait clore dans un compromis qui permet de sauver les faces...  Est-ce ainsi que les hommes vivent disait l'autre et A*** El B*** a bien raison d'affirmer que notre crise est avant tout une question d'hommes... Demain on vous racontera une autre histoire.

Samedi 21 Mai 2005:  C'est une journée excessivement chaude; les champs jaunissent littéralement à vue d'?il. Une randonnée à travers champs du côté de Doumez permet de constater l'intensité de la soif que doit éprouver la terre; les crevasses qui s'y sont formées peuvent laisser passer un pied de b?uf. L'orge est prête à se faire cueillir pour les besoins du "mermez" et nombre de femmes sont dans les champs pour arracher les épis; le soir, elles rentrent en procession, tenant sur leur tête des sacs de jutes au ventre rebondi. L'histoire du jour, c'est celle de ce quidam exclu des faveurs de la cour de l'édile en chef et qui est monté jusque chez le wali pour lui rapporter les frasques de son bourreau... Faisant sien le principe qui veut que plus c'est gros mieux ça passe, il a tout déballé et en a rajouté un peu beaucoup comme dirait l'autre; il a parlé des deux rejetons qui seraient rétribués par les caisses de la municipalité, de l'émetteur d'un opérateur de téléphonie mobile qui serait placé sur la  terrasse de la mairie moyennant injuste rétribution et d'autres exemples d'abus de biens sociaux... Les responsables ont donc envoyé une commission d'enquête... celle-ci a déterminé qu'il n'y avait qu'un seul héritier de l'édile en chef qui émargeait au budget de la municipalité; elle n'a pas cherché à savoir pourquoi ni comment les autres adjoints de l'édile en chef avaient aussi des rejetons fonctionnaires;  un des membres de l'auguste commission est monté sur le toit de la commune pour dénicher l' émetteur compromettant; il n'y a trouvé que fientes de pigeons... l'affaire n'est pas allée plus loin...

Dimanche 22 Mai 2005:  A voir le volume de terre enlevé des bords de le route départementale on penserait que les ponts & chaussées vont réaliser une piste d'atterrissage... Les bulldozers ayant trouvé l'argile facile à décaper, n'arrêtent pas de grignoter le talus. C'est vrai que sans l'autoroute personne n'aurait pensé à rendre praticable cette voie de circulation dont on ne rappelle que lorsque la RN 5 se fait bloquer par l'incivilité des citoyens conducteurs ou le zèle des  motards ou se fait  couper par des glissements de terrains ou des humeurs de Gavroches entre Aomar-Gare et Zéboudja car elle représente alors l'unique voie de dégagement. A El Madjen, dans la  lagune d'eaux stagnantes polluée par le déversement sans traitement des eaux usées des  égouts d'El Maasra et de la base vie des italiens de Garboli, des gamins à l'abri des regards dans une crique s'ébattent voluptueusement dans une eau boueuse au milieu des jonquilles. Les maires d'Aomar et de Djébahia qui ne doivent jamais avoir mis les pieds en ces lieux si éloignés n'ont jamais pensé à donner aux enfants des piscines pour s'y ébattre et n'auront jamais l'idée de placer sur le bord de cette mare de tous les risques,  un panneau d'interdiction de baignade; les services sanitaires eux, ne font pas dans la prévention; c'est lorsque se déclarent les épidémies qu'ils mettent leurs blouses blanches immaculées pour venir juguler les effets quant aux parents des gamins; ils ont fort à faire au café, à la mosquée ou au marché pour se préoccuper de ces questions si puériles... L'histoire d'aujourd'hui, c'est celle de l'eau d'El Maasra... vous vous souvenez sans doute que la conduite communale qui sert ce hameau a été endommagée par les italiens qui réalisent les travaux sur l'autoroute... le maire ayant été saisi aurait immédiatement envoyé une mise en demeure aux ritals; ces derniers ont bien sûr fait la sourde oreille... La coupure à duré plus de trois mois et les habitants se sont faits à la pratique du jerrycan... Les sources se tarissant petit à petit à l'approche de l'été, les habitants ont décidé de réparer le tort fait pas les italiens et non corrigé par les autorités locales; durant plusieurs jours ils se sont échinés à remettre de l'ordre dans la canalisation et ce soir l'eau devait à nouveau couler dans les robinets en attendant qu'un autre engin des turcs qui réalisent le tunnel de D'hamnia vienne endommager à nouveau la conduite et que le maire leur fasse une mise en demeure à laquelle ils répondront par un haussement d'épaules ... 

Lundi 23 Mai 2005:  La lassitude générale peut être illustrée par la désaffection pour le marché hebdomadaire  de "Brachma"; aujourd'hui nous n'avons même pas eu un embouteillage digne d'être cité puisque le bouchon qui s'est très vite délité n'a pas atteint "El Koudia el hamra". Le gros du travail a été fait sur la départementale 125 qui ressemble maintenant à un long stade méandreux... Du côté de l'ancien dispensaire, un entrepreneur chargé de refaire les trottoirs joue à l'artiste en aménageant à sa guise le carrefour; il faudra que le conseil communal interdise l'accès aux lotissements pour les poids lourds car il n'est pas certain que camions et tracteurs puissent passer en ces lieux sans chevaucher les bordures de trottoirs et les terre-pleins qui y ont été aménagés.. L'histoire du jour a pour théâtre Harchaoua qui a bénéficié d'une opération d'évacuation des eaux usées. Des égouts y ont en effet été construits; ça slalome entre les mansardes puis ça va se perdre du côté de Ghar Marwane. L'entrepreneur a "oublié" de couvrir les fosses intermédiaires et pour éviter à leurs bêtes de se casser les pattes en les posant par mégarde dans le vide, les paysans des lieux ont rempli de branchages et d'herbe ces pièges potentiels. Ces insuffisances n'ont pas été jugées dignes de faire l'objet de réserves de la part des services techniques qui ont  apposé leur visa sur son PV de fin de travaux. L'entrepreneur s'est présenté devant l'édile en chef  pour se faire payer; l'édile en chef  l'a renvoyé vers son chantier... La question que se pose les ingénus c'est de savoir comment les services dits "techniques" ont osé signer un PV sans s'assurer que les travaux n'étaient pas terminés; les petits malins eux, savent que le PV est presque toujours une simple formalité...

Mardi 24 Mai 2005:  On sait depuis toujours que les ministres sont sadiques; notre ministre de l'éducation - et non de l'instruction car nous avons une fâcheuse tendance à faire les rédempteurs au lieu de nous confiner dans le rôle plus modeste et surtout plus noble d'instructeurs, notre ministre disais-je est pire que les autres; il n'aime pas les enfants et trouve plaisir à les faire souffrir... Ne voilà t'il pas en effet qu'il vient de les forcer à se taper la chaleur de cet été précoce sur les bancs des écoles ?... Devant les lycées et collèges, comme il est de coutume, la terre est depuis quelques jours jonchée de feuilles déchirées; les potaches qui s'étaient déjà mis en vacances ont été brutalement rappelés à l'évidence que leur bonheur reste tributaire des humeurs d'un adulte. Cela aurait pu paraître normal si c'était vraiment l'inculcation des connaissances qui motivait cette décision ministérielle... hélas non... ce cas d'autoritarisme déplacé est très fréquent dans nos contrées; il résulte d'une poussée d'arrogance ou d'un besoin de vengeance (dans ce cas c'est peut être plus une manière de sanctionner les enseignants qui se sont mis au syndicalisme qu'un moyen de développer les connaissances de l'élève) et dans tous les cas, on privilégie la forme au fond... et on est sûr, à chaque fois, de trouver une clique qui fait la claque...  Ce sera notre histoire du jour; le village quant à lui, continue à somnoler nonchalamment sous la chaleur diurne et la douce tiédeur nocturne ...

Mercredi 25 Mai 2005:  C'est la société STC qui effectue les travaux d'élargissement du tronçon de la départementale 125 reliant la RN5 à la nouvelle autoroute. STC est une société de salariés issue de cet empire que constituait l'ENCOTRABA (Entreprise communale des travaux du bâtiment de Bouira). La société mère fut disloquée et répartie entre plusieurs collectifs de travailleurs; certains de ces collectifs ont essayé d'activer; d'autres ont préféré tout vendre pour se partager le pactole, le consommer en moins de temps qu'il ne faut pour l'encaisser puis faire le pied de grue devant les employeurs privés ou émarger au secours public. STC, sous la férule de son jeune et dynamique gérant, Monsieur HAOUALI, a su tirer son épingle du jeu, du moins jusqu'à aujourd'hui. Pourtant, personne n'aurait misé un sou troué sur cette société qui s'était donné comme par une sombre prémonition ce nom bizarre que d'aucuns ont vite traduit par: "Solde de Tous Comptes"... La photo ci dessous montre STC dans ses oeuvres avec un matériel amorti 10 fois... Nous ne l'avons pas publiée pour lui faire de la pub mais juste pour vous donner à voir un paysage que vous ne verrez plus dans très peu de temps. L'olivier sauvage qui a poussé sur le talus de l'ancienne route et qui saluait de manière presque audible les usagers est en train de vivre ses dernières heures; c'est triste mais que voulez-vous ? on ne fait pas de route sans déraciner les arbres disions-nous dans cette chronique, le 28 avril...

Jeudi 26 Mai 2005:  Le pont de Boulerbah devrait être bientôt opérationnel; ce qui permettra d'ouvrir tout le tronçon d'autoroute entre Lakhdaria et Djebahia. Le Premier Ministre Ouyahia a parlé hier de Ben Haroun... non pas du Saint Homme qui repose en ces lieux ni des braves personnes qui comptent sur sa bénédiction pour échapper à un quotidien chaque jour un peu plus compliqué; non, monsieur Ouyahia a parlé des extraordinaires vertus de la privatisation qui auraient permis à l'usine d'eau minérale de tripler sa production, de gonfler de 3000 DA les salaires des ouvriers et même d'exporter une partie de sa production vers un pays maghrébin qu'il n'a pas cité et tout ceci en  quelques semaines !!!!. Pourquoi citer Ben Haroun en exemple ?... d'aucuns vous cligneront de l'oeil en vous rappelant qu'ils vous avaient bien dit que notre premier ministre aimait bien l'eau de Ben Haroun; ils vous parleront de cette bouteille ostensiblement posé sur la grande table ronde du conseil des ministres juste avant que la décision de privatisation de l'usine soit prise... Monsieur Ouyahia a raison de vanter les performances du secteur privé qui fait du superlatif en tout sauf... en fiscalité. Mais il aurait dû nuancer pour que ses interlocuteurs puissent comprendre qu'il ne s'agit point d'une quelconque question de compétences managériales mais d'une simple question de statut... car les compétences managériales existaient et existent encore dans le secteur public mais elles sont tout simplement bloquées par la chape de bureaucratie que leur impose le pouvoir politique dont monsieur Ouyahia n'est pas le moindre des représentants... Et pour s'en convaincre, il suffit de lire la circulaire qu'il a diffusée depuis peu aux banques et qui leur exige de se plier à des exigences qui en font de simples guichets... mais ça, c'est de la  politique, laissons la aux politiciens et si les banquiers et autres dignes servants du secteur public trouvaient que leurs compétences managériales étaient bloquées effectivement par les interventions intempestives de l'autorité politique; ils devraient remettre le tablier car la démission qui est un acte de grand courage est souvent aussi un décision de haute compétence... 

  Vendredi 27 Mai 2005  Journée de grande ferveur religieuse et de grosse chaleur aussi. Les fenaisons se terminent et l'opération bottelage est déjà pleinement entamée. L'odeur des foins imprègne l'atmosphère et vous fait revivre "la terre" de Zola avec ses pulsions libidineuses et ses passions viscéralement terriennes. Plus terre à terre, au village, la trottoirdisation continue à notre cadence; le kiosque du haut de la place a réouvert en bleu: tables et chaises bleues, parasols bleus; c'est d'un assez bon goût. Le village a aujourd'hui le choix entre deux cafés tenus par d'irréductibles adversaires; il va permettre une décantation salutaire pour les consommateurs, favoriser les palabres réciproques, et obliger les villageois à se déterminer; il restera aux embusqués des deux bords les trois autres cafés périphériques pour s'éviter des étiquettes.

Samedi 28 Mai 2005:  L'été se fait chaque jour plus présent; il est rare maintenant de trouver un espace vert. Les moutons des éleveurs nomades finissent le travail du faucheur en grignotant les tiges qui ont échappé aux faucilles. Les cafés ont sorti toutes leurs tables et les joueurs de domino se laissent aller à leur hobby dans la fraîcheur des soirées. Le domino se joue dans le grands coups sur la table et les vociférations sans lesquelles il perdrait et son charme et son rôle destressant aussi bien pour ses pratiquants que pour les spectateurs qui s'agglutinent autour d'eux.  Après une éclipse qui a duré une décennie car les gens n'avaient pas le c?ur à ça, il est revenu en force et il me semble que c'est le café de "La Sas" qui enregistre les meilleures joutes; celui de la poste perdant chaque jour des habitués du fait de l'absence de charisme du nouveau cafetier qui y officie

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Dimanche 29 Mai 2005:  Mai se meurt en emportant avec lui les dernières bribes d'un printemps trahi par la pluie et qui s'est fait vieux avant que d'être. L'intervention du premier ministre au sujet de Ben Haroun n'était pas fortuite; elle aurait été motivée par celle de Zarat le député PT de notre région qui lui a donné du grain à moudre (l'allusion ne peut être déchiffrée que par les initiés aux commérages sur les hautes coulisses) et monsieur Ouyahia pas photo s'est donné plaisir à démentir ces allégations perfides contre la privatisation dont il a fait son cheval de bataille, FMI oblige... La passionaria du PT a par la suite répondu à Monsieur Ouyahia bon banania en lui précisant que les 3000 DA d'augmentation dont ont bénéficié les heureux ouvriers qui sont passés d'un statut à un autre ne représentaient qu'une sorte d'aumône de l'Achoura mais comme notre Ouyahia rien à ajouter n'est pas porté pour la polémique, il a fait semblant de ne rien entendre... La France boude l'Europe juste pour faire enrager Chirac et montrer que la sétifienne est plus perspicace que bibi... Juste au moment de la fermeture des urnes et de la diffusion des premières estimations, le courant a sauté chez nous, nous enjoignant d'aller nous faire voir chez Morphée, comme pour nous dire que ce problème franco-européen ne nous concernait pas. Le courant est revenu très tard dans la nuit.

Lundi 30 Mai 2005:  c'est une journée trop anodine pour laisser une quelconque trace de son passage; une de ces journées qu'on croit ne pas avoir vécues... Essaid Zarifi est à l'hôpital. Il s'est assez sérieusement blessé dans un accident de la circulation mais tout de même beaucoup moins que ce que la rumeur a colporté. La place du village est sérieusement prise en charge; du gazon y a été planté dans ses plate-bandes et un projet de reconstruction de la stèle des Martyrs est, semble t'il, en gestation dans le ventre fécond de l'administration. Amar Ch'kara a été désigné gardien et jardinier; il aurait même été titularisé et c'est une très bonne chose, pour le sympathique Amar "le sac" qui mérite une stabilité professionnelle mais aussi pour le jardin publique car, à voir le zèle avec lequel il accomplit sa mission, on devine que les vandales n'auront pas  la tâche facile.

Mardi 31 Mai 2005:  Il a fait très chaud et une très forte humidité a fait suer les gens comme des phoques (comme on dit). Le soir le vent s'est levé avec une grosse brutalité et quelques gouttes de pluie sont tombées sur une terre avide qui les a bues goulûment. A 22 h le vent a redoublé de férocité mais le courant a résisté jusqu'au moment où ces lignes ont été écrites (23 h 08). La douche publique d'El Bessami  devrait certainement changer de vocation car des travaux d'aménagement y sont effectués. Le café en face de la poste a fermé ses portes sans doutes pour incompatibilité d'humeur entre le propriétaire des murs et le tenancier.

Mercredi 1er Juin 2005:  Un vent d'une violence inouïe souffle depuis hier sur la région. Il a eu raison des nèfles, des raisins et des abricots. Il n'est pas certain qu'il ne fera pas de dégâts aux maigres céréales que la sécheresse a épargnées. L'atmosphère est très sale du fait des particules que soulève le vent; dans pareille ambiance, les humeurs des gens sont, elles aussi, d'une grosse saleté et il n'est pas recommandé de s'étaler dans les discussions car ça dégénère infailliblement en dispute si ce n'est en bagarre. Les logements sociaux de la cave et des eucalyptus vont bientôt être distribués; les heureux bénéficiaires sont les résidents des cités gourbis de l'entrée du village et des eucalyptus de la sonde et du moulin. Les personnes déplacées ne vont pas avoir cette fois-ci la chance de vendre leurs chaumières à plus infortunés qu'eux puisqu'il paraîtrait que le bulldozer suivra les camions de déménagement. Rappelons que ces chaumières ont vu se succéder des dizaines d'occupants car à chaque fois que l'autorité décide de reloger ceux qui y habitent, d'autres familles viennent squatter les lieux...

Jeudi 2 Juin 2005:  Le vent a fini par se calmer et à la chaleur de la journée a succédé une très agréable fraîcheur en soirée. Des embruns ont même couvert tout l'horizon laissant entrevoir un espoir de pluie. Les fêtes bloquées par mai ont repris de plus belle dès la venue de juin; aujourd'hui deux mariages sont célébrés au village; le premier chez Si Lakhdar, le second chez les Meslem de "la SAS". L'ambiance est donc très festive. Boostés par la manne distribuée aux pseudo sinistrés, de nombreux villageois construisent, reconstruisent ou retapent leurs logements; la mode en matière de crépissage extérieur est à au moucheté et on n'arrête pas d'y aller de la tyrolienne. Malheureusement, la touche finale est toujours de trop; au lieu de crépir le mur de manière uniforme, des maçons au goût douteux ont inventé l'art de décaper et de lisser les piliers puis de les peindre selon la disponibilité de la peinture ou le goût personnel, en blanc, vert, bleu, jaune, rouge... Le village aurait été d'une grande beauté si la municipalité ou les services de l'urbanisme avaient imposé une même couleur par îlot. Mais un avant goût nous a été offert par le maire qui a peint sa demeure en rouge; la cacophonie des couleurs est criarde et on a même vu une maison toute de violet peinturlurée...

Vendredi 3 Juin 2005:  Les embruns continuent à couvrir l'horizon et ce n'est pas pareil climat qui inciterait les estivants à aller bronzer sur les plages. Si ça continue comme ça, nous irons vers un été aussi peu propice aux vacances que celui que nous avons vécu il y'a deux ou trois années de cela. Le wali d'Alger qui n'a rien trouvé d'autre à faire, vient de pondre un arrêté interdisant aux poids lourds de déranger la quiétude de ses administrés. Cette décision a soulevé un tollé et il est certain que notre preux wali va revoir la copie de son arrêté pour aller de dérogation en dérogation jusqu'à le vider de toute sa substance et l'on se demande pourquoi nos fondés de pouvoir s'échinent à chaque fois à imposer des procédures, des interdictions, des obligations etc... avant de s'assurer de leur "exécutabilité"...

Samedi 4 Juin 2005:  Début des épreuves du BEF. Cette année, notre inénarrable ministre de l'éducation nationale n'a pas trouvé mieux que d'introduire une sorte de piège pour empêcher les enseignants tricheurs de favoriser leurs rejetons et ceux de leurs copains; il a décidé de donner un coefficient de 3 points à la moyenne obtenue au BEF et un seul point à la moyenne annuelle pour déterminer le passage en seconde (1ere année secondaire comme on dit maintenant). Notre pauvre ministre ne sait pas que si l'honnêteté et la compétence font défaut à nombre de nos enseignants, ils conservent quand même suffisamment de solidarité pour se pistonner réciproquement durant les épreuves ou les corrections...

Dimanche 5 Juin 2005:  Consternation !... Ali Azrarak, l'adjoint maire d'Aomar a été tué par balles hier aux environs de 18 H à la station service d'Aomar. Ali Azrarak était enseignant avant d'être appelé à briguer dans une liste FFS l'assemblée populaire communale d'Aomar. C'était un homme affable et d'une grande disponibilité qui prenait à c?ur son rôle d'élu. On ne lui connaissait pas d'ennemis. La population de la région est sous le choc de cette nouvelle brutale et on constate, à l'évidence que certains ressorts se sont brisés.

Lundi 6 Juin 2005:  Le marché de "Brachma" n'a pas drainé la grande foule et pour cause ! C'est à treize heure que le défunt Ali Azrarak, adjoint maire d'Aomar a été inhumé en présence d'une assistance très nombreuse au devant de laquelle se trouvaient les autorités administratives et les cadres du FFS auquel le défunt était affilié. L'enterrement s'est fait proprement au cimetière d'Assila à quelques mètres du domicile mortuaire et l' oraison funèbre ne s'est pas transformée en tribune politique comme il est de coutume dans les enterrements de personnalités des villes. La population est toujours sous le choc et s'essaie à des hypothèses sur cet assassinat que rien n'explique.

Mardi 7 Juin 2005:  Le village se la coule douce entre la chaleur léthargique du jour et la fraîcheur vivifiante des soirées. Les partisans des libations attendent le crépuscule pour se rincer la glotte du côté de Bou'tboul; chaque soir ils reviennent sur le lieu où ils ont fait la fête la veille et les canettes n'arrêtent pas de s'entasser... Le maire a réagi à la menace de recourir à internet pour dénoncer l'état d'abandon dont souffre la tombe de Si Djebah, le martyr qui a donné son nom au village; une armée d'ouvriers s'est affairée à nettoyer l'endroit des mauvaises herbes qui y avaient poussé et à récurer les carreaux de faïence qui font office de dalle de marbre. Les barreaux de très mauvais goût qui entouraient la tombe et dont les écarts thermiques avaient eu raison des peintures ont été peinturlurés n'importe comment. L'opération "trottoirdisation" du village se poursuit laborieusement.

Mercredi 8 Juin 2005:  Les travaux d'élargissement de la départementale 125 se poursuivent. Des confortements en gabions se font parallèlement sur les talus en contrebas de la route. Sur les marchés de la région, l'heure est à la nèfle et à l'abricot. Des pastèques de gros calibre nous sont venues, certainement des régions du Sud; elles se vendent à 50 DA le Kg et il est rare, pour ce prix là, de voir se former une chaîne devant ceux qui les proposent. Les premières nichées de moineaux ont pris les airs. Nombre d'oisillons n'auront pas le loisir d'effectuer un second vol car des chats gourmands veillent strictement au respect de la sélection naturelle.

Jeudi 9 Juin 2005:  Le temps est relativement frais. Il faut espérer qu'il n'aura pas l'idée de nous faire le coup qu'il s'est permis de faire à certains habitants d'outre méditerranée qui se sont retrouvés héberlués devant un manteau de neige. C'est aujourd'hui que Nacer Adjoudj s'est religieusement liée à une fille de Bouira. La cérémonie, tout un rituel, s'est déroulée à la mosquée de Dra El Bordj. Si Hamid était présent... comme à son habitude, il était pressé que finisse le cérémonial; devant la mosquée, il avait déjà exprimé son impatience et clamant: " que Mimouna soit confiée aux bon soins de Mimoun et qu'on en finisse !"

Vendredi 10 Juin 2005:  Il n'y a rien à signaler; la vie poursuit son cours dans l'indifférence générale; les premières figues précoces "bakour" ont fait leur apparition sur les étals; cette année elles seront peut-être comestibles contrairement à l'année passée où leur calibre et leur apparence cachaient un pourrissement intérieur dû à quelque dysfonctionnement climatique. Deux moissonneuses ont traversé le village tout à l'heure; la campagne moissons-battage devrait commencer incessamment; on ne sait pas ce qu'on pourra récolter cette année mais il est certain que ce sera loin d'être une performance en considération de la sécheresse qui a sévi durant tout le pritemps.   

Samedi 11 Juin 2005:  L'heure est au baccalauréat. Comme pour mieux corser les épreuves, le temps s'est mis à la canicule.

Dimanche 12 Juin 2005:  Le soleil a tellement redoublé de férocité qu'il a fâché le ciel au point de lui faire perdre la notion du temps et de l'inciter à lancer des hallebardes... Ca a duré quelques minutes puis ça s'est calmé et pour tout résultat nous eûmes un surcroît d'humidité. Le climat pourri de cet été favorise une extrême prolifération des moustiques et tout le monde se plaint de passer des nuits blanches. Pour le reste, c'est toujours la même rengaine sur laquelle il est inutile de s'étaler.  

Lundi 13 Juin 2005:  Chaleur et humidité sont notre lot d'aujourd'hui. A 18 H une averse a nettoyé l'air des poussières soulevées par un très fort vent nocturne. La pluie n'a pas eu le temps de transformer la terre en boue qu'elle s'est évaporée mais elle a laissé une belle impression de fraîcheur qui permet d'espérer que le sommeil ne sera pas difficile à trouver.

Mardi 14 Juin 2005:  Brachma...  le marché de voiture n'attire plus la grande foule. Les mesures prises par les pouvoirs publics pour éliminer de la course les vieilles bagnoles semblent avoir refroidi tout le monde... C'est la dernière journée d'épreuves pour les candidats au bac; les examens se sont déroulés semble t'il sans problèmes.  

Mercredi 15 Juin 2005:  L'ambiance est festive. Les réjouissances ont repris et dans nombre de quartiers l'heure est à la musique. Ce qui est dommage, c'est cette mode de la chaîne stéréo qui diffuse à gros renfort de décibels des chansons à la musique et aux textes douteux. Avant, c'était franchement mieux, quand les femmes chantaient en ch?ur des airs du cru. Les paroles et les rythmes  de ces airs risquent de se perdre et ce sera impardonnable pour une région qui n'a pas grand chose à proposer en matière de culture et qui, pour échapper à son indigence s'est investie ostensiblement dans un prosélytisme ombrageux qui lui a ôté le peu de folklore qu'elle possédait...

Jeudi 16 Juin 2005:  Toujours rien à signaler... le marché du village offre surtout des nèfles, abricots et pêches et bien sûr les piments et tomates. Il fut un temps où les légumes nous venaient des monts de H'Djita; arrosés de l'eau fraîche et pure d'El Barda, ces légumes avaient la saveur sauvage du lentisque et du genévrier... ces richesses du cru ont été laminées par l'invasion des hybrides venus d'ailleurs et cultivés sous serres à Biskra et Ain Defla. C'est vrai qu'ils sont plus beaux et plus charnus mais ils sont très loin d'avoir le goût de ceux qui se laissaient cultiver avec amour là haut sur la montagne et dont les feuilles les gorgeaient de soleil le jour et de lune la nuit et les racines les saturaient de tous les sels minéraux que renferment les profondeurs de nos terres.

Vendredi 17 Juin 2005:  Rien de particulier n'est venu donner du relief à ce jour de piété qui a fini par obéir à un rituel immuable... Un vent de fraîcheur souffle sur la région; on dit que c'est cette brise vivifiante qui fait mûrir les figues précoces. C'est vrai que par moment ça vire littéralement au froid malgré un mois de juin d'habitude plus estival. 

Samedi 18 Juin 2005:  Reprise laborieuse après un week-end langoureux. La frénésie habituelle a laissé place à une grosse nonchalance. Les élèves des lycées et collèges sont en vacances; les fourgons de transport de voyageurs se raréfient et les rues se font moins animées. Les locaux commerciaux des rez-de chaussées des logements de la cave ont été vendus aux enchères; comme d'habitude, la publicité sur ces enchères s'est faite en catimini afin de profiter aux seuls initiés du sérail. La liste des heureux acquéreurs renseignera sur cette autre perfidie de notre gestion locale.

Dimanche 19 Juin 2005:  Les résultats du BEF sont affichés, le Collège du village aurait obtenu un record en matière de réussites. Beaucoup de villageois commencent à appréhender cette période; experts dans l'art de détourner les réjouissances pour en faire des épreuves, nous avons en effet imposé un rituel totalement inopportun et qui nous contraint à rivaliser en cadeaux aux heureux lauréats. La surenchère s'est tellement endiablée qu'elle a atteint des seuils que le commun d'entre nous ne peut franchir sans altérer durablement sa capacité de survie (financièrement parlant). Il est certain qu'aucun homme politique, aucun homme de culte, aucun responsable de mouvement associatif ne viendra mettre un holà à cette frénésie en recommandant par exemple l'octroi de cadeaux-symboles à la place des cadeaux-oboles... Dans un tout autre registre, c'est aujourd'hui l'anniversaire du "redressement révolutionnaire" mais comme le redresseur n'est plus de ce monde et que le redressé est toujours vivant, les acteurs du redressement ont décidé de ne plus fêter l'événement en décrétant son jour anniversaire férié... Il est vrai qu'il est plus facile de tromper un mort que de devoir supporter  l'animosité d'un vivant... comme quoi les principes sont tout sauf inamovibles.  

Lundi 20 Juin 2005:  L'heure est aux réjouissances pour les heureux lauréats du BEF. Le deuxième minaret de la mosquée est en voie de finition; les arbres des bords de rues poussent à vue d'?il sous l'arrosage régulier qui leur est concédé. En contrebas du village, la route continue à se faire élargir sous les ahans des engins. Les moissons ont atteint leur vitesse de croisière mais derrière les moissonneuses - batteuses, la proportion de sacs de blé par rapport aux bottes de paille est dérisoire, signe que la sécheresse est passée par là. Autre signe évident: celui de la paupérisation qui a atteint de larges couches de la population et qu'on voit à travers  les processions de femmes ramassant les épis tombés des moissonneuses; un spectacle habituel durant la colonisation mais qui a totalement disparu durant les années socialistes et qui revient en force avec le libéralisme débridé que nous imposent OMC et FMI.

Mardi 21 Juin 2005:  on ne va pas faire la fine bouche et pour une fois on ne s'auto flagellera pas... notre Collège a eu le mérite d'obtenir le meilleur pourcentage de réussite au BEF et la meilleure note de la Daira et nous sommes obligés de tirer chapeau aux responsables, aux professeurs, aux travailleurs et aux élèves. Les journaux font état de cette prouesse dans des entrefilets laconiques mais c'est tout à fait normal... encore heureux qu'ils n'aillent pas crier à la fraude afin de diminuer ou de nier le mérite d'une population qui ne compte pas un seul correspondant de presse et qui n'a aucune voix au chapitre dans les colonnes des journaux hormis quand il s'agit d'exactions des groupes armés... pour vous convaincre de la véracité de cette affirmation, reportez vous donc au plus proche des moteurs de recherche sur Internet et vous saurez ce qu'on écrit quand on écrit sur notre région... C'est vrai que nous le méritons un peu, mais tout de même !...

Mercredi 22 Juin 2005:  La nouvelle est tombée comme un couperet après 20 h... un accident de la circulation du côté de Kalous aurait fait deux morts... une jeune fille et un homme qui travaillent dans une société étrangère... La jeune fille est de Djebahia, le jeune homme de Ben Haroun. L'information étant toujours au conditionnel, nous préférons taire les noms de ces personnes. Mais si elle est vérifiée, il faut dire que c'est terrible pour les proches des deux victimes... L'accident a effectivement eu lieu à Kalous puisque j'ai eu confirmation de ce fait à 22 h 30 par un habitant des lieux qui m'a même décrit les circonstances dans lesquelles l'accident s'est déroulé; c'est en se rabattant totalement à gauche pour éviter un camion chargé de bottes que la voiture dans laquelle se trouvaient les victimes a été percutée de plein fouet en son milieu... Le jeune homme serait mort sur le coup tandis que la fille aurait été sortie vivante du véhicule mais un villageois m'a affirmé qu'elle était morte sans plus de précisions. Demain on saura la vérité.

Jeudi 23 Juin 2005:  La nouvelle tragique d'hier est hélas confirmée... C'est Roza Meddahi, la fille de Moh' Tahar et un jeune homme de la famille Bouferkas de Ben Haroun, le fils d"El Borno" qui ont trouvé la mort hier dans l'accident de la circulation dont nous avons parlé. Ils travaillaient avec la société irtalienne GARBOLI et c'est sur un véhicule de service qu'ils sont morts.  Les deux malheureuses victimes de ce triste coup du sort ont été enterrées après la prière de l'Asser... La route départementale 125 a été elle aussi le théâtre ce soir d'un autre accident. Deux jeunes hommes un peu trop excités selon des témoins oculaires ont dérapé et sont allés se perdre sous le talus en contrebas de la route. L'ambulance de la protection civile d'Aomar les a évacués vers l'hôpital de Lakhdaria sans qu'il nous soit donné de connaître le degré de leurs blessures... Ces deux jeunes hommes seraient d'Aomar.

Vendredi 24 Juin 2005:  La canicule s'est brutalement abattue sur notre région. Depuis hier il fait une chaleur épouvantable. Dans ces conditions extrêmes, il vaut mieux s'éviter tout effort aussi nous arrêterons notre chronique à ce constat en attendant qu'une providentielle bise vienne nous revigorer les méninges...

Samedi 25 Juin 2005:  Encore une journée de grosse chaleur. On ne sait pas si ça a un rapport de cause à effet, mais c'est aujourd'hui que la tante de Essaïd et Mohamed Zarifi a décidé de faire l'ultime voyage. Elle a été enterrée ce soir au cimetière de Boubekeur.

Dimanche 26 Juin 2005:  La canicule sévit toujours. Le sirocco a eu raison des figues précoces; il a fait tomber les prunes et a contraint les abricots à une rapide disparition; il a chassé les nèfles des étals et a ramené pastèques et melons. Il a fait mûrir massivement les tomates et les poivrons, les courgettes et les haricots entraînant une baisse de la mercuriale, proportionnelle à la montée du mercure.

Lundi 27 Juin 2005:  Un long détour par Ain Bessem, Tablat, Guerrouma et Lakhdaria m'a permis de voir une population laborieuse vaquer à ses occupations. D'insoupçonnables jardins parsèment les reliefs tourmentés et l'eau y est omniprésente. Les habitants des lieux proposent la figue fraîche à 30 DA, la prune à 10 etc... Sur les hauteurs menant à Zbarbar, l'air est d'une grande pureté et la sérénité des lieux détonne très fort par rapport à leur réputation.

Mardi 28 Juin 2005:  il fait toujours très chaud mais à voir ce qui se passe en Europe, nous ne trouvons pas matière à nous plaindre.

Mercredi 29 Juin 2005:  Les premiers raisins font leur apparition sur les étals des marchands de légumes; les pastèques ont littéralement chassé les abricots; les cerises et les 

Jeudi 30 Juin 2005:  Rien à signaler... l'été continue à imposer sa canicule diurne et ses moustiques nocturnes.

Vendredi 01 Juillet 2005:  On remarque un net changement dans les habitudes de travail de la STC qui réalise l'agrandissement de la départementale 125. La société de salariés a été rachetée par un privé; elle vient d'apprendre que les week-ends peuvent être aussi des journées de travail.

Samedi 02 Juillet 2005:  Le second minaret de la mosquée est terminé; ce fut laborieux mais l'oeuvre est honorable en tous points de vue.

Dimanche 03 Juillet 2005:  La canicule sévit avec rage. Le gazon planté sur la place publique pousse dru sous les arrosages soutenus de Amar Chkara; devant la mosquée et la garde communale, les mûriers des bords de rues poussent eux aussi à vue d'oeil; leurs feuilles dépassent déjà les cages de roseaux dans lesquelles on les a abrités des mains des vandales en herbe.

Lundi 04 Juillet 2005:  Les résultats du bac ont été affichés par les lycées alors que le site web de l'office National des Examens et Concours est resté fermé pour cause déclarée de "maintenance". Aux dernières nouvelles, le Collège de Djébahia aurait été classé 4eme à l'échelle nationale aux résultats de BEF; l'école primaire de Djébahia aurait eu 60% de réussite en 6eme, se classant très loin derrière l'école primaire d'El Madjen qui aurait réussi une performance de 90%.

Mardi 05 Juillet 2005:  Le village s'est laissé pavoiser aux couleurs nationales. Devant le siège de l'ONM, mitoyen avec celui du RND et qu'on n'ouvre qu'à l'occasion des fêtes patriotiques ou des élections, il y'avait quelques vieillards qui se préparaient à 8 H à rejoindre le cimetière des Martyrs situé la haut sur la montagne. Un cimetière dont on ne se rappelle qu'en deux dates historiques: le 1er Novembre et le 5 Juillet et entre le 1er Novembre de l'année passée et le 5 juillet de cette année beaucoup de mois ont passé... beaucoup de vandales aussi puisque les dalles mortuaires ont été dégradées... Devant la mairie, il y'avait aussi une certaine fébrilité; là, on fête ces anniversaires à coup de limonade et de pâtisseries et ça a la vertu d'attirer plus de monde que les sermons affectés.  

Mercredi 06 Juillet 2005:  Le village vit sa léthargie estivale que ne vient troubler nul événement digne d'être rapporté.

Jeudi 07 Juillet 2005:  Les drapeaux du 5 juillet continuent à flotter sur les rues. L'eau est absente des robinets depuis belle lurette et les autorités locales semblent très peu s'en soucier.

Vendredi 08 Juillet 2005:  Journée de piété... l'Imam s'en est pris dans son prêche à la musique des DJ qui a supplanté les belles mélodies des femmes et à remplacé la douceur par des décibels mais ce ne sont pas les décibels qui gênent nos hommes de foi; c'est la réjouissance "païenne" qu'ils trouve antinomique avec les principes de la religion... 

Samedi 09 Juillet 2005:  Le gazon a poussé dru sur les plates-bandes de la place publique où les villageois viennent savourer la fraîcheur vivifiante des soirées d'été autour de Ben Haroun glacées. La distribution des logements sociaux a fait beaucoup de mécontents aussi bien parmi ceux qui en ont été bénéficiaires que parmi ceux qui ne l'ont pas été. Ce qu'on ne sait pas, c'est le sort qui sera réservé aux bêtes de ces gens là car très peu d'entre eux n'en possèdent pas. Vivants dans des maisons de fortune et n'ayant aucun boulot déclaré, la plupart d'entre eux vivaient d'expédients: petit élevage, poteries etc... Pour ceux là, les épreuves viennent de commencer car ils devront payer le prix des loyers, du courant electrique, de l'eau et bientôt du gaz aussi et accepter de se départir des seuls moyens de subsistance qu'ils possédaient.

Dimanche 10 Juillet 2005:  Triste nouvelle... un jeune homme s'est fait percuter par un bolide roulant à tombeau ouvert sur l'autoroute en construction, du côté de Bout'boul. Le choc a été si violent que des promeneurs qui flânaient en contrebas sur la départementale 125 l'ont entendu et c'est Hamid ADJOUDJ pompier de son état qui aurait aidé à porter le corps de la victime dans la voiture qui l'a évacué sur l'hôpital. On parle de fractures des pieds.

Lundi 11 Juillet 2005:  Le village apprend avec désolation la mort du jeune homme fauché hier par une voiture. Il s'agit d'un petit fils d'Ahmed Benslimane. Le chauffard coupable de cet accident serait un jeune homme de Ben Haroun, soudeur de son état, de la famille Boulahouache. La victime serait décédée des suites d'une hémorragie interne.

Mardi 12 Juillet 2005:  le petit fils de Ahmed Benslimane et fils du regretté Rachid Graba a été enterré aujourd'hui sous la consternation des villageois qui ne s'expliquent pas comment on peut tuer ou mourir de manière si gratuite.

Mercredi 13 Juillet 2005:  C'est la fête chez El Merri qui marie un de ses fils à la fille de Benaissa d'El Madjen. Une fête des humbles, passée sans tambour ni trompette entre humbles là bas, au lotissement de Ain Ben Haggache.

Jeudi 14 Juillet 2005:  C'est la fête au village. Les jeunes villageois convolent en justes noces sous une brusque ferveur religieuse qui impose une solennité à des moments habituellement empreints de grosse jovialité. Pour aujourd'hui c'est l'un des enfants d'El Djoudane qui épouse la fille de Boualem Lamri; c'est aussi le fils à "Gabardine" qui se marie ainsi que Slimane, le fils à Bouferkas Amar d'El Maasra qui a jeté son dévolu sur une jeune fille des Hadj Amar d'El Madjen. En début d'après midi un feu de chaume s'est déclaré en contrebas du village; il a été circonscrit sans avoir pu embraser tous les champs de bled Likoul où des bottes de foin sont encore entreposées.

Vendredi 15 Juillet 2005:  Les forêts de Lalla Moussaad brûlent. La chaleur des incendies accentue à l'extrême celle de l'été. Les fumées couvrent tout le paysage et les débris cendrés de la forêt martyre arrivent jusque sur les capots de nos voitures et les toitures de nos maisons.

Samedi 16 Juillet 2005 au Dimanche 31 Juillet 2005:  La canicule et les feux de forêts ont caractérisé la période. Les fêtes aussi. Chaque week-end a eu son lot de cortèges nuptiaux et la nouvelle mode des cadeaux qui a remplacé celle de la bonne vieille "Taoussa" a permis à certains commerçants de s'investir dans les cadres dorés, les sorties de bain, les services à eau, les veilleuses et les lots de serviettes de toilettes. Une autre mode ruineuse s'est elle aussi imposée: celle des petits paniers de sucreries faites maison et comme en nombre d'autres domaines, là aussi, l'emballage a fini par éclipser le contenu. Des petits paniers en carton doré aux petites nasses tissées au crochet et généreusement amidonnées, le choix de la présentation est très varié mais aussi très coûteux car il arrive souvent que le contenant coûte deux fois plus que le contenu. Une troisième mode est venu réfréner notre gloutonnerie qui nous faisait boire la limonade ai goulot, c'est celle des chalumeaux parfois très décorés que nous nous faisons un devoir d'utiliser... Question politique, les élus du FLN et l'élu d'El Islah on fini par jeter l'éponge; ils ont démissionné en bloc, espérant certainement mettre à mal  un maire potentat qui n'attendait que ça. pour le reste, c'est toujours la trottoirdisation qui continue à pas de fourmis, l'eau qui a déserté les robinets parce que SIM (rappelez vous l'acquéreur de l'unité d'eau minérale ) aurait  découvert - notez le conditionnel - que le forage lui appartenait et qu'il était en droit de faire passer le rinçage de ses bouteilles avant l'approvisionnement de la populace...  Félicitations au cousin Nasser qui s'est marié durant cette période de déconnexion et en guise de cadeau cette photo de son père Slimane en cow-boy et qui semble se désoler devant les ruines d'El Maasra

Lundi 1er Août 2005:  La traversée de Brachma devient chaque jour plus contraignante. Aujourd'hui la circulation n'a retrouvé sa fluidité qu'à 14 H 30 et à 7 h le bouchon atteignait Boulerbah à l'Ouest et El Koudia El Hamra à l'Est. Les autorités semblent trouver plaisir à faire souffrir les usagers de la route car il aurait suffi d'un minimum de réflexion pour trouver une solution radicale à ce problème récurrent, causé surtout par l'étroitesse de la route conséquente au squat des trottoirs par les vendeurs mais aussi par un marché hebdomadaire dont la surface utile a été grignotée par un chantier de construction de logement à l'ouest et un grand terrain réservé à la réalisation d'un "hôtel continental" à l'est mais qui a été clôturé depuis belle lurette pour servir de... parking payant !

Mardi 2 Août 2005:  Les automobilistes ont dû supporter encore une autre journée noire pour traverser Brachma. La canicule et des gendarmes prêts à faire payer 800 DA tout écart de conduite n'ont pas simplifié les choses. La départementale 125 continue à se faire élargir. Le temps s'est voilé en soirée et quelques gouttes sont tombées entraînant avec elles les poussières en suspension dans l'atmosphère qu'elles ont déposées sur les capots et les pare-brises des voitures.

Mercredi 3 Août 2005:  l'atmosphère s'est sensiblement rafraîchie et en soirée nous eûmes droit à un beau feu d'artifice sous l'effet des éclairs qui ont zébré le ciel sans discontinuer. 

Jeudi 4 Août 2005:  La fête continue. Les cortèges nuptiaux se suivent et se ressemblent. Le temps se fait plus frais et la nuit vous impose de vous couvrir. Les figues ont très mal résisté aux poussées de chaleur de la semaine passée; celles qui ne sont pas tombées se sont gâtées. Les raisins pour leur part semblent tenir le coup mais il ne faut pas se fier au temps car la moindre grêle peut avoir des effets catastrophiques.

Vendredi 5 Août 2005:  Souvenez-vous de la Chronique du jeudi 10 mars 2005... Je vous disais l'immense injustice que commettaient les pouvoirs publics en promulguant leur ineffable loi sur la circulation routière qui limite la vitesse en autoroute à 80 km/h. Je viens d'en subir les conséquences... convoqué au tribunal de Lakhdaria pour répondre de mon "délit" -je doublais un camion à 110 à l'heure !... j'ai écopé d'une amende carabinée mais l'affaire ne s'est malheureusement pas arrêtée là... ce soir les gendarmes sont venus me confisquer mon permis de conduire. La commission de Wilaya (j'en fus membre il y'a 1/4 de siècle) m'a condamné par "contumace" à une peine de... 12 mois de retrait de mon PC !... la même peine dont a écopé un autre automobilistes que faisait de l'excès de vitesse en agglomération et qui s'est rendu coupable d'homicide... Je n'ai pas reçu leur convocation et je présume qu'ils ne me l'ont pas envoyée... je sais que je ne compte pas beaucoup d'amis dans les rouages de l'administration car j'ai passé 5 années à fustiger certains comportements durant mon mandat au conseil régional. Ils ont trouvé une occasion de se venger, ils ne l'ont pas ratée mais bof ! si ce n'était les vacances compromises de mes enfants, je me dirais que c'est une bonne  chose pour moi car ça va me permettre d'user mes semelles en me remettant à la marche à pied...  

Samedi 6 Août 2005:  Notre Ghoul de Ministre des Travaux Publics qui affectionne particulièrement notre région depuis qu'on a décidé de la déchirer par une autoroute est venu inspecter le chantier des tunnels de Ain Cheriki. Ce fut laborieux mais on a réussi à sortir de l'autre côté vers l'immense viaduc de Oued Rekham qui a déjà ruiné GICO et GARBOLI, deux sociétés italiennes de renom. Monsieur Ghoul a intérêt à bousculer les sociétés qui réalisent ce tronçon d'autoroute car la Nationale 5 est saturée entre Boulerbah et Zeboudja, un tronçon qui est devenu une véritable hantise pour les usagers de la route. 

Dimanche 7 Août 2005:  Encore un énorme bouchon sur la Nationale 5 entre Aomar et Kalous; des gendarmes sont maintenant mobilisés à longueur de journée à Brachma où ils essaient de fluidifier la circulation mais je crois que c'est cette organisation du trafic à l'intérieur de l'agglomération qui le ralentit à l'extérieur car l'anarchie n'est devenue systématique que depuis l'intervention systématique des gendarmes. C'est une aubaine pour le trésor public car des motards aux aguets n'arrêtent pas de verbaliser les automobilistes trop empressés qui doublent la file sur le terre plein de droite ou qui vont souvent aussi à contre courant de la circulation sur le terre plein de gauche. Le projet d'alimentation du village en gaz de ville est reporté aux calendes grecques. On affirme de source sûre que les pouvoirs publics auraient renoncé à mettre à exécution ce projet qui était pourtant arrivé à maturité et comme de bien entendu, la population qui est la première concernée est tenue dans la totale ignorance de cette situation. On ne sait pas quel taon a piqué les gens de l'ADE mais depuis quelques jours ils nous libèrent l'eau seulement à la nuit tombée; c'est ce qui a fait dire à Fatah 24: "nous voilà logés à la même enseigne que les gens de Bab El Oued !"    

Lundi 8 Août 2005:  Sensible à mon argumentaire, le Directeur de l'Administration Générale de la Wilaya a bien voulu introduire mon recours devant la Commission de retrait du Permis de Conduire. J'ai compris pourquoi ma "transgression de la Loi" était qualifiée de "délit" et non d'"infraction"... je ne roulais pas à 110 km à l'heure mais à... 111 !!!!! et à 111, je dépassais d'un km la limite de requalification de l'accusation... La Commission a écouté ma pathétique plaidoirie et a réduit ma peine de 12 mois de retrait du permis de conduire à... un avertissement ! J'ai osé faire cette incursion dans ma vie privée pour montrer la précarité de certaines situations que nous vivons et où votre bonheur ou votre malheur sont suspendus à l'humeur de certains fondés de pouvoir mais je crois que ce n'est pas exclusif à notre région même si chez nous ça frise littéralement la caricature. Autre phénomène que j'ai observé aujourd'hui avec une révolte que j'ai difficilement contenue: la composante sociale des citoyens qui ont subi les rigueurs de la Loi portant sur les infractions à la circulation routière... parmi la trentaine de personnes qui attendaient leur tour d'être jugés dans le grand hall qui sert de salle d'attente, aucune n'avait les souliers cirés et il est certain qu'il n'y avait parmi elles aucun avocat, aucun médecin, aucun militaire, aucun maire, aucun notaire, aucun fonctionnaire de la Wilaya, aucun douanier, aucun directeur de société (hormis bibi), aucun homme politique.... Et je voudrais bien voir les journaux publier les détails sur les statistiques qu'ils mettent en avant à chaque fois pour vanter les mérites de la répression routière, les détails sur les statuts des conducteurs auxquels on applique les rigueurs d'une loi sensée être au dessus de tous.  Mais c'est bien vrai que sous nos cieux comme sous toutes les latitudes de ce globe cossu, c'est toujours la canaille qui (se) conduit mal !

Mardi 9 Août 2005:  La grosse canicule est revenue. Le feu a pris sur les contreforts boisés de Hammam M'Hadjbiya; il risque d'aller loin car l'accès motorisé y est impossible. Le marché de voitures de Brachma a encore fait des siennes en bloquant la route entre Boulerbah et Kalous de 7 H à 13 H. Après 13 H c'est une semi-remorque chargée de ciment qui n'a pas trouvé meilleur endroit où se renverser que la descente de Kalous rendant la circulation infernale. Les deux minarets de la mosquée sont terminés; il reste à dorer le dôme du dernier, à doter les ouvertures de persiennes et à peindre le tout pour nous donner une mosquée digne de celle de Tlemcen. Fasse Dieu que les c?urs de ceux qui l'y prient aient la grandeur et la beauté de ces deux minarets.

Mercredi 10 Août 2005:  Encore une journée de pleine canicule. Les forêts qui brûlent un peu partout ont généré un nuage de fumée  qu'un très fort vent du sud essaie vainement de chasser. Cette ambiance n'a pas empêché la fête; et dans chaque quartier du village c'est à coup de décibels qu'on célèbre l'enterrement des prépuces ou des célibats. 

Jeudi 11 Août 2005:  Week-end très festif. J'en profite pour féliciter M'Hamed: Rachid pour ses intimes, mon neveu qui a pris exemple sur Nasser mon cousin en décidant lui aussi d'opter pour la vie de couple. La fête fut celle des jeunes qui n'ont lésiné ni sur les décibels ni sur les déhanchements et n'était l'intervention intempestive du grand-père (trouble-fête comme à son habitude) elle se serait prolongée jusqu'à l'aube. Mokhtar "El Baggar" en a profité pour peaufiner sa danse à la Zorba; il eut l'heureuse idée de convoquer une petite troupe de jeunes artistes de Lahguya qui nous ont rappelé le bon vieux temps de Hamouda N'Said et H'Midett et nous ont emportés loin derrière les DJ insipides d'aujourd'hui.

Vendredi 12 Août 2005:  Le temps joue la clémence après avoir fait goûter un avant-goût de l'enfer... L'enfer est brandi par l'Imam dans son prêche d'aujourd'hui contre ceux qui croient que la fête c'est la joie et qui croient que la joie c'est la permissivité... Il a axé son sermon sur ces inconscients qui osent user de DJ et autres sataniques trouvailles telles les caméras, qui s'habillent légers et osent mélanger les genres... A court d'inspiration, le clergé revient à son pêché mignon: celui de s'attaquer aux femmes qui n'ont pourtant que ces fêtes pour extérioriser le trop-plein de stress qu'elles accumulent au long de l'année sous les regards libidineux et les index culpabilisants des hommes, les sournoiseries de leurs infortunées semblables et les besoins incompressibles des mioches...

Samedi 13 Août 2005:  Journée sans teint. L'été s'efforce de montrer que le réchauffement de la planète n'est pas une théorie fumeuse de climatologues en mal de sensationnel. Les figues ont été très en dessous des espoirs qu'a fait naître un hiver dispendieux. Les figues de barbarie ramenées d'Ech-Ch'haïbiya à dos d'âne n'ont ni le calibre ni la succulence qu'on leur connaît. En contrebas du village, sur la départementale 125 qui n'en finit pas de se faire agrandir, l'heure est à la réalisation des voies d'évacuation des eaux pluviales.

Dimanche 14 Août 2005 au Lundi 29 Août 2005:  C'est à El Kala que j'ai passé quelques jours qui ne furent pas de tout repos malgré la splendeur du sable de la plage de Messida, la beauté sauvage des forêts, la féerie du lac Tonga. J'essayais quand je le pouvais, de prendre des nouvelles du village que me distillait parcimonieusement Fatah 24 qui ne voulait surtout pas perturber mes vacances. La nouvelle la plus digne d'intérêt est celle qui fait état d'une plainte déposée par un ancien fidèle du maire contre ce dernier et "des complices" pour un délit d'une extrême gravité dont nous reparlerons... L'autre événement qui semble avoir donné un semblant de vitalité à un village plongé dans sa léthargie, c'est la Loi sur la Réconciliation qui sera votée le 29 septembre. On assiste à un placardage tous azimuts de photos de leaders politiques comme si c'était de ces Ubus qu'il s'agissait et non d'un projet de société et la mairie qui souscrit totalement à la démarche non par conviction mais par discipline partisane s'efforce de faire du zèle pour bien montrer ses dispositions réconciliatrices; un zèle qu'elle aurait montré si l'instruction de "la tutelle" visait une philosophie fondamentalement opposée... J'ai appris et je vous l'apprends, la mort durant mon absence, du vieux B'lel de Harchaoua et de la femme de Said Hamoud, le planton de notre mairie, connu pour ses réparties comiques et sa casquette qui le fait ressembler à Ludo, l'inspecteur de bandes dessinées. J'ai appris aussi que le club de football local est sans président depuis la émission de Haroun Noureddine. Les tractations vont bon train et aux dernières nouvelles, ce sont des adjoints du maire qui auraient décidé de prendre en main ce club-pactole (la rumeur publique - qu'il ne faut bien sûr jamais croire - parle de la négociation  de deux rencontres pour la bagatelle de 55 millions de cts  et quand on sait à combien se chiffre le budget d'une équipe de football, on se dit qu'il est tout à fait naturel de voir ces batailles épiques pour leur présidence...)

 Mardi 30 Août 2005:  Nous reprenons cette chronique avec une heureuse nouvelle: celle du début des travaux de mise en place du réseau de gaz de ville. Les pouvoirs publics ont dû reprendre le dossier de façon plus sérieuse puisque le choix de l'Entreprise qui doit réaliser tout ou partie de cette opération a été effectué. L'autre bonne nouvelle qui me concerne particulièrement, c'est la restitution de mon permis de conduire qui a fini par atterrir à la Wilaya après plus de 20 jours de pérégrinations dans les structures verticales de la gendarmerie. A signaler aussi pour aujourd'hui la visite de Benbouzid, notre inamovible ministre de l'éducation qui n'est pas venu pour faire les éloges de la "Réconciliation" même s'il en a certainement loué les vertus quand il a inauguré les Collèges de Boulerbah et Kalous. A Boulerbah, les propriétaires du terrain d'assise du collège lui ont fait valoir leur droit suite à leur expropriation mais comme ils ne posséderaient pas les actes de propriétés, ils n'ont dû recevoir du ministre que les mêmes promesses qu'ils ont reçues des autorités locales. 

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