Jeudi 24 juillet 2008: Temps
caniculaire. La fête bat son plein. Aujourd'hui c'est à Omar "la SAS" (Senouci)
de marier son fils et Omar "la Coinche" (Guerrache) de marier sa fille. Le
branle bas de combat est aussi ailleurs, au niveau de l'autoroute dont on
prépare l'inauguration et c'est le Président de la République en personne qui
l'arpentera entre Lakhdaria et Bouira. Du pont sur l'Oued Bouamoud jusqu'à
Bouira et même plus loin vers Ain El Bessem l'heure est aux pavoisements..
Vendredi 25 juillet 2008: Il fait
au moins 44°, mais malgré l'enfer les travaux vont bon train sur l'autoroute et
après les drapeaux; on procède depuis ce matin à la mise en place des portraits
présidentiels et des slogans à la gloire du Rais et de son programme.
Samedi 26 juillet 2008: Le temps reste
caniculaire. Les préparatifs empressés continuent sur l'autoroute; la profusion
de drapeaux, de slogans, de portraits qui longent les deux voies semble avoir
pour but non pas de décorer le parcours mais d'empêcher le regard présidentiel
de voir la désolation d'outre-route. Un portrait géant de Monsieur le Président
de la République a été accroché tout en haut d'un des minarets de la mosquée...
Normal dira t'on puisque certains élus sont aussi membres attitrés de
l'Association Religieuse. Ce portrait est,comme de bien entendu, visible de
l'autoroute sur tout son parcours du côté de Boutboul Comme pour fausser le
décor, un égout s'est éventré en plein centre du village, à l'entrée de la
place, face à la fontaine publique. Le Président serait bien inspiré si, comme
Boumediene de son temps, il s'avisait d'arpenter la rue principale du village,
entre la nouvelle poste et le tournant Taoutaoui...
Dimanche 27 juillet 2008: Le Président
est venu en coup de vent... les journaux disent à l'unisson qu'il a évité la
population... Il n'a pas daigné traverser le village et n'a même pas dû le voir
à travers les vitres pare-balles fumées de sa mercedes... Il a coupé les rubans
qu'il fallait couper et est reparti. L'autoroute a été ouverte sur un seul sens
et le village est brutalement sorti de son hibernation séculaire pour se
retrouver propulsé dans la plus exécrable des modernités: celle du bruit et des
fumées !
Lundi 28 juillet 2008:
Un ami, T. Essaïd éminent érudit s'il s'en trouve m'a envoyé ce message
SMS: "Djebahia accueille le plus grand tunnel d'Afrique, Mabrouk, votre petit
coin de paradis est mort..." Ce soir j'ai fait mon propre voyage inaugural dans
le tunnel de Ain Cheriki et sur le viaduc de Oued Rekham... c'est grandiose !
spectaculaire !... autant le dire: infernal !
L'ami T. Essaid, encore une fois, ne s'est
pas trompé !... Aujourd'hui le paysage attendrissant de Sidi Assem à El Khaloua
en passant par Boubekeur et Boutboul ne prête ni à la poésie ni à la rêverie
avec le déferlement des bolides qui le traversent. Une des sensations d'antan
qui me donnait une émotion particulière, celle des glapissements nocturnes des
chacals dans le Boutboul, aura disparu définitivement; à défaut de ces cris qui
vous transportent aux tréfonds des mystères de la vie, de la patience légendaire
et des angoisses ancestrales, on n'entendra plus que le vrombissement des
moteurs qui vous ramènent vers votre condition d'homme écrasé par les soucis de
vitale célérité...
Mardi 29 juillet 2008:
Un vent de tristesse souffle sur le village. L'attroupement devant l'épicerie
fermée montre que c'est fini... Amar Belaid est mort, emporté par une maladie
trop forte pour lui. La nouvelle est tombée le soir. Elle était attendue mais le
choc est tout de même brutal. Amar Belaid n'est pas n'importe qui; c'est peut
être le plus ancien épicier du village et il avait su se rendre irremplaçable
pour tous les services que rendait sa modeste échoppe aux villageois, pour sa
régularité, son omniprésence, son refus de se prêter au jeu de la spéculation
même dans les moments de grande pénurie. On se souvient du temps où il vendait
de "l'huile sans goût" (Zit Sango) en puisant d'un fût métallique placé
devant la porte, face à un autre fut de pétrole qu'il écoulait en bouteille ou
demi-bouteille d'un litre... On se souvient de son petit carnet où il notait
méticuleusement les ventes à crédit qu'il accordait aux villageois; on se
souvient de ses colères, toujours silencieuses, face aux clients peu soucieux de
respecter "la chaîne" lorsque le gaz butane ne suffisait pas... On se
souvient même que son épicerie servit de boîte postale du temps où les nouvelles
se donnaient par lettre et de cette mention sur les enveloppes: "Chez Issaad
Amar, Epicier à Laperrine"... Un parent à qui j'ai annoncé la triste nouvelle
m'a répondu: "Que Dieu ait son âme... Il mérite bien de se reposer !" ...
C'est vrai qu'avec le recul, on se dit qu'il n'a pas volé un juste repos; alors
qu'il repose en paix !
Mercredi 30 juillet 2008: Un impressionnant cortège a accompagné Amar Belaid à sa dernière demeure de
Boubekeur sous un soleil de plomb. C'est à 13 H 30, après le rituel de la prière
que s'est effectuée la levée du corps. Le village était noir de monde et
l'affluence était à la mesure du respect qu'inspirait cet homme pourtant très
réservé.
L'eau absente des robinets depuis une dizaine
de jours sans que personne n'en sache la cause est revenue ce soir sans que
personne ne sache comment. C'est vrai que la communication est le dernier des
soucis de nos "services publics"... Il en est ainsi pour l'électricité qui subit
presque quotidiennement des sautes d'humeurs intempestives (pléonasme toi-même
comme disait l'autre!)... Ces sautes d'humeurs n'arrangent personne, ni les
ménages qui ne savent plus quand il faut acheter la citerne d'eau, programmer le
lavage des murs ou des couvertures ou congeler les petits pois et le poulet, ni
les commerçants qui se retrouvent à gérer à l'emporte-pièce les produits
périssables, ni les industriels qui ne peuvent plus gérer leurs personnels et
leurs programmes de production... mais comme ces impondérables sont devenus une
règle et non une exception, tout le monde fait avec sans aller jusqu'à
l'insurrection... Juste un petit mot de cambronne quand la citerne se vide et
un petit ronchon du genre: " yen3al djed babak !..." quand le compresseur du
réfrigérateur s'emballe sous l'effet de la coupure de courant.
Jeudi 31 juillet 2008: Il fait chaud... un peu trop même mais ce n'est pas ça qui mettra le village en
léthargie... Les cortèges nuptiaux se succèdent dans une folle sarabande. Au
marché du village, l'heure est aux pastèques; elles connaissent le sort de la
pomme de terre dont le prix est descendu de 50 DA à 12 DA le kg, celui des
tomates qui se vendent difficilement à 10 DA ou celui des pommes et poires qui
jonchent les marchés sans trouver preneur à moins de 30 DA/Kg.
Vendredi 1 Août 2008:
La chaleur a diminué d'un cran. Le trafic sur l'autoroute se densifie chaque
jour un peu plus mais le tracé de la voie a montré ses limites. Entre Boulerbah
et Ain Cheriki on assiste à tout moment au spectacle des voitures, capots levés,
attendant de se refroidir pour affronter ce qui reste de pente. L'autoroute a
ramené aux villageois quelques profits matériels puisqu'on a constaté déjà une
table à tabac... Elle sert aussi à suppléer à l'absence de sensations
fortes puisque nombre de jeunes et moins jeunes viennent s'asseoir sur ses talus
pour voir passer le monde...
Samedi 2 Août 2008:
Les premières figues de la saison sont arrivées; l'année est faste pour tous les
produits de la terre et les figues n'en font pas exception.
Un engin de terrassement est en train de
s'attaquer à "Trig Traverse"... On ne sait pas ce qu'il compte en faire. "Trig
Traverse" et "Trig Moukdiya" sont les deux voies pédestres qui mènent d'Aomar à
Djébahia; la première descend du côté de Ain Benhaggache vers le pont de Oued El
Djemaa, la seconde d'El Harka vers le marché de Brachma. Ces deux pistes étaient
très utilisées par les villageois jusqu'aux années 70, aujourd'hui très peu de
gens les empruntent surtout pour les remonter car la pente est trop raide,
particulièrement pour "Trig Moukdiya" mais c'est vrai que le village gagnerait
en désenclavement si on s'avisait de refaire "Trig Traverse" et à mon sens, il
faut y penser car la Départementale 125 qui est devenue Nationale depuis
quelques mois risque de devenir un vrai calvaire à l'ouverture définitive de
l'autoroute puisqu'elle représente la seule voie d'entrée et de sortie entre
Bouira et Lakhdaria.
Dimanche 3 Août 2008:
Les engins qui terrassent sur "Trig Traverse" ne sont pas là pour la route, cela
aurait été trop beau ! En réalité il s'agit d'un investisseur qui aurait eu un
agrément pour exploiter un gisement d'argile... Terrible inconscience des
autorités et qui risque d'avoir des conséquences tragiques. Tout le monde sait
la fragilité de l'équilibre géologique de nos terres argileuses... si par
malheur on touchait à cet équilibre c'est tout le village qui serait
déstabilisé. Une fois n'est pas coutume, il faut reconnaître aux élus de la
commune l'opportunité de leur intervention pour arrêter ces travaux en attendant
une sérieuse étude du sol. Rappelons que c'est en amont de ce gisement d'argile
que se situe la "cité du 1er Novembre" qui a connu des glissements extrêmement
inquiétants il y'a une ou deux années.
Autre motif de satisfaction, A midi, un bulldozer
était en train de nettoyer l'espace vide au coeur du lotissement et qui a fait
l'objet d'un article illustré dans notre page "La Honte"... Ce serait une bonne
chose que les autorités réagissent à ces signaux d'alarme... ce serait moins
noble si elles le font pour en mettre plein les yeux à Monsieur le Wali qui
devrait visiter la commune ce jeudi...
Lundi 4 Août 2008: Le marché de Brachma fait pitié... au petit matin on pouvait le traverser en
coup de vent; l'ouverture de l'autoroute aura donné à cette sympathique escale
un vrai coup de grâce. Il est certain que bientôt elle se fera déserter par ses
innombrables vendeurs de robes kabyles dont le volume d'affaire devrait avoir
régressé de 2/3. Mais si les commerçants ont tout perdu, la population elle,
aura gagné en calme et en propreté... l'impact de la pollution par les gaz
d'échappements dans ce village-cuvette n'a jamais été mesuré mais il est facile
de le deviner...
Au village, l'opération de nettoyage semble
n'être encore une fois qu'une opération démagogique. Sa programmation avec la
visite de Monsieur le Wali montre de manière évidente "les besoins de la
cause"... Le nettoyage de l'espace vide du lotissement dont nous parlions hier
fut en fait un simple dégagement superficiel des détritus et des herbes folles;
sur le rebord de la route nationale entre le virage de la garde communale et la
SAS, on a procédé à la même opération en curant approximativement le fossé
d'écoulement des eaux pluviales et le talus. Il faut dire que les chardons-marie
et autre grande cigûe ont atteint un gigantisme à nul autre pareil en ces lieux,
au point de boucher aux usagers de la route, la vision du Boutboul et de
l'autoroute. Mais nous n'avons pas à faire la fine bouche... puisque les
autorités, chez nous comme ailleurs, ne se réveillent que pour préparer les
visites des responsables de rang supérieur, souhaitons que ces responsables nous
fassent au moins une visite par saison quitte à ce que ce soit, comme d'habitude
en coup de vent !
Mardi 5 Août 2008: Gros bouchon au marché de voitures d'Aomar... l'autoroute ouverte sur le seul
sens Ouest-Est a libéré la RN5 sur ce sens... les automobilistes venant de l'Est
trouvant la voie litteralement vide se sont tous retrouvés bloqués en doublant à
qui mieux mieux, la chaleur aidant, ce n'est que vers midi que la route a été
décongestionnée.
Les préparatifs de la venue du Wali battent
leur plein. Tout ce qui peut gêner la vue de Monsieur le Wali est dégagé, on a
même repeint la garde communale ce qui n'a jamais été vu depuis la construction
du bloc de béton qui lui sert de siège.
Dans l'après-midi on pouvait voir
un attroupement au cimetière de Braïka. Renseignements pris, il s'est avéré
qu'on y enterrait l'épouse de Dzaïr Bouzid, morte dans la journée des suites
d'une longue maladie.
L'égout éventré au centre du village est une
fausse note qui fait les sarcasmes des villageois.
Mercredi 6 Août 2008: Le village est en fête... fêtes chez Messaoud Saadi et Meddahi Moh Ceinture
Noire qui marient leurs filles, Fête chez Adjou Moh Essoudour et ElBled qui
marient leurs fils et j'en oublie. L'heure est aussi à l'arrivée des émigrés...
La frénésie des rapiéçages connait une
relative accalmie... La visite de Monsieur le Wali aurait été décalée.. Mais le
sort semble s'acharner sur les rapiéceurs car juste après avoir colmaté la fuite
de l'égout dont nous parlions hier, un autre égout s'est éventré en pleine
chaussée sur la route séparant la cité Houria du Lotissement, devant la demeure
de l'infortuné Moh N'Ali... Ce dernier a essayé de faire quelque chose croyant
que c'est sa conduite qui était en cause, il s'est vite rendu compte que ça
dépassait ses forces et ses prérogatives car il s'agissait de la conduite
principale. En soirée l'égout n'avait pas encore débordé mais ce n'était qu'une
question de temps... Les autorités municipales très volontaristes quand il
s'agit de décorer les devantures seraient bien inspirés d'installer un groupe
d'intervention rapide pour régler dès leur apparition ces problèmes de santé
publique... l'été et ses grosses chaleurs constituent des facteurs aggravants de
risques de survenance de maladies estivales dont la méningite... Il faut
qu'elles aient à l'esprit ce qui est arrivé un jour au sympathique jeune homme
qui eut le malheur de se retrouver maire par intérim de la commune d'Ain Taya
quand elle connut une épidémie suite à un problème de ce genre, car si la mairie
peut invoquer n'importe quel prétexte pour nier ses responsabilités dans
d'autres questions, elle ne peut les occulter en matière d'hygiène publique.
Jeudi 7 Août 2008: La fête continue. Dans chaque quartier c'est la même ambiance avec les mêmes
tubes aux paroles coquines et à la musique peu recherchée mais frénétique... Les
cortèges aussi se suivent et se ressemblent et les décoreurs de voitures
nuptiales se font des affaires d'or.
Vendredi 8 Août 2008: Peu de gens parlent de l'ouverture des Olympiades en Chine ou de la guerre en
Ossétie du Sud. Les préoccupations sont d'un autre ordre. La Commune a réglé le
problème de l'égout du centre du village mais c'est compter sans le flair de Bacha
(et c'est le cas de le dire) puisque dans la même soirée il a débusqué
encore un autre potentiel foyer de maladies à transmission hydrique; il se situe
aux quartiers des eucalyptus-sud. Un fossé nauséabond rempli de détritus et qui
doit être un pourvoyeur en puissance de moustiques. Ce fossé (voir photo)
n'est signalé par aucun "fut de 200 litres"*** ... Il pourrait être fatal à toute
personne qui y tomberait , surtout que l'endroit est sur une voie de passage
assez fréquentée et dépourvue de tout éclairage public.
A ceux qui seraient tentés de trouver
maladive cette fixation sur les foyers potentiels de nuisances, nous répondrons
que la saison est propice à tous les risques et qu'il nous est apparu nécessaire
sinon vital de signaler ces carences afin que les responsables ne disent pas
après coup qu'ils "ne savaient pas"...
Note:*** le fût de 200 litres,
bettiya pour ses utilisateurs, est un moyen homologué par la commune pour
baliser des espaces à risques... Il a démontré son utilité devant le mur
branlant de ce qui fut le 2e bureau de l'armée française face à "Dar Teissier" -
à côté de la mairie... nous vous en promettons une photo...
Samedi 9 Août 2008:
Début de semaine sans conviction... L'été s'alourdit et les aoûtards n'ont pas
la tête aux vacances en regardant l'horizon du 1er septembre, noir de Ramadhan
et de rentrée sociale et scolaire. Des satisfactions tout de même avec la
profusion des fruits de saison (pastèques, melon, pommes, poires, figues et
figues de Barbarie). De nombreux éleveurs nomades ont envahi les champs de leurs
moutons; ça donne une image bucolique qui n'est pas sans charme: jugez-en !
Au village; le mur en pierre de l'ancien
siège du 2e bureau français, face à "Dar Teissier" n'a pas résisté au séisme du
21 mai 2001. Il s'est en partie effondré et menace de littéralement s'écrouler à
tout instant. Sept ans plus tard, c'est à dire le temps mis par Boudiaf et ses
compagnons pour libérer tout un pays de l'OTAN, ce mur est toujours suspendu
comme une épée de Damoclès sur la tête des passants. Au lieu de le détruire ou
de le restaurer, les autorités attendent que le séisme, le vent où les
vibrations des camions règlent ce problème à leur place. Tout ce que ces
autorités par ailleurs très promptes à détruire une mairie qui tenait très bien
sur ses pieds, sans l'avis du CTC, ont trouvé à faire c'est de le baliser avec
les fameux fûts de 200 litres afin d'empêcher les gens de circuler dans ses
alentours. Gageons qu'après ces gentils mots son sort sera scellé... Nous
n'oserons pas préconiser aux Moudjahidine de s'ingérer dans cette affaire en
imposant la restauration de ce lieu si symbolique... Personne ne nous écoutera
et dans quelques jours, un autre site "historique" devra disparaître sous les
coups de bélier des engins devant l'oeil affairé des responsables qui
surveilleront les opérations "el yeddine fel k'rab" (les mains sur les hanches).
Dimanche 10 Août 2008:
Il y'a quelques jours les villageois ont vu venir des finishers et autres engins
de travaux routiers. Stationnés en bas du CEM, ces engins ont même été l'objet
de la curiosité en coin de l'oeil de nombre de Djebahis qui sont descendus les
voir en prenant l'air indifférent de promeneurs en simple randonnée pedestre.
Les spéculations sont allées bon train et après tamisage de tous les avis, le
village s'est entendu sur l'explication à donner à la présence insolite de ce
matériel: on a enfin décidé de goudronner nos rues !... On est allé jusqu'à
affirmer avec une belle assurance qu'il ne s'agit pas moins que de 9 kilomètres
de voies urbaines qui seront aménagées... autant dire tout le village, des
Nouaders à la Sas, de Chaabet Ouambir à Zebboudj Djem3a ! et on s'est même cru
autorisé de dire que c'est M. le Wali qui a décidé de cette opération lors de la
visite de M. le Président de la République...
Deux jours plus tard les engins ont levé
l'ancre pour une destination inconnue... Suivis à la trace, ils auraient été
repérés du côté d'El Barda, tout en haut de la montagne... Des initiés des
secrets de l'administration disent que ce matériel a été mobilisé aux fins de
réfection de la Départementale 125 devenue Nationale et que le tronçon de 9 km
se situe en réalité entre le village et la frontière de notre commune avec celle
d'El Khemis, du côté de Sidi Makhlouf... Des optimistes continuent à affirmer
tenir des informations officielles faisant état du goudronnage des rues du
village dans le cadre global de ce projet... d'autres plus perspicaces disent
que cette opération a été bloquée en dernière minute suite aux injonctions de
monsieur le wali d'effectuer d'abord un total réaménagement du circuit
d'adduction en eau potable dont on dit à voix basse qu'une grande partie est
faite en amiante ciment mais chut !...
D'autres curieuses informations
circulent avec insistance dans la population. On dit que M. le Wali aurait
visité en catimini et dans l'anonymat le village sur une quatrelle, qu'il aurait
fait tout le tour du village et essayé les suspensions de la quatrelle sur ce
qui s'apparente à des rues et qu'il se serait imprégné de la situation d'épave
de ce village sinistré où le chardon et le chiendent sont rois. En attendant, sa
visite officielle qui a fait couler beaucoup de salive et fait naître beaucoup
d'espoir aurait été reportée à une date que seul son protocole connaîtrait...
En attendant, le village continue son train
train quotidien; notre place publique qu'aucun village ne peut se vanter de
posséder enregistre une belle affluence nocturne; malheureusement à sa clôture
en ferronnerie de mauvais goût, à ses arbres qui dépérissent l'un après l'autre
sans se faire remplacer, à ses espaces non entretenus s'ajoute un éclairage
public défaillant car il ne s'en allume qu'une lampe sur dix...
Lundi 11 Août 2008: La léthargie estivale se poursuit. Les champs des alentours du village sont
surchargés d'ovins et de caprins; les éleveurs nomades occupent toutes les
terres en chaumes, de Ain El Bor à Boubekeur. Au village une sourde révolte
parcourt les citoyens qui croyaient en un renouveau après les dernières
élections municipales. Non seulement les élus n'ont accompli après 10 mois
aucune action méritoire mais ils se seraient investis dans la répression des
"infractions" aux rêgles d'urbanisme et particulièrement les clôtures en
tout-venant (bois, branches d'arbres, tôles, rosiers...) en oubliant que la
principale infraction est commise par la commune qui n'a même pas matérialisé
par un trottoir les bordures des rues, qui n'a rien fait pour que ces rues
soient praticables et qui a réalisé des clôtures (écoles, stades...) qui n'ont
rien à envier aux haies érigées par les citoyens.
Quand l'idée viendra aux élus, et elle
viendra, de réguler l'élevage aviaire, bovin et ovin en agglomération, il est
certain qu'elle fera de nombreux malheureux car elle n'aura rien à proposer aux
éleveurs que de détruire leurs poulaillers, étables et écuries et de vendre leur
cheptel pour aller s'asseoir sur le bord de l'autoroute et regarder passer les
voitures... C'est aussi cela le drame d'un village qu'on veut à tout prix faire
rentrer dans une urbanité débridée alors que ses habitants sont des paysans en
puissance et ce n'est sûrement pas cet exécutif, tourné vers l'apparat et la
répression, qui saura définir et adopter une stratégie de conciliation du
nécessaire confort urbain avec les vitales activités rurales.
On parle avec insistance de l'imminente
visite de Monsieur le Wali. Il est à craindre que cette visite ne constitue une
frustration de plus pour des villageois qui, à force de l'attendre, en ont fait
l'événement clé depuis le passage de Boumediene dans les années 70 et se sont
autosuggérés qu'au retour du Wali dans sa Wilaya, comme par miracle l'eau
coulera partout, les rues deviendront praticables, le gaz de ville fonctionnel,
l'éclairage public en marche, la maternité rurale en service etc...
Mardi 12 Août 2008: La vie se poursuit dans son train-train habituel. La chaleur estivale est à son
paroxysme. Le Ramadhan s'approche à grands pas mais paradoxalement on ne le sent
pas venir... Le feu a pris dans les chaumes du côté de Chaabet Wambir, Il
s'est éteint de lui même, n'ayant pu traverser ni la route ni l'autoroute. Pour
le reste c'est le statu-quo...
Mercredi 13 Août 2008: Les temps ont changé... la démagogie et le tape à l'oeil ne font plus recette.
Les habitants de Ain El Azra viennent d'en administrer la preuve. En prévision
de la mythique visite de Monsieur le Wali, les élus locaux ont cru bon de
déplacer une armada d'engins pour nettoyer ce village oublié. Il faut dire que,
dépourvu de moyens d'enlèvements des ordures ménagères, mal aménagé, il est
devenu un tripot digne des bidonvilles de l'Algérois. N'ayant pas d'autres
alternatives, les habitants ont dû créer des dépotoirs de fortune n'importe où.
La population des lieux, réputée pour sa combativité durant la période du Parti
Unique s'est divisée avec l'avènement du multipartisme en chapelles politiques
disparates, ce qui a fait l'affaire des responsables qui, pour désamorcer les
crises revendicatives n'avaient qu'à actionner leurs relais. Un autre phénomène
est venu alléger la pression sur les autorités, celui de l'exode des populations
vers le chef-lieu de la commune; en effet, nombre de familles ont bénéficié de
logements à Djébahia et elles ne se sont pas faites prier pour accepter afin de
quitter ces lieux inhospitaliers, éloignés des équipements sociaux (collège,
lycée, poste, hôpital, mairie...) et sans perspectives pour leurs enfants. Nous
disions donc qu'à peine arrivés, les engins de la commune ont été refoulés sous
la menace par une population décidée à laisser le Wali voir l'état des lieux tel
qu'elle le vit et non tel que veulent le lui montrer les autorités locales.
Cette courageuse initiative de la population est à saluer et devrait faire tâche
d'huile afin d'éviter le cinéma des badigeonneurs de trottoirs opérant la veille
des visites des responsables.
On parle aussi de la révolte des
gens de Ben Haroun dont on aurait exigé la destruction des haies de protection
de leurs habitations, faisant injonction à la commune de réaliser d'abord les
travaux d'aménagements, d'hygiène et de sécurité dont elle a la charge avant d'
imposer quoi que ce soit aux populations qui usent de palliatifs pour compenser
les carences de l'administration.
Jeudi 14 Août 2008:
Journée extrêmement chaude... Le vent du Sud souffle sur la contrée obligeant
les gens à se cloîtrer chez eux ou à aller faire trempette sur le littoral de
Boumerdes à Cap Djinet. En soirée une légère fraîcheur est venue donner aux
villageois un peu d'entrain.
La Commune fait encore parler
d'elle... désemparée face aux problèmes auxquels elle ne peut apporter de
solution faute de moyens ou d'initiatives ou de stratégie, elle se tourne vers
la répression de ses administrés à coup d'injonctions et de sanctions... C'est
le malheureux Moh N'A3li qui aurait reçu ordre de remettre en état l'égout
public qui s'est éventré devant sa maison et ce sont les deux "éboueurs"
Taouataoui et Hamlati qui se voient signifier des mises à pied pour s'être
rendus coupables de fatigue suite aux préparatifs de la visite du Président de la
République et osé contester la surcharge de travail. Les habitants
auraient gagné à voir ses élus sortir de cette logique pour s'investir dans
d'autres préoccupations tel que l'éclairage public... sur les 20 poteaux sensés
éclairer la route principale entre En-Nouader et l'ex dispensaire, un seul était
allumé hier; celui qui éclaire le clocher de l'ex église transformée en mosquée.
Vendredi15 Août 2008:
Journée de piété, ça rappelle l'expectative dans laquelle se trouve l'ancienne
mosquée qui semble avoir été restaurée pour rien car aucun imam ne lui a été
désigné pour y conduire les prières.
Il a fait encore chaud durant la
matinée mais à la nuit tombée une très agréable fraicheur a permis aux
villageois de respirer... la nuit fut presque froide.
Samedi 16 Août 2008:
Embuscade fatale des gendarmes aux automobilistes à hauteur du pont de Boulerbah.
Habitués à passer par la voie de gauche de l'autoroute non ouverte à la
circulation, les usagers qui remontaient cette voie pour rentrer au village ont
eu la désagréable surprise de se retrouver devant un barrage de gendarmerie. Un
grand nombre de conducteurs se sont vus retirer leurs permis de conduire pour
conduite sur sens interdit. Parmi ces infortunés conducteurs, notre ami Bachi
qui était loin de se douter de pareille tuile car il emprunte cette voie sans
problème depuis des mois. C'est aussi le cas des autres usagers qui pensaient
que le code de la route ne s'applique qu'aux routes officiellement mises en
service.
C'est vrai que cette manière de
circuler sur les deux sens sur la voie de gauche alors que la voie de droite est
à sens unique est extrêmement dangereuse. C'est d'ailleurs sur cette voie et
pour cette raison qu'eut lieu le tragique télescopage entre les voitures du fils
de Said Hamoud et de Hamouda (Ali) Adjou que nous avons relaté dans le
forum en son temps... mais il aurait été plus juste que les automobilistes
soient légèrement verbalisés car l'intention infractionnelle n'y était pas.
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