Oeuvre méritoire s'il en est, que celle
accomplie par les jeunes Adjou au cimetière famillial de Si-Essaadi.
Ce lieu de repos éternel qui se situe sur
un tertre gracieusement mis à disposition par un Ghazali à El Mouilha, dans le
prolongement de Chaabet Lakhera, reçoit les dépouilles des Adjou car c'est d'ici qu'ils
ont essaimé.
C'était habituellement une protubérance
hérissée d'oliviers sauvages, de houx, de lentisques et de genêts qu'il faut défricher
pour dégager suffisamment d'espace pour une tombe à chaque décès. Ses limites
étaient sommairement matérialisées du côté est et sud par un grossier fil barbelé
balisant plus la frontière avec la terre arable qui la bordait qu'offrant une quelconque
gêne à l'accès des bêtes et des hommes.
On y avait élevé une masure en terre,
couverte de tuiles et qui servait à protéger les dépouilles en cas d'ondées avant leur
mise en terre mais aussi les hommes qui devaient effectuer cette opération. Ladite masure
étant elle-même mourante du fait deson âge et du manque d'entretien, elle a dû laisser
place à une construction bétonnée, moins empreinte de bucolisme, de calme, de
sérénité et de solennité que la première mais beaucoup plus resistante.
Les jeunes de la famille Adjou, mus par une
pulsion solidariste ou par quelque chauvin défi ont décidé de donner au cimetière une
clôture décente et c'est pas un volontariat renouvelé chaque week-end qu'ils ont
réussi cette oeuvre. Les fonds nécessaires à l'achat des materiaux (piquets,
grillage, tendeurs, fil, ciment, sable, gravier...) ont été requis des adultes à
raison de 1000 DA par futur locataire des lieux, exerçant une activité rémunérée; il
y'eut bien sûr des réticences, des contestations et même des refus déguisés ou
catégoriques de paiement, mais le gros de la famille s'acquitta vaillamment de cette
dîme. Il y'eut aussi des tentatives de découragement, du scepticisme,des ricanements et
des sarcasmes à l'image de cette phrase assassine que lança Si Hamid en plissant
malicieusement les yeux: "vous avez peur qu'ils se sauvent, ces malheureux morts
?" disait il; mais tout le monde sait que Si Hamid, patriarche de la famille,
avait la poitrine gonflée d'un légitime orgueil, peut-être moins pour l'oeuvre en
elle-même que pour l'initiative qui ressoudait les liens entre les membres de son clan.
La clôture a donc été réalisée et,
d'entre tous les cimetières de la région, de Mouahdjar à Boubekeur et de Sidi Athmane
à Sidi Gacem Ben Haroun, celui de Sid-Essaadi exhibe la plus fière devanture donnant à
penser à tout passant qu'il ferait bon s'y faire enterrer.
Gageons que ces jeunes qui se sont dévoués
à cette noble cause, ne sauront pas s'arrêter à cette seule action et iront initier
d'autres opérations du même genre et souhaitons que leur exemple soit suivi pour faire
tâche d'huile auprès des autres tribus et regroupements afin que ce premier geste en
faveur de la sociabilité et de la convivialité soit le prélude à de nombreuses autres
actions qui toucheront non seulement les cimetières, mais aussi tout ce qui a trait aux
incohérences, négligences et isuffisances des autorités locales vis à vis des aspects
liés au bien-être de la société mais aussi à l'ésthétique de nos cités.
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