LE FELLAH ET LES
BUREAUCRATES
El H'Midi tenté par la mise en valeur d'un lopin de terre en
bord d'oued s'est enquis de son propriétaire. Il en a sollicité la location, laquelle
lui fut accordée sans difficultés car ledit lopin n'a jamais été exploité depuis que
le monde est monde vu qu'il se situait littéralement dans le lit de l'oued et qu'il
ressemblait à une hamada avec les pierres qui le jonchaient.
El H'Midi a patiemment épierré le terrain puis il l'a
comblé en bonne terre arable, y a creusé un puits et s'est mis à l'exploiter.
Il y a planté de l'orge et d'autres spéculations
strictement vivrières.
Un jour qu'il moissonnait son orge lors de ces canicules
qu'on appelle "S'mayem", il fut interpellé de la route nationale par un
monsieur bien habillé. Il laissa tomber sa faucille et alla vers le visiteur. Ce dernier
s'est avéré être le subdivisionnaire de l'Hydraulique. Il somma El H'Midi de quitter
les lieux car prétendait-il, le terrain appartenait à l'Etat.
El H'Midi osa formuler quelques réclamations du genre:
"où était l'Etat quand j'épierrais, quand j'amendais, quand je labourais, quand je
semais...et pourquoi se manifeste t'il au moment où je moissonne ?"...
Il n'eut pour réponse qu'un ultimatum.
Il récupéra le titre de location que lui avait délivré le
pseudo-propriétaire et se déplaça à la subdivision de l'Hydraulique... Le
subdivisionnaire toujours sûr de lui ne voulut rien reconnaître en vertu de la loi qui
dirait que le lit des oueds est une propriété privée de l'Etat, incessible,
intransmissible et inviolable...
Il le renvoya vers la Direction des domaines afin de s'y
faire établir un titre de concession pour pouvoir continuer à exploiter cette terre. El
H'Midi y alla et là, on lui établit un contrat pour trois millions de centimes par
année et c'est ainsi qu'il se retrouva doublement locataire de ce lopin...
Le présumé propriétaire en constatant cela intenta une
action auprès du Tribunal pour se voir conforté dans ses prétentions et ce fut El
H'Midi qui alla défendre devant les Juges le caractère public de cette terre car la
Direction des Domaines et celle de l'Hydraulmique firent les non concernées...
Les juges prononcèrent en première instance
l'irrecevabilité de la requête du présumé propriétaire.
El H'Midi revint en fin d'année à la Direction des Domaines
pour reconduire le bail...
Le Directeur refusa de signer le contrat...
Il pretexta le fait que le litige persistait
entre El H'Midi et le pseudo-propriétaire...
El H'Midi continua à réclamer la signature de ce contrat...
il continue à ce jour à se déplacer cycliquement vers la direction des domaines où on
lui répond à chaque fois que le Directeur n'y a pas encore apposé sa signature...
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