POLITIQUE ET BOULITIQUE


Rien ne peut mieux résumer l'activité politique au village que les livres de Gareshi. Et même si on n'y trouve pas trace de Peppone et de Don Camillo, on rencontre de ces spécimen d'homo sapiens qui font de la politique leur métier.

Oh ! politique, c'est un bien grand mot puisqu'il ne s'agit en l'occurrence que de "boulitique".

La "boulitique", c'est l'art de l'intrigue, de la médisance et des petits complots et notre village pourrait en détenir la palme.

Du temps du Parti Unique, un groupe de "bouliticiens" s'est accaparé l'exclusivité de ce qui s'apparentait à de la politique mais qui représentait en réalité une "caution applaudimètrique" aux décisions d'autorité de l'autorité, moyennant le droit de se réunir, de payer des cotisations, d'avoir une carte de militant faute d'autres diplômes ou références, de s'affubler de cocarde ou de brassards  les jours de visite du Président, de ses ministres ou du Wali mais aussi et surtout de passer sans faire la chaîne dans les souk el fellah pour s'approvisionner en amandes, raisins secs et pruneaux.

Et quand Octobre 88 est venu détruire cette culture du m'as-tu-vu et de l'opportunisme, on n'a brusquement plus revu les tonitruants tribuns qui ont fui les feux de la rampe pour fuir le feu tout court.

Ils se sont littéralement "taupisés" durant toute la période de troubles et d'incertitude qui a suivi et, comme des escargots que l'ondée réveille, ils ont commencé à repointer leurs antennes après l'orage.

Les autres forces (forces est en réalité un bien gros mot pour des groupes d'interet sans envergure), tétanisées par le rouleau compresseur du Parti Unique n'ont commencé à sourdre qu'après que les gamins d'octobre l'eussent terrassé.

Et l'on a vu les anciens militants - "intègres, compétents et engagés" - fuir leur ancienne chapelle pour rejoindre les mouvances auxquelles ils n'avaient jamais cessé de croire ou en lesquelles ils croyaient trouver les meilleurs tremplins pour se mettre sur orbite.

La scène politique actuelle, d'une débilité à faire pleurer, se résume à:

 Une majorité parvenue composée d'anciens militants du Parti Unique en rupture de ban et qui a rejoint une rampe plus porteuse. Cette majorité s'est rivée sur le siège de l'APC et se trouve soutenue par:

  les laissés pour compte qui ont cru avoir accédé enfin à la tribune officielle après avoir été interdits d'accès aux gradins.

  des flibustiers qui ne savent naviguer qu'en eau trouble et qui piratent sans vergogne le téléphone de la mairie, sa voiture, les aides à l'autoconstruction, les dons pour indigents, l'emploi au sein de ses services, l'eau qu'elle distribue par ses citernes...

  des girouettes qui ne peuvent concevoir de résister à l'air du temps...

  des affairistes qui s'affairent à squatter les terrains, à occuper  les locaux, à détourner les aides aux agriculteurs, les micro-crédits, l'assistance à l'emploi des jeunes... à leur profit par femmes et enfants interposés...

  des revanchards qui ne sont là que pour empêcher cousins et voisins avec lesquels ils ont comme de bien entendu beaucoup de comptes à régler, à se faire admettre dans la cour du maire.

  De l'autre côté, une opposition hétéroclite n'arrête pas de tirer des plans sur la comète.

  Dirigée par des ambitieux aux dents trop longues mais qui n'ont que leur langue pour faire-valoir, elle charrie tout ceux qui ont une dent contre le maire ou l'un quelconque de ses soutiens. Cette coalition où on trouve des présumés trotskistes alliés à de présumés moudjahidines alliés à de présumés islamistes rejoints par quelques pseudo "socialistes" qu'on compte sur les doigts d'une main,  fait un extraordinaire travail de sape. Elle ne s'embarrasse d'aucun scrupule et prend en charge tout opposant en utilisant tous les moyens dont elle dispose: argent, influence, famille... Elle n'arrête pas de développer les campagnes d'intox et se relève avec une énergie renouvelée à chaque fois qu'on la croit terrassée.
  Ses dirigeants, cadres moyens dans les administrations, n'hésitent pas à exploiter leur mission de service public pour arriver à discréditer la mairie en faisant tout pour ralentir sinon bloquer toutes les initiatives de développement.

Le fossé entre les deux groupes est devenu un véritable canyon qui a englouti littéralement les hommes du juste milieu. Cette situation semble entretenue sciemment par l'administration des échelons immédiatement supérieurs qui n'a jamais joué un rôle modérateur et qui semble trouver son compte puisqu'elle ne se trouve plus dans la situation délicate de l'acteur mais dans celle très confortable du juge et de l'arbitre.

Et rien n'indique que des forces sincères puissent émerger et faire front à la destruction planifiée d'un village qui possède pourtant de si grands atouts mais qui a le malheur de se retrouver entre le marteau des opportunistes et l'enclume des revanchards sous le regard cyniquement amusé  des décideurs...



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