LA SANTE

On ne peut dire que nos villageois ne sont pas en bonne santé.

Qu'est ce donc qui viendrait influer sur celle-ci.

Voici leurs atouts:

- une atmosphère non polluée par le plomb des échappements de voitures puisque, hormis le camion citerne de l'usine d'eau minérale qui ramène quatre fois par jour ses 20 m3 d'eau de rinçage des bouteilles de Kadiria,  les tracteurs qui tractent les citernes pour abreuver la population et les fourgons qui éloignent les gens du village aux premières heures de la matinée pour les lui restituer au crépuscule, il n' y a pas d'autres mouvement sur la route départementale qui traverse le village en son milieu.

- une alimentation frugale infailliblement agrémentée d'un piment "corne de caprin" (garn el maez) qui vous détruit toute velleité de développement bactérien dans les intestins.

- une  eau chaulée et rechaulée puis javellisée au point qu'elle en devient jaune citron et qui ne véhicule rien de vivant.

- du sport en tout temps: le matin pour ramener du pain de chez le boulanger de l'autre quartier, en faisant tout un détour pour que celui du quartier ne vous voie pas, à midi pour courir après les enfants des autres qui viennent piailler devant chez pour vous empêcher  de faire votre sieste   alors que vos propres enfants ne le font pas puisque vous les avez envoyés faire les pirates dans l'autre quartier...

Tous ces ingrédients font que l'on tombe généralement très peu malade chez nous. Les rares pathologies qu'on rencontre sont presque toutes liées à la degenerescence cellulaire due à l'âge mais aussi aux effets des talismans, des préparations de sorcellerie et surtout de l'oeil des envieux.

Les symptômes cliniques vont de la migraine persistante à la diarrhée galopante, des calculs rénaux aux maux de la sphere ORL, de l'état grippal à l'insulino-dépendance.

On essaie de soigner les effets physiologiques en recourant au médecin d'Aomar ou de Kadiria ou aux "spécialistes" qui foisonnent à Bouira. Les visites chez le médecin reconnu par l'état visent aussi à se procurer le certificat médical qui nous permet de vaquer à nos occupations extra-professionnelles sans avoir à en perdre les avantages salariaux. Mais comme toute maladie est psycho-somatique, nous ne nous contentons pas de l'avis du médecin et de son ordonnance dont nous ne consommons jamais la totalité de la prescription... non ! pour compléter notre devoir envers notre santé, nous consultons généralement le taleb de Ain Bessem, Tizi Gheniff ou Taghzout afin qu'il nous délivre de l'origine du mal tant il est vrai que la médecine classique n'en soigne que les effets.

Notre santé nous est d'ailleurs tellement chère que quand nous voulons rassurer notre interlocuteur qui aurait subi un accident materiel de parcours, nous lui disons avec l'air le plus empreint de solennité: "essah'a bark !" (seule la santé compte).

 

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