La
Sexualité
Le
sujet étant tabou, nous l'aborderons en usant de tout ce que les circonvolutions de la
langue nous permettront comme précautions, cela se fera au détriment de sa
compréhension et c'est tant pis ! Peut-être pourrons nous un jour nous mettre au
diapason des sociétés évoluées pour discuter de ces histoires-là sans cette
"pudibondieuserie" ostentatoire, nous qui n'arrêtons pas de nous dire
"ouverts" en affirmant à tout bout de discours: "la h'ya feddine
!"...
Le villageois prend conscience très tôt de son
sexe en prenant connaissance de son importance et de son rôle.
C'est déjà à la naissance que le staut du mâle
s'impose. A la sensation du pourtant maigre attirail qui le distingue de sa soeur, il a
vite fait de réprimer son vagissement car il a conscience que son cri sera eclipsé par
les youyous des femmes qui l'ont sorti de la chaleur matricielle pour l'envoyer subir les
affres de la vie.
On confirmera cette prépondérance lors du prochain
Aïd en faisant sortir la "gassaa" en guise de remerciements à Dieu. La Gassaa,
c'est ce grand plat de couscous (généralement aux raisins secs) qu'on sert agrémenté
d'oeufs durs aux croyants, à la mosquée, à la fin des prières. Elle n'est
pas due pour les filles; c'est dire ce que vaut le mâle ! ...
C'est ensuite la fête du prépuce et son rituel.
Pour le débarrasser de ce morceau de peau superflu, on fait tout un cinéma au pauvre
bambin. Il est extrait de la rue avec des égards inouis, on le chouchoute au point où il
devient le personnage le plus important de la maisonnée. On l'habille en roi et lui qui
se faisait chasser à coups de pierres comme un vulgaire titi, se retrouve
brusquement avec une main carressant ses cheveux à chaque fois qu'un adulte passe à
portée de sa tête. L'enfant doit d'ailleurs prendre réellement conscience de son
importance sociale en notant toutes les preuves de respect que lui doivent les adultes à
cette occasion. Et rien que pour ça, il faut à mon avis continuer à privilégier la
grosse fête à l'occasion de la circoncision et éviter de suivre ceux qui défendent
l'idée du simple acte médical accompli dans l'anonymat d'un cabinet de médecin. La
fête a bien sûr d'autres utilités socio-économiques que nous n'avons pas besoin de
développer mais il est évident que c'est un facteur non négligeable dans la formation
de la personnalité de l'enfant.
Débarrassé de ce morceau de lui même qui le
maintenait enfant, le petit commence à sentir que l'attribut de la masculinité n'a pas
une utilité de simple conduit d'évacuation des trop pleins vessicaux... Il apprendra
d'ailleurs très vite au contact de la rue, les mots qu'il faut utiliser dehors et
se garder de proférer à l'interieur... des mots qui permettent de comprendre que
la relation mâle-femelle est faite non du plaisir de la convivialité et des
interpénétrations mais de la conscience de la domination.
A dix ans, la curiosité est presque totalement
assouvie puisqu'il aura tout vu ou presque et la basse-cour, l'étable ou la nature
environnante dans leurs élans vers la perpétuation de la vie lui auront donné à
comprendre le rôle de chaque genre et la nécessité des convergences périodiques. Il
lui restera à comprendre que ces convergences toutes instinctives qu'elles sont ne
peuvent se faire sans que les partenaires y trouvassent plaisir et sont d'ailleurs chez
les humains, le plus souvent, guidées par des considérations sans rapport avec la
procréation... et il finira par comprendre que c'est cette recherche éperdue de l'autre
qui motive toutes les modes, toutes les extravagances, toutes les folies, toutes les
audaces...
Sous d'autres cieux, la fille subit aussi une
mutilation mais contrairement au garçon, c'est plus pour réfréner ses pulsions
naturelles que pour les assumer... Chez nous, Dieu merci, l'excision n'existe pas et on
rit de bon coeur de cette pratique qu'on dit courante dans des contrées lointaines. Si
elle échappe pourtant à cette honteuse mutilation physique, notre fille n'est pas
épargnée par d'autres mutilations morales qui, pour ne pas être douloureuses n'en sont
pas moins traumatisantes. Mais dame nature faisant fi des sourcils froncés des hommes et
des "ouvre l'oeil ! " vindicatifs des femmes, insuffle infailliblement au sexe
faible les rondeurs et les protuberances qui le fortifieront au point où il
dominera vite le sexe dit "fort" à qui il ne restera que la grande gueule pour
se donner l'illusion de sa domination...
La découverte des corps ne se fait pas sans dégats
psychologiques... faute de découvrir celui de l'autre, abrité derrière des montagnes de
tabous, on découvrira d'abord le sien avant de passer au voyeurisme et à la sublimation
et autre fétichisme qui lui font cortège. Devant l'impossibilité pratique
de faire converger les corps, on se rabattra sur les plaisirs solitaires condamnés
pourtant avec véhémence par les adultes imbus de bigotterie et qui ont oublié qu'ils
furent enfants... L'entretien des corps devient alors une préoccupation de tous les
instants et il arrive très souvent qu'il se fasse au détriment de celui de l'esprit et
c'est pour ça que les déperditions scolaires augmentent de manière directement
proportiennelle aux âges.
Le garçon qui grandit s'inquiète de faire grandir
ses attributs... Tous les bergers connaissent d'ailleurs les vertus de cette plante
miracle qu'on nomme "Sorm El Djadja" et dont le lait permet de donner des
proportions plus que respectables à des engins lamentablement insignifiants même si les
effets sont douloureux et ephémères...
sorm el djadja
C'est à cette époque de première puberté que se
pratique une autre préparation physique qui, je préjuge, est l'apanage de nos
contrées... Cette intervention consiste à conférer plus d'aérodynamisme à certains
objets de pénétration en leur déchirant une languette qui les maintient tête
baissée... L'opération, très douloureuse, ne s'effectue pas à l'aide de
n'importe quels instruments... la perforation de la membrane doit être réalisée avec
cette grosse épine blanche qu'on trouve sur des arbustes défensifs généralement
plantés au bord des voies de chemin de fer... on appelle cette plante
"ennaggar" ou plus simplement "chouk el machina"... La ligature de la
partie à sectionner s'effectue obligatoirement à l'aide d'un poil de taureau qu'on serre
chaque jour un peu plus jusqu'à coupure du frein... Un frein qu'on nomme
"problèmatique" (ichkel)... l'opération en elle-même se nomme d'ailleurs
"coupure de la problèmatique"...
Pendant que le garçon s'ingénie à trouver des
solutions à toutes ses problématiques corporelles dont l'acné n'est pas des moindres,
la fille se forme au contact des femmes qui profitent des moindres occasions pour se
réunir et déblatérer de la sexualité de leurs anges...
A force de déblatérer, les femmes
finissent par trouver les bons partis. Le mariage est alors annoncé et les heureux élus
attendent leur nuit de noce pour consommer dans le sang leur attente... La lune de miel
durera jusqu'au premier enfant puis l'amour s'émoussera jusqu'à devenir un besoin de
simple procréation aussi instinctif que celui du taureau dont le poil a servi à
"lever la problématique"...
écrivez-moi à mjouad@hotmail.com |