Le Sport à
Djébahia...
Il commença avec deux grands messieurs à qui tout
hommage serait insuffisant. Deux "maîtres" de sport qui, du temps de la
colonisation, enseignaient l'éducation physique et sportive aux élèves de l'école
primaire du temps de Monsieur Pache et de Guy Carrillo. Ils avaient pour noms:
AYOUCHE et ABBAS. C'est avec eux que les jeunes de l'époque avaient appris non seulement
les rudiments du football mais aussi les différentes épreuves de gymnastique. Mais les
plus beaux moments qu'ils nous faisaient passer furent ces randonnées durant lesquelles
on chantait au vent, des comptines comme celle du marin:
"eh marin prend la barre
vire au vent et largue les ris
le vent te raconte l'histoire
des marins couverts de gloire
tu l'appelles et tu te le suis
sur mer et sur terre
au pays comme à l'étranger
marin sois fidèle à tes frères
car tu as promis naguère
de servir et protéger....etc
sur les rives lointaines
que tu rêves tant d'explorer
vas t'en droit sans fuir la peine
et sois fier de naviguer..."
A l'époque, on alla jusqu'à installer un portique
au milieu de la place publique; un ban de sable pour le saut en hauteur et en longueur et
une potence à laquelle on accrochait une grosse corde pour le "grimper". C'est
le tube de cette potence qui servit de hampe au premier drapeau algérien dont
l'emplacement fut choisi juste en face de la maison de "Claude" (aujourd'hui
"Dar Si Ali").
A l'indépendance, un curieux sport prit de
frénésie toute la jeunesse. "ERREKLA"... Ses joutes se déroulaient aussi bien
sur les oliviers, le long de la clôture de la place en gros grillage ondulé* que
sur les mûriers des bords de route. Les batailles se passaient en tête à tête ou en
équipes et consistaient en ... coups de pieds !
Il n'y avait pas de règles ni d'arbitres et les
combats duraient jusqu'à abandon d'un belligérant. Le potentiel d'agressivité latent en
chacun, trouvait dans ces coups un extraordinaire exutoire au point où la violence
juvénile était presque totalement absente en dehors de ces jeux. C'est d'ailleurs ce jeu
qui donna son surnom à Fatah... Il prétendait pouvoir administrer des coups à la
vitesse de "la 24" (un fusil mitrailleur dont les maquisards parlaient avec un
grand respect); quand il se faisait rosser, Fatah criait "tah'ya errab3a ou
3achrine" (vive la 24 !) et c'est ce qui lui dût d'être surnommé "24" à
ce jour et jusqu'à la fin de sa vie.
Il y'avait aussi un autre jeu que seuls les bergers
d'El Madjen pratiquaient, c'est le ski sur piste en terre. La piste d'El Madjen, très
inclinée et toute en douce argile s'y prêtait fort bien avec sa longueur de plus de 300
m. Le jeu s'arrêta brutalement quand une bande de mauvais plaisantins parsema le parcours
de débris de verre et de tessons de bouteilles. Les témoins de ce qui s'est passé le
lendemain parlent d'une rivière d'hémoglobine.
El Madjen. Avant l'indépendance c'était un terrain
de pacage où paissaient toutes les bêtes de la contrée. La piste de "ski"
descendait d'entre les deux jujubiers jusqu'au marais en contrebas. Le terrain fut
"mis en valeur" en 1964 à coup de gros labours. Il est aujourd'hui propriété
d'une exploitation agricole collective (EAC) qui, totalement à court d'argent et
d'idées, ne sait y faire que des foins et des céréales qui ne donnent rien ou presque.
On ne peut passer sous silence deux autres grands
sports de nos contrées: "EL MATRAG" et "TAKOURINE".
Le premier, une forme d'escrime, utilisait un bâton
(ou une canne) en guise d'épée. On y allait très fort et tous les coups étaient permis
mais il était très rare de constater des dégâts car les sportifs maîtrisaient
parfaitement l'art de l'esquive. Le côté le plus spectaculaire du jeu résidait dans la
manière avec laquelle les "sportifs" faisaient tournoyer et virevolter leurs
armes. Quant à "TAKOURINE", c'est une sorte de bataille de boules de neige mais
à défaut de neige, on utilisait des boules d'argile moins clémentes et dont nombre de
jeunes d'alors gardent encore les effets sur leurs yeux ou leurs dents car certains
joueurs vicieux à l'image de Kerfali Smail n'hésitaient pas à enrober des pierres dans
l'argile...
En 1971, Bouzid Hamoudi, Messaoud Adjou, El Filali,
Kharmez (ou l'H'entess les deux surnoms sont permis), Bouzetine Omar, El Gaucher, Said
"La puce" et nombre de jeunes créèrent une équipe de Foot Ball après que
Filali et Nakrache eurent obtenu les clefs d'un local désaffecté des mains de Monsieur
Sobaïhi, le maire de l'époque (Djébahia dépendait de Kadiria). Pour l'histoire, le
consensus se fit sur le nom ARD (Amal Riadhi de Djebahia) proposé par Bouzetine Omar.
L'équipe draina tous les jeunes de la commune et
d'ailleurs et constitua une extraordinaire occupation des curs et des corps de toute
la jeunesse malgré les maigres résultats de sa première année d'existence. Les
déplacements se faisaient sur les 404 camionnettes, le camion à benne d'EL ASMI ou sur
le car poussif de BORDJO ou sur le fourgon fermé de AHMED DOUKKARI.
Le bleu et blanc furent choisis comme couleurs de
l'équipe et la première tenue des juniors ne coûta pas grand chose puisqu'elle fut
constituée de simples culottes blanches et de tricots de peau sur lesquels la mère de
Bouzid cousit des lisérés bleus.
Nous raconterons un jour l'histoire détaillée de
cette équipe, de ses joueurs qui avaient pour noms Costache, El Gaucher, Trad Boualem,
Nacer Assimi, Rachid Seghir (Kouici), Slimane l'avion, Bacha, Salah Smaili, Bouzid,
Messaoud, Omar Bouzetine, Boualem Meddahi, Boualem Dermouche, Moh lounés, Ahmed Azzouz,
Mohamed Azzoug, Lachehab, feu Belgacem Mahfoud, Feu Sahnoune Boualem, Kharmez, Said
"La Puce" (que Mahfoud Tchalani appelait Said "la piste") et son
frère Omar, Regroug et Moh Guebili, Kadira... que ceux que j'ai oubliés m'excusent et me
le fassent savoir pour leur rendre l'hommage qu'ils méritent.
Il y'eut aussi des dirigeants dont certains furent
pleins d'abnégation et d'autres dépassés par l"ampleur de leur tâche; nous
citerons pêle mêle: Bennaamane, Chachou, Saadi Boualem, Filali, Djebri Hamid, Bouzid,
Aissa Hamana, Messaoud...
Il ne faut pas oublier aussi les plus fidèles des
supporters: Mahfoud Tchalani, Saoud, "Tamal" Messaoudi, Slimane Taoutaoui, Omar
Guerrache et bien d'autres.
L'ARD entretint la chronique locale durant une
vingtaine d'années puis se "fonctionnarisa" littéralement et devint un enjeu
politique. Elle eut encore des heures de gloire sous la férule de Amar Touhami (Rabet)...
aujourd'hui elle continue cahin caha à animer le championnat de la région mais sans
attirer les foules comme autrefois. Ses dirigeants et joueurs doivent certainement ignorer
ce que subirent leurs prédécesseurs pour créer une équipe alors que le village
dépendait d'une autre commune, ce qu'ils durent éprouver face à la main de fer du parti
unique, comment on les embarqua manu militari dans les années 60 pour leur faire passer
une journée à la brigade de gendarmerie (ces jeunes là furent pour l'histoire, les
premiers protestataires victimes de la répression), ce qu'ils ont dû faire pour
empêcher le stade de servir de terrain d'assiette à des constructions (lire l'histoire) etc...
La scène sportive actuelle reste dominée par cette
équipe; elle a négligé des graines de champions qui auraient pu monter sur les plus
hautes marches des podiums surtout dans les courses de fond. Si on s'était occupé d'un
BOUSBA ou d'un BOUDAKA, on aurait créer de superbes MORCELLI...
La satisfaction vient quand même de l'équipe de
YOSEIKAN BUDO qu'entraîne le jeune Fatah Ouaïl que par respect tout le monde appelle
"ECHIKH FATAH"... C'est bien vrai que nombre d'opportunistes gravitent autour de
cette équipe mais elle a le mérite d'avoir à son actif des performances qui en font
l'une des meilleures du pays. Cette équipe compte même des champions d'Algerie dans
certains poids (lire la chronique villageoise à la date du 20
janvier 2002). Il faut espérer qu'elle puisse continuer dans cette voie, ce qui n'est pas
évident quand on sait les turbulences de la scène politique locale et leurs
répercussions sur ces activités très porteuses... politiquement.
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